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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3068/2021

ATAS/955/2022 du 03.11.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3068/2021 ATAS/955/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 novembre 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée chemin ______, THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Elodie SKOULIKAS

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née en ____ 1993 et est de nationalité suisse. Elle est célibataire et mère de trois enfants dont elle assure principalement la garde : B______, né en novembre 2013, C______, né en ______ 2015, et D______, né en ______ 2016.

b. L’assurée dispose d’un certificat fédéral de capacité de logisticienne délivré le 24 septembre 2013 après un apprentissage auprès des E______. Elle n’a plus exercé d’emploi durable depuis la fin de cet apprentissage en août 2013.

c. L’assurée a été soumise à une curatelle de représentation et de gestion ordonnée par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant du canton de Genève par ordonnance du 18 juin 2018. Cette mesure a été levée par ordonnance du 29 juin 2020.

B. a. L’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 3 octobre 2017.

b. Par courrier daté du 5 octobre 2017, l’OAI a indiqué à l’assurée qu’elle n’avait fait mention d’aucun besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie courante dans sa requête et lui a demandé de bien vouloir préciser si elle devait traiter ladite requête comme une demande de mesures professionnelles et/ou de rente d’invalidité.

c. Après deux courriers de rappel datés du 7 novembre 2017 et du 18 décembre 2017, le second avec la précision « DERNIER RAPPEL » et un délai de trente jours mis en évidence, l’OAI a annoncé à l'assurée, par courrier du 29 janvier 2018, qu’il comptait rejeter sa demande d’allocation pour impotent.

d. Par décision datée du 12 mars 2018, l’OAI a rejeté la requête d’allocation pour impotent de l’assurée.

C. a. L’assurée a déposé une demande de mesures professionnelles et de rente d’invalidité auprès de l’OAI en date du 29 juin 2018.

b. Dans un rapport daté du 11 juillet 2018 destiné à l’OAI, le docteur F______, médecin practicien FMH et médecin traitant de l’assurée, a relevé que l’assurée souffrait depuis sa naissance d’un syndrome d'Ehlers-Danlos (code Q79.6 CIM-10 et code LD28.1 CIM-11). Selon sa description dans la CIM-11, le syndrome d'Ehlers-Danlos (aussi désigné comme « SED ») est un groupe hétérogène de troubles héréditaires du tissu conjonctif, principalement du collagène, dont la gravité varie d'une légère hypermobilité articulaire à une fragilité potentiellement mortelle des tissus mous et du système vasculaire. Selon le Dr F______, l’assurée souffrait également d’un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (code F90.0 CIM-10 et code 6A05 CIM-11) diagnostiqué alors qu’elle avait 14 ans.

Le Dr F______ a précisé que l'assurée ne pouvait pas porter des charges de plus de 5 kg et devait alterner ses positions corporelles. Il recommandait également un suivi psychiatrique. À l’aune de ces limitations fonctionnelles et de l’environnement social décousu de l’assurée, il retenait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée sur le plan somatique et précisait qu’il ne pouvait pas se prononcer sur le plan psychique.

c. Par rapport complémentaire du 11 février 2019, le Dr F______ a précisé que le syndrome d'Ehlers-Danlos dont souffrait l’assurée était de type 5. Il a, en outre, relevé que celle-ci pouvait assurer un poste de logisticienne à 50% dans le respect de ses limitations fonctionnelles.

d. Dans un avis du 20 mai 2019, le docteur G______, médecin praticien travaillant pour le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a considéré qu’il convenait de suivre l’analyse du Dr F______ concluant à l’existence d’une capacité de travail de l’assurée de 50% dans son ancienne activité de logisticienne, en retenant une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de cette dernière.

e. Le 8 octobre 2019, l’assurée a eu un premier entretien avec Monsieur H______, de la division réadaptation professionnelle de l’OAI. Le 9 avril 2020, elle a eu un second entretien, par téléphone, avec le prénommé. Il est ressorti de ces discussions que l’assurée souhaitait se former afin, notamment, de sortir de sa situation difficile sur le plan financier. Cependant, elle ne disposait pas de suffisamment de temps pour étudier, en lien avec la garde de ses enfants. Elle avait notamment tenté de suivre une formation par correspondance mais avait dû l’interrompre pour ce motif. Dans ces circonstances, M. H______ a retenu que la mise sur pied de mesures professionnelles n’était pas indiquée.

f. En date du 24 novembre 2020, Madame I______, infirmière, et Monsieur J______, responsable du service des évaluations de l’OAI, ont procédé à une évaluation de l’activité ménagère de l’assurée et de l’effet de ses troubles de la santé sur celle-ci. Ils ont retenu que l’intéressée devait être considérée comme active à 40% et occupée par des travaux ménagers à 60%, dans le cadre de cette dernière activité, son taux d’empêchement s’élevait à 20.9%.

D. a. Par projet de décision du 18 décembre 2020, l'OAI a informé l'assurée qu'il comptait rejeter sa demande de prestations, dès lors que son taux d'invalidité s'élevait à 36%.

b. L'assurée s'est déterminée sur ce projet par courriers du 28 janvier et du 11 février 2021.

c. Par décision du 15 février 2021, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l'assurée.

d. Par décision du 25 février 2021, l’OAI a annulé sa décision du 15 février 2021, et a requis de l’assurée des documents complémentaires, et notamment des preuves de recherches d’emploi. L'assurée a fourni les pièces demandées, par courrier daté du 26 avril 2021.

e. Dans un rapport daté du 22 avril 2021, Madame K______, neuropsychologue FSP, a relevé en substance que l’assurée souffrait de divers symptômes liés à son trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité, et notamment de difficultés à faire des choix et d'une carence en matière de concentration, mais qu’elle parvenait à pallier ses déficits en mobilisant de bonnes ressources de psychisation.

f. Par décision datée du 30 juillet 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l'assurée pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans son projet de décision du 18 décembre 2020.

E. a. Par mémoire du 14 septembre 2021, l’assurée a recouru contre la décision de l’OAI par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en concluant principalement à l’octroi d’une rente d’invalidité dès le 1er décembre 2018 et subsidiairement à un renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire, sous suite de frais et dépens. Elle a précisé ses griefs dans une seconde écriture du 18 octobre 2021.

b. L’intimé a répondu par courrier du 16 décembre 2021 en concluant au rejet du recours.

c. La recourante a été mise au bénéfice de l’assistance judiciaire par décision AC/334/2022 du 18 février 2022.

d. Dans un courrier daté du 8 mars 2022, la doctoresse L______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a relevé que la recourante avait été brièvement suivie dans son cabinet par la doctoresse M______, médecin spécialiste en médecine interne générale. Dans ce cadre, il avait été décidé d’entreprendre une psychothérapie cognitivo-comportementale pour traiter les symptômes liés à son trouble de l’attention. Après deux rendez-vous, l’intéressée n’avait toutefois pas poursuivi le traitement.

e. La recourante a répliqué par courrier du 9 mars 2022 en précisant notamment qu’elle requérait la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique.

f. L’intimé a dupliqué par courrier du 30 mars 2022 en produisant un rapport complémentaire du SMR du 24 mars 2022 qui avait analysé le rapport de la psychologue K______ et conclu qu’il n’apportait pas d’élément susceptible de modifier son appréciation de l’état de santé de la recourante.

g. Une audience avec comparution personnelle des parties s’est tenue le 7 avril 2022. La recourante a produit à cette occasion une pièce complémentaire. La cause a été gardée à juger à la fin de l’audience.

h. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Selon l’art. 69 al. 1 let. a LAI, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

La décision contestée ayant été prise par l’OAI, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Le délai de recours de trente jours (cf. art. 60 al. 1 LPGA), suspendu du 15 juillet au 15 août 2021 inclus (cf. art. 62 al. 2 LPGA en lien avec l’art. 38 al. 4 LPGA), courait jusqu’au mardi 14 septembre 2021. Déposé dans le délai et dans les formes prévues par la loi (cf. art 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             Le recours a pour objet le droit de la recourante à une mesure de reclassement ou/et à une rente de l’assurance-invalidité. Les parties s’opposent notamment sur le caractère complet de l’instruction, en particulier s’agissant des conséquences des troubles psychiques de l’intéressée sur sa capacité de gain.

Selon la recourante, il convient qu’un expert psychiatre se prononce sur la question des répercussions de son déficit de l'attention avec hyperactivité sur sa capacité de travail.

Selon l’intimé, le rapport de la psychologue K______ démontre que l’intéressée arrive à compenser les conséquences de ce trouble grâce à ses ressources personnelles ; il n’y a donc pas lieu de s’écarter de l’opinion du médecin traitant qui a retenu une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée.

4.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 ; ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

5.1 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon l’art. 17 al. 1 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Selon la jurisprudence, une mesure de reclassement implique que le degré d’invalidité de l’assuré soit d’au moins 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; ATF 130 V 488 consid. 4.2).

5.2 En matière d’instruction d’un trouble médical susceptible d’entraîner une invalidité, le principe est la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire, sauf lorsque le trouble médical dont souffre potentiellement l'assuré peut manifestement être rattaché à une ou à deux spécialité(s) médicale(s) et qu'un examen de l'assuré par un spécialiste de la médecine interdisciplinaire, de type interniste, n'apparait pas nécessaire (ATF 139 V 349 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_505/2015 du 12 octobre 2015 consid. 2.1.1 ; 9C_651/2014 du 23 décembre 2014 consid. 6.1).

6.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. Le fait qu’une personne souffre d’un trouble à la santé de nature psychique ne signifie cependant pas qu’elle soit totalement incapable de travailler dans tous les domaines ; son incapacité de gain doit donc être examinée concrètement, comme pour les autres troubles à la santé (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; ATF 142 V 106 consid. 4.3).

6.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un psychiatre et s’appuyant, selon les règles de l’art médical, sur les critères d’un système de classification reconnu, tel que la CIM (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 6.3).

Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (procédure d’évaluation structurée normative de la capacité de travail) (ATF 141 V 281 consid. 7.1 et 7.2). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 4.3 et 4.4 ; voir également : ATF 145 V 215 consid. 5.3.3). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 141 V 281 consid. 4.3 et 4.4, avec la modification prévue à l’ATF 143 V 418 consid. 8.1). Si un expert retient l’existence d’un ou plusieurs troubles médicaux de nature psychiatrique, il doit ainsi procéder à une évaluation de la capacité de travail de l’assuré en application de la procédure structurée normative.

6.2 Pour des motifs de proportionnalité, il est possible de renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons fondées (ATF 145 V 215 consid. 7 ; ATF 143 V 418 consid. 7.1 ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.3).

7.             Pour évaluer un droit à une prestation sociale dépendant de l’état médical d’un assuré, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales probantes (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

Il n’existe pas de règles systématiques absolues en matière d’appréciation de rapports médicaux, le principe général restant l’appréciation libre de ceux-ci par le juge (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Ainsi, la force probante d’un rapport d’expertise dépend en premier lieu du contenu de celui-ci, à savoir s’il est complet (au regard du /des trouble(s) médical/aux potentiel(s) de l’assuré), s'il se base sur l'anamnèse, les « plaintes » de l'assuré et tous les autres éléments factuels disponibles, s'il est clair dans son appréciation de la situation médicale et si le ou les résultat(s) au(x)quel(s) il parvient est/sont motivé(s) (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_487/2021 du 8 mars 2022 consid. 4.1.1 ; 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2).

Selon la jurisprudence fédérale, il est possible de distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA et du droit cantonal (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, ou réalisés par un médecin sur commande de l’assuré (expertise de partie).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradiction et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur pertinence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), en ce sens qu’un tel rapport médical peut avant tout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Ainsi, lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de mettre en œuvre une expertise administrative ou une expertise judiciaire (ATF 145 V 97 consid. 8.5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.4 ; 8C_510/2020, du 15 avril 2021 consid. 2.4).

8.             En l’occurrence, une expertise médicale indépendante n’a pas été ordonnée par l’intimé. Celui-ci s’est basé exclusivement sur les déclarations du Dr F______ du 11 juillet 2018 et du 11 février 2019 pour retenir une incapacité de travail totale dans l’ancienne activité de logisticienne et de 50% dans une activité adaptée. En outre, dans sa détermination du 30 mars 2022, il a estimé que le rapport de Mme K______ du 22 avril 2021 était en ligne avec son appréciation.

8.1 S’agissant des rapports du Dr F______, ils doivent être considérés comme des expertises de partie. Il n’est donc possible de s’en contenter pour statuer sur un droit à une rente d’invalidité que dans la mesure où il n’existe aucun doute, même minime, quant à leur bien-fondé.

Tel n’est pas le cas en l’espèce. D’une part, ces rapports ne respectent pas les exigences posées par la jurisprudence fédérale en matière probatoire. Ils ne constituent ainsi pas une analyse motivée en détail de la situation médicale de la recourante, en particulier des limitations fonctionnelles qui en résultent, mais uniquement l’appréciation initiale sommaire d’un médecin traitant non spécialiste. Le Dr F______ a d’ailleurs fait preuve de transparence sur ce point puisqu’il a souligné qu’il ne disposait pas des compétences requises pour statuer sur la question des limitations fonctionnelles de l’intéressée résultant de ses atteintes psychiques. D’autre part, le Dr F______ a dans un premier temps, à savoir dans son rapport du 11 juillet 2018, relevé qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la capacité de travail de l’intéressée dans son ancienne activité mais que celle-ci disposait d’une capacité de travail à 50% sur le plan somatique dans une activité adaptée. Puis, dans son rapport du 11 février 2019, il a au contraire affirmé que la recourante pouvait travaillait comme logisticienne à 50%, en adjoignant à cette conclusion une explication sommaire. Il existait donc là une discrépance qu’il revenait à tout le moins d’éclaircir. Or, dans son rapport du 20 mai 2019, le Dr G______ du SMR a rapporté que le dernier rapport du Dr F______ retenait une capacité de travail à 50% dans la dernière activité de logisticienne, mais en a conclu qu’« au vu des précisions du médecin traitant, il faut s’en tenir à son évaluation et considérer que la capacité de travail est de 50% dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, et ceci depuis toujours ». Loin de clarifier la divergence susmentionnée entre les rapports du médecin traitant, cette analyse du SMR apparaît, elle-même, contradictoire.

Dans ces circonstances, il sied de considérer que les brefs rapports du Dr F______ ne peuvent à eux seuls constituer une base médicale suffisante pour trancher la question des limitations fonctionnelles de la recourante issues de ses maladies et, dans la suite, de son incapacité de travail.

8.2 S’agissant du rapport de Mme K______, elle n’est pas médecin psychiatre mais neuropsychologue. Or, les expertises médicales administratives sociales sont en principe réservées aux médecins spécialistes et aux médecin-dentistes spécialistes disposant de plus de cinq ans d’expérience clinique (comparer : art. 7m al. 1 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11], en vigueur depuis le 1er janvier 2022). Depuis le 1er janvier 2022, le législateur a certes prévu une exception spécifique pour les neuropsychologues respectant les exigences de l’art. 50b de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102) (art. 44 al. 7 let. b LPGA et art. 7m al. 3 OPGA). Cette norme n’est cependant pas encore applicable au cas d’espèce, la décision contestée datant du 15 février 2021. Surtout, ce constat ne saurait en tous les cas conduire à considérer que les exigences formelles et matérielles relatives à une expertise psychiatrique devraient être réduites lorsqu’un neuropsychologue est impliqué dans sa réalisation. Un diagnostic de maladie psychique doit être motivé de manière convaincante, les limitations fonctionnelles qui en résultent doivent être clairement explicitées, et il doit être procédé sur cette base à une analyse de la capacité de travail et de la capacité de gain de l’assuré selon le canevas de la procédure d’évaluation structurée des troubles psychiques mise en place par le Tribunal fédéral.

En l’occurrence, Mme K______ a procédé uniquement à un examen neuropsychologique de la recourante à la demande du médecin traitant de celle-ci. Cette analyse ne saurait en principe remplacer une analyse de la capacité de travail, respectivement de la capacité de gain de l’intéressée respectant le cadre de la procédure d’évaluation normative structurée. Il ressort du reste de la pièce produite par la recourante, lors de l’audience du 7 avril 2022, que la Dresse L______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a relevé dans son courrier du 8 mars 2022 qu’il avait été jugé nécessaire que l’intéressée entreprenne une thérapie cognitivo-comportementale pour lutter contre les limitations fonctionnelles résultant de son trouble psychiatrique, à savoir notamment un trouble de la concentration, de l’organisation et la difficulté à contenir ses pulsions motrices. Cet avis met sérieusement en doute l’appréciation de Mme K______ selon laquelle la recourante parvenait à pallier ses déficits en mobilisant de bonnes ressources de psychisation, de sorte qu’une analyse selon la procédure d’évaluation normative structurée apparaît en tous les cas indispensable. En outre, dans son rapport du 11 juillet 2018, le Dr F______ avait déjà relevé qu’il considérait qu’un suivi psychiatrique était primordial pour traiter le trouble psychique de la recourante. L’intimé ne peut ainsi être suivi lorsqu’il affirme, dans sa duplique, qu’à suivre la logique de l’intéressée, tout un chacun devrait systématiquement être soumis à des expertises pluridisciplinaires pour rechercher des atteintes à la santé inconnues de l’assuré lui-même. En effet, l’existence d’un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité de la recourante ressort en l’espèce du rapport du Dr F______. En outre, cette maladie se caractérise par un schéma persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui a un impact négatif direct sur le fonctionnement scolaire, professionnel ou social (cf. la définition de la CIM-11 disponible à l’adresse URL suivante : https://icd.who.int/browse11/l-m/fr#/http%3a%2f%2fid.who.int%2ficd%2fentity%2f821852937 ; consultée pour la dernière fois le 31 octobre 2022) ; il existait donc, d’emblée, un fort soupçon d’existence de limitations fonctionnelles notables, et non une absence de diagnostic clair que l’OAI pourrait écarter.

Il résulte de ce qui précède que le rapport de Mme K______ ne peut remplacer une expertise administrative psychiatrique, nécessaire pour se prononcer sur le degré d’invalidité de la recourante.

8.3 En conclusion, les éléments médicaux présents au dossier ne sont pas suffisants pour déterminer clairement quelles sont les limitations fonctionnelles de la recourante, en particulier au regard des troubles psychiques de celle-ci, ni pour statuer sur sa capacité de travail dans son ancienne activité de logisticienne ou dans une activité adaptée (capacité de gain). Or ces éléments sont indispensables pour arrêter le taux d’invalidité de la recourante, et partant, pour déterminer si celle-ci a droit à une mesure professionnelle de placement ou à une rente d’invalidité. L’instruction n’a donc pas été réalisée à satisfaction.

9.             Il convient maintenant de clarifier les conséquences juridiques de ce constat.

9.1 Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction complémentaire est nécessaire, il doit en principe mettre en œuvre une expertise lorsqu'il considère qu’un état de fait médical ne peut être élucidé que par ce biais et que l'expertise administrative ordonnée par l’autorité sociale est incomplète sur des points essentiels ou non-probante ; un renvoi à l’administration est en revanche possible lorsqu’il convient de clarifier une question médicale restée jusqu’alors non instruite (ATF 139 V 99 consid. 1.1 ; ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_354/2020 du 8 septembre 2020 consid. 2.1 ; 8C_503/2019 du 19 décembre 2019 consid. 2.1).

9.2 En l’occurrence, l’intimé n’a pas ordonné d’expertise indépendante visant notamment à clarifier les limitations fonctionnelles de la recourante engendrées par ses maladies, ainsi que l’éventuelle incapacité de travail, respectivement de gain, qui en résultent. Il convient donc de lui renvoyer la cause afin qu’il mette en œuvre une telle expertise.

En matière d’expertises administratives, le principe est la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire. Cependant, les maladies dont souffre l’intéressée, à savoir un syndrome d'Ehlers-Danlos et un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité, ont clairement été déterminées au cours de la procédure et rien ne laisse penser que d’autres troubles à la santé seraient susceptibles d’entrer en jeu eu égard à la capacité de gain de l’intéressée. A priori, il semble donc possible de se contenter d’une expertise bi-disciplinaire (psychiatrique et interniste). Néanmoins, il apparaît que le syndrome d'Ehlers-Danlos est une maladie génétique rare qui comporte plusieurs sous-catégories et qui est susceptible de nécessiter un examen par divers médecins spécialistes (cf. le site internet du centre des malformations et maladies vasculaires graves du Centre hospitalier universitaire vaudois : https://www.chuv.ch/fr/cmvr/accueil/patients-et-familles/qui-fait-quoi ; consulté pour la dernière fois le 31 octobre 2022). Dès lors, il convient de laisser une marge de manœuvre à l’OAI pour décider de l’option la plus pertinente entre la nomination d’un seul ou de plusieurs expert(s) du syndrome d'Ehlers-Danlos.

10.         En conclusion, le recours doit être partiellement admis.

La cause devant être renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire, il n’y a pas lieu de statuer, à ce stade, sur les griefs de la recourante relatifs au calcul de son degré d’invalidité, ou sur son droit à des mesures professionnelles. Il faut uniquement faire remarquer que l’enquête ménagère du 24 novembre 2020 se fonde sur des limitations fonctionnelles qui sont susceptibles d’être notablement modifiées par le résultat de l’expertise administrative à venir. Si tel était le cas, il y aurait donc lieu de procéder également à une nouvelle enquête ménagère.

11.         La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision attaquée et renvoie la cause à l’intimé pour qu’il mette en œuvre une expertise bi-disciplinaire ou pluridisciplinaire au sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à la charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le