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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2043/2021

ATAS/752/2022 du 31.08.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2043/2021 ATAS/752/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 août 2022

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié chemin ______, Vernier, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc LIRONI

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après: l’assuré ou le recourant), né en 1968, a travaillé en qualité de peintre en bâtiment. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: la SUVA ou l’intimée).

b. Le 7 septembre 2002, l’assuré a été victime d’un accident qui a entraîné des lésions méniscales et ligamentaires au genou gauche. La SUVA a pris en charge lesdites lésions, de même que les rechutes annoncées et qui ont nécessité de nouvelles opérations en 2010 et 2017. Par décision du 11 juillet 2018, la SUVA a mis fin au paiement des soins médicaux et au versement de l’indemnité journalière au 31 août 2018 et refusé tout droit à une rente d’invalidité ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité. L’opposition de l’assuré a été rejetée par décision de la SUVA du 1er octobre 2018, entrée en force faute de recours en temps utile (cf. arrêt CJCAS du 12 février 2019 - ATAS/103/2019).

c. Le 22 août 2011, l’assuré a senti un craquement et une douleur subite au genou droit en s’accroupissant, événement annoncé à la SUVA (sinistre n° 1______). Par décision du 20 décembre 2011, la SUVA a refusé de servir des prestations d’assurance pour l’atteinte au genou droit au motif qu’elle n’était constitutive ni d’un accident, ni d’une lésion corporelle assimilée à un accident. Cette décision, confirmée par décision sur opposition du 24 avril 2012, est entrée en force.

d. Le 3 décembre 2012, dans le cadre de son activité professionnelle, l’assuré a chuté d’une échelle et s’est blessé au genou droit. Le cas a été annoncé à la SUVA qui a versé des prestations (sinistre n° 2______).

e. Une IRM du genou droit du 10 décembre 2012 a révélé une fissure du cartilage sur toute son épaisseur, un épanchement intra-articulaire abondant, ainsi qu’un état compatible avec une déchirure méniscale interne sur un ménisque amputé au niveau de son bord libre.

f. Le 25 janvier 2013, le docteur B______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a pratiqué une arthroscopie. Il a diagnostiqué une « re-lésion » de la partie moyenne et de la corne postérieure du ménisque droit, une lésion du bord libre de la partie moyenne et de la corne antérieure du ménisque externe, des lésions cartilagineuses instables de 4ème degré de la trochlée, des adhésions fibro-cicatricielles en regard et de la plica para-patellaire interne fibreuse réséquée et status six mois après la résection partielle de la corne postérieure du ménisque interne et de la partie moyenne du ménisque externe. Dans un rapport du 10 avril 2013, le Dr B______ a noté dans l’évolution une amyotrophie et une mobilité symétrique. Des lésions arthrogènes étaient pronostiquées.

g. Par appréciation du 14 août 2013, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assuré. Le genou droit allait mieux six mois après l’arthroscopie. Il y avait lieu d’éviter le port de charges dans un premier temps. Une reprise de travail avait été convenue à 50% dès le 19 août 2013, d’entente avec le Dr B______. Le 9 septembre 2013, la reprise de travail était totale.

h. Le 15 mai 2018, l’assuré, souffrant de douleurs au genou droit, a fait annoncer par son employeur une déclaration de rechute, à compter du 28 mars 2018, la date du sinistre étant imprécise. La déclaration mentionnait « opéré suite à un accident, des douleurs réapparues, probablement problèmes de ménisques ».

i. Dans un rapport du 15 juin 2018, le Dr B______ a indiqué que l’assuré présentait une « re-lésion » de la partie moyenne et de la corne postérieure du ménisque interne associée à des lésions cartilagineuses de degré IV en fémoro-rotulien ainsi qu’une souffrance du cartilage condylien dans les suites d’une résection méniscale interne du genou droit le 25 janvier 2013. Il s’agissait d’une rechute du genou droit à la suite de l’événement du 3 décembre 2012.

j. L’IRM pratiquée le 4 octobre 2018 a mis en évidence une péjoration du status avec apparition d’une délamination du cartilage de la zone portante du condyle fémoral interne et la persistance d’un aspect hétérogène et partiellement fissuraire de la corne postérieure du ménisque interne.

k. Dans un avis du 9 octobre 2018, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a relevé que la rechute concernait l’événement enregistré sous n° 1______ (note de la chambre de céans : soit l’événement du 22 août 2011). Le 10 octobre 2018, le Dr C______ a indiqué sur la seconde page du formulaire rempli par ses soins la veille que la rechute pouvait être imputée au sinistre n° 2______ (note de la chambre de céans : soit l’événement du 3 décembre 2012).

l. Par pli du 10 octobre 2018, la SUVA a informé l’assuré qu’elle prendrait en charge les troubles du genou droit comme rechute de l’événement du 22 août 2011, conformément à l’avis de son médecin d’arrondissement. Le 10 octobre 2018, se référant au sinistre n° 2______, la SUVA a indiqué que l’indemnité journalière de CHF 155.20 serait versée au plus tôt dès le 27 mars 2018.

m. Selon une note interne du 23 octobre 2018 consécutive à un entretien téléphonique de la SUVA avec le Dr C______, la rechute concernait l’événement du 22 août 2011 pour lequel il n’y avait pas de droit aux prestations. Il convenait de refuser la prise en charge de la rechute.

B. a. Par décision du 23 octobre 2018, confirmée sur opposition le 27 février 2019, la SUVA a révoqué son avis de prise en charge du cas, motif pris qu’il n’existait pas de lien de causalité au moins probable entre l’accident du 3 décembre 2012 et les lésions déclarées. Elle réclamait la restitution de la somme de CHF 27'160.-.

b. Statuant sur recours de l’assuré, la chambre des assurances sociales (ci-après: la chambre de céans), par arrêt du 12 novembre 2019 (ATAS/1039/2019), a annulé la décision de l’intimée du 27 février 2019 et lui a renvoyé la cause afin qu’elle complète l’instruction en rassemblant l’ensemble du dossier médical et mette en œuvre une expertise auprès d’un spécialiste en chirurgie orthopédique.

C. a. Après avoir complété le dossier médical, la SUVA a mandaté le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique, pour expertise. L’assuré a acquiescé à l’expertise, à l’expert choisi ainsi qu’au questionnaire soumis.

b. Dans son rapport d’expertise du 1er juillet 2020, le Dr E______ indique avoir examiné l’assuré le 16 juin, avoir fait pratiquer des radiographies le jour même et avoir pris connaissance de son dossier médical. à l’anamnèse, l’expert a relaté l’historique des genoux de l’assuré, depuis l’événement du 2 septembre 2002 concernant le genou gauche, celui du 22 août 2011 concernant le genou droit et refusé par la SUVA motif pris que la notion d’accident n’était pas remplie, puis l’événement signalé le 3 décembre 2012 (chute d’une échelle) ayant entraîné des douleurs au genou droit. Concernant ce dernier événement, le Dr E______ relève que selon le médecin d’arrondissement, l’examen clinique du 13 août 2013 justifiait la reprise de l’emploi tout en donnant des consignes de prudence, notamment éviter le port de charges dans un premier temps. D’après le patient, l’évolution a été favorable au niveau du genou droit avec reprise de l’activité professionnelle en plein, sans plus aucun contrôle médical dès l’automne 2013 jusqu’à l’automne 2017. Après l’intervention sur le genou gauche le 4 octobre 2017 et la fin du traitement en février 2018, le patient a ressenti à nouveau des douleurs au genou droit et a annoncé la rechute survenue le 27 mars 2018, date de l’IRM effectuée par le Dr B______. L’expert a conclu que les lésions au genou droit annoncées à titre de rechute le 27 mars 2018 ne sont pas en lien de causalité avéré ou probable avec l’événement du 22 août 2011, qui n’a fait que révéler un problème dégénératif débutant préexistant, à savoir une chondropathie fémoro-patellaire de grade II. Par contre, la chirurgie induite par cet événement, qui a nécessité la résection de la plica et d’une partie des ménisques ainsi qu’une chondroplastie fémoro-patellaire, laissait présager une évolution dégénérative secondaire à plus ou moins long terme. Se fondant sur l’arthroscopie effectuée en janvier 2013, l’expert conclut que les lésions du genou droit annoncées à titre de rechute le 27 mars 2018 ne peuvent pas non plus être en lien de causalité avéré ou probable avec l’événement du 3 décembre 2012, qui n’a été qu’un épiphénomène dans l’évolution de ce genou droit. L’événement a induit une aggravation transitoire avec retour au statu quo sine à la fin des traitements de l’époque.

D. a. Par décision du 13 janvier 2021, la SUVA a refusé de verser des prestations d’assurance, au motif que selon les pièces médicales, il n’y a aucun lien de causalité certain, ou du moins vraisemblable, entre l’événement du 3 décembre 2012 et la rechute annoncée en date du 27 mars 2018.

b. L’assuré a formé opposition en date du 15 février 2021, contestant les conclusions de l’expert et sollicitant la mise en œuvre d’une contre-expertise indépendante.

c. Par décision du 12 mai 2021, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, se référant aux conclusions de l’expert.

E. a. Par acte du 10 juin 2021, l’assuré, par l’intermédiaire de son mandataire, a interjeté recours contre la décision de la SUVA, faisant valoir que l’intimée a multiplié les incohérences, en rendant successivement deux décisions contradictoires. Il revient sur les avis du Dr C______. Quant à l’expert, le recourant souligne qu’il retient que l’accident du 3 décembre 2012 a effectivement consisté en une aggravation de son état de santé et que la causalité naturelle des plaintes est possible, avant de conclure qu’il n’y a aucun argumentaire probant pour rattacher la rechute douloureuse du genou droit avec l’événement du 3 décembre 2012. Le recourant conteste en substance la valeur probante de l’expertise et sollicite la mise en œuvre d’une expertise complémentaire indépendante. Il conclut préalablement à son audition ainsi qu’à celle du Dr B______, et sur le fond, à l’annulation de la décision querellée et au maintien des indemnités journalières versées.

b. Dans sa réponse du 12 juillet 2021, l’intimée relève à titre liminaire que les allégués du recourant concernant ses précédentes décisions sont sans pertinence et conclut au rejet du recours, se fondant sur l’expertise orthopédique effectuée conformément à l’arrêt de la chambre de céans, considérant que le recourant ne fait valoir aucun motif permettant de s’écarter des conclusions de l’expert.

c. Par réplique du 12 août 2021, le recourant persiste dans ses conclusions, se référant aux rapports du Dr B______ et mettant en exergue les nombreuses errances de l’intimée dans l’instruction du dossier.

d. Par duplique du 10 septembre 2021, l’intimée maintient ses conclusions tendant au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             A teneur de la décision querellée, le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était en droit de nier son obligation de prester suite aux troubles présentés par le recourant au genou droit à compter du 27 mars 2018 tel qu’annoncés, faute de causalité avec l’événement du 3 décembre 2012.

5.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

5.1 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a ; ATF 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

5.1.1 Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - [OLAA ; RS 832.202]). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; ATF 118 V 293 consid. 2c et les références).

Il incombe à l’assuré d’établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l’existence d'un rapport de causalité naturelle entre l’état pathologique qui se manifeste à nouveau et l’accident (REAS 2002 p. 307). En l’absence de preuve, la décision sera défavorable à l’assuré (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références ; RAMA 1994 n° U 206 p. 327 consid. 1 et les références). Plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l'affection est long, plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (SVR 2016 n° UV p. 55 consid. 2.2.2 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 17 du 3 mai 2018 consid. 4.2).

 

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. à cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

7.             En l’espèce, conformément à l’arrêt de la chambre de céans, l’intimée a mis en œuvre une expertise orthopédique, confiée au Dr E______.

7.1 Dans son rapport du 1er juillet 2020, l’expert expose avoir examiné le recourant le 16 juin 2020, effectué des radiographies le même jour et consulté l’ensemble du dossier médical communiqué par l’intimée. L’expert a effectué une anamnèse détaillée et repris l’historique complet des genoux depuis 2002. Concernant le genou droit, l’expert relève que c’est dans un contexte d’atteinte du genou gauche (atteinte ligamentaire grave) qui semble être en train d’évoluer vers une gonarthrose secondaire qu’est survenu un problème au genou droit le 22 août 2011, lorsque, en s’accroupissant, le recourant a senti un craquement et une douleur subite. Il a expliqué à l’expert qu’à la suite des deux interventions au genou gauche, par automatisme, il avait pris l’habitude de compenser avec la jambe droite. L’IRM du genou droit demandée par le Dr B______ a été effectuée le 12 septembre 2011 et a conclu notamment à des signes compatibles avec une déchirure oblique localisée au niveau de la corne postérieure du ménisque interne et une fissure cartilagineuse localisée. Cet événement n’a pas été pris en charge par la SUVA, la notion d’accident n’étant pas remplie et le recourant a été opéré par le Dr B______ sous le couvert de l’assurance-maladie.

S’agissant de l’événement du 3 décembre 2012, l’expert expose que le recourant a expliqué qu’il était sur un escabeau pour peindre en hauteur lorsqu’il a perdu l’équilibre, ce qui l’a fait basculer du côté droit où il est arrivé au sol avec un fort impact sous le talon droit, puis il s’est laissé tomber sur le côté. Une arthroscopie a eu lieu le 25 janvier 2013, pratiquée par le Dr B______. Dans le descriptif opératoire il est noté notamment une lésion cartilagineuse instable de degré IV de la trochée. L’évolution a été favorable au niveau du genou droit, le patient a pu reprendre son activité professionnelle en plein, sans plus aucun contrôle médical jusqu’à l’automne 2017. Le retour chez le Dr B______ en septembre 2017 était tout d’abord lié à une récidive de douleurs du genou gauche et a abouti à une intervention au niveau de cette articulation. Ce n’est qu’après la fin du traitement en février 2018 que le patient a commencé à ressentir à nouveau des douleurs du genou droit qu’il a annoncées comme une rechute en mai 2018, en mentionnant la date du sinistre le 27 mars 2018 ce qui correspond à une nouvelle IRM du genou droit.

7.2 Analysant le dossier radiologique de manière approfondie, l’expert, répondant aux questions de l’intimée, est parvenu à la conclusion que les lésions du genou droit ne sont pas en lien de causalité avéré ou probable avec l’événement du 22 août 2011, car l’événement n’a fait que révéler un problème dégénératif débutant préexistant, à savoir une chondropathie fémoro-patellaire grade II, associée à une petite déchirure méniscale des cornes moyenne et postérieure interne et petite déchirure radiaire de la corne moyenne externe. La chirurgie qui a été induite par cet événement laissait présager une évolution dégénérative secondaire à plus ou moins long terme. De même, l’expert a conclu que les lésions du genou droit annoncées à titre de rechute ne sont pas en lien de causalité avéré ou probable avec l’événement du 3 décembre 2012 qui n’a été qu’un épiphénomène dans l’évolution du genou droit. En effet, l’arthroscopie effectuée en janvier 2013 montre que les troubles dégénératifs s’étaient déjà nettement aggravés au niveau de la région fémoro-patellaire, passant d’une chondropathie stade II à IV. L’événement a induit une aggravation transitoire avec retour au statu quo sine à la fin des traitements de l’époque.

7.3 La chambre de céans constate que le rapport d’expertise comporte une anamnèse détaillée, un status clinique complet, une analyse approfondie de tout le dossier radiologique et une discussion circonstanciée du cas, explications détaillées à l’appui. Les conclusions de l’expert sont claires et convaincantes. Partant, l’expertise revêt pleine valeur probante.

8.             Le recourant conteste le rapport d’expertise, alléguant que l’expert se contredit dans la mesure où il retient une causalité naturelle entre les éléments constatés après la rechute de 2018, mais l’exclut dans ses conclusions. Or, comme le relève l’intimée, l’expert n’a pas abouti à la conclusion que la relation de causalité naturelle entre les troubles en cause et l’événement initial atteignait le seuil de la vraisemblance prépondérante ; il a indiqué qu’elle était possible, ce qui ne suffit pas à fonder la responsabilité de l’assureur-accidents.

Le recourant se réfère ensuite au rapport du Dr B______ du 4 février 2021, au terme duquel on se trouve face à une évolution post-traumatique tout à fait habituelle où plusieurs années après une lésion accidentelle du ménisque interne, on se retrouve face à des lésions cartilagineuses du compartiment interne dues à l’absence d’amortisseur qui est le ménisque interne. Selon le médecin traitant, le ménisque interne avait été réséqué en janvier 2013 et cette résection ou l’accident du 3 décembre 2012 est responsable des lésions cartilagineuses consécutives décrites sur l’IRM du 27 mars 2018.

Or, l’expert a clairement expliqué que le recourant exerce un travail physique nécessitant des efforts réguliers, à porter des charges, monter et descendre fréquemment des escaliers, à se déplacer sur des sols irréguliers de chantier et à grimper sur des escabeaux. S’ajoute aussi la nécessité de s’accroupir pour ôter ou remettre des plinthes et/ou des prises électriques, après avoir peint les bas de mur. Il n’est ainsi pas surprenant qu’avec les années puissent se développer des troubles dégénératifs des articulations portantes. La surcharge pondérale plus les efforts professionnels, associés à un transfert partiel de charge liés aux séquelles du genou controlatéral, étaient tout à fait susceptibles de provoquer une usure du membre inférieur, telle qu’une déchirure des cornes moyenne et postérieure sur un simple mouvement habituel d’accroupissement. D’ailleurs, dans le premier protocole opératoire du genou droit du 4 juillet 2012, couvert par l’assurance-maladie, on constate un début de chondropathie fémoro-patellaire en zone centrale. L’expert affirme qu’il s’agissait donc d’un genou déjà prétérité, qui commençait une atteinte dégénérative de surcharge. Le Dr E______ relève que d’après le protocole opératoire du 25 janvier 2013 (arthroscopie effectuée suite à l’événement du 3 décembre 2012), force est de constater que la majorité des lésons décrites est la poursuite d’une évolution dégénérative, compte tenu que la lésion cartilagineuse fémoro-patellaire est maintenant de grade IV, soit une arthrose. L’évolution a été favorable de l’automne 2013 jusqu’à l’automne 2017. L’événement du 3 décembre 2012 n’a été qu’une petite aggravation de l’état dégénératif préexistant. Dans ce contexte, la causalité naturelle des plaintes actuelles avec cet événement n’est que possible. L’expert souligne que les douleurs du genou droit, annoncées comme rechute en 2018, sont expliquées par une surcharge d’utilisation liée à la pathologie gauche selon le Dr B______. Or, tous les examens complémentaires effectués depuis lors, et en particulier les différentes IRM, n’ont pas montré de nouvelle lésion majeure d’origine traumatique. Le Dr E______ rappelle que le patient a continué d’exercer son métier exigeant de tapissier-peintre, qu’il a perdu une partie de sa musculature, qu’il est en surcharge pondérale sur un morphotype constitutionnel en genua vara, de sorte qu’il convient d’admettre que ces facteurs sont beaucoup plus probants pour expliquer cette rechute que l’événement du 3 décembre 2012.

Au vu de ce qui précède, l’avis du Dr B______ ne permet pas de remettre en cause les conclusions convaincantes de l’expertise du Dr E______ et la chambre de céans n’a aucun motif pour s’en écarter. Partant, le recourant n’a pas droit aux prestations d’assurance suite à l’événement du 3 décembre 2012 et la décision de l’intimée doit être confirmée.

9.             Le recourant revient encore sur les avis discordants du Dr C______, médecin conseil de l’intimée, griefs qu’il avait déjà formulés dans la précédente procédure. Ces arguments ne sont toutefois pas pertinents, dès lors que la chambre de céans a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’intimée pour mise en œuvre de la présente expertise.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le