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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/552/2022

ATAS/852/2022 du 27.09.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/552/2022 ATAS/852/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CAROUGE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1973, a sollicité des prestations de l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) par formulaire du 30 octobre 2020, en indiquant être en incapacité de travail depuis le mois d’octobre 2018 en raison d’une dépression, de la tristesse, d’une douleur inflammatoire et de fortes migraines. Son psychiatre traitant était le docteur B______ depuis octobre 2018, son généraliste, le docteur C______. Elle indiquait également les noms des docteurs D______, rhumatologue, et E______, neurologue.

b. La dernière activité lucrative de l’assurée, dans le domaine du nettoyage, remontait à 2008.

c. L’OAI a sollicité des renseignements au Dr C______ qui retenait une incapacité de travail totale dans toute activité en raison des antécédents de diabète (traité), d’asthme (traité), d’anxiété, de dépression, de migraines et de malaises fréquents surtout lors du déclenchement des migraines. L’assurée prenait 16 médicaments selon l’ordonnance de ce médecin datée du 24 novembre 2020, sans compter le traitement psychiatrique. Ce médecin a également fait parvenir à l’OAI les résultats des examens d’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) des genoux (14 juin 2020), du bassin, des deux hanches et de la région lombo-sacrée (12 juin 2020) desquels il ressortait que le genou droit présentait une fine fissuration intra-méniscale horizontale (grade II) focale au sein de la corne postérieure du ménisque médial et de discrètes chondromalacies tibiales latérales et trochléennes médiales. L’IRM du genou gauche était en revanche sans anomalie. Le résultat de l’IRM de la région lombo-sacrée révélait une discrète arthrose interfacettaire bilatérale étagée prédominant en L4-L5 droit. L’IRM du bassin et des hanches montrait une enthésopathie des tendons petits glutéaux des deux côtés (prédominant à gauche) et de la lame latérale du tendon du muscle moyen glutéal du côté gauche ; formation kystique dans la région annexielle droite d’environ 4 cm de grand axe, à confronter aux données d’un examen gynécologique. Enfin, une IRM du 15 mai 2020 montrait une discrète stéatose hépatique, un lipome sous-cutané de la région inguinale droite, l’échographie abdominale étant dans la norme.

d. L’OAI a en sus reçu des renseignements du Dr D______, le 24 novembre 2020, selon lequel sa patiente souffrait de gonalgie bilatérale sur gonarthrose modérée en enthésopathie trochanterienne bilatérale et une atteinte méniscale. Ces atteintes avaient une répercussion sur la capacité de travail. Le traitement indiqué était une infiltration locale et le pronostic était « favorable si poste de travail adapté ». La patiente devait éviter le port de charge de plus de 5kg, de monter des échafaudages et des échelles, le travail en position agenouillée et elle devait alterner les positions. Il n’était pas possible qu’elle reprenne son ancienne activité en raison d’un poste inadapté et qui ne correspondait pas à son profil d’effort. Sa patiente était en incapacité totale de travailler depuis 2017 et le serait encore durant trois mois. Son état n’était pas stabilisé.

e. Le Dr B______ a adressé un rapport médical à l’OAI le 17 décembre 2020 dans lequel il indiquait que sa patiente souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode alors moyen à sévère. Elle souffrait depuis sa naissance d’asthme et de crises migraineuses et depuis 2019 d’un diabète traité par insuline. Sur le plan psychiatrique, elle avait eu des épisodes dépressifs à la suite de son divorce et de violences de son époux. Sa capacité de travail dans une activité adaptée était au maximum de 30%. Elle était suivie toutes les deux semaines et prenait du CIPTALEX 20 mg et du XANAX 0.5 mg deux fois par jour.

f. Le Dr E______ a, pour sa part, répondu à l’OAI, le 1er février 2021, qu’il n’avait vu la patiente qu’une fois le 2 novembre 2020. Elle n’était pas venue à une consultation fixée le 30 novembre 2020. Ce médecin avait constaté qu’il n’y avait pas de déficit moteur, sensitif ni de trouble de la concentration. Il ne pouvait pas se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée.

g. Le service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR) a donné un avis sur ce cas, le 4 août 2021. Après les avoir résumés, le SMR peinait à comprendre les avis médicaux des médecins traitants quant à la sévérité des atteintes, leur durée et leur impact sur la capacité de travail de l’assurée sur le premier marché du travail, de sorte qu’il estimait nécessaire de réaliser une expertise pluridisciplinaire avec des volets psychiatrique, rhumatologique et de médecine interne.

B. a. Par communication du 5 août 2021, l’OAI a informé l’assurée de la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire qui serait réalisée à Sion.

b. Par pli du 10 octobre 2021, l’OAI a chargé la Clinique romande de réadaptation, centre d’évaluation et de consultations à Sion, d’une expertise à réaliser par les docteures F______, spécialisée en médecine interne, et G______, spécialisée en psychiatrie et psychothérapie, ainsi que par les docteurs H______, rhumatologue, et I______, neurologue. L’expertise devait avoir lieu entre le 22 et le 25 novembre 2021.

c. Par courrier du 19 octobre 2021, l’assurée a été informée par l’OAI des dates de l’expertise et des noms des praticiens. Elle a été avisée des conséquences d’un refus de collaborer, notamment de prendre part à l’expertise.

d. Le 8 novembre 2021, l’assurée a rempli un questionnaire destiné à l’OAI en vue de l’expertise.

e. Le 15 novembre 2021, l’assurée a reçu de la Clinique romande de réadaptation le programme détaillé de l’expertise.

f. Le 18 novembre 2021, l’assurée a adressé un courriel à ladite clinique pour indiquer qu’elle avait été victime d’un accident (chute sur ses fesses). Elle s’était déjà rendue deux fois aux urgences, était pliée en deux et ne pouvait pas se déplacer. Un spécialiste l’avait mise en arrêt de travail. Elle sollicitait dès lors le report de l’expertise.

g. Le même jour, la clinique a refusé de reporter l’expertise, les certificats médicaux de l’assurée ne contenant pas d’éléments ayant un réel impact sur la présence de l’assurée à l’expertise.

h. L’assurée a également avisé l’OAI de son accident et a transmis des certificats médicaux établis par les docteurs J______ et K______, selon lesquels l’assurée était en incapacité de travail dès le 18 novembre 2021 pour une durée indéterminée. Dans un autre certificat, le Dr J______ confirmait que l’état de l’assurée nécessitait la prise d’un traitement antalgique majeure sous opiacés et la consultation d’un spécialiste en rhumatologie. Son état contre-indiquait tout déplacement et notamment à Sion en vue de l’expertise. L’assurée était particulièrement souffrante et ne pouvait pas se redresser. Le Dr J______ allait lui faire passer un examen par IRM une fois qu’elle pourrait se coucher sur le dos, ce qu’elle était encore incapable de faire six jours après l’accident.

i. Le SMR a décidé de maintenir l’expertise, dans la mesure où aucun déficit neurologique ou élément de gravité (troubles sphinctériens) n’était attesté. Un transport organisé devait permettre de réaliser l’expertise dans de bonnes conditions.

j. Par courriel du 19 novembre 2021, le gestionnaire du cas de l’assurée auprès de l’OAI a été forcé, au vu de l’avis du SMR, d’indiquer à l’assurée que l’expertise était maintenue.

k. Par décision incidente du 19 novembre 2021, l’expertise a été maintenue.

l. Par projet de décision du 23 novembre 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée. Il retenait que l’assurée avait refusé de collaborer en refusant de se rendre à l’expertise. En outre, l’OAI considérait qu’en l’état du dossier, et vu les renseignements médicaux en sa possession, l’existence d’une atteinte à la santé ayant des répercussions durables sur la capacité de gain n’était pas rendue vraisemblable.

m. Par courrier du 17 décembre 2021, l’assurée a demandé à l’OAI de lui fixer un nouveau rendez-vous pour l’expertise, dans la mesure où elle ne pouvait pas se déplacer. Elle joignait des attestations des Drs J______ et K______ en ce sens.

n. Par décision du 19 janvier 2022, l’OAI a maintenu sa décision.

C. a. Par acte du 16 février 2022, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision. Elle n'avait pas pu se rendre à l’expertise en raison de son accident. Elle était pourtant impatiente de la passer afin que son taux d’invalidité soit déterminé. Elle rappelait qu’elle était suivie par un psychiatre en raison d’un état dépressif récurrent.

b. Par acte du 15 mars 2022, l’OAI a persisté dans sa décision. C’était de manière inexcusable que l’assurée ne s’était pas présentée à l’expertise.

c. Le 5 avril 2022, l’assurée a persisté dans son recours.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Interjeté par ailleurs dans la forme prévue par la loi (art. 61 let. b LPGA), le recours est par conséquent recevable.

4.             Le litige s'inscrit en l'espèce dans le contexte du refus de prestations communiqué par l’intimé à la recourante, dans la mesure où cette dernière aurait contrevenu à son obligation de collaborer en refusant de se présenter à l'expertise pluridisciplinaire qui avait été ordonnée et compte tenu du fait qu’en l’état du dossier et des renseignements médicaux en possession de l’intimé, ce dernier a considéré que l’existence d’une atteinte à la santé ayant des répercussions durables sur la capacité de gain n’était pas rendue vraisemblable. Il porte singulièrement sur le point de savoir si le comportement de la recourante peut être qualifié d'excusable au sens de l'art. 43 al. 3 LPGA.

4.1 L'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (art. 43 al. 1 LPGA, première phrase); en matière d'assurance-invalidité, cette tâche est dévolue à l'office AI (cf. art. 69 RAI). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (art. 43 al. 3 LPGA).

4.2 En l’occurrence, l’on ne saurait considérer que la recourante a refusé de manière inexcusable de se soumettre à une expertise pluridisciplinaire nécessaire à l’appréciation de son état de santé, dans la mesure où elle a été victime d’un accident six jours avant le jour de l’expertise, ce fait étant établi par pièces médicales. La recourante a consulté les Drs J______ et K______, notamment, en raison de cet accident et ces derniers ont confirmé que l’état de la recourante nécessitait la prise d’un traitement antalgique majeur sous opiacés et la consultation d’un spécialiste rhumatologue. Son état contre-indiquait tout déplacement et notamment pour l’expertise à Sion. La recourante était particulièrement souffrante et ne pouvait pas se redresser, de sorte que le Dr J______ entendait lui faire passer un examen par IRM une fois qu’elle pourrait se coucher sur le dos, ce dont elle était encore incapable six jours après l’accident.

Dans ces conditions, l’on ne pouvait pas exiger de la recourante qu’elle se rende à Sion pour un séjour de trois jours en vue de l’expertise. Compte tenu de son état de santé, la recourante n’aurait pas été en mesure d’y prendre part normalement et l’on peut douter du fait que les experts auraient pu procéder à des examens et prendre des conclusions dans ces circonstances. Il aurait été pertinent de reporter quelque peu l’expertise, la recourante l’ayant d’ailleurs appelé de ses vœux, et ce d’autant plus qu’il s’agissait d’une mesure d’instruction nécessaire à laquelle la recourante n’avait pas opposé d’objection de principe.

C’est dès lors à tort que l’intimé a décidé de statuer en l’état du dossier alors même qu’il avait ordonné une expertise pluridisciplinaire qu’il jugeait indispensable à l’appréciation de l’atteinte à la santé.

L’on peine en outre à comprendre comment l’intimé a pu parvenir à la conclusion que l’existence d’une atteinte à la santé ayant des répercussions durables sur la capacité de gain n’était pas rendue vraisemblable en l’état du dossier, dans la mesure où le dossier ne contient à ce stade que des éléments médicaux apportés par la recourante qui vont dans le sens d’atteintes à la santé dont, à tout le moins une, est décrite comme invalidante par le médecin psychiatre.

Pour ces motifs, la décision de l’intimé doit être annulée et le dossier doit lui être renvoyé pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise pluridisciplinaire.

La recourante n’étant pas représentée et ne prétendant pas à des dépens, il ne lui en sera pas alloués.

Au vu du sort du recours, l’intimé sera condamné à un émolument de décision de CHF 200.-.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 19 janvier 2022.

4.        Renvoie le dossier à l’intimé pour instruction de la demande au sens des considérants.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le