Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2449/2022

ATAS/817/2022 du 21.09.2022 ( AVS ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2449/2022 ATAS/817/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 septembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée ______, CAROUGE

 

 

recourante

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante) est affiliée auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation, service des indépendants, auprès de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : la caisse ou l’intimée) depuis le 3 mai 2012, comme salariée d’un employeur non tenu de payer des cotisations.

b. Le 1er septembre 2021, la caisse a adressé en courrier A prioritaire à l’intéressée une facture d’acompte de cotisations personnelles pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2021, à hauteur de CHF 3'459.65, payables au 10 octobre 2021.

c. Le 27 octobre 2021, la caisse a adressé un rappel à l’intéressée, par courrier A prioritaire, dans lequel elle constatait que le versement des cotisations dues pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2021 ne lui était pas encore parvenu. Elle l’invitait à réparer cette omission sans délai, à réception du présent courrier, ce qui lui éviterait de recevoir un sommation assortie d’une taxe. Si le paiement avait croisé le présent rappel, ce dernier devait être considéré comme nul. La caisse précisait que les cotisations étaient réputées payées au moment où le versement était porté sur le compte de la caisse.

d. Le 2 novembre 2021, la caisse a adressé une sommation à l’intéressée constatant que les cotisations dues pour la période en cause ne lui étaient toujours pas parvenues. À défaut du versement intégral du montant dû dans les prochains jours, elle serait contrainte d’entamer une procédure de recouvrement forcé de la créance. Par ailleurs, la caisse rappelait que si le paiement ne lui parvenait pas dans les délais initialement fixés, des intérêts moratoires pourraient être facturés. La sommation était assortie d’une taxe de CHF 175.- qui serait débitée sur sa prochaine facture.

e. Par message du 5 novembre 2021 adressé à la caisse, l’intéressée a indiqué avoir reçu la sommation. Elle ne se souvenait pas d’avoir reçu la première facture. Elle n’avait reçu que le rappel le 29 octobre 2021 et avait payé le montant demandé le 2 novembre 2021. Donc le paiement du rappel avait été fait dans les deux jours ouvrables après sa réception. La sommation et la taxe de CHF 175.- ne se justifiaient pas.

f. Par réponse du 9 novembre 2021, la caisse a informé l’intéressée que les cotisations étaient réputées payées lorsqu’elles étaient comptabilisées sur le compte de la caisse. La date du paiement à la poste ou à la banque, de même que la date de l’établissement d’un ordre de paiement, n’étaient pas déterminantes. En conséquence, elle devait malheureusement répondre défavorablement à la demande d’annulation des frais de sommation. Ces procédures étaient alignées sur les normes législatives telles qu’édictées par la loi fédérale sur les assurances vieillesse et invalidité et elle ne pouvait y déroger, d’autant plus que leur application par la caisse faisait l’objet de contrôles annuels opérés par l’Office fédéral des assurances sociales. La caisse était toujours disposée à accorder des délais sur les échéances si l’intéressée avait des difficultés financières ou organisationnelles pour régler une facture.

g. Par courriel du 9 juin 2022, l’intéressée a informé la caisse qu’elle n’avait pas reçu la décision du service juridique.

h. Par décision sur opposition du 6 juillet 2022, la caisse a rejeté l’opposition de l’intéressée. Même si par impossible, celle-ci n’avait pas reçu la décision d’acompte du 1er septembre 2021, alors que tous les autres courriers de la caisse lui étaient toujours bien parvenus, elle aurait dû, à réception du rappel, contacter sans délai la caisse pour obtenir un sursis au paiement. Étant donné que le paiement des acomptes de cotisation pour la période de juillet à septembre 2021 avait été reçu deux jours après l’envoi de la sommation, cette dernière devait être maintenue.

B. a. Le 27 juillet 2022, l’intéressée a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à la révision de la décision sur opposition et au remboursement de la sommation payée. Dans le rappel, on pouvait lire : « en payant de suite, vous éviterez de recevoir une sommation assortie d’une taxe ». Cette dernière phrase était ambiguë, quelle durée représentait-elle ? Elle n’avait pas reçu de réponse à ce sujet.

Elle n’avait jamais reçu la première facture, de sorte que la caisse ne pouvait soutenir que le rappel avait été adressé plus de 17 jours après la première échéance de paiement.

La caisse faisait des allusions déplaisantes, en laissant entendre qu’elle aurait reçu la facture en cause, puisqu’elle avait reçu tous ses autres courriers. On voulait la faire passer pour une menteuse. Tout le monde savait que La Poste faisait un bon travail mais on savait aussi que la perte d’une lettre n’était pas impossible.

b. Par réponse du 10 août 2022, la caisse a considéré que les arguments avancés par la recourante ne modifiaient pas ses conclusions précédentes.

Certes, l’intéressée affirmait ne pas avoir reçu la décision d’acompte du 1er septembre 2021. Toutefois, en ne s’acquittant pas immédiatement du montant que la caisse lui réclamait suite à son rappel du 27 octobre 2021 ou en ne prenant pas contact, à tout le moins le vendredi 29 octobre ou lundi 1er novembre 2021 avec la caisse, elle avait pris le risque de recevoir une sommation de la caisse.

C’était à bon droit que la caisse lui avait notifié une sommation le 2 novembre 2021, étant précisé qu’elle n’avait reçu que le 4 novembre 2021 le paiement de CHF 3'459.65 de la part de la recourante sur son compte bancaire.

c. Par réplique du 25 août 2022, la recourante a fait valoir qu’elle avait contrôlé tous ses courriers et qu’à aucun moment elle n'avait reçu la décision d’acompte du 1er septembre 2021. C’était à la caisse de démontrer la preuve de son envoi. À défaut, il fallait considérer que le rappel était nul. De surcroit, la caisse avait fait preuve d’un formalisme excessif. Elle avait reçu le courrier de la caisse le 1er novembre et avait effectué le paiement le lendemain, soit dans un délai très court.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA).

3.             Le litige porte les frais de la sommation du 2 novembre 2021 que l'intimée a mis à la charge de la recourante.

4.              

4.1 Selon l’art. 25 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), les caisses de compensation fixent les cotisations dues pour l’année de cotisation dans une décision de cotisation et établissent le solde entre les cotisations dues et les acomptes versés (al. 1). Les personnes tenues de payer des cotisations doivent verser les cotisations encore dues dans les 30 jours dès la facturation (al. 2).

À teneur de l’art. 34a RAVS, les personnes tenues de payer des cotisations qui ne les versent pas ou ne remettent pas le décompte relatif aux cotisations paritaires dans les délais prescrits recevront immédiatement une sommation écrite de la caisse de compensation (al. 2). La sommation est assortie d’une taxe de CHF 20.- à 200.- (al. 2).

Selon l’art. 42 al. 1 RAVS, les cotisations sont réputées payées lorsqu’elles parviennent à la caisse de compensation.

Selon les directives de l'office fédéral des assurances sociales (ci-après OFAS) sur la perception des cotisations dans l'AVS, AI et APG (ci-après : DP), la taxe de CHF 20.- à 200.- qui doit être prélevée en cas de sommation est une indemnité pour le travail supplémentaire dû à la sommation (ch. 2197 des DP dans leur version valable dès le 1er janvier 2021).

La taxe de sommation prévue par l'art. 34a RAVS constitue une contribution publique de nature causale, plus précisément un émolument administratif, que l’administré doit payer pour financer des activités administratives qu’il engendre par sa demande ou par son comportement. Elle doit même être qualifiée d'émolument de chancellerie, car elle est perçue en contrepartie d’activités simples et courantes de l’administration, essentiellement de secrétariat.

Sa perception est soumise aux principes constitutionnels régissant toute activité étatique, en particulier aux principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité (art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la bonne foi (art. 9 Cst.), ainsi que de la non-rétroactivité. Le principe de la légalité s'applique cependant de manière atténuée en matière de contributions causales, de façon encore plus marquée pour les émoluments de chancellerie, pour lesquels il suffit d'une base légale matérielle (Pierre MOOR / François BELLANGER / Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2ème éd., 2018, p. 522 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 239ss et 245 ss).

Les cotisations sont réputées payées lorsqu'elles parviennent à la caisse de compensation (art. 42 al. 1 RAVS).

4.2 Selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de la date à laquelle celui-ci a été notifié incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10, 124 V 400 consid. 2a p. 402, 122 I 97 consid. 3b p. 100, 114 III 51 consid. 3c et 4 p. 53/54, 103 V 63 consid. 2a p. 65), laquelle supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que, si la notification ou sa date sont contestées et s'il existe un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 103 V 63 consid. 2a p. 65).

S'agissant d'un envoi non inscrit, l’expéditeur supporte les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que, si la notification ou sa date sont contestées et s'il existe un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2011 du 15 mai 2012).

5.             En l’espèce, l’intimée a adressé sa facture d’acompte de cotisations personnelles pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2021, le 1er septembre 2021, en courrier A prioritaire.

La recourante contestant l’avoir reçue, il convient de retenir qu’elle ne l’a effectivement pas reçue, l’intimée devant supporter les conséquences de l'absence de preuve de la notification de sa décision, selon la jurisprudence précitée. Il convient en conséquence d’admettre que ce n’est que par le rappel du 27 octobre 2021 que la recourante a eu connaissance de la facture en cause, de sorte qu’il faut lui reconnaître un délai de 30 jours pour la payer, en application de l’art. 25 al. 2 RAVS.

L’envoi de la sommation n’étant pas dû au comportement de la recourante, celle-ci ne peut se voir facturer la taxe de sommation prévue par l'art. 34a RAVS. L’on ne saurait retenir qu’elle a agi de manière incorrecte en payant le solde dû, non pas immédiatement, mais le 2 novembre 2021, soit trois jours après avoir reçu, le 29 novembre 2021, le rappel qui lui a été adressé le 27 octobre 2021, ce qui serait contraire au principe de l’art. 25 al. 2 RAVS, qui prévoit un délai de 30 jours pour payer la facture de cotisation. Il en résulte que la décision de sommation doit être annulée.

6.             En conséquence, le recours sera admis et la décision sur opposition du 6 juillet 2022 annulée.

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la recourante, qui n'est pas assistée d'un conseil et qui n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 6 juillet 2022.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le