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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4319/2021

ATAS/1036/2022 du 28.11.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4319/2021 ATAS/1036/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 28 novembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1973, est mère célibataire de deux enfants, nées respectivement en 1994 et 1998. Durant sa carrière, l'assurée a essentiellement œuvré en tant que secrétaire et assistante juridique à temps partiel. En dernier lieu, elle a occupé un poste d’assistante dans une étude d’avocats, à 60% de 2014 à fin 2015, puis à 80% dès janvier 2016. En parallèle à son activité professionnelle, l'assurée a entrepris des études universitaires de 2008 à 2015, en vue d'obtenir un Master européen en formation des adultes (FPSE).

B. a. Le 21 juin 2019, suite à une incapacité de travail prolongée, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

b. Dans un rapport du 29 juillet 2019, la doctoresse B______, médecin psychiatre traitante, a fait état de troubles dépressifs majeurs avec répercussions somatiques. Sa patiente présentait des symptômes cognitifs (concentration, mémoire), ainsi que des difficultés dans la planification et la programmation des tâches ; sa capacité de travail était nulle.

c. Mandaté par l'assureur-accidents, le docteur C______, psychiatre, a rendu un rapport d'expertise en date du 25 octobre 2019, concluant à un état dépressif moyen et à une capacité de travail nulle au jour de l'expertise, mais entière dès janvier 2020. L'expert recommandait l'introduction d'un antidépresseur.

d. Le 12 décembre 2019, le Dresse B______ a émis l'avis qu'une reprise à 100% le 1er janvier 2020 serait prématurée. Sa patiente demeurait fragile et la prise d'antidépresseurs avait entrainé des effets secondaires importants. Elle suggérait pour sa part une prolongation de l’arrêt maladie jusqu’au 31 janvier 2020, puis à 50%.

e. Dans un rapport du 7 février 2020, la doctoresse D______, médecin traitant spécialiste en médecine interne, a fait état de nombreuses problématiques digestives (dues à des intolérances alimentaires), dans un contexte socio-professionnel extrêmement stressant, d'une symptomatique dépressive depuis un burn-out, en 2017, d'une tolérance réduite au stress, de troubles de la concentration et d’une labilité émotionnelle, avec présence d'un syndrome somatique. Elle a retenu les diagnostics incapacitants d’état dépressif majeur avec syndrome somatique et de gastrite et évalué la capacité de travail de sa patiente à 0% dans toute activité.

f. Le 12 juin 2020, la Dresse D______ a posé les diagnostics de probable état dépressif, possible trouble de la personnalité de type borderline et possible trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Au titre des limitations fonctionnelles, elle a énuméré une tolérance réduite au stress, des troubles de la concentration, une tendance à la dispersion psychique et une labilité émotionnelle. Elle a précisé qu’un traitement d'atomoxétine avait été introduit spécifiquement pour le TDAH. La prise de Quetiapine avait été tentée à des doses faibles, mais il y avait été renoncé en raison d'une sédation très importante. La capacité de travail demeurait nulle dans toute activité lucrative.

g. Dans un rapport du 21 juillet 2020, le docteur E______, médecin généraliste, a fait état d’un possible trouble de la personnalité et qualifié la capacité de travail de l'assurée de nulle, renvoyant pour le surplus à l'avis du docteur I______, psychiatre traitant.

h. Celui-ci, dans un rapport du 21 septembre 2020, a confirmé la présence d'un TDAH, aggravé par un trouble dépressif chronique d'intensité moyenne péjorant globalement la capacité de régulation émotionnelle, la labilité et, conséquemment, le TDAH. Il préconisait la mise en place d’un traitement antidépresseur, l’atomoxétine n’étant pas suffisante.

i. Le 2 novembre 2020, la doctoresse F______, hépatologue, a posé les diagnostics de petite hernie hiatale par glissement de 2 cm et discrète béance cardiale, non compliquée, antropathie érythémateuse d'intensité discrète.

j. Dans un rapport du 3 novembre 2020, la doctoresse G______- psychiatre traitante de février 2020 jusqu’au début de la prise en charge spécifique du TDAH par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) – a fait état d’un trouble dépressif récurrent, épisode modéré à sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), d’un dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme du système intestinal (F45.32) et de troubles hyperkinétiques et de l'attention (F90.0). L’évolution était décrite comme favorable, grâce à la mise en place d’un traitement de Strattera cependant difficilement toléré d'un point de vue digestif et entrainant des vomissements une à deux fois par semaine. Les symptômes suivants étaient mentionnés : tristesse, troubles de la concentration, dévalorisation, ralentissement psychomoteur, pessimisme, aboulie, épuisement physique et psychique. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : fatigue, troubles de la concentration, déficit de l'attention, anxiété, ralentissement psychomoteur, trouble digestif somatoforme, labilité émotionnelle, tolérance réduite au stress. Le traitement consistait en un suivi psychiatrique et en la prise de Strattera (atomoxétine) et d'Escitalopram. La capacité de travail était nulle dans toute activité lucrative, étant précisé que l'assurée pourrait probablement reprendre progressivement, à moyen ou long terme, une activité professionnelle adaptée à son état de santé.

k. Sur mandat de l’OAI, le docteur H______, psychiatre et psychothérapeute, a réalisé une expertise psychiatrique le 21 juin 2021. Il a retenu à titre de diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail : des troubles dépressifs récurrents d'intensité moyenne avec syndrome somatique depuis janvier 2019 (F33.11) et un trouble panique (F41.0). Il a également mentionné, en précisant qu'ils étaient sans incidence sur la capacité de travail : une dépendance éthylique ou au cannabis (F19.26), un trouble mixte de la personnalité (F61) ainsi qu'un trouble de l'attention avec hyperactivité (F90).

Le Dr H______ a évalué la capacité de travail dans l’activité habituelle à 50% sans baisse de rendement (ou 100% avec une baisse de rendement de 50%) depuis janvier 2019 (p. 52 de son rapport). Il a précisé que la capacité de travail pouvait probablement augmenter à 100% après un an, moyennant la mise en place d’un sevrage, considéré comme exigible, et un changement d’antidépresseur (p. 53). Au titre des limitations fonctionnelles - qualifiées de modérées mais présentes -, il a mentionné des troubles légers et modérés de la concentration avec isolement social partiel, ainsi qu’un ralentissement psychomoteur modéré, alternativement une agitation affectant négativement la vitesse à effectuer les tâches (p. 50).

l. Le 29 juin 2021, le service médical régional de l’assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) a fait siennes les conclusions de l’expert, considéré qu'un changement d’antidépresseur et un sevrage aux substances étaient raisonnablement exigibles, et suggéré une révision médicale un an plus tard.

m. Le 1er juillet 2021, l’OAI a adressé à l'assurée un projet de décision dont il ressortait qu'il envisageait de lui reconnaître le droit à un quart de rente d'invalidité. L'assurée, à laquelle il reconnaissait le statut de personne active à 80%, était, depuis le 1er janvier 2019, dans l'incapacité d'exercer à plus de 50% son activité habituelle d’assistante ou toute autre activité adaptée. Son degré d’invalidité était de 40% (incapacité de 50% pour un taux d'occupation de 80%).

n. Le 6 septembre 2021, l'assurée a contesté ce projet en faisant valoir que l’exercice de son activité habituelle de secrétaire n'était plus exigible, au vu d'un rapport du Dr I______ du 27 août 2021, qu'elle produisait. Quant à l'exercice d'une activité adaptée, il entraînerait un risque de péjoration de l’état de santé, également attesté par le Dr I______. Selon elle, il aurait fallu, pour évaluer concrètement sa capacité de travail, mettre sur pied une mesure d'observation professionnelle. Elle reprochait à l’OAI de n'avoir pas suffisamment instruit la question de la nature de l’activité adaptée, ni celle de l'abattement et de la baisse de rendement, étant rappelé que le TDAH péjorait à tout le moins le rendement dans toute activité professionnelle. Dans la mesure où l'ancienne activité n'était plus exigible, il était surprenant qu'aucune mesure de réinsertion ou de reconversion professionnelle ne lui soit proposée. En définitive, elle estimait ne disposer d'aucune capacité résiduelle de travail et concluait à l'octroi d'une rente entière, voire, à défaut, de mesures professionnelles.

Dans son rapport du 27 août 2021, le Dr I______ faisait état d’une incompatibilité fondamentale entre l’activité habituelle de sa patiente et sa vulnérabilité - exprimée sous la forme du TDAH et d’une personnalité à traits émotionnellement labiles. Selon le psychiatre, l'assurée restait dans l'incapacité totale d'exercer son activité habituelle. L'exercice d’une activité adaptée -n’impliquant pas de charge administrative caractéristique du métier de secrétaire serait éventuellement envisageable à temps partiel, moyennant la mise en œuvre d’un projet de réinsertion professionnelle.

o. Le 21 septembre 2021, le SMR a estimé que ce rapport n’apportait aucun élément objectif justifiant que l'on s'écarte des conclusions de l’expert psychiatre.

p. Par décision du 24 novembre 2021, l`OAI a reconnu à l'assurée le droit à un quart de rente d'invalidité à compter du 1er janvier 2020.

Il a argué que, dans la mesure où les limitations liées à l’atteinte à la santé de l’assurée avaient dûment été prises en compte dans le cadre de la limitation de la capacité de travail à 50%, il n’y avait pas lieu de retenir en sus une quelconque baisse de rendement, d’ailleurs explicitement écartée par l’expert.

La nécessité d'un éventuel abattement était niée, la capacité de travail résiduelle s’entendant dans l’activité habituelle.

Pour le même motif, il n’y avait pas lieu d’octroyer des mesures professionnelles.

C. a. L’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

En substance, elle argue tout d’abord que le dossier n’a pas suffisamment été instruit sous l’angle médical. L’expertise du Dr H______ est selon elle peu claire à divers égards et omet des éléments importants attestés par ses médecins traitants, tels que l’incompatibilité de l’activité habituelle avec les limitations retenues et l’influence des symptômes somatiques (grande instabilité gastrique, céphalées et fatigue chronique) sur sa capacité de travail et de rendement dans toute activité.

Elle reproche en outre à l'intimé de n'avoir ni défini ce en quoi pourrait consister précisément une activité adaptée et le taux auquel son exercice pourrait être exigé, ni examiné la question d’une diminution de rendement dans une telle activité au vu des effets secondaires occasionnés tant par son traitement actuel que par celui préconisé par l’expert.

La recourante sollicite la mise sur pied d'une expertise médicale bidisciplinaire en psychiatrie et rhumatologie, ainsi que la mise en œuvre de mesures d’observation professionnelle.

Elle soutient par ailleurs que c’est à tort que l’intimé a calculé son taux d’invalidité selon la méthode mixte, alléguant que, sans atteinte à sa santé, elle aurait exercé une activité lucrative à plein temps et non à 80%.

Enfin, elle évoque l’aggravation de son état dépressif et de son TDAH, lesquels correspondraient depuis octobre 2021 à une forme grave, péjorant de manière importante sa capacité de travail, au point qu'il n'en existerait désormais aucune, quelle que soit l’activité envisagée.

À l'appui de sa position, la recourante produit notamment un rapport du Dr I______ du 17 décembre 2021 attestant de la péjoration de son état de santé, tant au niveau des syndromes dépressifs que du TDAH. Il en ressort aussi que le traitement médicamenteux a dû être modifié suite à l’inefficacité du précédent. La recourante prend désormais de l'Elvanse, qui entraîne des effets secondaires (céphalées de tension, nausées, bruxismes, etc.). Le psychiatre fait encore état d’une grave baisse de rendement « en lien avec l'instabilité clinique actuelle, le syndrome dépressif et anxieux avec manifestation somatoforme et le TDAH décompensé ». La capacité de travail est décrite comme pratiquement nulle, éventuellement de 20 à 30% (deux à trois demi-journées) dans une activité adaptée, composée de tâches concrètes, basées sur l'action (pas d'activité administrative ou organisationnelle). Le cahier des charges devra en outre être prévisible, bien clair et structuré, sans imprévus, ni variations, dans une ambiance de tranquillité et de bienséance, sans trop d'exigences ou d'attitudes critiques de la hiérarchie.

La recourante produit également un rapport médical de la Dresse D______ du 20 décembre 2021 relevant au niveau somatique les affections suivantes : atopie avec polysensibilisation, allergies croisées orales (fruits), asthme bronchique allergique, trouble ventilatoire restrictif léger, côlon irritable, avec diverses intolérances alimentaires, gastrite, dysfonction neurovégétative somatoforme du système intestinal, lombalgies communes récidivantes et affections dermatologiques, notamment lichen plan. En découlent les limitations fonctionnelles suivantes : troubles de l'attention et de la concentration, agitation et dispersion psychique, sensibilité au stress, labilité émotionnelle. La capacité de travail est jugée nulle dans l’activité habituelle. Dans une activité adaptée - décrite comme devant s'effectuer sans stress, ni gros efforts de concentration ou d'organisation -, le médecin dit pouvoir envisager une capacité de travail réduite à augmenter progressivement, en précisant que le rendement serait probablement diminué. Le pronostic est décrit comme incertain, notamment du fait du récent changement médicamenteux.

b. Invité à se déterminer, l'intimé, dans sa réponse du 18 janvier 2022, a conclu au rejet du recours.

Il estime que le rapport d’expertise doit se voir reconnaître pleine valeur probante. Comme relevé par le SMR dans un avis du 10 janvier 2022, la recourante ne fait état d’aucun élément objectif permettant de s'en écarter. Des mesures d'investigation complémentaires seraient inutiles.

Pour le surplus, l’intimé considère que l’application de la méthode mixte est justifiée, la recourante ne produisant à l'appui de ses dires aucun document susceptible de retenir un statut d’active à 100%. Il apparaît, au contraire, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, que la recourante n'aurait pas exercé une activité à temps plein sans atteinte à la santé.

c. Dans sa réplique du 10 février 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle produit une candidature d’octobre 2015 pour un poste à 100% en tant que secrétaire de direction, une fiche de salaire de la Hochschule de Lucerne faisant état de 25 heures de travail effectuées en mars 2019 et une inscription du 16 juillet 2019 auprès du Service des remplacements de l’enseignement primaire (SeREP).

d. La Cour de céans, après examen du dossier, a avisé les parties qu’elle envisageait la mise sur pied d’une expertise et leur a accordé un délai pour se déterminer sur la mission d’expertise et faire valoir d’éventuels motifs de récusation.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur la quotité de la rente à laquelle la recourante peut se voir reconnaître un droit.

7.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.2 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-            Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.           Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.           Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.           Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-            Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

9.             Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

9.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

10.         Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. A défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.         En l’espèce, la recourante reproche notamment à l’intimé de ne pas avoir suffisamment instruit le dossier. Elle soulève à cet égard essentiellement des griefs à l’encontre de l’expertise du Dr H______, à qui elle fait grief, notamment, d’avoir retenu le diagnostic de trouble dépressif avec syndrome somatique (cf. expertise, p. 45), sans pour autant analyser ce dernier aspect, ni les effets sur sa capacité de travail et son rendement. Elle s'étonne également que, tout en admettant le TDAH, l’expert estime, sans examen approfondi et contrairement à l’avis de la Dresse D______ et du Dr I______, qu’il n’est pas incapacitant. Enfin, elle estime que les effets secondaires des différents traitements sur sa capacité de travail et de rendement n’ont pas non plus fait l’objet d’une analyse.

13.         Il convient donc d’examiner la valeur probante de l'expertise sur laquelle se fonde la décision litigieuse.

La Cour de céans relève tout d’abord qu’à la forme, l’expertise du 21 juin 2021, qui comprend les données objectives du dossier - soit les pièces médicales, les données subjectives de l’assurée, l'anamnèse, l'examen psychiatrique – comporte une partie relative à l’analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents, ainsi que des conclusions et réponses claires aux questions. Elle remplit ainsi tous les réquisits jurisprudentiels. L’aspect formel ne semble d’ailleurs pas critiqué par la recourante.

14.         Pour ce qui est du fond, la Cour de céans relève que, pour diverses raisons, l’expertise et les résultats auxquels elle aboutit ne sont pas convaincants.

14.1 Au niveau des diagnostics posés, tout d’abord et comme le relève la recourante, l’expertise retient notamment des troubles dépressifs récurrents moyens « avec syndrome somatique » (expertise p. 32, p. 35 et p. 45), sans expliquer ou analyser ce dernier, ni ses éventuels effets sur l’exercice d’une activité lucrative et ce, alors même que l’expert nie pourtant tout trouble somatoforme « à défaut de plaintes douloureuses sans substrat organique suffisant » (expertise p. 41).

14.2 À cet égard, on notera pourtant le diagnostic de dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme du système intestinal (F45.32) posé par la Dresse G______(rapport du 3 novembre 2020) et qui sera confirmé ultérieurement par la Dresse D______ (rapport du 20 décembre 2021).

14.3 Ensuite, la manière dont les indicateurs jurisprudentiels sont abordés et analysés par l’expert est, à divers égards, peu intelligible et paraît peu conforme aux exigences posées par la jurisprudence.

Ainsi sous l’axe personnalité par exemple, l’expert se contente de répéter les diagnostics précédemment retenus et de souligner que les « troubles de la personnalité présents depuis le début de l'âge adulte n'ont pas empêché une formation, ni un travail sans limitations dans le passé » (expertise p. 47), sans se prononcer sur les ressources personnelles dont bénéficiait l'assurée durant la période sous examen, soit dès janvier 2019, moment de la péjoration de son état de santé.

S'agissant des comorbidités, l’expert indique uniquement que « les comorbidités psychiatriques [susmentionnées] sont des troubles qui entrainent des limitations fonctionnelles modérées depuis janvier 2019 mais pas auparavant chez une assurée qui a pu se former et travailler sans limitations dans le passé » (expertise p. 47), sans motiver davantage sa position. En outre, la référence à la période antérieure à 2019 est à nouveau peu pertinente.

Concernant encore le critère du succès ou de la résistance au traitement, l’expert fait état d’un traitement peu adéquat, compte tenu de l'absence de sevrage (expertise p. 46). Il estime que le pronostic d’une reprise professionnelle « reste mitigé et dépend avant tout de la motivation de l'assurée à reprendre une activité professionnelle, après un sevrage » qu’il considère comme exigible (expertise p. 49). À nouveau, la position de l’expert est peu convaincante. Elle met en effet l’accent sur l’augmentation de la consommation d’alcool qu’il fait remonter - à tort - antérieurement à l’aggravation de l’état de santé de janvier 2019. En outre, il recommande un changement de traitement sans examiner la question des importants effets secondaires de ceux précédemment pris par la recourante (rapports du Dr I______ du 21 septembre 2020, de la Dresse B______ du 12 décembre 2019).

14.4 Plus important, au-delà de ces lacunes dans l'examen des indicateurs, leur analyse et les conclusions qui en sont tirées quant à la capacité de travail et de rendement ne sont pas suffisamment convaincantes au vu du dossier.

Ainsi, en substance, la synthèse des capacités, ressources et difficultés fait uniquement état de ce que « les indices de gravité des troubles psychiques notamment des troubles selon la jurisprudence du 30 novembre 2017 et de juillet 2019 sont remplis depuis janvier 2019 au présent pour une capacité de travail de 50%. Les troubles susmentionnés, existants selon les critères diagnostiques de la CIM-10, ont provoqué depuis janvier 2019 au présent des limitations fonctionnelles modérées mais significatives cliniquement dans le sens d'un ralentissement psychomoteur modéré, ou une agitation qui font que tout lui prend plus de temps qu'auparavant, des troubles modérés ou légers de la concentration ou plus intenses lors des abus de toxiques, d'une fatigue objectivable, d'une tristesse modérée présente la plupart de la journée, d'une faible estime de soi, avec isolement social partiel, avec attaques de panique, mais sans anhédonie totale mais partielle, avec impulsivité et intolérance à la frustration » (expertise p. 49).

14.4.1 Ces limitations semblent difficilement compatibles avec l’évaluation subséquente d’une capacité de travail à 50%, sans diminution de rendement, dans l’activité habituelle de secrétaire juridique, vu les exigences liées à un tel poste, notamment en termes de stress, de concentration et de fiabilité.

La position de l’expert à cet égard, non motivée, est par ailleurs en contradiction avec les avis des médecins traitants, qui n’ont jamais reconnu à leur patiente une quelconque capacité de travail dans son activité habituelle, envisageant, dans le meilleur des cas, une capacité future après réadaptation dans une activité adaptée (cf. notamment les rapports du 7 février 2020 de la Dresse D______ et du 3 novembre 2020 de la Dresse F______).

La position de l'expert est également mise à mal par les rapports postérieurs à l’expertise où, tant le Dr I______ que la Dresse D______, considèrent que les limitations fonctionnelles interdisent complètement à leur patiente l’exercice de son activité habituelle et tout travail impliquant une charge administrative caractéristique du métier de secrétaire. Ainsi, selon le Dr I______, seule serait éventuellement envisageable à 20 à 30% (deux à trois demi- journées) une autre activité à un poste adapté, composée de tâches concrètes basées sur l'action (pas d'activité administrative, organisationnelle), avec un cahier des charges prévisible, clair et structuré, sans imprévus, ni variations, dans une ambiance tranquillet et à l'abri de toute exigence ou critique de la hiérarchie (cf. rapport du 17 décembre 2021). La Dresse D______ abonde dans le même sens, préconisant un milieu sans stress, ne nécessitant pas de gros efforts de concentration, ni d'organisation, ce qui permettrait une capacité de travail réduite, pouvant être augmentée progressivement, avec un rendement probablement diminué (cf. rapport du 20 décembre 2021).

Certes, ces avis émanent des médecins-traitants. Force est cependant de constater que l’appréciation du Dr H______ est également contredite par l'avis de l’expert mandaté par l’assureur-accident, qui a vu la recourante le 23 octobre 2019 et lui a reconnu une incapacité totale à exercer son activité habituelle. Il est vrai que cet expert envisageait, à l’époque de la rédaction de son rapport, le recouvrement possible d'une pleine capacité début 2020 (cf. expertise du Dr C______ du 25 octobre 2019), mais il apparaît que ce pronostic ne s'est pas confirmé. Au contraire, il ne semble y avoir eu aucun progrès, le Dr H______ faisant lui-même état d’une évolution stationnaire depuis janvier 2019 (cf. expertise p. 49), ce que corrobore le dossier.

Au vu des éléments qui précèdent, les conclusions de l’expert quant à la capacité de travail dans l’activité habituelle paraissent pour le moins sujettes à caution.

D'autant que l’expert semble les fonder uniquement sur deux éléments, répétés plusieurs fois au cours de l’expertise : le fait que la recourante puisse mener à bien des activités variées, dont son ménage, durant une journée type et qu’elle a, par le passé, toujours pu travailler et se former, malgré les atteintes à sa santé. Il déduit de ces éléments que le trouble de l’attention n’est pas décompensé (cf. expertise p. 51) et qu’il n’a pas d’incidence sur la capacité de travail (cf. expertise p. 43), que, d’une manière générale, la gravité des troubles est modérée, tous comme les limitations fonctionnelles (cf. expertise p. 52), et, enfin, que la dernière activité d’assistante dans une étude d’avocats est adaptée à l'état de santé et peut être exercée à 50% sans baisse de rendement ou à 100% avec une baisse de rendement de 50% (expertise p. 52).

L’expert en veut pour démonstration que l’intéressée « peut faire les courses, préparer les repas, le ménage, l'administratif, [qui] peut garder des enfants contre d'autres services mais sans payement, [qui] entretient des relations positives avec des membres de sa famille, avec des amis malgré un isolement social partiel mais pas total, [qui] fait des promenades, de la lecture, regarde la télévision, fait du bricolage, de la couture, surfe sur internet, part en vacances à l'étranger, etc. » (cf. expertise p. 25). Cependant, outre le fait que l’expertisée, qualifiée de cohérente par le Dr H______ (cf. expertise p. 47), explique que ces activités lui prennent toutes plus de temps, du fait du ralentissement ou de l’agitation (cf. expertise, p. 22 et p. 23), on relèvera qu'elles ne sont guère comparables aux exigences et au stress auxquels la recourante serait confrontée dans son activité habituelle d’assistante au sein d’une étude d’avocats. Cette nuance n’est absolument pas abordée par l’expert. Elle paraît pourtant importante, notamment au vu des divers rapports médicaux faisant état, depuis début 2019, de difficultés de concentration, pertes de mémoire (cf. rapport du 29 juillet 2019 de la Dresse B______), tolérance réduite au stress (cf. rapport du 7 février 2020 de la Dresse D______, rapport du 3 novembre 2020 de la Dresse G______), troubles de la concentration, déficit de l’attention et anxiété (labilité émotionnelle et tendance à la dispersion psychique). Elle l’est également au vu des limitations fonctionnelles retenues par l’expert et rappelées ci-avant.

En résumé, la conclusion du Dr H______ quant à la capacité de travail dans l’activité d’assistante juridique est difficilement compréhensible, d’autant qu’elle n’est pas argumentée. Comme déjà relevé, le seul fait, maintes fois répété par l’expert (cf. expertise p. 15, 25, 32, 36, 38, 43, 47, 51), que, jusqu’à sa rechute dépressive, début 2019, la recourante a travaillé, s’est formée et a géré son quotidien, malgré les atteintes à sa santé et sans limitations fonctionnelles significatives, n’est pas pertinent. En effet, tous les autres experts et médecins s’accordent sur le fait que l’état de santé de l'intéressée s’est détérioré en janvier 2019, ce qui a entraîné l’incapacité de travail à l’origine de la demande de prestations. En toute logique, au vu de cette aggravation, la situation professionnelle et personnelle de la recourante postérieurement à janvier 2019 n’est pas comparable à celle qui prévalait auparavant.

14.5 Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour de céans considère que l’expertise du Dr H______ ne revêt pas une valeur probante suffisante permettant notamment de déterminer, à satisfaction de droit, le caractère incapacitant des diagnostics qu’elle retient, l’étendue d’une éventuelle capacité résiduelle de travail et de rendement dans l’activité habituelle de secrétaire juridique, cas échéant dans une autre activité, adaptée, tenant compte de limitations fonctionnelles claires.

Les rapports des médecins attestant d’atteintes à la santé ne suffisent pas non plus à trancher la cause, eu égard à leur faible densité de motivation, notamment quant aux éventuels effets des possibles diagnostics de dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme du système intestinal (F45.32), de dépendance éthylique et au cannabis avec utilisation épisodique (F19.26) et des effets secondaires des différents traitements envisageables. Il manque également les éléments permettant de juger des interactions entre les différentes atteintes retenues (comorbidités).

15.         Il se justifie donc d’ordonner une nouvelle expertise en psychiatrie. Celle-ci sera confiée au Professeur J______. En l’état et au vu de la nature des atteintes à la santé documentées, il ne semble en revanche pas pertinent de donner suite à la requête - non motivée - de la recourante, visant à ce que cette expertise comporte également un volet rhumatologique.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de Madame A______.

Commet à ces fins le Professeur J______, FMH en psychiatrie et psychothérapie, p.a. K______), à Genève.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.    Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.     Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs D______, G______ et I______.

C.     Examiner et entendre la personne expertisée, si nécessaire, ordonner d’autres examens et s’entourer d’avis de tiers.

D.    Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.      Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.      Plaintes de la personne expertisée

3.      Status clinique et constatations objectives

4.      Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 L'état de santé de la personne expertisée s'est-il amélioré/détérioré depuis le 1er janvier 2019 ?

4.5     Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6     Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7     Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.8     Effectuer un dosage sanguin des psychotropes que l’assurée utilise et, en cas de dépendance à des substances psychoactives ou de suspicion de dépendance, effectuer des dosages sanguins/urinaires des dites substances.

4.9     Se prononcer de l’exigibilité d’une abstinence, en tenant compte d’un éventuel bénéfice en termes de capacité de travail.

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6. Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7. Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8. Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9. Capacité de travail

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis le 1er janvier 2019 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10. Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11. Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d'accord avec l'avis du Dr I______ des 21 septembre 2020, 27 août et 17 décembre 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr I______ du 28 octobre 2022 se prononçant non seulement sur l’actualisation de l’état de santé de Mme A______, mais également sur la situation à fin 2021 ?

11.3 Êtes-vous d’accord avec l’avis de la Dresse D______ des 12 juin 2020 et 17 décembre 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

11.4 Êtes-vous d’accord avec l’avis de la Dresse G______ du 3 novembre 2020 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

11.5 Êtes-vous d’accord avec l’expertise du Dr H______ du 21 juin 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation de la capacité de travail et de rendement ? Si non, pourquoi ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la Cour de céans.

III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le