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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/193/2022

ATAS/865/2022 du 03.10.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/193/2022 ATAS/865/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 octobre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée ______, VESSY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1984, titulaire d’un CFC d’assistante en pharmacie obtenu en 2007 et d’un diplôme fédéral d’instructeur canin depuis 2013, a travaillé dès 2008 auprès du groupe OFAC (coopérative professionnelle des pharmaciens), tout d’abord en tant qu’agent de contact au service clients à 100%, puis en tant qu’assistante web à 80% du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2014 et à 50% dès le 1er janvier 2015. Parallèlement, elle a suivi une formation de marketing digital dès le 5 mai 2014.

b. Le 20 mars 2016, elle a déposé auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) une demande de prestations tendant à l’octroi de mesures professionnelles et d’une rente. Elle a indiqué être en incapacité de travail à 100% depuis le 2 septembre 2015 en raison de sacralgies et d’une coccycogonie apparues suite à des microtraumatismes subis lors de perturbations et vibrations pendant un vol en avion biplace.

B. a. Le docteur B______, FMH neurochirurgie, dans un rapport du 12 novembre 2015, a diagnostiqué une coccygodynie et une sacralgie post-traumatique avec signe d’instabilité coccygienne.

b. Le 6 avril 2016, l’assureur-accident a communiqué à l’OAI son dossier en précisant qu’il avait refusé de couvrir l’incapacité de travail annoncée comme un accident car le sinistre ne remplissait pas les conditions légales d’un accident, de sorte qu’il avait ouvert un dossier en assurance-maladie perte de gain.

c. Le 10 mai 2016, l’assurance-maladie perte de gain a mis en œuvre une expertise auprès du docteur C______, neurochirurgien FMH. Dans son rapport du 29 juin 2016 consécutif à son examen du 30 mai 2016, l’expert a diagnostiqué une coccygodynie. L’assurée se plaignait de douleurs dans le coccyx quasiment dans toutes les positions sauf en étant couchée sur le ventre. Elle pouvait marcher jusqu’à une heure et rester assise pendant vingt minutes au maximum. En position debout, elle était soulagée en pliant les genoux et en s’accroupissant. Elle pouvait porter sans restrictions majeures. Une reprise du travail médico-théorique aurait pu être exigible à 100% dans l’activité habituelle à partir du 2 septembre 2015. S’agissant des limitations fonctionnelles, la position assise de longue durée et la mobilité étaient actuellement encore difficiles et douloureuses, mais à la longue, il n’y avait pas de restrictions.

d. Dans un avis du 4 août 2016, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé que le Dr C______ attestait d’une capacité de travail entière dans toute activité dès le jour de l’expertise, soit le 30 mai 2016. L’incapacité de travail avait été entière du 2 septembre 2015 au 29 mai 2016 et elle était nulle dès le 30 mai 2016 tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Il n’existait aucune limitation fonctionnelle actuellement.

e. Par communication du 31 octobre 2016, l’OAI a accepté de prendre en charge des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un accompagnement individuel consistant en une gestion des douleurs par hypnose et une thérapie antidouleur et, par communication du 29 août 2017, l’OAI a estimé qu’aucune mesure de réadaptation n’était actuellement possible compte tenu des éléments en sa possession.

f. Par décision du 16 octobre 2017, l’OAI a refusé à l’assurée l’octroi d’une rente d’invalidité.

g. Par acte du 16 novembre 2017, l’assurée a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre ladite décision et conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er septembre 2016.

h. Dans un rapport d’expertise du 2 mars 2018 (établi dans le cadre du litige opposant l’assurée à l’assurance-maladie perte de gain) consécutif à son examen du 8 février 2018, le Dr D______ a diagnostiqué des coccygodynies et une subluxation du coccyx. Les limitations fonctionnelles concernaient tout travail exigeant une position assise ou des déplacements en position assise. Il n’y avait pas de vraie limitation pour porter ou soulever. La capacité de travail exigible actuelle était de 50 % dans une activité adaptée qui serait libre en termes de position (travail couché et pupitre réglable en hauteur). La recourante avait des compétences en marketing et travail informatique qui n’exigeaient pas une position particulière pour le travail et pourraient, dès maintenant, être exigibles à 50%. Ce taux devrait pouvoir évoluer jusqu’à une activité de 80% dans un délai de vingt-quatre mois.

i. Dans son avis du 4 juin 2018 après prise de connaissance du rapport d’expertise du Dr D______, le SMR a déclaré se rallier à l’appréciation de la situation médicale faite par l’expert s’agissant du diagnostic de coccygodynie et de la limitation fonctionnelle retenue, mais non quant à son appréciation de l’incapacité de travail. En effet, la seule limitation fonctionnelle, à savoir la station assise prolongée, pouvait tout à fait être respectée par des moyens auxiliaires simples (coussins, sièges avec évidement, bouées circulaires) ou une activité strictement adaptée sans station debout prolongée, à savoir celle d’assistante. Le SMR a confirmé ses précédentes conclusions.

j. Par arrêt du 22 janvier 2019 (ATAS/41/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision du 16 octobre 2017 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Elle a considéré que l’expertise du Dr C______ n’était pas probante et que celle du Dr D______ était incomplète.

k. Le 8 mars 2019, l’OAI a retenu un statut mixte pour la recourante, active à 80%.

l. A la demande de l’OAI, le Dr E______, FMH neurologie, du CEMEDEX a rendu le 2 mars 2020 un rapport d’expertise posant le diagnostic de douleurs coccygiennes d’étiologie indéterminée avec mobilité anormale entre la 3ème et la 4ème vertèbre sacrée, avec angulation de 20° en clichés dynamiques et retenant une capacité de travail de 25% depuis le 2 février 2015, à reconsidérer 24 mois plus tard, soit une capacité de travail de 50% avec une diminution de rendement de 50%.

m. Le 11 septembre 2020, l’expert E______ a précisé, à la demande de l’OAI, qu’une activité adaptée était exigible à 60% (avec alternance des positions, permettant de marcher ou de s’étendre par moment et de façon privilégiée, exercée à domicile).

n. Le 4 novembre 2020, le SMR a retenu une capacité de travail nulle du 2 septembre 2015 au 20 avril 2016 et de 60% dans une activité adaptée dès le 21 avril 2016 [avec les limitations fonctionnelles suivantes : adaptation du poste de travail, avec mise en place d’outils ergonomiques (siège avec orifice, bouée), associé à une table de travail réglable]. Le but étant de minimiser les contraintes physiques au niveau du coccyx par une décharge régulière de la contrainte axiale sur le coccyx (position assise) ; l’assurée devait pouvoir, dans le cadre de son activité professionnelle, se mettre régulièrement en position orthostatique.

o. Le 23 décembre 2020, la réadaptation professionnelle a retenu que des mesures de réadaptation n’étaient pas indiquées et que, selon une note du 22 décembre 2020, le degré d’invalidité était de 43,22% (revenu sans invalidité de CHF 71'001.-, évalué selon une moyenne des revenus réalisés entre 2008 et 2014 et revenu d’invalide issu de l’ESS 2016, TA1, femme, total niveau 2 pour 41,7 h de travail par semaine, à un taux de 60%, avec une déduction de 10%).

p. Le 8 février 2021, l’assurée a estimé que l’expert ne s’était pas prononcé sur une diminution de rendement.

q. Un rapport d’expertise économique sur le ménage, du 12 mai 2021, a conclu à un empêchement pondéré de l’assurée de 48% et de 18% avec l’exigibilité de l’époux, qui était de 30%.

r. Le 21 juin 2021, une note de travail MOP a conclu à un degré d’invalidité dans la sphère professionnelle de 34,03% selon l’ancien calcul et de 43,22% selon le nouveau calcul (dès 2018).

s. Par projet de décision du 27 juin 2021, l’OAI a alloué à la recourante un quart de rente d’invalidité dès le 1er janvier 2018 sur la base d’un degré d’invalidité de 47% (43,22% de perte de gain + 3,6% d’empêchement dans la sphère ménagère).

t. Les 31 août et 18 octobre 2021, l’assurée s’est opposée au projet de décision, en contestant la nouvelle appréciation du Dr E______ sur sa capacité de travail, (laquelle ne précisait pas une diminution de rendement), l’appréciation de ses empêchements ménagers (lesquels étaient de 31%), le revenu sans invalidité et a requis l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Elle a communiqué un rapport d’évaluation de l’incapacité dans le travail ménager et familial, du service d’ergothérapie de la Clinique Valmont, du 12 octobre 2021, concluant à une activité de 2h maximum par jour et à un empêchement pondéré sans exigibilité de 56%, et 31% avec une exigibilité de l’époux de 25%.

u. Le 2 novembre 2021, le service des évaluations AI a confirmé son évaluation.

v. Le 11 novembre 2021, une note de travail MOP a estimé que le revenu sans invalidité était de CHF 72'653.-, pour un taux de travail de 100%, car on devait ôter du calcul le revenu de la première année de fonction de l’assurée, soit l’année 2008.

w. Par décision du 8 décembre 2021, l’OAI a alloué à l’assurée un quart de rente d’invalidité dès le 1er janvier 2018, basé sur un degré d’invalidité de 48%.

C. a. Le 19 janvier 2022, l’assurée, représenté par son avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Elle a sollicité l’audition du Dr E______.

L’OAI ne pouvait pas demander à l’expert E______ de se prononcer une nouvelle fois sur l’exigibilité professionnelle et la réponse de celui-ci n’était pas claire ; l’OAI devait tenir compte de la diminution de rendement fixée par l’expert à 50%. Elle a conclu à une capacité de travail de 25%, voire de 30%, laquelle ouvrait le droit à une rente entière d’invalidité. Par ailleurs, l’enquête ménagère était contestée et il convenait de retenir le taux de 31% établi par le service d’ergothérapie de la clinique de Valmont ; enfin, le revenu sans invalidité était contesté et il convenait de soustraire, à tout le moins les années 2008 et 2009. Le taux d’invalidité global était de 71,5%.

b. Le 16 février 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que la première appréciation du Dr E______, peu claire, avait nécessité une demande de précision quant à la capacité de travail de l’assurée, simple clarification. Le revenu sans invalidité fondé sur les années 2009 à 2014 était représentatif et l’enquête économique sur le ménage devait être confirmée.

c. Le 21 mars 2022, l’assurée a répliqué, en soulignant que l’OAI ne l’avait, à tort, pas sollicitée dans le cadre du complément d’expertise demandé au Dr E______ et que l’exigibilité était au maximum de 25%, voire de 30% (60% de capacité de travail avec une diminution de rendement de 50%).

d. Le 11 avril 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

e. Le 25 avril 2022, la recourante a indiqué les questions qu’elle souhaitait poser au Dr E______ et transmis des pièces concernant son revenu en relevant que son revenu en 2014, pour un taux de 100%, était de CHF 78'100.- et que c’était ce revenu qui était pertinent.

f. Le 4 mai 2022, l’OAI a explicité le calcul du degré d’invalidité.

g. Le 11 mai 2022, l’OAI a confirmé le revenu sans invalidité retenu par la réadaptation professionnelle le 23 décembre 2020.

h. Le 19 mai 2022, la recourante a estimé que l’exigibilité devait être appréciée tant du point de vue professionnel que ménager, selon sa situation réelle et concrète.

i. A la demande de la chambre de céans, le Dr E______ a donné des renseignements complémentaires le 23 juin 2022. Il a précisé que la capacité de travail de la recourante était de 30% (soit 60% avec une baisse de rendement de 50%). On passait de 25 à 30% de capacité exigible, « tenant compte que l’expertisée ne s’est pas fatiguée au préalable de son activité professionnelle ». La recourante avait besoin de changer de position tant dans son activité professionnelle que ménagère.

j. Le 4 juillet 2022, la recourante a observé qu’il convenait de tenir compte de la réponse initiale du Dr E______, qui retenait une exigibilité globale de 25%, de sorte qu’elle avait droit à une rente entière d’invalidité.

k. Le 14 juillet 2022, le SMR a estimé que la recourante présentait une capacité de travail de 30%.

l. Le 18 juillet 2022, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

m. A la demande de la chambre de céans, l’OAI a conclu le 31 août 2022 au droit de la recourante à un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er avril 2017. Il a communiqué une note de la division de gestion du 31 août 2022, selon laquelle, en 2016, le degré d’invalidité de la recourante était de 63% (59,31% dans la sphère professionnelle et 3,6% dans la sphère ménagère) et dès le 1er janvier 2018 de 67% (63,45% dans la sphère professionnelle et 3,6% dans la sphère ménagère).

n. Le 6 septembre 2022, la recourante a contesté le calcul du degré d’invalidité de l’OAI, en relevant que sa capacité de travail était seulement de 25%, que son revenu sans invalidité était d’au moins CHF 78'100.- et que son invalidité ménagère était de 31%.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             L’intimé a considéré le 31 août 2022 que la recourante avait finalement droit à un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er avril 2017, au lieu d’un quart de rente d’invalidité. Reste ainsi litigieuse, au vu des conclusions de la recourante, d’une part, le droit de celle-ci à une rente entière d’invalidité, d’autre part, le moment de la naissance du droit, soit, selon la recourante, le 1er septembre 2016 au lieu du 1er avril 2017.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

4.3 En vertu de l’art. 29 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007), le droit à la rente au sens de l’art. 28 prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins (art. 7 LPGA), ou dès laquelle l’assuré a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable (art. 6 LPGA). Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.              

5.1 Lorsqu'il convient d'évaluer l'invalidité d'un assuré d'après la méthode mixte, l'invalidité des assurés qui n'exercent que partiellement une activité lucrative est, pour cette part, évaluée selon la méthode ordinaire de comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA). S'ils se consacrent en outre à leurs travaux habituels, l'invalidité est fixée selon la méthode spécifique pour cette activité. Dans ce cas, il faut déterminer la part respective de l'activité lucrative et celle de l'accomplissement des autres travaux habituels et calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont l'assuré est affecté dans les deux activités en question (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA).

5.2 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7, al. 2, de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3, let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

6.              

6.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

6.1.1 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2).

6.1.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3). En particulier, l’ESS 2016 a été publiée le 26 octobre 2018 (étant précisé que le tableau T1_tirage_skill_level a été corrigé le 8 novembre 2018).

Enfin, dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’existe pas de motifs sérieux et objectifs justifiant une modification de sa jurisprudence relative à l’application des ESS dans le cadre de la détermination du degré d’invalidité des assurés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2021 du 9 mars 2022, destiné à la publication).

6.1.2.1.    La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références).

6.1.2.2.    L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

7.              

7.1 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

7.2 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

8.              

8.1 Le Tribunal fédéral, dans sa jurisprudence la plus récente, a considéré que dans certaines circonstances bien définies, il pouvait être tenu compte de la diminution de la capacité d'exercer une activité lucrative ou d'accomplir les travaux habituels en raison des efforts consentis dans l'autre domaine d'activité (ATF 134 V 9 ; voir également SVR 2006 IV n° 42 p. 151).

Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure les efforts fournis dans l'un et l'autre domaine d'activité s'influencent mutuellement, il convient de tenir compte des paramètres différents qui caractérisent les deux situations. En vertu de son obligation de réduire le dommage résultant de l'invalidité, la personne assurée est tenue d'exercer une activité lucrative adaptée qui mette pleinement en valeur sa capacité résiduelle de travail (cf. ATF 130 V 97 consid. 3.2 et les références); en d'autres mots, il lui appartient de privilégier les types d'activité qui sollicitent le moins possible son organisme. En revanche, un tel choix n'est guère possible dans le domaine ménager, puisque la conduite du ménage repose sur un canevas de tâches prédéfinies à l'accomplissement desquelles il ne peut être renoncé. La personne assurée a toutefois la possibilité d'atténuer les effets de son atteinte à la santé, dans la mesure où elle dispose d'une plus grande liberté dans la répartition de son travail et peut solliciter dans un rapport raisonnable l'aide de ses proches. L'éventualité que les deux domaines d'activités puissent s'influencer réciproquement apparaîtra cependant d'autant plus faible que leurs profils d'exigences seront complémentaires. L'influence négative engendrée par le défaut - total ou partiel - de complémentarité des deux domaines d'activité doit être manifeste et inévitable pour qu'elle puisse être prise en compte. On ne saurait admettre l'existence d'effets réciproques dommageables lorsque ceux-ci peuvent être évités par le choix d'une activité lucrative adaptée et normalement exigible (ATF 134 V 9 consid. 7.3.1).

8.2 L'incapacité d'exercer une activité lucrative ou d'accomplir les travaux habituels résultant des efforts consentis dans l'autre domaine d'activité ne peut être prise en considération qu'à certaines conditions spéciales. Ainsi, le Tribunal fédéral a dégagé les principes suivants. La prise en considération d'effets réciproques dommageables ne peut avoir lieu que s'il ressort du dossier que la documentation pertinente (rapports médicaux et enquêtes ménagères) a été établie en méconnaissance de la situation prévalant dans l'un et l'autre champ d'activité et uniquement s'il existe des indices concrets plaidant en faveur d'une diminution de la capacité d'exercer une activité en raison des efforts consentis dans l'autre activité. De plus, les efforts consentis en exerçant une activité lucrative ne peuvent être pris en compte lorsqu'il convient d'apprécier la capacité à accomplir les travaux habituels que si la personne assurée exploite pleinement et concrètement sa capacité résiduelle de travail après la survenance de l'invalidité. A l'inverse, les efforts fournis dans l'accomplissement des travaux habituels ne peuvent être pris en compte lorsqu'il convient d'apprécier la capacité à exercer une activité lucrative que dans l'hypothèse où la personne assurée consacre une partie de son temps à des tâches d'assistance familiale (en faveur de ses enfants ou de parents nécessitant des soins). L'appréciation doit se faire en fonction de l'importance décroissante qu'il convient d'accorder à chaque domaine d'activité. Si la répartition des champs d'activité est équilibrée, il convient d'examiner celui où les efforts se font le plus fortement ressentir. Une double prise en considération n'est en revanche pas possible, les efforts ne pouvant se répercuter de manière cumulative dans chaque domaine d'activité. En outre, la diminution de l'aptitude à exercer une activité lucrative ou à accomplir les travaux habituels résultant des efforts consentis dans l'autre domaine d'activité doit être manifeste et dépasser la mesure normale. La mesure de ce qu'il y a lieu de considérer comme des effets réciproques considérables doit toujours être examinée à la lumière des circonstances concrètes du cas particulier (ATF 134 V 9 consid. 7.3.2 à 7.3.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2014 du 20 janvier 2015 consid. 4.1.2).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

11.          

11.1 En l’occurrence, l’intimé est revenu, en cours de procédure, sur la décision litigieuse octroyant à la recourante un quart de rente d’invalidité dès le 1er janvier 2018. Il a recalculé le degré d’invalidité de la recourante depuis le 21 avril 2016 pour aboutir à un taux de 63% et, depuis le 1er janvier 2018, pour aboutir à un taux de 67% et a constaté que la recourante avait, en conséquence, droit à un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er avril 2017, moment de l’échéance du délai de carence.

11.2 La recourante conteste ce calcul, singulièrement son taux de capacité de travail exigible, son revenu sans invalidité et son invalidité ménagère, et conclut à l’octroi d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er septembre 2016.

12.         S’agissant tout d’abord de l’évaluation de la capacité de travail de la recourante, il est admis que la recourante a présenté une capacité de travail nulle du 2 septembre 2015 au 20 avril 2016. Dès le 21 avril 2016, sa capacité de travail est de 30% selon l’intimé et de 25% selon la recourante. Ces deux appréciations sont fondées sur l’expertise du Dr E______ du 2 mars 2020 et ses compléments des 11 septembre 2020 et 23 juin 2022. Il convient dès lors de déterminer la capacité de travail exigible de la recourante au 21 avril 2016.

12.1 Le 2 mars 2020, le Dr E______ a estimé que la recourante présentait, depuis le 2 septembre 2015, une capacité de travail de 25%, soit une activité exercée à un taux de 50%, avec une diminution de rendement de 50% en raison de la nécessité de changer régulièrement de position. Il a précisé que ce taux tenait compte du fait que la recourante assumait des tâches ménagères. Les 11 septembre 2020 et 23 juin 2022, il a précisé que la capacité de travail, sans tenir compte d’une fatigue préalable à l’exercice d’une activité professionnelle, due à l’activité ménagère, était finalement de 60%, avec une diminution de rendement de 50%, de sorte qu’elle était de 30%.

12.2 La recourante estime que sa capacité de travail doit prendre en compte sa situation réelle et concrète, soit l’existence d’une activité ménagère impactant son exigibilité professionnelle, de sorte que celle-ci est de 25% et non pas de 30%. La recourante prétend ainsi à la prise en considération d’effets réciproques dommageables au sens de la jurisprudence précitée, singulièrement de l’effet dommageable de l’activité ménagère sur sa capacité de travail.

Or, en l’occurrence, le Dr E______ n’a pas fait état d’éléments permettant de reconnaitre que la recourante présenterait une diminution de son aptitude à exercer une activité à un taux de 30%, en raison des efforts consentis dans les travaux habituels, étant rappelé que cette diminution, pour être admise, doit être manifeste et dépasser la mesure normale et que, selon le rapport d’enquête ménagère, la recourante bénéficie d’une aide de son époux, dont l’exigibilité de 30% peut, comme il sera exposé ci-après, être confirmée. En outre, l’intimé, dans son calcul du degré d’invalidité du 31 août 2022, a appliqué au taux de capacité de travail exigible de 30% une diminution de rendement de 10%, de sorte que le taux de capacité de travail finalement retenu est de 27%. Or, une diminution de rendement a déjà été prise en compte dans la fixation du taux de 30%, le Dr E______ ayant expliqué que l’exigibilité était de 60%, avec une baisse de rendement de 50% due à la nécessité pour la recourante de changer de position. L’application d’une diminution de rendement supplémentaire de 10% apparait ainsi généreuse, ce d’autant qu’elle est appliquée en sus d’un abattement de 10%, correspondant à la déduction jurisprudentielle précitée, retenu en raison d’une activité à temps partiel seule possible.

12.3 Au vu de ce qui précède, l’exigibilité professionnelle au taux de 27%, telle que retenue par l’intimé, ne peut qu’être confirmée.

13.         La recourante conteste ensuite l’évaluation de ses empêchements dans la sphère ménagère.

13.1 Le rapport d’enquête économique sur le ménage, du 12 mai 2021, est fondé sur une visite à domicile de l’enquêtrice de 15 minutes le 10 mai 2021, suivie d’un entretien téléphonique avec la recourante de 2h55. Il conclut à un empêchement de la recourante de 48% et, compte tenu d’une exigibilité de son époux de 30%, à un empêchement de 18%.

13.2 La recourante conteste l’évaluation de ses empêchements et le taux d’exigibilité retenu pour son époux, en faisant valoir le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont, du 4 octobre 2021, concluant à un empêchement de la recourante de 56%, à une exigibilité de son époux de 25% et à un empêchement avec exigibilité de, finalement, 31%.

13.2.1 S’agissant du déroulement de l’enquête et contrairement au grief de la recourante, l’enquêtrice s’est effectivement rendue au domicile de la recourante le 10 mai 2021 pour une courte visite, cela pour répondre à la demande de la recourante, laquelle préférait s’expliquer à l’occasion d’un entretien téléphonique avec l’enquêtrice (cf. note de travail de l’OAI du 10 mai 2021 et rapport du service des évaluations de l’OAI du 2 novembre 2021). Il n’y a pas lieu, dans ces conditions, de mettre en cause la procédure d’enquête.

13.2.2 S’agissant des empêchements, le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont diffère de celui de l’intimé concernant les postes, d’une part, entretien du logement et garde des animaux domestiques (taux d’empêchement retenu de 80% au lieu de 50%) et, d’autre part, achats et courses diverses (taux d’empêchement retenu de 90% au lieu de 30%).

13.2.2.1.                        Il convient préalablement de constater que la critique de la recourante relativement à l’évaluation de ses empêchements dans le domaine de l’alimentation (elle cite un véritable fossé entre les observations de l’enquêtrice et l’évaluation de ses empêchements dans ce domaine) n’est pas pertinente, dès lors que le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont, sur lequel elle se fonde, retient un empêchement similaire à celui évalué par l’enquêtrice, soit de 50%.

13.2.2.2.                        S’agissant de l’entretien du logement, l’enquêtrice a retenu que la recourante pouvait passer l’aspirateur de manière fractionnée (il était exigible qu’elle acquiert un robot-aspirateur), effectue le nettoyage des WC, des lavabos, des miroirs de la salle de bains, sort les chiens (petit tour), s’occupe des plantes d’intérieur ; les gros travaux de nettoyage étant effectués par l’époux, l’empêchement était de 50%. L’enquêtrice a considéré que la recourante pouvait participer aux activités plus lourdes en fractionnant son travail et en allant à son rythme, en respectant l’alternance des positions ; enfin, elle a tenu compte du fait qu’avant l’atteinte à la santé, la recourante n’effectuait déjà pas certaines tâches, prises en charge par son époux ou une femme de ménage.

Selon le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont, la recourante passe l’aspirateur mais pas quotidiennement, elle peut faire la poussière en séquençant l’activité, s’occupe de ses plantes d’intérieur, peut sortir les chiens en se limitant à de petites ballades ; or, ces constatations rejoignent en tous points celles de l’enquêtrice, étant relevé que le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont ne se prononce pas sur la capacité de la recourante à nettoyer les WC, les lavabos et les miroirs de la salle de bains, ni à participer, dans sa mesure et à son rythme, aux tâches d’entretien du logement plus lourdes, ni encore à la possibilité pour la recourante d’acquérir des appareils ménagers comme un robot-aspirateur, pour lui faciliter la tâche, ni enfin à la situation de la recourante qui n’assumait pas, avant son atteinte à la santé, certaines tâches ménagères.

Le taux d’empêchement de 80% retenu par le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont ne saurait, dans ces conditions, être préféré ; la fixation par l’enquêtrice d’un taux d’empêchement de 50%, au vu de toutes les circonstances précitées prises en compte, n’est pas critiquable.

13.2.2.3.                        S’agissant du poste achats et courses diverses, l’enquêtrice a retenu que la recourante préparait une liste de courses, son époux se chargeant de celles-ci. Elle gérait les tâches administratives à raison de ¾, il n’y avait donc pas d’empêchement dans la gestion des tâches administratives. Il était exigible qu’elle recourt à des livraisons à domicile et qu’elle effectue des courses légères ; l’empêchement était de 30%.

Le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont retient que la réalisation des tâches administratives n’est pas affectée par le handicap de la recourante ; la recourante accompagne son époux pour faire les courses ; l’organisation du quotidien était ressentie comme stressante, la recourante devant répartir les tâches et rendement en fonction de ses douleurs. Or, ces constats rejoignent ceux de l’enquêtrice, sans toutefois se prononcer sur l’exigibilité du recours aux achats en ligne, avec livraison à domicile, ni sur la possibilité de faire de petites courses complémentaires.

Dans ces conditions, l’empêchement retenu de 90% par le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont n’est pas convaincant, ce d’autant qu’aucun empêchement n’est retenu dans la gestion des tâches administratives.

13.2.3 Au vu de ce qui précède, les empêchements établis par l’enquête économique sur le ménage, du 12 mai 2021, ne peuvent qu’être confirmés.

13.2.4 Quant à la modification de la pondération des différents postes, elle n’est pas motivée par le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont et n’apparait pas pertinente, les postes achats et courses diverses étant réduit, à un taux de 5%, sans explication.

13.2.5 Enfin, la recourante conteste l’exigibilité de son époux, fixée à 30%. L’enquêtrice a retenu que celui-ci pouvait participer aux tâches ménagères. A cet égard, le rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont se borne à indiquer que l’époux travaille à 100% et qu’il aide la recourante au quotidien lorsqu’il rentre du travail et, sur cette base, retient une exigibilité de 25%. Or, le taux de 30%, contrairement à l’avis de la recourante, n’est, dans ces conditions, pas critiquable et, en particulier, aucun élément ressortant du rapport du service d’ergothérapie de la clinique de Valmont ne permet de s’en écarter, en particulier ne permet d’établir que l’époux de la recourante subirait une charge excessive (à cet égard arrêt du TF 9C_787/2014 du 30 septembre 2015, consid. 3.3.).

13.3 Au vu de ce qui précède, l’empêchement pondéré avec exigibilité de 18% peut être confirmé, tout comme l’invalidité ménagère qui en résulte de 3,6% (18% x 20%).

14.          

14.1 La recourante conteste également le revenu sans invalidité retenu par l’intimé, soit CHF 71'001.25 et prétend à la prise en compte d’un revenu de CHF 78'100.-.

Or, il convient de constater que même si ce dernier montant était pris en considération, le calcul du degré d’invalidité ne lui donnerait pas droit à une rente entière d’invalidité, étant relevé que le revenu d’invalide (fondé sur l’ESS 2016, TA1, femme, total, avec un niveau de compétence de niveau 2, pour 41,7 heures de travail par semaine à un taux de 27%, avec un abattement de 10%) n’est pas contesté, soit CHF 14'689.- en 2016.

14.1.1 Selon l’ancien calcul, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017, le degré d’invalidité, en 2016, se présente comme suit, tenant compte d’un revenu sans invalidité à un taux de 80% (80% x CHF 78'100) :

62'480 - 14'689 = 76,49%

62’480

Ramené à un statut d’active à 80%, il est de 61,19%. Augmenté de l’invalidité ménagère de 3,6%, il est finalement de 64,79, soit 65%. Ce taux donne droit à trois-quarts de rente d’invalidité.

14.1.2 Selon le nouveau calcul, en vigueur dès le 1er janvier 2018, le degré d’invalidité se présente comme suit :

78'100 - 14'689 = 81,19%

78'100

Ramené au statut d’active à 80%, il est de 64,95%. Augmenté de l’invalidité ménagère de 3,6%, il est finalement de 68,55%, soit 69%. Ce taux donne droit à un trois-quarts de rente d’invalidité.

Au vu de ce qui précède, la recourante a droit à un trois-quarts de rente d’invalidité.

14.2 L’intimé a reconnu le droit de la recourante à un trois-quarts de rente d’invalidité dès le 1er avril 2017, en mentionnant qu’il s’agit du moment de l’échéance du délai de carence (écriture de l’intimé du 31 août 2022). Cependant, la décision litigieuse admet que le délai de carence a débuté le 2 septembre 2015, la recourante étant effectivement, dès cette date, reconnue totalement incapable de travailler. Le délai de carence d’un an est ainsi venu à échéance le 1er septembre 2016, de sorte que, compte tenu du dépôt de la demande de prestations le 20 mars 2016, le droit à la rente d’invalidité nait le 1er septembre 2016.

15.         En conséquence, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2016.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 8 décembre 2021.

4.        Dit que la recourante a droit à un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2016.

5.        Octroie à la recourante une indemnité de CHF 3'000.-, à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le