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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1471/2021

ATAS/923/2022 du 17.10.2022 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1471/2021 ATAS/923/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 octobre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, Carouge, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie-Josée COSTA

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

appelée en cause

 

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après: l’assurée), née le ______ 1965, a été employée à plein temps par B______ du 1er janvier 2010 au 30 avril 2018, date de la fin des rapports de travail consécutive à son licenciement.

b. Le 28 mai 2016, l’assurée, victime d'une chute, s’est blessée au genou et à la cheville gauches.

c. Son assureur-accidents a pris en charge le cas, en s’acquittant des frais médicaux et en octroyant des indemnités journalières.

d. Le 20 juillet 2016, l'assurée a subi une arthroscopie, une résection méniscale interne et un micro-forage condyle fémoral interne du genou gauche, ainsi que la réparation du ligament latéral externe de la cheville gauche et la réparation du court péronier de cette cheville.

e. Le 16 janvier 2017, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI).

f. Dans un rapport du 28 juillet 2017, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de l'assureur-accidents, qui avait examiné l'assurée le 26 juillet 2017, a considéré que cette dernière disposait d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée permettant l'alternance des positions assise et debout, évitant celles accroupie ou à genoux, sans marche ni station debout prolongée, sans déplacement répété dans les escaliers et en terrain accidenté, et sans port de charge lourde, dès à présent.

g. Le 10 septembre 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui avait diagnostiqué une arthrose tibio-talienne de stade III de la cheville gauche, a procédé à une arthrodèse légèrement varisante tibio-talienne mini-invasive par arthroscopie.

h. Dans un rapport du 13 septembre 2019, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), de trouble anxieux généralisé (F41.1) et, de perturbation de l'activité et de l'attention (TDAH; F90.0). La capacité de travail de l'assurée était néanmoins totale dans toute activité actuellement.

i. Le 3 octobre 2019, le Dr D______, après avoir diagnostiqué une déchirure de la plaque plantaire du 3ème métatarsien chez une patiente à dix mois d'une arthrodèse de la cheville gauche, a effectué une ostéotomie métatarsienne proximale du 3ème métatarsien.

j. Dans un rapport du 10 janvier 2020, le Dr D______ a estimé que la capacité de travail de l'assurée était de 50% dans une activité adaptée sans position debout prolongée, sans marche sur de longues distances et sans port de charges lourdes dès le 9 décembre 2019 puis, de 100% à compter du 6 janvier 2020.

k. Par avis du 23 janvier 2020, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après: SMR) a retenu, à titre d'atteinte principale à la santé, des gonalgies chroniques prédominant à gauche dans un contexte d'arthrose. Les pathologies associées du ressort de l'AI étaient les douleurs de la cheville gauche post traumatiques et status post arthrodèse tibio-talienne non compliquée, ainsi que le trouble dépressif récurrent connu depuis 2013 de gravité moyenne, traité. Les facteurs associés non du ressort de l'AI étaient le TDAH et l'anxiété généralisée. La date du début de l'incapacité de travail durable (100%) remontait au 28 mai 2016. Les troubles dégénératifs des genoux étaient de nature à contre-indiquer durablement les génuflexions répétées et les accroupissements pluriquotidiennes dans la garde d'enfants en bas-âge à domicile. En revanche, dès la stabilisation de l'état de santé psychique consécutive à la dépression réactionnelle à la mort du neveu de l'assurée, une pleine capacité de travail dans une activité adaptée était exigible. En se référant aux rapports des Drs C______, E______ et D______ des 28 juillet 2017, 13 septembre 2019, respectivement, 10 janvier 2020, le SMR a conclu que la capacité de travail de l'assurée, nulle dans l'activité habituelle, était de 50% dès le 9 décembre 2019 et de 100% à partir du 6 janvier 2020 dans une activité adaptée légère sédentaire respectant également les limitations fonctionnelles retenues par le Dr C______. Pour la période antérieure à janvier 2020, le SMR, constatant que l'état de santé n'était pas stabilisé durablement (trois mois), a admis les incapacités de travail attestées par les médecins traitants.

B. a. Dans un projet de décision du 6 février 2020, lui ayant reconnu le statut de personne active à plein temps, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait lui reconnaître le droit à une rente entière d'invalidité du 1er juillet 2017 au 31 mars 2020. Quand bien même, à l'échéance du délai d'attente d'un an, en mai 2017, le droit à une rente entière était ouvert, cette dernière ne pouvait lui être versée qu'à compter de juillet 2017 en raison du dépôt tardif de la demande de prestations. La comparaison des gains au mois de décembre 2019 faisait apparaître un degré d'invalidité de 10%, insuffisant pour donner droit à une rente. Par ailleurs, des mesures professionnelles n'étaient pas indiquées.

b. Par pli du 9 mars 2020 complété le 24 mars suivant, l'assurée a contesté ce projet de décision, en joignant les certificats d'arrêt de travail établis par le Dr D______ pour la période du 7 février au 7 avril 2020; le rapport du 12 mars 2020 du Dr E______ faisant état d'une aggravation de l'état de santé psychique; ainsi que le rapport du même jour du Dr D______ dans lequel il indiquait qu'une nouvelle intervention chirurgicale était nécessaire en raison de douleurs à la jambe gauche.

c. Le 30 avril 2020, le Dr D______ a procédé à l'ablation de vis cannelés 6.5 de la cheville gauche.

d. Dans un rapport du 25 juin 2020, le Dr E______, après avoir posé les mêmes diagnostics que ceux qu'il avait retenus dans son rapport du 13 septembre 2019, a estimé que l'assurée était apte à travailler à 50% dans toute activité depuis décembre 2019.

e. Dans un rapport du 25 septembre 2020, le Dr D______, qui a retenu outre les diagnostics précédemment posés, celui de status post entorse sous-talienne gauche le 26 juin 2020, a jugé que la capacité de travail de l'assurée, nulle dans l'activité habituelle, était, du point de vue strictement orthopédique, entière dans une activité purement sédentaire, sous réserve des douleurs rhumatismales, investiguées par la rhumatologue traitante.

f. Par avis du 16 novembre 2020, le SMR a retenu, à titre d'atteinte principale à la santé, des douleurs mécaniques du pied gauche dans les suites d'une déchirure de la plaque plantaire du 3ème métatarsien opérée sans complication selon le chirurgien. Les pathologies associées du ressort de l'AI étaient la dépression traitée, le trouble de l'anxiété, le TDAH et les déchirures de ligaments de la cheville et du genou gauches. Le SMR a considéré que le Dr E______ avait procédé à une appréciation différente de la même situation médicale, de sorte qu'il n'existait pas d'empêchement psychique à l'exercice d'une activité adaptée aux limitations somatiques, en ajoutant qu'il n'y avait pas de raison de s'écarter du dernier rapport du Dr D______. Sur cette base, le SMR a retenu une pleine capacité de travail dans une activité adaptée légère, sédentaire, simple, plus ou moins répétitive, subalterne, sans usage d'escaliers ou d'échelles, sans position accroupie ou à genou, principalement en position assise, permettant l'alternance des positions, avec des manipulations de charges limitées à 5kg et à répartir harmonieusement sur cinq jours ouvrables. Le début de l'aptitude à la réadaptation remontait au 22 septembre 2020.

g. Par décision du 18 mars 2021, l'OAI a mis l'assurée au bénéfice d'une rente entière d'invalidité du 1er juillet 2017 au 30 novembre 2020. Le décompte annexé des arriérés de rente tenait compte d'une retenue en faveur de l'assureur-accidents à hauteur de CHF 32'729.-.

C. a. Par acte du 30 avril 2021, l'assurée, représentée par son conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la CJCAS) d'un recours contre ladite décision, en concluant, sous suite de dépens, préalablement, à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, principalement, à l'annulation de cette décision, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité au-delà du 30 novembre 2020, et à la condamnation de l'intimé à lui verser la somme de CHF 4'778.70 (l'assureur-accidents ne pouvant être désintéressé qu'à hauteur de CHF 27'950.30 selon ses calculs, en l'absence d'un droit au remboursement qui puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi concernant les indemnités journalières perçues au titre de l'assurance-accidents sur-obligatoire), et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

b.   Dans sa réponse du 25 mai 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c.    Le 2 juin 2021, celui-ci a produit le courrier de la veille de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la caisse) dans lequel cette dernière reconnaissait avoir omis d'instruire le dossier dans le cadre de la demande de compensation de l'assureur-accidents. Elle sollicitait un délai pour apporter des précisions à ce sujet.

d.   Dans sa réplique du 9 août 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a joint:

      deux rapports des 17 août 2014 et 19 mars 2015 de l'unité d'accueil et d'urgences psychiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) ;

      un rapport du 1er avril 2021 de la doctoresse F______, spécialiste FMH en neurologie ;

      un rapport de polysomnographie du 27 mai 2021 établi par la Dresse F______ ;

      un rapport du 11 juin 2021 du docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie ;

      un rapport du 31 juillet 2021 de Madame H______, psychologue spécialisée en psychothérapie FSP.

e.    Par arrêt du 13 septembre 2021 dans la cause entre l'assurée et l'assureur-accidents (ATAS/942/2021) concernant la désignation par celui-ci d'un expert auquel l'assurée s'opposait, la CJCAS a renvoyé le dossier à l'assureur-accidents afin qu'il nomme consensuellement un expert ayant des compétences dans le domaine du traitement des pathologies du pied et de la cheville.

f.     Le 30 septembre 2021, l'intimé s'est rallié à la détermination du même jour de la caisse selon laquelle il appartenait à la recourante de se retourner contre l'assureur-accidents s'agissant du bien-fondé de la créance en restitution.

g.    Le 20 octobre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions, en relevant que la caisse n'avait pas examiné si les conditions du remboursement des avances effectuées par l'assureur-accidents dans le cadre de l'assurance sur-obligatoire étaient réunies.

h.   Le 28 février 2022, la CJCAS a entendu les parties en audience de comparution personnelle, à l'issue de laquelle un délai a été accordé à la recourante pour produire des rapports médicaux.

i.      À la demande de la CJCAS, le 23 mars 2022, l'intimé a transmis:

      un courrier de l'assureur-accidents du 17 mars 2022 dans lequel il sollicitait son appel en cause ;

      l'échange de correspondances entre la caisse et l'assureur-accidents entre le 9 et 17 mars 2022 ;

      les conditions générales d'assurance (CGA, édition 2011) – couverture collective contre les accidents complémentaire à la LAA – invoquées par l'assureur-accidents à l'appui de sa demande de compensation ;

      un décompte détaillé des avances consenties par l'assureur-accidents et le calcul du montant à rembourser par l'intimé.

j.     Le 25 mars 2022, la recourante a produit un rapport du 7 mars 2022 du Dr E______.

k.   Le 8 avril 2022, celle-ci a réitéré que la caisse, en donnant suite à l'intégralité de la demande de compensation de l'assureur-accidents, avait violé les prescriptions en la matière.

l.      Par ordonnance du 12 avril 2022, la CJCAS a appelée en cause l'assureur-accidents et lui a imparti un délai pour qu'il se prononce sur la question de la compensation du montant de CHF 32'729.-.

m. Dans un courrier du 12 mai 2022, l'appelée en cause a fait valoir, en s'appuyant sur les CGA, qu'il était fondé à tenir compte des prestations qu'il avait versées au titre de l'assurance-accidents complémentaire pour éviter une surindemnisation, tout en considérant que cette problématique devait être résolue plutôt dans le cadre d'une procédure civile.

n.   Dans son écriture du 27 mai 2022, la recourante a contesté la prise de position de l'appelée en cause, en soulignant que la question de la présence ou non d'un droit au remboursement des avances versées au titre de l'assurance-accidents sur-obligatoire devait être tranchée dans le cadre de la présente procédure.

Y était annexé un rapport du 29 avril 2022 de la doctoresse I______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne générale, auquel étaient jointes les radiographies du bassin de face et l'échographie des hanches du 6 avril 2022, les radiographies de la main droite face/oblique et du poignet droit face/profil du même jour, l'imagerie par résonnance magnétique (ci-après: IRM) de l'avant-pied gauche du 25 avril 2022, l'IRM du genou droit du 2 mai 2022, ainsi que l'échographie de l'épaule droite et du coude droit du 3 mai 2022.

o.    Dans son écriture du 21 juin 2022, l'intimé, en se référant à l'avis joint du 7 juin 2022 du SMR, a considéré que l'aggravation de l'état de santé somatique et psychique dont faisaient état les médecins traitants était postérieure à la décision litigieuse, si bien qu'elle devait faire l'objet d'une nouvelle procédure.

p.   Dans son écriture du 13 juillet 2022, la recourante a exposé que les atteintes mises en évidence dans les rapports médicaux de 2022 existaient de longue date et étaient antérieures à la décision querellée. Il fallait donc en tenir compte dans la présente procédure.

q.   Les 8 et 9 août 2022, la Dresse I______, respectivement le Dr E______ ont répondu à des questions que leur avait posées la CJCAS.

r.    Dans son écriture du 2 septembre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

s.     Dans son écriture du 12 septembre 2022, l'intimé, en s'appuyant sur l'avis annexé du SMR du même jour, a conclu au renvoi du dossier pour reprise de l'instruction et nouvelle décision.

t.     Dans son écriture du 23 septembre 2022, l'appelée en cause a en substance renvoyé à sa précédente détermination du 12 mai 2022.

u.   Dans ses observations du 26 septembre 2022, la recourante a sollicité la mise en œuvre d'une expertise judiciaire multidisciplinaire comprenant également un volet orthopédique.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Déposé postérieurement au 1er janvier 2021, le recours est par conséquent soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

4.1 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

4.2 En l’occurrence, la décision querellée (du 18 mars 2021) a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le point de savoir, d'une part, si c'est à juste titre que l'intimé a limité le droit de la recourante à une rente entière d'invalidité du 1er juillet 2017 au 30 novembre 2020, et d'autre part, si l'appelée en cause, en sa qualité d'assureur-accidents complémentaire à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), a droit à un paiement direct de l'assurance-invalidité afin de compenser sa créance à l'encontre de la recourante.

7.             Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; ATF 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

8.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

9.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

9.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

9.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

10.         En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

11.         Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

12.         Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

12.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

12.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

12.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

13.         De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

14.         Dans l'assurance-invalidité, l'invalidité est survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. S'agissant de la détermination du droit à une rente d'invalidité, il faut ainsi examiner si les conditions de l'art. 28 al. 1 LAI sont remplies. Contrairement à l'assurance-invalidité, l'assurance-accidents est, quant à elle, chargée du traitement de l'atteinte à la santé (cf. art. 10 LAA) et le droit à une rente de cette assurance ne dépend pas de la durée de l'incapacité de travail, mais du moment à partir duquel il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et du terme d'éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité. Les offices AI n'ont, quant à eux, pas à attendre l'issue des mesures thérapeutiques, ni la stabilisation du cas, mais sont tenus d'évaluer la capacité de gain des assurés bien avant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2020 du 19 avril 2021 consid. 8.2).

15.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

16.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

17.         En l'espèce, à l'appui de la décision querellée, l'intimé s'est fondé sur l'avis du SMR du 16 novembre 2020, lui-même basé sur les rapports des médecins traitants, en particulier sur celui du 22 (recte: 25) septembre 2020 du Dr D______, chirurgien orthopédique, pour considérer que la capacité de travail de la recourante, qui souffre d'affections au membre inférieur gauche ainsi que de troubles psychiques, est nulle dans son activité habituelle de garde d'enfants en bas-âge depuis le 28 mai 2016, mais totale dans une activité adaptée sédentaire légère respectant les limitations fonctionnelles somatiques dès le 22 septembre 2020.

17.1 Dans le cadre de la présente procédure, le SMR a modifié son appréciation, en estimant, dans son avis du 12 septembre 2022, après avoir pris connaissance du rapport du 8 août 2022 de la Dresse I______, rhumatologue traitante, et celui du 9 août 2022 du Dr E______, psychiatre traitant, que la situation médicale de la recourante est complexe, associant des atteintes orthopédiques, rhumatologique inflammatoire, un syndrome douloureux chronique, et une atteinte psychiatrique mixte, les atteintes somatiques et psychiatriques s'aggravant au cours du temps.

Sur le plan somatique, le SMR observe que les atteintes dégénératives mises en évidence sur les résultats d'imageries réalisées entre avril et mai 2022 peuvent avoir évolué depuis plusieurs années (celles-ci sont présentes depuis au moins 2018-2019 selon la Dresse I______, qui rappelle que sa patiente est connue pour une spondylarthrite diagnostiquée sur des poussées en 2002 et en 2014). Le SMR ajoute que, dans son rapport du 25 septembre 2020, le Dr D______ avait déjà mentionné que des investigations étaient en cours en raison de douleurs aux hanches et aux épaules. Le SMR indique toutefois ne pas savoir depuis quelle date précisément ces atteintes sont incapacitantes.

Sur le plan psychique, le SMR, en se référant notamment au rapport du 11 juin 2021 du précédent psychiatre traitant, ainsi qu'au rapport de mars 2015 de l'unité d'accueil et d'urgences psychiatriques des HUG concernant l'hospitalisation de la recourante pour décompensation dépressive, relève que celle-ci présente un trouble dépressif évoluant depuis plusieurs années, de manière variable, ainsi qu'un trouble anxieux et un TDHA, chronique et constant malgré les différentes thérapies. Le SMR souligne que, dans son rapport du 9 août 2022, le Dr E______ (qui avait fait état d'une aggravation de l'état de santé de sa patiente depuis mi-décembre 2019 dans son rapport du 12 mars 2020) est imprécis quant à la capacité de travail résiduelle de celle-ci.

En définitive, le SMR reconnaît que les éléments en sa possession ne lui permettent pas de confirmer – comme il l'avait retenu dans son avis du 16 novembre 2020 que la capacité de travail de la recourante est entière depuis septembre 2020, car à ce moment, elle présentait déjà des plaintes à plusieurs articulations en cours d'investigation, et sur le plan psychique, la situation était très variable.

Force est ainsi de constater que, à défaut d'informations suffisantes sur les répercussions des atteintes rhumatologiques et psychiques sur la capacité de travail de la recourante, la chambre de céans n'est pas en mesure de se prononcer sur le degré d'invalidité de celle-ci en raison de ces troubles.

II se justifie en conséquence de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise rhumatologique et psychique (ainsi que le préconise le SMR dans son avis du 12 septembre 2022).

Un renvoi à l’administration se justifie d’autant plus qu’une telle expertise bidisciplinaire n’a pas été mise en œuvre par l’intimé, alors qu'il y avait des éléments médicaux qui, à la date de la décision attaquée du 18 mars 2021, faisaient apparaître lacunaire l'instruction du dossier menée par l'intimé. Pour rappel, le Dr E______, dans ses rapports des 12 mars et 25 juin 2020, évoquait une péjoration de l'état de santé de la recourante depuis décembre 2019, et le Dr D______, dans son rapport du 25 septembre 2020, laissait entendre que les douleurs rhumatismales de la recourante, en cours d'investigation, pouvaient impacter la capacité de travail.

17.2 À ce stade et eu égard aux pièces au dossier, il n'est pas nécessaire, comme le voudrait la recourante, de compléter cette expertise par un bilan orthopédique. En effet, dans son dernier rapport du 25 septembre 2020, le Dr D______ avait conclu, d'un point de vue strictement orthopédique, à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Or, aucun rapport médical, postérieur à celui-ci, ne mentionne que la recourante nécessiterait une nouvelle opération orthopédique, ni ne remet en cause cette appréciation du point de vue de la capacité de travail résiduelle de celle-ci sur le plan orthopédique. Lors de l'audience de comparution personnelle du 28 février 2022, la recourante avait du reste affirmé ne plus consulter le Dr D______, seule sa rhumatologue, la Dresse I______, la suivait.

Cela étant, au vu du renvoi du dossier à l'intimé pour instruction complémentaire, il lui appartiendra d'apprécier, à l'aune des pièces médicales que lui fournira cas échéant la recourante, l'opportunité de compléter l'expertise par un volet orthopédique, pour qu'il puisse ensuite rendre une décision sur la base de faits dûment actualisés, comme on le verra ci-après pour la période postérieure au 9 août 2020.

17.3 Sur le plan strictement orthopédique, l'intimé a en effet d'ores et déjà reconnu le droit de la recourante à une rente entière du 1er juillet 2017 au 30 novembre 2020. À cet égard, dans son avis du 16 novembre 2020, le SMR avait retenu une capacité de travail, nulle dans toute activité depuis le 28 mai 2016, mais entière dans une activité adaptée à compter du 22 septembre 2020, en se référant au rapport précité du Dr D______ du 22 (recte: 25) septembre 2020. Toutefois, dans ce rapport, ce médecin ne s'était en réalité pas prononcé sur la date à partir de laquelle il estimait que sa patiente était pleinement apte à exercer une activité compatible à son état de santé sous l'angle orthopédique. En dernier lieu, c'est dans un certificat du 14 juillet 2020 qu'il avait attesté d'une incapacité de travail totale du 30 juillet au 9 août 2020 (dossier intimé p. 518). Il y a donc lieu de retenir que la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée est de 100%, au plus tôt, dès le 10 août 2020, sur le plan strictement orthopédique.

17.4 Ceci étant dit, il n'est ni contesté ni contestable que l'incapacité de travail totale dans toute activité dès le 28 mai 2016 donne droit à une rente entière d'invalidité à l'issue du délai d'attente d'un an en mai 2017 (art. 28 LAI), laquelle toutefois ne peut être versée à la recourante qu'à l'échéance de six mois à compter du dépôt tardif de la demande de prestations, au 1er juillet 2017 (art. 29 al. 1 LAI).

17.5 Au surplus, il convient de confirmer la décision litigieuse en tant qu'elle octroie à la recourante une rente entière d'invalidité jusqu'au 30 novembre 2020, soit trois mois après l’amélioration de la capacité de gain survenue le 10 août 2020 (art. 88a RAI ; voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_900/2013 du 8 avril 2014 consid. 6.5 pour un exemple de calcul lorsque l’amélioration ne survient pas en début de mois).

18.         Reste enfin à se prononcer sur le point de savoir si c'est à juste titre que la caisse, au nom et pour le compte de l'intimé, a accepté la demande de compensation de l'appelée en cause.

18.1 En vertu de l'art. 22 al. 2 LPGA, les prestations accordées rétroactivement par l'assureur social peuvent être cédées: à l'employeur ou à une institution d'aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a); à l'assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).

L'art. 85bis al. 1 RAI, dont la base légale est l'art. 22 al. 2 LPGA (ATF 136 V 381 consid. 3.2), prévoit que les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d'assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence de celle-ci. Est cependant réservée la compensation prévue à l'art. 20 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10). Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d'un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et au plus tard au moment de la décision de l'office AI.

Selon l'art. 85bis al. 2 RAI, sont considérées comme une avance les prestations librement consenties, que l'assuré s'est engagé à rembourser, pour autant qu'il ait convenu par écrit que l'arriéré serait versé au tiers ayant effectué l'avance (let. a); ainsi que les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d'une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b).

Les arrérages de rente peuvent être versés à l'organisme ayant consenti une avance jusqu'à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (art. 85bis al. 3 RAI).

L'utilisation du formulaire spécial prévu à l'art. 85bis al. 1 RAI est une prescription d'ordre. Ainsi, le tiers qui veut obtenir directement un paiement de prestations rétroactives de l'AI peut établir l'accord du bénéficiaire de celles-ci par un autre moyen que le formulaire ad hoc (arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2019 du 24 octobre 2019 consid. 3.2 et les références).

Les avances librement consenties selon l'art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l'éventualité de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n'est pas nécessaire; celui-ci est remplacé par l'exigence d'un droit au remboursement «sans équivoque». Pour que l'on puisse parler d'un droit non équivoque au remboursement à l'égard de l'AI, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d'une norme légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3). Demeurent réservées des circonstances particulières, telles que celles qui prévalaient dans la cause jugée par arrêt I.405/92 du 3 décembre 1993, où l'ancien Tribunal fédéral des assurances a confirmé le versement en mains de tiers nonobstant l'absence d'une norme légale, au motif que l'octroi de prestations n'avait été prévu que sous la réserve expresse d'une compensation ultérieure avec des rentes de l'assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période (arrêts 9C_318/2018 du 21 mars 2019 consid. 3.3 ; I.31/00 du 5 octobre 2000 consid. 3a/cc, in VSI 2003 p. 265). Le Tribunal fédéral a par la suite admis que le consentement écrit de l'assuré pour le versement direct en mains d'un tiers ayant versé des avances peut suffire lorsque les conditions générales d'assurance prévoient un devoir de remboursement de l'assuré (arrêts 9C_938/2008 du 26 novembre 2009 consid. 6.4 ; I.632/03 du 9 décembre 2005 consid. 3.3.4).

La demande de paiement de prestations rétroactives en main de tiers au sens de l'art. 85bis RAI va plus loin qu'une simple demande de restitution de prestations indûment touchées ou résultant d'une surindemnisation, adressée à l'assuré. Le paiement en mains de tiers ne suppose pas uniquement le bien-fondé matériel de la créance en restitution et la réalisation des conditions qui permettent de revenir sur la décision mais il s'accompagne d'un changement de la qualité de débiteur et de créancier, élément indispensable pour rendre possible la compensation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 5.3 et la référence).

18.2 Le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, l'assurance perte de gain en cas de maladie dispose d'une créance en restitution à l'encontre de l'assuré doit, en cas de litige, être tranché dans une procédure opposant l'assurance et l'assuré; celui-ci doit contester le principe de la restitution et, le cas échéant, l'étendue de celle-ci directement auprès de l'assurance perte de gain. La décision de l'office AI sur le paiement direct à l'assurance perte de gain en cas de maladie ne concerne que les modalités du versement, de sorte qu'elle ne déploie aucune force de chose décidée en ce qui concerne le bien-fondé et le montant de la créance en restitution de l'assurance. Selon la jurisprudence, le principe selon lequel les contestations sur le bien-fondé et le montant de la créance de restitution de l'assureur perte de gain en cas de maladie doivent être résolues directement entre celui-ci et la personne assurée, et non pas dans la procédure en matière d'assurance-invalidité dans laquelle l'office AI n'a pas à traiter de ce rapport juridique, est valable de manière identique que les indemnités journalières de l'assureur perte de gain soient fondées sur le droit public ou sur le droit privé. Est seul déterminant que l'assuré dispose d'une voie de droit directe à l'encontre de l'assureur pour contester le bien-fondé et le montant de la prétention en restitution. Le fait qu'il s'agisse d'une question de surindemnisation et qu'il existe donc une certaine proximité avec une contestation du droit des assurances sociales ne suffit pas à soumettre le litige à la procédure de recours applicable en droit de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_287/2014 du 16 juin 2014 consid. 2.2).

18.3 En l'occurrence, la recourante expose que les conditions de l'art. 85bis RAI pour le versement des arriérés de la rente d'invalidité à l'appelée en cause, à titre de tiers ayant fait une avance, n'étaient pas réalisées.

18.3.1 Si la chambre de céans n'est pas habilitée à statuer dans la procédure en matière d'assurance-invalidité sur le bien-fondé et le montant de la créance en restitution de l'appelée en cause, en revanche, contrairement à ce que font valoir l'intimé (respectivement la caisse) ainsi que l'appelée en cause, la chambre de céans est bel et bien compétente pour examiner si les conditions d'application de l'art. 85bis RAI sont réunies (arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2016 du 1er septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

18.3.2 Ceci étant précisé, les indemnités journalières perçues par la recourante au titre de l'assurance-accidents complémentaire lui ont été versées par l’appelée en cause en vertu d'un contrat conclu par l'employeur en faveur de son personnel régi par la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA – RS 221.229.1). Il s'agit de prestations au sens de l'art. 85bis al. 2 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence constante, peut notamment se prévaloir de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI l'assureur qui a versé des indemnités journalières en vertu d'une assurance collective d'indemnité journalière selon la LCA, pour autant que le droit d'obtenir un paiement direct de l'assurance-invalidité découle expressément d'une norme légale ou contractuelle, laquelle peut se trouver dans les conditions générales d'assurance (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I.428/2005 du 18 avril 2006 consid. 4.4.2 et I.632/2003 du 9 décembre 2005 consid. 3.3.2).

18.3.3 Il ressort du dossier que la recourante n'a pas signé le formulaire « Compensation avec des paiements rétroactifs de l'AVS/AI et APG (allocation de maternité) » signé le 16 février 2021 par l'appelée en cause. Ce dernier n'a pas non plus établi que la recourante a, par un autre moyen, donné son accord écrit à un remboursement direct par l'intimé des arriérés de rentes en mains de l'appelée en cause ayant versé des indemnités journalières (avances).

18.3.4 Il convient alors d'examiner si le droit au remboursement peut être déduit sans équivoque du contrat d'indemnités journalières selon la LCA.

À cet égard, l'appelée en cause se prévaut de l'art. 10 lit. d CGA, aux termes duquel « [d]ans la mesure où l'assuré a également droit à des prestations de l'assurance-invalidité fédérale ou de toute autre assurance sociale, l'assureur complète ces prestations jusqu'à concurrence de la perte de gain effective de l'assuré. Il paie au maximum l'indemnité journalière convenue ».

18.3.4.1 En matière d'assurances complémentaires, le Tribunal fédéral a nié l’existence d’un droit sans équivoque au remboursement en application de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI dans le cas d'une disposition contractuelle ayant la teneur suivante (arrêt 8C_215/2019 du 24 octobre 2019 consid. 5.1 et 5.2) :

« 1 [l'assureur] verse l'indemnité journalière mentionnée dans la police en cas d'incapacité totale de travail. Si l'incapacité de travail est partielle, l'indemnité journalière est réduite en conséquence. 

2 L'indemnité journalière est réduite dans la mesure où, ajoutée aux prestations des assurances sociales, elle excède le gain dont on peut présumer que l'assuré se trouve privé. Le gain, dont on peut présumer que l'assuré se trouve privé, correspond à celui qu'il pourrait réaliser s'il n'avait pas subi le dommage. 

3 En outre, les dispositions de la LAA sont applicables; toutefois, [l'assureur] renonce à déduire les frais d'entretien en cas de séjour dans un établissement hospitalier. »

Un tel droit au remboursement a en revanche été admis dans les cas suivants: CGA stipulant que dès l’octroi de la rente, l'assureur est en droit d'obtenir le remboursement des avances directement auprès de l’institution sociale concernée ou d'un tiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_399/2012 du 26 octobre 2012 consid. 5.3 ); CGA prévoyant que l’avance de l’indemnité journalière lorsque la prétention à la rente d’invalidité n’est pas encore établie est effectuée sous la réserve expresse de la compensation avec le paiement ultérieur de cette rente (arrêts du Tribunal fédéral 8C_307/2016 du 17 août 2016 consid. 4.4 et 6.2 et 9C_488/2010 du 16 août 2011 consid. 4.2); CGA, prévoyant la possibilité pour l'assureur perte de gain en cas de maladie, de compenser ses prestations excédentaires avec celles des assureurs sociaux, dès lors que celui-ci envisage clairement de devenir créancier vis-à-vis des assureurs sociaux, la compensation présupposant ce changement de créanciers. Il y a donc lieu d'admettre, dit le Tribunal fédéral, que c'est de façon non équivoque que l'assureur s'est réservé le droit de recevoir un paiement direct des assureurs sociaux en sa qualité de créancier en lieu et place de l'assuré qui a bénéficié de prestations excédentaires (arrêt 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 5.3).

18.3.4.2 Or, dans le cas d'espèce, si l'art. 10 lit. d CGA vise à éviter une surindemnisation, en revanche, il ne stipule pas expressément la possibilité pour l'appelée en cause de s'adresser directement aux organes de l'AI et d'exiger le versement de l'arriéré de la rente d'invalidité en compensation de sa créance.

Partant, la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle admet la demande de compensation de l’appelée en cause, pour les prestations versées à la recourante en sa qualité d'assurance-complémentaire à l'assurance-accidents.

Dans la mesure où la compensation requise par l'appelée en cause en date du 16 février 2021, à hauteur de CHF 32'729.15, relative à la période du 1er juillet 2017 au 31 juillet 2020, durant laquelle la recourante a perçu une rente d'invalidité de l'AI, porte tant sur les indemnités journalières versées au titre de l'assurance-accidents obligatoire (LAA; art. 20 al. 2 LAVS en corrélation avec l'art. 50 LAI) qu'au titre de l'assurance complémentaire à la LAA (voir le décompte détaillé des avances consenties produit le 23 mars 2022), il convient de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il rende une nouvelle décision portant sur la compensation de l'arriéré de rentes avec les indemnités journalières LAA exclusivement, et restitue à la recourante la différence (soit le montant remboursé à tort à l'appelée en cause, en sa qualité d'assureur complémentaire).

19.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 18 mars 2021 sera confirmée en tant qu'elle alloue à la recourante une rente entière d'invalidité du 1er juillet 2017 au 30 novembre 2020, mais annulée en tant qu'elle admet la demande de compensation de l’appelée en cause, pour les prestations versées à la recourante durant cette période au titre de l'assurance complémentaire à l'assurance-accidents, et, s'agissant de la période postérieure au 9 août 2020, la cause est renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

La recourante, représentée, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l'espèce à CHF 2’500.-, laquelle sera supportée solidairement par l'intimé et l'appelée en cause (ATAS/140/2019 du 14 février 2019 consid. 11).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument, fixé en l'espèce à CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Confirme la décision du 18 mars 2021 en tant qu'elle alloue à la recourante une rente entière d'invalidité du 1er juillet 2017 au 30 novembre 2020.

3.        L'annule en tant qu'elle admet la demande de compensation de l’appelée en cause, pour les prestations versées à la recourante durant cette période au titre de l'assurance complémentaire à l'assurance-accidents.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour qu'il rende une nouvelle décision portant sur la compensation de l'arriéré de rentes avec les indemnités journalières LAA exclusivement, et restitue à la recourante le montant remboursé à tort à l'appelée en cause, en sa qualité d'assurance complémentaire à la LAA.

5.        Renvoie également la cause à l'intimé, s'agissant de la période postérieure au 9 août 2020, pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

6.        Condamne l’intimé et l’appelée en cause solidairement à verser à la recourante une indemnité de CHF 2’500.- à titre de dépens

7.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l'intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le