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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1851/2021

ATAS/606/2022 du 30.06.2022 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1   canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1851/2021 ATAS/606/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie-Josée COSTA

 

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1976, a travaillé dès 2007 en qualité d’étancheur pour l’entreprise C______. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accident auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

b. L’assuré a annoncé à la SUVA un premier accident survenu le 28 septembre 2017 : en tirant un tuyau à haute pression, il avait mis le pied dans un trou et chuté, ce qui avait provoqué une entorse du genou gauche. La SUVA a pris en charge les suites de cet accident.

c. Dans un bilan d’imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du genou gauche, daté du 23 octobre 2017, le docteur D______, radiologue, a fait état d’une lésion oblique (grade III) de la corne postérieure du ménisque interne, ainsi que de séquelles d’une entorse de grade I du ligament latéral interne.

d. Le 12 mars 2018, l’assuré a été opéré du genou gauche par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, qui a pratiqué une résection partielle de la corne postérieure du ménisque interne, en lien avec une déchirure radiaire.

e. L’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) du 21 août au 26 septembre 2018. Dans leur rapport, les médecins de la CRR ont notamment exposé que, suite à la méniscectomie partielle qu’il avait subie en mars 2018, l’assuré avait déploré une péjoration des symptômes, caractérisée par une raideur et des gonflements. Il avait, en outre, développé un syndrome douloureux régional complexe (SDRC) de type I. La situation n’était pas stabilisée d’un point de vue médical et il paraissait difficile d’évaluer la date de cette stabilisation, étant donné que l’évolution d’un SDRC pouvait aller jusqu’à deux ans.

f. Dans un rapport d’examen daté du 28 mai 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a confirmé une péjoration de la situation du genou gauche, vu l’apparition d’un SDRC, ainsi que d’un flexum permanent et d’une boiterie. Il était probable que la profession exercée antérieurement par l’assuré ne soit plus possible pour ce dernier.

g. Une IRM du genou gauche a été pratiquée le 15 octobre 2019. Dans le compte-rendu y relatif, le docteur G______, radiologue, a conclu à un status post-méniscectomie partielle du ménisque médial, sans récidive de déchirure méniscale, ainsi qu’à une chondromalacie patellaire latérale et condylienne médiale (de grade II).

h. Dans un rapport adressé à la SUVA, le 30 octobre 2019, le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, a indiqué qu’il envisageait une « révision méniscale interne », dans la mesure où les symptômes qu’il constatait (flexum de 5°, limitation de la flexion à 120° et vives douleurs dans la partie interne de l’interligne interne, avec tests méniscaux positifs) étaient trop importants pour éviter une intervention, quand bien même l’IRM pratiquée en octobre 2019 n’avait pas montré de récidive de déchirure.

i. Dans un rapport d’examen daté du 22 janvier 2020, le Dr F______ a exposé que l’état de santé de l’assuré demeurait très insatisfaisant, avec un flexum inexpliqué. Actuellement, une nouvelle intervention ne lui paraissait pas justifiée, dans la mesure où l’IRM ne permettait pas d’expliquer le flexum et qu’il n’était pas certain que le SDRC soit terminé. Le cas n’était toujours pas stabilisé, mais l’on pouvait s’attendre à ce que tel soit le cas en mars 2020, en ce qui concernait le SDRC.

j. Dans un rapport d’examen final daté du 3 juin 2020, le Dr F______ a indiqué qu’environ 4 mois et demi après son dernier examen, l’état de santé de l’assuré s’améliorait, malgré l’arrêt de la physiothérapie pendant deux mois. Dans l’intervalle, l’assuré avait développé ou décompensé de nouvelles pathologies sans relation causale avec l’événement assuré (une pathologie lombaire et un anévrisme intracrânien, actuellement sous surveillance). Une chirurgie de libération par arthrolyse postérieure du genou pouvait maintenant être réalisée sous arthroscopie, sur les éléments expliquant le flexum. Au-delà de deux mois de « rattrapage » de la physiothérapie, on pouvait considérer que le cas était stabilisé. S’il était clair que la profession d’étancheur n’était plus exigible, on pouvait, en revanche, attendre de l’assuré qu’il exerce à 100% une profession essentiellement assise et adaptée aux limitations fonctionnelles résultant du traumatisme qu’il avait subi au niveau du ménisque interne (c’est-à-dire une activité permettant d’éviter la marche sur du terrain accidenté, les montées d’escaliers ou d’échelles, ainsi que les positions agenouillées ou accroupies). Le Dr F______ invitait l’administration à lui soumettre à nouveau le dossier dans deux mois, après qu’elle ait obtenu une radiographie plus récente du genou et un rapport de consultation du Dr E______, que l’assuré avait prévu de reconsulter.

k. Entre juin et juillet 2020, la SUVA a obtenu :

-     un rapport de radiographie du genou gauche rédigé par le Dr D______ le 4 juin 2020, faisant notamment état d’un « discret pincement de l’interligne fémorotibial externe possible en relation avec une arthrose » ;

-     un rapport rempli le 24 juillet 2020 par le Dr E______, attestant de plaintes inchangées au niveau du genou gauche, avec un flexum fixé et des douleurs. L’assuré souffrait par ailleurs de lombalgies et avait présenté un anévrysme cérébral en mai 2020. Le pronostic était mauvais en terme de récupération fonctionnelle et aucune reprise du travail n’était prévue. On pouvait s’attendre à un traitement de longue durée.

l. Invité à se déterminer une nouvelle fois sur le dossier, le Dr F______ a indiqué, dans un très bref avis daté du 11 août 2020, que la situation médicale était stabilisée et que le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité ne pouvait être reconnu.

m. Par lettre du 13 août 2020, la SUVA a informé l’assuré qu’un traitement n’était plus nécessaire, de sorte qu’elle mettait fin au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement, avec effet au 31 août 2019. Dès le 1er septembre 2019, l’assuré pouvait prétendre à des indemnités journalières de l’AI, en lien avec le suivi de mesures d’ordre professionnel. Le droit à une éventuelle rente de l’assurance-accidents serait examiné à l’issue de la réadaptation professionnelle engagée auprès de l’assurance-invalidité.

B. a. Le 3 novembre 2020, l’assuré a annoncé à la SUVA que, le 30 octobre 2020, alors qu’il travaillait aux Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) dans le cadre de son reclassement professionnel, il s’était pris le pied droit dans un distributeur de papier à roulettes et était tombé en arrière, sur le côté gauche du dos. Il en avait résulté des contusions au niveau du genou, de la cuisse et du dos.

b. Dans un rapport consécutif à la consultation de l’assuré du 30 octobre 2020, les médecins du Service de médecine de premier recours des HUG, les docteurs I______ et J______, ont fait état d’une chute en arrière sur un chariot à roulettes avec réception sur la hanche, le dos et l’épaule gauche. L’examen ostéo-articulaire avait mis en évidence des douleurs du rachis et des deux épaules, sans hématome, un flexum et une extension douloureuse du genou gauche, ainsi qu’une douleur au niveau de la fesse gauche. Les radiographies n’avaient pas montré de fracture. Un arrêt de travail avait été prescrit dès le 30 octobre 2020. Cet arrêt de travail a ensuite été renouvelé, à diverses reprises, par le Dr H______.

c. À la demande de la SUVA, la doctoresse K______, médecin généraliste traitante, a complété un rapport le 16 novembre 2020, dans lequel elle a retenu les diagnostics de contusion du genou gauche, ainsi que des contractures dorsales et thoraciques « sur chute » le 30 octobre 2020. Elle a fait état d’une amélioration des cervicalgies et des dorsalgies, mais d’une persistance des gonalgies du côté gauche, lesquelles avaient augmenté depuis l’accident, surtout lors de la marche. Elle avait adressé le patient, traité par antalgie et physiothérapie, chez le Dr H______.

d. Dans un bilan d’IRM du genou gauche daté du 17 novembre 2020, le Dr G______ a fait état, en comparaison de l’IRM qu’il avait sollicitée en octobre 2019, de l’apparition d’une fissure horizontale (grade III) de la partie antérieure du segment moyen résiduel du ménisque, ainsi que d’un status post-méniscectomie partielle de la corne postérieure et du segment moyen du ménisque médial.

e. Également invité par la SUVA à compléter un rapport, le Dr H______ a retenu, le 21 décembre 2020, les diagnostics de rupture partielle de la coiffe, de séquelles de luxation de l’épaule droite (opérée en 1995), ainsi que de déchirure du ménisque interne du genou gauche. Au niveau de l’épaule droite, l’évolution était défavorable, avec une aggravation des douleurs et au niveau du genou gauche, il était constaté une limitation de la flexion et un épanchement. Son pronostic était très réservé, « tout traitement [étant] bloqué par la SUVA ».

f. À l’occasion d’un entretien téléphonique le 22 janvier 2021, l’assuré a informé la SUVA qu’il devait se faire opérer du genou gauche par le Dr H______.

g. Par courrier du 26 janvier 2021, la SUVA a informé l’assuré qu’elle acceptait de prendre en charge les troubles dont celui-ci souffrait au niveau de l’épaule droite (en tant que rechute d’un accident subi en 1993), mais désirait obtenir des renseignements complémentaires afin de se déterminer sur la prise en charge des troubles du genou gauche.

h. Dans un rapport adressé à la SUVA le 12 février 2021, le Dr H______ a indiqué que l’assuré, après avoir mis le pied sur une « roulette », avait chuté en arrière et subi un choc direct, dont il avait résulté des douleurs des deux épaules et du genou gauche. Son examen clinique du 11 novembre 2020 avait mis en évidence une limitation de flexion de 90° à gauche, un épanchement intra-articulaire avec choc rotulien, des douleurs à la palpation de l’interligne interne et externe, et des tests méniscaux positifs. La radiographie avait mis en évidence une chondrocalcinose méniscale, tandis qu’une IRM réalisée en novembre 2020 avait clairement montré une déchirure de la zone moyenne et antérieure du ménisque interne. Au vu des limitations fonctionnelles et des douleurs persistantes, il était prévu de réaliser une méniscectomie des zones déchirées du ménisque interne. Les déchirures se situaient en-dehors de la chondrocalcinose du ménisque externe et étaient donc liées non pas à un problème dégénératif mais bel et bien à l’accident.

i. Dans une appréciation datée du 1er mars 2021, le Dr F______ a relevé que l’IRM réalisée en novembre 2020 par le Dr G______ avait montré une fissure horizontale de grade III du ménisque médial, le ménisque lui paraissant en outre très dégénératif sur le compartiment latéral (présentant une chondrocalcinose, ainsi que des aspects de fente horizontale dégénérative). Par ailleurs, il ressortait également du rapport du Dr G______ des ulcérations cartilagineuses superficielles au niveau du plan médial, de même qu’au niveau fémoro-patellaire, ce qui témoignait d’une atteinte dégénérative préexistante. Compte tenu des dégénérescences ressortant de l’IRM, le Dr F______ était d’avis que l’événement du 30 octobre 2020, tout comme celui du 28 septembre 2017, ne pouvaient avoir causé les atteintes – dégénératives – et les troubles décrits au niveau du genou gauche. Le traitement proposé par le Dr H______ (méniscectomie) ne paraissait donc pas être en lien avec les événements des 28 septembre 2017 et 30 octobre 2020.

j. Par décision du 1er mars 2021, la SUVA a refusé d’engager sa responsabilité pour les troubles « actuellement » déplorés au niveau du genou gauche, au motif qu’il ne ressortait du dossier aucun lien de causalité vraisemblable entre ces troubles et les événements des 30 octobre 2020 et 28 septembre 2017.

k. Le 8 mars 2021, l’assuré a formé opposition contre cette décision, en sollicitant la prise en charge de ses atteintes du genou gauche et en faisant valoir que la fissure horizontale (grade III), qu’avait mise en évidence l’IRM du 18 novembre 2020, était due à l’accident du 30 octobre 2020, au même titre que les symptômes qui en avaient résulté (enflure, mobilité réduite et douleurs). L’accident d’octobre 2020 avait aggravé ses atteintes du genou gauche.

l. L’assurance-maladie de l’assuré a également formé opposition contre la décision du 1er mars 2021, opposition qu’elle a finalement retirée le 23 avril 2021, tout en précisant qu’elle n’adhérait pas pour autant à l’appréciation de la SUVA.

m. Invité à se déterminer sur l’opposition, le Dr F______ a estimé, dans une brève appréciation médicale datée du 30 mars 2021, qu’il ne ressortait de l’IRM pratiquée le 17 novembre 2020 par le Dr G______ aucune déchirure nouvelle, susceptible d’être attribuée à l’événement d’octobre 2020. Lors de l’examen initial réalisé aux HUG, il n’avait pas non plus été noté d’atteinte nouvelle. En conséquence, il maintenait qu’après l’événement annoncé le 30 octobre 2020, il n’était pas apparu « d’élément lésionnel nouveau en vraisemblance prépondérante [avec cet événement] ».

n. Par décision sur opposition du 28 avril 2021, la SUVA a rejeté l’opposition. Dans son rapport de février 2021, qui n’était pas contredit par d’autres rapports versés au dossier, le Dr F______ était parvenu à la conclusion que ni l’événement du 30 octobre 2020, ni celui du 28 septembre 2017 ne pouvaient avoir causé les troubles – dégénératifs – déplorés par l’assuré. Réinterrogé dans le cadre de la procédure d’opposition, ce médecin d’arrondissement avait confirmé son appréciation quant à l’absence de lésion nouvelle provoquée par l’événement du 30 octobre 2020.

o. Le 4 juin 2021, l’assuré a été opéré par le Dr H______ au niveau de l’épaule droite (débridement du bourrelet glénoïdien, ténodèse du biceps, acromioplastie décompressive et résection acromio-claviculaire).

C. a. Le 27 mai 2021, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à l’octroi de prestations médicales et de « mesures de réinsertion », ainsi qu’à l’octroi d’une rente LAA dans l’hypothèse où de telles mesures ne seraient pas possibles. À titre subsidiaire, il a requis la mise en œuvre d’une expertise indépendante.

Selon lui, les documents versés au dossier rendaient très vraisemblable que l’atteinte de son genou gauche et les troubles dont il souffrait depuis son accident de septembre 2017 (enflure, douleurs chroniques) s’étaient aggravés depuis son accident du 30 octobre 2020. La mobilité réduite et la totale incapacité de travail résultant de cette aggravation étaient en relation causale avec les accidents de septembre 2017 et octobre 2020. Le recourant sollicitait l’octroi d’un délai pour compléter son recours.

b. Dans sa réponse, l’intimée a conclu au rejet du recours.

En relation avec la nouvelle chute subie par le recourant en octobre 2020, elle a précisé n’avoir pris en charge une rechute que pour les troubles scapulaires et non pour ceux affectant le genou gauche. Suite à l’événement de septembre 2017, la lésion méniscale initiale avait été prise en charge jusqu’à la date de la stabilisation du cas, arrêtée par le Dr F______, en août 2019. Dans ses appréciations probantes des 1er et 30 mars 2021, le Dr F______ était parvenu à la conclusion que l’événement du 30 octobre 2020 ne pouvait avoir causé les atteintes décrites au niveau du genou gauche, lesquelles étaient de nature dégénérative et n’étaient pas non plus en relation causale avec l’accident de septembre 2017. Quant aux pièces médicales sur lesquelles se fondait le recourant, elles avaient déjà été examinées par le Dr F______.

c. Par l’entremise de son avocate, le recourant a répliqué le 17 septembre 2021. Il a modifié ses conclusions, concluant désormais à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge les suites de l’accident d’octobre 2020 (dont les frais médicaux et les indemnités journalières), notamment en ce qui concernait son genou gauche, et à se prononcer sur le droit à une rente et à une atteinte à l’intégrité.

En substance, il a contesté la valeur probante des appréciations du Dr F______, auquel il a reproché d’avoir omis de prendre en compte l’accident de septembre 2017, alors qu’il avait précisément été blessé au ménisque gauche. Le Dr F______ avait également omis de prendre en considération le fait que le « cas initial » de septembre 2017 n’avait jamais été clôturé. L’intimée avait enregistré l’accident d’octobre 2020 sous un nouveau numéro de sinistre, ce qui l’avait conduite à ouvrir un second dossier distinct. Par ailleurs, le Dr F______ avait omis de prendre en compte le bilan d’IRM du 16 octobre 2019 qui, une fois comparé avec celui du 17 novembre 2020, témoignait d’une nouvelle atteinte, soit d’une « [ ] fissure horizontale (grade III) située au sein de la partie antérieure du segment moyen résiduel ». Comme l’avait relevé le Dr H______ dans un récent rapport, l’imagerie permettait d’établir que l’accident du 30 octobre 2020 était à l’origine de ses atteintes actuelles et notamment de l’atteinte méniscale nouvellement observée. C’était à tort que l’intimée avait retenu que ses atteintes du genou gauche étaient d’origine dégénérative. À l’appui de sa réplique, le recourant a joint un rapport adressé à son avocate par le Dr H______ le 24 août 2021, dans lequel on pouvait lire :

« [ ] À la lecture des rapports d’IRM du genou gauche, nous pouvons constater que lors de la première IRM du 15 octobre 2019, il est mentionné un status après méniscectomie partielle du ménisque interne sans récidive de déchirure méniscale, puis dans l’IRM du genou gauche du 17 novembre 2020, il est noté clairement un status après méniscectomie partielle interne avec une fissure horizontale de grade III, située au sein de la partie antérieure du segment moyen résiduel, qui n’existait pas avant l’accident du 30 octobre 2020. [ ] [C]et examen confirme la non-existence d’une déchirure méniscale du ménisque restant avant l’accident et montre clairement une déchirure de grade III, donc chirurgicale, du restant du ménisque après l’accident du 30 octobre. [ ] [L]a lésion de chondrocalcinose découverte à l’arthroscopie ne correspond effectivement pas à un problème accidentel mais plutôt à une cause maladie, elle ne rentre pas en ligne dans l’indication opératoire [ ], étant donné que [cette atteinte] ne se traite pas chirurgicalement. Je pense malgré tout que l’évidence d’une déchirure non décrite en 2019, puis décrite en 2020, montre bien que cette déchirure méniscale correspond à l’accident [ ] ».

d. Dans sa duplique, l’intimée a rétorqué que dans ses appréciations, le Dr F______ avait clairement nié tout lien de causalité entre les troubles constatés et les deux accidents intervenus en 2017 et 2020. Par ailleurs, l’IRM d’octobre 2019 avait été soumise au Dr F______, qui en avait tenu compte dans son rapport d’examen final. Contrairement à ce qu’avait déduit le recourant du rapport du Dr H______ d’août 2021, une atteinte méniscale horizontale de grade III était typiquement une atteinte dégénérative, en particulier pour un patient âgé de plus de 40 ans. Le radiologue évoquait d’ailleurs une fissure et non une déchirure. Ainsi, l’IRM de 2019 avait confirmé que le recourant ne présentait plus de lésion accidentelle et celle de 2020 avait mis en évidence une atteinte dégénérative, de sorte que les troubles actuels ne pouvaient pas être rattaché à un quelconque accident. Au demeurant, l’assurance-maladie du recourant avait finalement retiré son opposition provisoire contre la décision du 8 mars 2021. Enfin, il incombait à la SUVA d’ouvrir un dossier par sinistre et en 2020, l’assuré n’avait pas spécifiquement annoncé une rechute de l’accident de 2017 (mais un nouvel accident). En définitive, l’intimée estimait qu’à défaut de lien de causalité vraisemblable avec les accidents de 2017 et 2020, elle n’avait pas à prendre en charge les troubles persistants que déplorait le recourant au niveau de son genou gauche.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable (art. 1 al. 1 LAA).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le présent recours était pendant, au 1er janvier 2021, devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA). Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS/GE E 5 10).

5.             La modification de la LAA du 25 septembre 2015 est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

6.             Dans son acte de recours, l’assuré conclut, entre autres, à l’octroi de « mesures de réinsertion ».

Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 125 V 413 consid. 1a p. 414; 119 Ib 33 consid. 1b p. 36 et les références citées).

En l’occurrence, par sa décision du 1er mars 2021, confirmée sur opposition le 28 avril 2021, l’intimée a refusé d’engager sa responsabilité pour les troubles « actuellement » déplorés par l’assuré au niveau du genou gauche, dont elle a estimé qu’ils n’étaient vraisemblablement pas en relation causale avec les accidents des 30 octobre 2020 et 28 septembre 2017.

Dans la mesure où l’objet du litige, lui-même déterminé par la décision sur opposition contre laquelle le recours est interjeté, porte uniquement sur la question de savoir si les troubles du genou gauche mis en évidence par l’IRM du 17 novembre 2020 (pour lesquels le Dr H______ a préconisé une intervention chirurgicale) doivent être pris en charge par l'intimée, la conclusion du recourant tendant à l’octroi de « mesures de réinsertion » – qui relèvent au demeurant de l’assurance-invalidité – doit être déclarée irrecevable.

7.              

1.   

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3.   

4.   

5.   

6.   

7.   

7.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

7.2 En relation avec les art. 10 et 16 LAA, cette disposition implique, pour l'ouverture du droit aux prestations, l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'accident, d'une part, et le traitement médical et l'incapacité de travail de la personne assurée, d'autre part (arrêt 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1). Dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, cependant, en cas d'atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu'elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 123 V 102; 122 V 417; 118 V 286 consid. 3a p. 291; 117 V 359 consid. 5d/bb p. 365). Un rapport de causalité naturelle doit être admis si le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière sans l'événement assuré. Il n'est pas nécessaire que cet événement soit la cause unique, prépondérante ou immédiate de l'atteinte à la santé. Il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références citées).

7.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales, étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit, soit à l'assureur (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités).

8.              

8.   

8.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c); les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.

8.2 Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d’un accident, seul le caractère extraordinaire de l’accident pouvait faire défaut, mais l’existence d’une cause extérieure était en revanche indispensable (cf. ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés. C’est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l’époque du message de 1976 à l’appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893).

Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance; compétence de l'assureur-accidents; calcul du gain assuré; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accident. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l'usure ou la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

9.             Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a, ATF 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

10.         À titre liminaire, il convient de rappeler ce qui suit.

L’intimée a pris en charge un premier accident survenu le 28 septembre 2017, ayant occasionné chez l’assuré une lésion oblique (grade III) de la corne postérieure du ménisque interne. Dans ce contexte, l’intimée a notamment financé une opération du genou gauche pratiquée en mars 2018 par le Dr E______ (résection partielle de la corne postérieure du ménisque interne). Sur la base d’un rapport d’examen final du Dr F______, elle a considéré par la suite qu’un traitement n’était plus nécessaire et a mis fin, avec effet au 31 août 2019, au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement (cf. lettre de la SUVA du 13 août 2020).

L’assuré a annoncé à l’intimée avoir subi un nouvel accident le 30 octobre 2020 dans le cadre d’un reclassement professionnel mis en œuvre par l’assurance-invalidité, en chutant en arrière après s’être pris le pied droit dans un distributeur de papier à roulettes. L’IRM du 17 novembre 2020 – réalisée deux semaines environ après ce deuxième accident – a notamment mis en évidence, par rapport à une IRM antérieure réalisée en octobre 2019, l’apparition d’une fissure horizontale (grade III) de la partie antérieure du segment moyen résiduel du ménisque. En février 2021, le Dr H______ a informé la SUVA qu’il prévoyait de réaliser une méniscectomie des zones déchirées du ménisque interne, tout en précisant que la déchirure méniscale était, de son point de vue, liée à l’accident de 2020.

Dans sa décision du 1er mars 2021, confirmée sur opposition le 28 avril 2021, l'intimée a refusé d’engager sa responsabilité pour les troubles que déplorait « actuellement » l’assuré au niveau du genou gauche, au motif qu’il ne ressortait du dossier aucun lien de causalité vraisemblable entre ces troubles et les accidents d’octobre 2020 et de septembre 2017. L’intimée a fondé sa décision sur un rapport rédigé en février 2021 par le Dr F______, à teneur duquel lesdits troubles étaient de nature dégénérative. Dans une brève appréciation datée du 30 mars 2021, le Dr F______ a confirmé son point de vue.

Dans son recours, l’assuré requiert la prise en charge par l’intimée des suites de l’accident d’octobre 2020 en ce qui concerne son genou gauche. En substance, il conteste la valeur probante des appréciations du Dr F______, auquel il reproche d’avoir omis de prendre en compte son accident antérieur, survenu en septembre 2017 et dont il avait déjà résulté une atteinte du ménisque gauche. Le Dr F______ n’a pas non plus tenu compte du fait qu’une comparaison des IRM réalisées en octobre 2019 et en novembre 2020 a démontré l’apparition d’une atteinte nouvelle, soit une « [ ] fissure horizontale (grade III) située au sein de la partie antérieure du segment moyen résiduel [du ménisque] », dont le Dr H______ a conclu qu’elle était en relation causale avec l’accident du 30 octobre 2020. Le recourant reproche également au Dr F______, respectivement à l’intimée, d’avoir traité ses deux accidents (2017 et 2020) dans le cadre de dossiers séparés. Selon lui, c’est à tort que l’intimée a retenu que ses atteintes du genou étaient d’origine dégénérative.

11.          

9.   

10.   

11.   

11.1 En l’occurrence, on se trouve en présence d’opinions médicales diamétralement opposées, émanant de spécialistes en chirurgie orthopédique, soit le Dr F______, médecin d’arrondissement, ainsi que le Dr H______, chirurgien consulté par l’assuré.

Dans son appréciation établie sur dossier le 1er mars 2021, le Dr F______ a exposé que l’IRM réalisée en novembre 2020 par le Dr G______ avait montré une fissure horizontale de grade III du ménisque médial, le ménisque lui paraissant en outre très dégénératif sur son compartiment latéral (présentant une chondrocalcinose et des aspects de fente horizontale dégénérative). Par ailleurs, il ressortait du compte rendu d’IRM rédigé par le Dr G______ des ulcérations cartilagineuses superficielles au niveau du plan médial, de même qu’au niveau fémoro-patellaire, ce qui témoignait là encore d’une atteinte dégénérative préexistante. Eu égard à l’existence de ces dégénérescences, le Dr F______ était d’avis que l’événement du 30 octobre 2020, tout comme celui du 28 septembre 2017, ne pouvait avoir causé les atteintes – dégénératives – et les troubles décrits au niveau du genou gauche. L’opération proposée par le Dr H______ ne lui semblait donc pas être liée aux événements des 28 septembre 2017 et 30 octobre 2020.

Invité à se déterminer dans le cadre de l’opposition, le Dr F______, dans une brève appréciation médicale établie sur dossier le 30 mars 2021, a confirmé son point de vue, en faisant valoir qu’il ne ressortait du compte-rendu d’IRM du Dr G______ et de l’examen initial réalisé aux HUG aucune atteinte ou déchirure nouvelle, susceptible d’être attribuée à l’événement d’octobre 2020.

11.2 De son côté, le Dr H______ a indiqué dans son rapport du 12 février 2021 que son patient avait été victime d’une chute en arrière après avoir mis le pied sur une « roulette », ce dont il avait résulté des douleurs des deux épaules et du genou gauche. L’examen clinique du 11 novembre 2020 avait mis en évidence une limitation de la flexion du genou gauche, un épanchement intra-articulaire avec choc rotulien, des douleurs à la palpation de l’interligne interne et externe, et des tests méniscaux positifs. La radiographie avait montré une chondrocalcinose, tandis qu’une IRM réalisée le 17 novembre 2020 avait clairement mis en exergue une déchirure de la zone moyenne et antérieure du ménisque interne. Le Dr H______ a indiqué qu’il prévoyait de réaliser une méniscectomie des zones déchirées du ménisque interne, précisant que les déchirures se situaient en-dehors de la chondrocalcinose du ménisque externe et qu’elles étaient donc liées non pas à un problème dégénératif, mais bel et bien à l’accident.

Dans son rapport subséquent du 24 août 2021, le Dr H______ a fait valoir que, selon le compte-rendu de l’IRM réalisée le 17 novembre 2020, il avait clairement été mis en évidence l’apparition de lésion de grade III de la partie antérieure du segment moyen résiduel du ménisque, atteinte qui n’apparaissait pas sur l’IRM réalisée en octobre 2019, puisque le radiologue avait alors mentionné un « status après méniscectomie partielle du ménisque interne sans récidive de déchirure méniscale ». Il ressortait ainsi de la comparaison des deux IRM, l’absence de déchirure méniscale sur le segment résiduel du ménisque avant l’accident du 30 octobre 2020, puis l’apparition, après cet accident, d’une déchirure de grade III, ce qui confirmait que la déchirure était due à l’accident. En revanche, la lésion de chondrocalcinose ne correspondait effectivement pas à un problème accidentel, comme l’avait relevé le Dr F______, mais elle ne justifiait, quoi qu’il en soit, pas l’indication opératoire.

12.          

12.   

12.1 Il résulte de ce qui précède que la question de savoir si l'accident du 30 octobre 2020 a provoqué la lésion méniscale observée sur l’IRM du 17 novembre 2020 (et pour laquelle le chirurgien H______ a proposé de réaliser une méniscectomie) est controversée. Le Dr H______ affirme qu’il ressort clairement de cette imagerie une déchirure de la zone moyenne et antérieure du ménisque interne et que cette déchirure est liée à l’accident de 2020, puisque d’une part, elle est située en-dehors de la zone touchée par la chondrocalcinose, et que d’autre part, elle n’apparaissait pas déjà sur l’IRM effectuée en octobre 2019. Le Dr F______, qui estime de son côté que la lésion méniscale n’a probablement pas été provoquée par l’accident, fait valoir que l’IRM réalisée en novembre 2020 a montré des lésions typiquement dégénératives (chondrocalcinose, ulcérations cartilagineuses superficielles) et qu’il n’en ressort aucune atteinte ou déchirure nouvelle, ce qui ne ressort pas davantage de l’examen initial réalisé aux HUG.

La chambre de céans observe toutefois que l’affirmation du Dr F______, selon laquelle l’IRM de novembre 2020 n’aurait mis en évidence aucune atteinte nouvelle, est mise en doute par le compte-rendu du Dr G______, ce radiologue ayant expressément mentionné, après avoir comparé l’IRM de novembre 2020 avec celle d’octobre 2019, « l’apparition d’une fissure horizontale située au sein de la partie antérieure du segment moyen résiduel [ ] (grade III) ». À cela s’ajoute que le Dr F______ semble partir du postulat qu’une atteinte horizontale du ménisque est nécessairement d’origine dégénérative et ne se détermine pas clairement sur l’argumentation développée par le Dr H______ ; il n’explique notamment pas pourquoi l’atteinte de grade III du segment moyen du ménisque, constatée en novembre 2020, n’apparaissait pas déjà sur l’IRM du 15 octobre 2019, alors qu’il s’agirait, si l’on suit son raisonnement, d’une atteinte typiquement dégénérative, existant de longue date.

Par ailleurs, on constate que les rapports rédigés en mars 2021 par le Dr F______ et sur lesquels repose la décision litigieuse sont succincts et qu’ils ne se déterminent pas sur l’hypothèse d’une éventuelle rechute ou séquelle tardive de l’accident pris en charge par l’intimée dès septembre 2017, lequel avait déjà provoqué une atteinte méniscale pour laquelle une intervention chirurgicale avait été pratiquée par le Dr E______. Or, à supposer, comme le prétend le Dr F______, que la lésion méniscale pour laquelle le Dr H______ a préconisé une intervention ne soit pas en relation causale avec l’accident d’octobre 2020, encore faudrait-il examiner si cette atteinte peut être considérée comme une rechute ou une séquelle tardive de l’accident de septembre 2017, ce que le Dr F______ n’a pas fait, ou du moins pas de façon intelligible. Dans ce contexte, il paraît opportun de relever que, dans le rapport final qu’il avait rédigé en juin 2020, dans le cadre de l’instruction du premier accident, le Dr F______ avait lui-même discuté l’opportunité de réaliser une nouvelle intervention chirurgicale (« chirurgie de libération postérieure du genou »), compte tenu du fait que l’assuré présentait encore un flexum résiduel du genou (cf. rapport du 3 juin 2020, p. 5).

En dernier lieu, on relèvera qu’en ce qui concerne l’atteinte méniscale diagnostiquée en novembre 2020, il existe une incertitude quant à l'existence éventuelle d'une déchirure, soit d’une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de l'art. 6 al. 2 let. c OLAA : alors que le Dr F______ déduit du bilan rédigé par le Dr G______ que l’IRM de novembre 2020 n’a montré qu’une fissure horizontale du ménisque médial, le Dr H______ souligne, au contraire, que cette lésion, de grade III, correspond bel et bien à une déchirure, nécessitant une prise en charge chirurgicale.

Au vu de ce qui précède, des doutes subsistent quant à la pertinence de l'avis du médecin d’arrondissement de la SUVA, à teneur duquel la lésion méniscale observée sur l’IRM du 17 novembre 2020 serait d’origine purement dégénérative.

12.2 Si un cas d'assurance est jugé sans rapport d'un médecin externe à l'assurance, l'appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes (ATF 122 V 157 consid. 1d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 du 14 juin 2017 consid. 3.3). Ainsi, dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes, même minimes, quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.3.3 ; 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3 ; 8C_251/2012 du 27 août 2012 consid. 3.4).

Lorsqu'il existe des doutes sur la fiabilité et la pertinence de l'appréciation du médecin-conseil, il appartient en premier lieu à l'assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d'office l'ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d'administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA ; ATF 132 V 368 consid. 5 p. 374 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_401/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.3.3 et ses références).

12.3 En l’occurrence, dans la mesure où des doutes subsistent quant à l’existence d’un lien de causalité entre l’atteinte méniscale observée au niveau du genou gauche (cf. IRM du 17 novembre 2020) et les accidents respectivement de d’octobre 2020 et de septembre 2017, une instruction complémentaire s’impose. Aucune expertise n’ayant été diligentée à ce stade, la cause sera renvoyée à l’intimée pour ce faire, conformément à l’art. 44 LPGA.

À l’issue de cette expertise, l’intimée statuera à nouveau sur la prise en charge de l’atteinte méniscale diagnostiquée en novembre 2020 et, à l’issue des mesures de réadaptation de l’AI, sur le droit éventuel, respectivement à une rente et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

13.         Partant, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 28 avril 2021 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour qu’elle complète l’instruction dans le sens qui précède, puis rende une nouvelle décision.

14.         Le recourant, qui est assisté d’un mandataire et qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une indemnité de dépens, que la chambre de céans fixe à CHF 2’000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

15.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 4 LPA).

 

******


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

2.        Déclare irrecevable la conclusion du recourant tendant à l’octroi de mesures de réinsertion.

Au fond :

3.        Admet partiellement le recours et annule la décision sur opposition du 28 avril 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le