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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3550/2021

ATAS/868/2022 du 06.10.2022 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3550/2021 ATAS/868/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 6 octobre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à Le Grand-Saconnex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maitre Alexia RAETZO

 

 

recourante

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, Luzern

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______, née le ______ 1970, assistante gestionnaire contentieux auprès de B______, a été victime d’un accident de la circulation routière le 22 janvier 2018 alors qu’elle circulait à scooter. Elle a subi une fracture du plateau tibial gauche justifiant une invention chirurgicale le 30 janvier 2018 et le 21 juin 2018, puis une ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) le 9 avril 2019. L’assurée a présenté des douleurs persistantes au genou et à la cheville gauche, avec des sensations de blocage, nécessitant l’utilisation de béquilles.

b. L’assurée a repris son activité professionnelle dès août 2019, de façon progressive jusqu’à un taux de 70%. Dès le 19 juin 2020, elle a présenté une incapacité de travail de 50% pour des motifs psychiques.

B. a. Le 23 septembre 2020, le docteur C______, FMH psychiatrie et psychothérapie, médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assurée ; celle-ci se plaignait de pessimisme, de moral fluctuant avec des moments d’abattement, de découragement, de sommeil perturbé, de fatigue, de fatigabilité, de ruminations. Il a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger à moyen, réactionnel à la problématique somatique et fixé une capacité de travail limitée à 50%.

b. Le 16 février 2021, le Dr D______, FMH chirurgie orthopédique, médecin d’arrondissement de la SUVA, a effectué un examen final. L’assurée présentait des douleurs au niveau du genou, une instabilité, la nécessité d’utiliser des béquilles et une sensibilité aux frottements sur le genou. Il a retenu des diagnostics de fracture du plateau tibial gauche, de syndrome douloureux régional complexe (SDRC ou CRPS), de douleurs neuropathiques du membre inférieur gauche et de raideur de la cheville gauche. La capacité de travail était diminuée de 20% puis, dans le futur de 10% pour une activité sédentaire stricte. L’état était stabilisé à deux ans de la dernière intervention du 9 avril 2019. Le 29 avril 2021, le Dr D______ a fixé le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) à 25% et, le 30 avril 2021, il a estimé que la baisse de rendement était de 5% ; les limitations fonctionnelles autorisaient une activité sédentaire stricte.

c. Le 19 mai 2021, la SUVA a écrit à l’assurée qu’elle cesserait le versement des indemnités journalières et la prise en charge des soins médicaux (sous réserve de certains traitements) au 31 août 2021.

d. Par décision du 7 juin 2021, la SUVA a refusé à l’assurée le droit à une rente d’invalidité et fixé une IPAI de 25%. La diminution de rendement était de 5% du point de vue somatique et des éléments d’appréciation excluaient une relation de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident.

e. Le 18 juin 2021, la recourante a fait opposition à cette décision. La SUVA devait investiguer les perspectives d’évolution de son état de santé physique au besoin par une expertise indépendante, avant toute suppression des indemnités journalières et motiver de manière détaillée les éléments d’appréciation dont elle se prévalait pour exclure la prise en charge des troubles psychiques. Le paiement des indemnités journalières devait être maintenu au-delà du 31 août 2021 et une rente d’invalidité et une IPAI examinées après instruction médicale complémentaire.

f. Le 3 septembre 2021, le Dr D______ a rendu une appréciation médicale et confirmé ses précédentes appréciations.

g. Par décision du 16 septembre 2021, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assurée, en se fondant sur l’avis du Dr D______. S’agissant des troubles psychiques, l’accident devait être qualifié de moyen, à la limite de la catégorie inférieure, de sorte que quatre critères jurisprudentiels étaient nécessaires pour admettre la causalité adéquate, alors qu’aucun n’était rempli ; l’IPAI de 25% était confirmée. Il était mentionné qu’un recours contre la présente décision n’aurait aucun effet suspensif.

C. a. Le 18 octobre 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision sur opposition précitée, en concluant, sur mesures provisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif au recours et au maintien de l’indemnité journalière au-delà du 31 août 2021, principalement, à l’annulation de la décision, au versement de l’indemnité journalière sur la base d’une incapacité de travail de 50%, à la prise en charge par la SUVA des soins médicaux, à l’octroi d’une IPAI supérieure à 25%, à l’ordonnance d’une expertise pluridisciplinaire, voire à l’octroi d’une rente d’invalidité dès le 1er septembre 2021 tenant compte d’une incapacité de travail de 50%. Contrairement aux constats retenus par la SUVA, des traitements complémentaires devaient encore être explorés avant de pouvoir conclure à une stabilisation de l’état de santé, de sorte que le versement de l’indemnité journalière et le paiement des soins médicaux devaient être poursuivis au-delà du 31 août 2021.

L’assurée a notamment communiqué :

·      un rapport de la Dresse E______, FMH médecine physique et réadaptation, du 11 mars 2021, selon lequel l’assurée présentait un tableau clinique stabilisé, les douleurs du membre inférieur et les aspects psychologiques ne permettaient pas une reprise d’activité à 80%, une augmentation progressive était plus adaptée avec un taux maximum de 70% ; elle présentait une hypersensibilité au toucher et une allodynie au niveau du genou et de la jambe gauche ; elle ressentait un lâchage du genou et la marche sans béquilles n’était pas fluide.

·      un rapport des Drs F______, FMH en chirurgie orthopédique, et G______, FMH en chirurgie orthopédique, du 2 juin 2021, constatant une allodynie du genou gauche jusqu’à mi-mollet ; la situation était stabilisée selon les différents thérapeutes qui l’avaient suivie ;

·      un rapport de la Dresse H______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, du 18 juin 2021, selon lequel l’assurée gardait des séquelles très importantes d’une algodystrophie sévère, avec des douleurs permanentes et persistantes, malgré une médication antalgique forte, un lâchage de son genou et une amyotrophie de la cuisse ; elle était limitée dans son quotidien personnel et professionnel et sa capacité de travail était au maximum de 50%, compte tenu des douleurs et des effets de son traitement antalgique lourd ;

·      un rapport du Dr I______, FMH médecine physique et réadaptation, du 21 juillet 2021, selon lequel l’assurée souffrait toujours de façon importante des séquelles d’une algodystrophie sévère de son genou gauche, dans les suites traumatiques d’une fracture complexe ostéosynthésée ; elle était très limitée dans ses activités de la vie quotidienne et professionnelle et prenait une médication lourde sur le plan antalgique ; sa capacité de travail était de 50% au maximum ;

·      un rapport du Dr J______, FMH médecine générale, du 14 septembre 2021, selon lequel l’assurée présentait des douleurs en lien avec l’accident au membre inférieur gauche, au bassin, à la colonne lombaire et aux épaules (peut-être en raison de l’utilisation de cannes anglaises) ; l’IRM du genou gauche du 24 août 2021 montrait une énorme chondropathie fémoro-tibiale latérale de grade III et fémoro-patellaire de grade II, affectant la mobilité ; il convenait d’étudier quel traitement apporter pour rendre un minimum de mobilité ; la capacité de travail était au maximum de 50%.

b. Le 19 novembre 2021, la SUVA a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, la situation étant stabilisée.

c. Le 25 novembre 2021, la recourante a observé qu’il était prématuré de considérer que son état de santé était stabilisé.

d. Le 20 décembre 2021, la recourante a observé, après que la SUVA ait réclamé un délai supplémentaire pour répondre et pour apprécier les pièces médicales récentes, que la SUVA avait traité avec légèreté son dossier, sans examiner les éléments médicaux qu’elle avait apportés.

e. Le 21 décembre 2021, le Dr D______ a effectué une appréciation médicale, en relevant que le rapport du Dr J______, du 14 septembre 2021 ne modifiait pas son appréciation.

f. Le 14 janvier 2022, la SUVA a conclu au rejet du recours, en se fondant sur l’appréciation du Dr D______.

g. Le 3 février 2022, l’assurée a répliqué.

h. Le 7 février 2022, l’assurée a communiqué deux certificats attestant d’une incapacité de travail de 50% en février 2022 établis par le Dr K______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et la Dresse L______, FHM médecine interne générale.

i. Par arrêt incident du 9 février 2021, la chambre de céans a rejeté la requête en restitution de l’effet suspensif au recours, en relevant que les rapports du Dr D______ étaient très succincts et peu motivés sur l’analyse du cas de la recourante, dont celle de la stabilisation de l’état de santé mais que les rapports médicaux des médecins traitants ne permettaient pas d’admettre, sans aucun doute, que la stabilisation de l’état de santé n’était pas atteinte.

j. Le 29 avril 2022, l’assurée a communiqué les nouvelles pièces médicales suivantes et souligné que celles-ci confirmaient ses nombreuses atteintes à la santé, de sorte que des investigations médicales complémentaires étaient nécessaires et qu’elle ne pouvait travailler à un taux supérieur à 50% :

·      des certificats d’arrêt de travail à 50% pour mars, avril et mai 2022 du Dr K______ ;

·      des certificats d’arrêt de travail à 50% pour avril et mai 2022 de la Dresse L______ ;

·      un rapport du 22 février 2022 du Dr M______, selon lequel l’assurée présentait cliniquement une paresthésie, dysesthésie du genou gauche et une grosse irritation de la bandelette « ilii-tibiale » justifiant une infiltration et à l’IRM une prolifération fibre-cicatricielle de l’angle supéro-externe de la cheville, justifiant une investigation par un spécialiste de la douleur ;

·      un rapport du Dr N______, FMH anesthésiologie, du 28 mars 2022, selon lequel un test de perfusion confirmait l’étiologie neuropathique du syndrome douloureux ; une sonde test de neuromodulation était proposée à l’assurée qui avait accepté cette proposition ;

·      un rapport de la Dresse O______, FMH endocrinologie et diabétologie, du 6 avril 2022, concluant à une ostéoporose axiale et périphérique multifactorielle nécessitant un traitement.

k. Le 10 juin 2022, le Dr D______ a rendu une appréciation médicale, en relevant que les nouvelles pièces médicales ne modifiaient pas son appréciation ; l’assurée présentait des douleurs neuropathiques de la jambe et du genou gauche mal systématisées. Il serait intéressant de connaitre l’effet de l’implantation de la sonde test de neuromodulation ; la situation était stabilisée à deux ans de la dernière intervention. Les nouveaux examens envisagés depuis janvier 2022 ouvraient la question d’une rechute.

l. Le 13 juin 2022, la SUVA a conclu au rejet du recours.

m. Le 20 juin 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution. La recourante a déclaré, notamment, que le traitement par sonde de neuromodulation était programmé pour septembre 2022.

n. Le 13 septembre 2022, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner une expertise judiciaire qui serait confiée au Professeur P______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

o. Le 20 septembre 2022, la recourante a accepté la mission d’expertise.

p. Le 23 septembre 2022, la SUVA a demandé la récusation du Professeur P______, d’une part, car il avait travaillé avec le Dr M______, d’autre part, car il n’était pas spécialiste de la jambe. Elle a proposé deux noms d’experts.

q. Le 3 octobre 2022, l’assurée a observé que le Professeur P______ disposait de toutes les compétences nécessaires pour effectuer l’expertise et que le fait qu’il ait travaillé et/ou opéré avec le Dr M______ n’était pas un motif suffisant de récusation.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI ; RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 LPGA)

2.              

2.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 413 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 126/06 du 15 juillet 2007 consid. 3.1). Le juge n'entre donc pas en matière, en règle générale, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation (ATF 125 V 413 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2009 du 18 mars 2010 consid. 2.1).

2.2 Le Tribunal fédéral a jugé qu’il devait être admis qu'en rendant une décision formelle de refus du droit à la rente et d'octroi d'une IPAI, la SUVA avait, par voie de conséquence, également refusé formellement le versement de l'indemnité journalière et la prise en charge du traitement médical. La question de la suspension des indemnités journalières et du traitement médical d'une part, et de l'examen des conditions du droit à la rente d'autre part, formaient en effet un seul objet du litige (cf. ATF 144 V 354 consid. 4. 2 p. 358). La SUVA aurait certes pu rendre une décision formelle relative à la suppression des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical après avoir constaté le désaccord de l'assurée avec le contenu de sa lettre (art. 49 LPGA). Toutefois, comme elle le faisait valoir, la situation juridique de cette dernière ne s'était pas trouvée affectée du fait qu'elle s'était prononcée par une décision formelle de refus de rente. L'assurée pouvait en effet faire valoir son droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical en formant opposition à la décision formelle précitée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2018 du 7 mars 2019). 

2.3 En l’occurrence, il doit être admis, dans le même sens, qu’en rendant, le 7 juin 2021, une décision formelle de refus de rente d’invalidité et d’octroi d’une IPAI de 25%, l’intimée a, par voie de conséquence, également refusé formellement le versement de l’indemnité journalière et le paiement des soins médicaux dès le 1er septembre 2021 (selon courrier de l’intimée du 19 mai 2021).

Le litige porte en conséquence tant sur la cessation au 31 août 2021 des prestations précitées que sur le refus d’une rente d’invalidité et le taux de l’IPAI.

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraine la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

3.2 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage parait possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc» ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

3.3 Les notions de syndrome douloureux régional complexe (CRPS - Complex regional pain syndrome en anglais), algodystrophie ou maladie de Suedeck appartiennent aux maladies neurologiques, orthopédiques et traumatologiques et constituent ainsi une atteinte à la santé physique, respectivement corporelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_955/2008 du 29 avril 2009 consid. 6). Ils désignent, en médecine, un état maladif post-traumatique, qui est causé par un traumatisme bénin, qui se transforme rapidement en des douleurs importantes et individualisées avec des sensations de cuisson, qui s’accompagnent de limitations fonctionnelles de type moteur, trophique ou sensori-moteur. Toute une extrémité ou une grande partie d’une zone du corps est touchée. Les causes peuvent non seulement être une distorsion d’une articulation mais aussi, par exemple, un infarctus. La discordance entre le traumatisme à l’origine, qui peut en réalité être qualifié de bagatelle, et les conséquences est importante. L’étiologie et la pathogenèse de ce syndrome ne sont pas claires. C’est pourquoi, selon la jurisprudence, pour qu’un tel syndrome puisse constituer la conséquence d’un accident, les trois critères suivants doivent être réalisés : a) la preuve d'une lésion physique (comme par exemple un hématome ou une contusion) après un accident ou l'apparition d'une algodystrophie à la suite d'une opération nécessitée par l'accident; b) l'absence d'un autre facteur causal de nature non traumatique (comme par exemple : état après infarctus du myocarde, après apoplexie, après ou lors de l’ingestion de barbituriques, lors de tumeurs, de grossesses; etc.) et une courte période de latence entre l'accident et l'apparition de l'algodystrophie, soit au maximum six à huit semaines (arrêts du Tribunal fédéral 8C_871/2010 du 4 octobre 2011 consid. 3.2 et 8C_384/2009 du 5 janvier 2010 consid. 4.2.1 in SVR 2010 UV n° 18 p. 69). Pour admettre un lien de causalité naturelle, il n'est pas déterminant que le diagnostic ait été posé dans les six à huit semaines après l’accident, mais que sur la base de constatations médicales fournies en temps réel, on puisse conclure que durant cette période de latence l'assuré a souffert au moins en partie des symptômes typiques de ce diagnostic. La causalité naturelle peut également être admise si le syndrome fait suite à une opération en lien avec l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_27/2019 du 20 août 2019 consid. 6.4.2 et les références citées).

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 10 al. 1 LAA, l'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident. S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite de l'accident, il a droit à une indemnité journalière. Le droit à l'indemnité prend naissance le troisième jour qui suit celui de l'accident et s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède (art. 16 al. 2 LAA). Enfin, si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite de l'accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme (art. 19 al. 1, 1ère phrase, LAA).

Cependant, le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente au sens de l'art. 19 al. 1 LAA (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Il cesse également s'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, mais qu'aucune rente n'est allouée parce que l'assuré présente un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10 % prévu par l'art. 18 al. 1 LAA (cf. ATF 134 V 109 consid. 4.1; ATF 133 V 57 consid. 6.6.2). Autrement dit, l'assureur-accidents est tenu d'octroyer une indemnité journalière et de prendre en charge le traitement médical aussi longtemps qu'il y a lieu d'attendre une amélioration notable de l'état de santé. Si une telle amélioration ne peut plus être envisagée, il doit clore le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_589/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.2).

4.2 Selon l'art. 21 al. 1 LAA, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire notamment lorsqu'il a besoin de manière durable d'un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c) ou lorsqu'il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d).

Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l'assuré est ou n'est pas au bénéfice d'une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b). Dans l'éventualité visée à l'art. 10 al. 1 LAA, un traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à entrainer une amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. Il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à augmenter la capacité de gain. En revanche, dans l'éventualité visée à l'art. 21 al. 1 LAA, un traitement ne peut être pris en charge qu'aux conditions énumérées à cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 8C_332/2012 du 18 avril 2013 consid. 1).

Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant qu’elle ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du 23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). Ni la simple possibilité d'un résultat positif d'un autre traitement médical, ni un progrès thérapeutique seulement insignifiant escompté d'autres mesures thérapeutiques comme une cure thermale ne donnent droit à leur mise en œuvre. Il n'y a pas d'amélioration sensible de l'état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_179/2014 du 16 mars 2015 consid. 4.1). Cette question doit être examinée de manière prospective. La clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques d’une part et les troubles somatiques d’autre part n’entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

5.              

5.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ATF 130 V 343 consid. 3.4). Dans ce contexte, on évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 5 ; ATF 126 V 75 consid. 3b/aa).

5.2 Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement le revenu hypothétique sans invalidité et le revenu d'invalide, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique pour non-actifs (art. 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète (procédure extraordinaire d'évaluation). La différence fondamentale entre cette procédure et la méthode spécifique réside dans le fait que l'invalidité n'est pas évaluée directement sur la base d'une comparaison des activités; on commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empêchement provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne active, entrainer une perte de gain de la même importance, mais n'a pas nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des personnes actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité, pour cette catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité de gain (ATF 128 V 29 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1).

5.3 Selon le principe prévalant dans le domaine de l'assurance-invalidité et applicable également dans l’assurance-accidents, un assuré doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c'est pourquoi un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l'obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d'un assuré doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l'importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l'âge, la situation professionnelle concrète ou encore l'attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être prises en compte l'existence d'un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (ATF 138 I 205 consid. 3.2 et les références ; cf. aussi arrêt 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1).

 

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

6.3.1 Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

6.3.2 Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparait nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

8.              

8.1 En l’occurrence, l’intimée a réglé le cas sans avoir recours à une expertise administrative, mais en se fondant sur l’avis de son médecin conseil, le Dr D______, singulièrement sur les appréciations de celui-ci des 16 février, 29 et 30 avril 2021, confirmées le 3 septembre 2021, lequel a estimé que la recourante présentait un état stabilisé au 9 avril 2021 et, depuis lors, une capacité de travail totale, avec une diminution de rendement de 5%.

Or, les avis des médecins traitants de la recourante contestent la capacité de travail totale retenue par le Dr D______, en soulignant qu’une capacité maximum de 70% (Dresse E______) et même seulement de 50% (Dresse H______ et Drs I______ et J______) est exigible, au vu des affections présentées par la recourante, en particulier des douleurs permanentes et persistantes dont elle souffre.

Compte tenu des rapports peu étayés du Dr D______ et de ceux des médecins traitants, lesquels contestent l’exigibilité retenue, il existe un doute sur la fiabilité et la validité des constatations du Dr D______, de sorte qu’il convient, conformément à la jurisprudence précitée, d’ordonner une expertise judiciaire orthopédique, laquelle sera confiée au Professeur P______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

8.2 L’intimée a demandé la récusation du Professeur P______ aux motifs, d’une part, qu’il n’est pas un spécialiste de la jambe, d’autre part, qu’il a travaillé avec le Dr M______.

8.2.1 Les objections que peut soulever l'assuré à l'encontre de la personne de l'expert peuvent être de nature formelle ou matérielle ; les motifs de récusation formels sont ceux prévus par la loi (cf. art. 10 al. 1 PA [RS 172.021] et 36 al. 1 LPGA) ; d'autres motifs, tels que le manque de compétence dans le domaine médical retenu ou encore un manque d'adéquation personnelle de l'expert, sont de nature matérielle (ATF 132 V 93 consid. 6.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2013 du 31 décembre 2013 consid. 2.3 ; JACQUES OLIVIER PIGUET, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n° 24 ad art. 44 LPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021).

8.2.2 Les motifs matériels doivent être examinés avec la décision sur le fond, dans le cadre de l’appréciation des preuves (ATF 132 V 93 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2016 du 9 août 2016).

8.2.3 S'agissant des motifs de récusation formels d'un expert, il y a lieu selon la jurisprudence d'appliquer les mêmes principes que pour la récusation d'un juge (ATF 137 V 210 consid. 2.1.3 ; 132 V 93 consid. 7.1 ; 120 V 357 consid. 3a) et qui découlent directement du droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial garanti par l'art. 30 al. 1 Cst. - qui en la matière a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 134 I 20 consid. 4.2) - respectivement, pour un expert, des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst., qui assure à cet égard une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 5A_484/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.3.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021).

Un expert passe ainsi pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 132 V 93 consid. 7.1 ; 128 V 82 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021).

8.3 En l’occurrence, l’intimée, en soulignant que le Professeur P______ n’est pas un spécialiste de la jambe, soulève un motif matériel de récusation à son encontre. A cet égard, il peut d’ores et déjà être constaté que le Professeur P______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, dispose de larges compétences et est au bénéfice d’une grande pratique dans le domaine de l’orthopédie, amplement suffisantes pour répondre aux questions de la mission d’expertise.

L’intimée soulève encore un motif formel de récusation, soit la proximité de l’expert avec le Dr M______ ; outre que celle-ci n’a pas été établie par l’intimée, elle n’est pas comparable avec la situation de l’expert, dont l’apparence de prévention a été admise car il partageait, au quotidien, les locaux et les frais d’un petit cabinet de groupe avec le médecin conseil de l’assurance qui l’avait mandaté et qui avait rédigé un avis médical sur le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2021 du 27 avril 2022). Le simple fait d’avoir « travaillé et opéré », selon les termes de l’intimée, avec le Dr M______, lequel s’est en outre prononcé ponctuellement sur le cas de la recourante, ne saurait en effet fonder la présence d’une apparence de prévention du Professeur P______.

En conséquence, la demande de récusation sera, préalablement, rejetée.

 

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Préalablement

I.         Rejette la demande de récusation.

Préparatoirement

II.      Ordonne une expertise médicale de Madame A______. La confie au Professeur P______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, à Chêne-Bougeries.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D. Etablir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4. Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

 

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident ? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50%), probable (probabilité de plus de 50%) ou certain (probabilité de 100%) ?

5.1.1 Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé

5.1.2 A partir de quel moment le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ?

5.1.3 Veuillez indiquer la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé

5.2 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

5.2.1 Si oui, à partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

6. Limitations fonctionnelles

6.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

6.1.1 Dates d'apparition

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis l’accident ?

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50%) avec l’accident ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

 

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

9. Atteinte à l’intégrité

9.1 La personne expertisée présente-t-elle une atteinte à l’intégrité définitive, en lien avec les atteintes en rapport de causalité au moins probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident ?

9.2 Si oui, quel est le taux applicable selon les tables de la SUVA ?

9.3 Si une aggravation de l’intégrité physique est prévisible, veuillez en tenir compte dans l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité et l’expliquer en détaillant le pourcentage dû à cette aggravation, étant précisé que seules les atteintes à la santé en lien probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident doivent être incluses dans le calcul du taux de l’indemnité

10. Appréciation d'avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d'accord avec les avis du Dr D______ (des 16 février, 29 avril, 30 avril, 3 septembre et 21 décembre 2021 et 16 juin 2022) ? En particulier avec les diagnostics posés et l'estimation d'une capacité de travail de la personne expertisée de 100% avec une diminution de rendement de 5% ? Si non, pourquoi ?

10.2 Êtes-vous d’accord avec les avis de la Dresse H______ (18 juin 2021) et des Drs I______ (21 juillet 2021) et J______ (14 septembre 2021) ? En particulier avec une capacité de travail de la personne expertisée de 50% maximum ? Si non, pourquoi ?

11. Autres facteurs

Suite à l’accident du 22 janvier 2018 :

11.1 Les lésions apparues sont-elles graves ?

11.2 Ces lésions sont-elles propres, selon l'expérience, à entrainer des troubles psychiques ?

11.3 Ces lésions ont-elles nécessité des traitements continus spécifiques et lourds ? Si oui, lesquels ? Pendant quel intervalle de temps ?

11.4 Des erreurs médicales dans le traitement du recourant se sont-elles produites ? Si oui, lesquelles et avec quelles conséquences ?

11.5 Des difficultés et complications importantes sont-elles apparues au cours de la guérison ? Si oui, lesquelles et avec quelles conséquences ?

11.6 Existe-t-il des douleurs physiques persistantes ? Depuis quand ? Atteignent-elles une intensité particulière ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles

III.   Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la chambre de céans.

IV.   Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

V.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le