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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/875/2021

ATAS/592/2022 du 28.06.2022 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/875/2021 ATAS/592/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au Petit-Lancy, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

 

demandeur

 

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE (CPEG), sise boulevard de Saint-Georges 38, GENÈVE

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1956, a pris sa retraite anticipée le 1er décembre 2017. Il a été mis au bénéfice d’une rente de prévoyance professionnelle versée par la Caisse de prévoyance de l'État de Genève (ci-après : la CPEG) assortie de trois rentes pour enfants de retraité, dont l’une pour son fils B______ (ci-après : le fils), né en1999.

b. Selon un certificat du 25 septembre 2019, le fils a été étudiant régulier à la Haute école de gestion de Genève (ci-après : la HEG) du 17 septembre 2018 au 25 septembre 2019, date à laquelle il a été exmatriculé.

c. Le fils a suivi des cours d'anglais à la Fondation pour la formation des adultes (ci-après : l’IFAGE) du 23 septembre au 11 octobre 2019 (cours intensif upper-intermediate 1 d'après l'attestation du 17 septembre 2019), ainsi que du 11 au 29 novembre 2019, puis du 2 au 20 décembre 2019 (cours intensif C1 selon l'attestation du 29 novembre 2019).

d. Du 13 janvier au 15 mai 2020, le fils a effectué son école de recrues.

e. À partir du 24 août 2020, celui-ci a commencé une formation auprès de l'entreprise C______ en qualité de contrôleur de la circulation aérienne.

B.            À la demande de l'assuré, et à la suite d'un échange de correspondances entre les parties, par courrier du 11 février 2021, la CPEG a refusé d'allouer une pension d'enfant de retraité en faveur du fils dès le 1er janvier 2020, au motif que ce dernier ne pouvait pas être considéré comme étant en formation pendant la période de son service militaire.

C.           a. Par acte du 7 mars 2021, l'assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) d'un « recours contre la décision de la CPEG du 11 février 2021 », en contestant le refus d'octroi de cette pension pour enfant depuis janvier 2020.

b. Dans sa réponse du 5 mai 2021, la défenderesse a conclu au rejet du « recours », sous suite de frais et dépens.

Elle a notamment fait valoir qu'elle n'aurait pas dû assimiler à une formation les cours de langue, dispensés par l'IFAGE, qui n'obéissaient pas à un plan d'études structuré, et ne correspondaient ni à un stage ou à un séjour linguistique, d'autant moins qu'entre le 23 septembre et le 11 novembre (recte : octobre) 2019, ils n'avaient pas duré au moins quatre semaines. Le droit à la pension d'enfant en cause aurait donc dû prendre fin au plus tard au mois de septembre 2019, date de l'exmatriculation de la HEG. La CPEG se réservait le droit de requérir le remboursement des pensions d'enfant de retraité en faveur du fils versées d'octobre à décembre 2019. La nouvelle formation entamée le 24 août 2020 faisait naître un nouveau droit à une pension d'enfant de retraité qui devait être examiné dès le mois d'août 2020 selon les conditions réglementaires en vigueur à ce moment, en application desquelles c'était, selon elle, à juste titre qu'elle avait invité le demandeur à la recontacter au 1er juin 2021 dès qu'il aurait atteint l'âge de 65 ans.

c. Dans sa réplique du 26 mai 2021, le demandeur, représenté par son avocat, a conclu, sous suite de frais et dépens, à la constatation qu'il avait droit à une pension d'enfant pour son fils, pour la période du 1er septembre 2019 au 31 mars 2021 date à laquelle celui-ci avait terminé sa formation auprès de C______ , avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er janvier 2020, cette prestation devant se déterminer sur la base du règlement de la CPEG en vigueur en 2019 conformément au principe des droits acquis. Il précisait que son écriture du 7 mars 2021 devait être comprise comme une action en constatation et une demande en paiement à l'encontre de la défenderesse, et arguait que son fils avait été en formation de septembre 2019 à mars 2021, avec pour conséquence, le versement de la pension d'enfant en cause.

d. Dans sa duplique du 17 juin 2021, la défenderesse a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP – RS 831.40], chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit. La voie à suivre est celle de l'action (ATF 115 V 224 consid. 2).

1.2 Les autorités visées par l'art. 73 LPP sont compétentes ratione materiae pour trancher les contestations qui portent sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 125 V 168 consid. 2 et les références).

1.3 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO – RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 LPP ; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.4 Selon l'art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

1.5 En l'espèce, le litige a trait au versement d'une pension d'enfant de retraité au sens de la prévoyance professionnelle sur-obligatoire ou étendue (ATAS/445/2022 du 19 mai 2022 consid. 9.1) comme on le verra plus loin, de sorte qu'il est régi par les art. 73 LPP et 134 al. 1 let. b LOJ. Par ailleurs, le siège de la défenderesse se trouve à Genève. La chambre de céans est ainsi compétente, tant ratione materiae que ratione loci, pour connaître du litige.

1.6 L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).

La demande respecte en outre la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), étant précisé que le courrier de la défenderesse du 11 février 2021 n'est pas une décision au sens juridique du terme, mais une détermination, et le « recours » formé le 7 mars 2021 par le demandeur constitue une demande, et non un recours à proprement parler (ATAS/1091/2016 du 20 décembre 2016 consid. 4a).

Partant, la demande du 7 mars 2021 est recevable.

2.             Le litige porte sur le point de savoir si le demandeur peut prétendre à une pension d'enfant de retraité de la prévoyance professionnelle étendue pour la période du 1er janvier 2020 au 31 mars 2021. L’on précisera que la rente ayant été versée pour la période antérieure et qu’aucune demande de restitution n’ayant à ce stade été notifiée, la chambre de céans ne saurait se prononcer dans le cadre de la présente procédure sur ladite période ou l’éventuelle restitution.

3.             Dans le système de la prévoyance professionnelle, la LPP (pour le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle), respectivement le règlement de prévoyance (lorsque l’institution de prévoyance a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi) détermine les conditions auxquelles les différentes prestations sont allouées (ATF 138 V 409 consid. 3.1).

4.             En vertu de l’art. 17 al. 1 LPP, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse ont droit à une rente complémentaire pour chaque enfant, qui à leur décès, aurait droit à une rente d’orphelin; le montant de la rente pour enfant équivaut à celui de la rente d’orphelin, soit 20% (art. 21 al. 1 LP).

4.1 En cas de retraite anticipée, dans le cadre du régime obligatoire, le bénéficiaire d’une rente de vieillesse peut également prétendre au versement de la rente pour enfant dès le versement de la rente de vieillesse, ce qui découle des exigences minimales de la LPP prévues aux art. 7 à 47 LPP, dont l’art. 17 LPP fait partie. Ainsi, la rente pour enfant, liée à la rente principale de vieillesse, dont le montant est adapté en cas de retraite anticipée selon l’art. 13 al. 2 LPP, correspond à 20% de la rente d’orphelin (ATF 133 V 575 consid. 4.1 à 6.2).

4.2 Selon l'art. 22 al. 3 LPP, le droit aux prestations pour orphelin s’éteint au décès de l’orphelin ou dès que celui-ci atteint l’âge de 18 ans. Il subsiste jusqu’à l’âge de 25 ans au plus dans les cas suivants : tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études (let. a); tant que l’orphelin, invalide à raison de 70% au moins, n’est pas encore capable d’exercer une activité lucrative (let. b). S’agissant de la fin du droit à la rente d’orphelin, la jurisprudence relative à l’art. 25 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) est applicable par analogie (ATAS/896/2018 du 9 octobre 2018 consid. 5b et la référence).

4.2.1 Le législateur a adapté la LPP aux règles figurant dans la LAVS et notamment à son art. 25 al. 5, qui prévoit, pour les enfants qui accomplissent une formation, que le droit à la rente d'orphelin s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus tard jusqu’à l’âge de 25 ans révolus (ATAS/896/2018 du 9 octobre 2018 consid. 5c et la référence). Aux termes de l'art. 25 al. 5 in fine LAVS, le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation.

4.2.2 Se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté les art. 49bis et 49ter du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), entrés en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 4573).

L'art. 49bis al. 1 RAVS a concrétisé la jurisprudence antérieure en la matière (ATF 108 V 54 consid. 1a). Il prévoit qu'un enfant est réputé en formation lorsqu'il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions. Sont également considérées comme formation les solutions transitoires d'occupation telles que les semestres de motivation et les préapprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu'ils comprennent une partie de cours (al. 2).

Quant à l'art. 49ter RAVS, il règle la fin ou l'interruption de la formation. Celle-ci se termine avec l'obtention d'un diplôme, avec un abandon ou une interruption des études, ou encore avec la naissance du droit à une rente d'invalidité (al. 1 et 2). N'est pas assimilé à une interruption, pour autant que la formation se poursuive immédiatement après (al. 3) : les périodes usuelles libres de cours et les vacances d’une durée maximale de quatre mois (let. a); le service militaire ou civil d'une durée maximale de cinq mois (let. b); les interruptions pour raisons de santé ou de grossesse, jusqu’à une durée maximale de douze mois (let. c).

4.2.3 En ce qui concerne la notion de formation au sens de l'art. 25 al. 5 LAVS, respectivement l'interruption et la fin de la formation, le Tribunal fédéral a admis que l'on pouvait s'appuyer sur les directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), en particulier les directives concernant les rentes de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale (ci-après : DR), ainsi que sur le commentaire des modifications du RAVS au 1er janvier 2011 établi par l'OFAS (ci-après: commentaire RAVS), disponible à l'adresse internet suivante: https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/ahv/donnees-de-base-et-legislation/avs---legislation/archives-modifications-des-reglements.html, sous Modifications RAVS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_834/2016 du 28 septembre 2017 consid. 6.2.2-6.2.3 et les références).

4.2.3.1 Selon le chiffre 3322 DR, aux orphelins âgés de 18 à 25 ans qui commencent leur formation après l’accomplissement de leur 18e année ou après le décès de leur père ou de leur mère, la rente doit être versée à partir du premier jour du mois suivant celui où la formation a débuté. Le droit à la rente s’éteint, notamment, à la fin du mois au cours duquel l’orphelin accomplit sa 18e année et, pour l’orphelin âgé de 18 à 25 ans qui est encore en formation, à la fin du mois au cours duquel il termine sa formation ou accomplit sa 25e année (ch. 3331-3332 DR).

La formation doit durer quatre semaines au moins et tendre systématiquement à l’acquisition de connaissances. Les connaissances acquises doivent soit déboucher sur l’obtention d’un diplôme professionnel spécifique, soit permettre l’exercice d’une activité professionnelle même sans diplôme professionnel à la clé, voire enfin – si elles n’ont pas été ciblées sur l’exercice d’une profession bien définie – servir pour l’exercice d’une multitude de professions ou valoir comme formation générale. Elle doit obéir à un plan de formation structuré reconnu de jure ou à tout le moins de facto. Par contre, peu importe qu’il s’agisse d’une formation initiale, d’une formation complémentaire ou d’une formation qui vise à une réorientation professionnelle (ch. 3358 DR). La préparation systématique exige que l’enfant suive la formation avec tout l’engagement que l’on est objectivement en droit d’exiger de sa part, pour qu’il la termine dans les délais usuels. Durant la formation, l’enfant doit consacrer l’essentiel de son temps à l’accomplissement de celle-ci. Cette condition n’est réalisée que si le temps total consacré à la formation (apprentissage dans l’entreprise, enseignement scolaire, cours, préparation et suivi, devoirs à domicile et travail personnel, rédaction d’un travail de diplôme, étude à distance, etc.) s’élève à vingt heures au moins par semaine (ch. 3359 DR).

Le temps dévolu à la formation (devoir à domicile, formation à distance, travail de diplôme dans le cadre de la formation) ne peut être déterminé que sur la base d’indices et doit être évalué selon le critère de la vraisemblance prépondérante; dans la pratique, on se basera notamment sur les renseignements fournis par les institutions de formation (commentaire RAVS, p. 7).

4.2.3.2 Des vacances ou autres périodes sans cours usuelles d’une durée maximale de quatre mois ne peuvent être assimilées à de la formation professionnelle que si elles sont comprises entre deux phases de formation et que la formation soit poursuivie immédiatement après (ch. 3370 DR).

4.2.3.3 Celui qui, entre deux phases de formation, accomplit un service militaire ou civil ne peut être considéré comme étant en formation que si l’interruption pour cause de service n’excède pas cinq mois et qu’il reprenne sa formation immédiatement après. Il peut s’agir par exemple d’une école de recrues, pour autant qu’elle tombe sur une période libre de cours (par ex. entre la maturité et le début des études supérieures), ou de périodes de services militaires (par ex. école de recrues fractionnée) durant les vacances de semestre. S’il accomplit un service de plus longue durée (par ex. service militaire en service long ou service militaire et paiement de galons d’une traite), il n’est plus considéré comme étant en formation (ch. 3371 DR).

Dans un arrêt 8C_834/2016 du 28 septembre 2017, le Tribunal fédéral a nié qu’un étudiant majeur, qui effectuait son service civil à plein temps tout en étant inscrit à l’université, avait pu consacrer au moins vingt heures par semaine à une formation. Les juges fédéraux ont en effet considéré qu’il était douteux que l’intéressé puisse avoir effectivement assisté aux cours universitaires pour lesquels il s’était présenté aux examens, dès lors qu’il était déjà occupé à plein temps (42 heures par semaine) par son service civil. C’était donc à bon droit que l’administration et la juridiction cantonale avaient nié l'existence d'une formation pendant l'accomplissement du service civil (consid. 6.2.5).

4.2.3.4 En lien avec l'art. 49ter al. 3 LAVS, le commentaire RAVS indique que certaines formes d’interruption dans la formation ne constituent pas un motif de cessation de versement des rentes pour enfants et d’orphelins. Il semble judicieux de compléter le catalogue existant desdites interruptions - pour cause d’accident, de maladie ou de grossesse – par les interruptions pour causes de vacances ou de périodes libres de cours qui font partie intégrante du temps prévu dans le déroulement de la formation pour autant qu’elle se poursuive ensuite immédiatement. Le diplômé avec maturité gymnasiale sera ainsi considéré comme en formation jusqu’au début des cours de l’université ou d’une autre institution de formation si l’interruption ne dure pas plus de quatre mois (par exemple, maturité en juin et début des cours à l’université mi-septembre). Mais s’il décide par exemple de prendre une année de transition (vacances, travail, service militaire), il ne sera plus considéré en formation après sa maturité; il en va de même s’il s’inscrit à l’université pour un semestre de congé. Par souci d’égalité de traitement, le délai maximal d’interruption de quatre mois en tant que période usuelle libre de cours (jusqu’à la poursuite de la formation) vaut également pour le titulaire d’une maturité professionnelle. Encore sied-il que durant la période en question, le revenu d’activité lucrative réalisé par l’intéressé ne soit pas supérieur à la limite de revenu autorisée par l’art. 49bis al. 3 LAVS (p. 8-9) aux termes duquel l’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS.

La personne qui effectue de nos jours son service militaire dans l’armée suisse perçoit environ CHF 2'000.- par mois (une recrue touche CHF 62.- par jour à titre d’allocation pour perte de gain et CHF 4.- de solde), tout en étant nourrie et exemptée du paiement des primes de la caisse maladie. Dans le cadre d’un service d’avancement visant à l’obtention d’un grade supérieur ou d’une nouvelle fonction, l’allocation pour perte de gain et la solde atteignent facilement CHF 3’000.- à CHF 4’000.-. Ces revenus non négligeables justifient une interruption du versement des rentes d’orphelins et pour enfants pendant les interruptions de formation professionnelle pour cause de service militaire ou de service civil (commentaire RAVS, p. 9).

Une exception est cependant admise lorsqu’un cours de répétition ou une école de recrues (ER) sont accomplis entre deux modules de formation ou semestres durant une période usuellement libre de cours. Il est ainsi possible d’accomplir une ER (dont la durée varie entre 18 et 21 semaines selon l’arme), quand bien même ce cas de figure n’est plus très fréquent. En effet, il est rare que les périodes libres de cours dépassent 15 à 16 semaines, de sorte qu’il est difficile d’y placer une ER d’une durée approximative de cinq mois. La recrue peut cependant s’arranger pour manquer quelques cours d’université ou fractionner son école de recrues afin de l’accomplir en plusieurs parties lors des vacances usuelles. Si toutefois, pour effectuer son service militaire ou civil, la personne « saute » un ou deux semestres ou remet à plus tard le début de ses études, elle n’aura plus droit à la rente d’orphelin ou pour enfant pendant son service. Par conséquent, une ER effectuée d’une seule traite ne peut plus que très rarement être reconnue comme période de formation. À l’inverse, celui qui opte pour un modèle de « service militaire durant les périodes libres de cours » ne doit pas être prétérité par rapport à l’étudiant qui exerce une activité lucrative durant ses vacances inter-semestrielles, soit durant les périodes usuellement libres de cours. Quant aux services de plus longue durée (militaire en service long et paiement de galons à la suite), ils ne sont possibles qu’en « sautant » des semestres, soit par une interruption de formation durant laquelle la rente pour enfant/orphelin ne sera pas versée (commentaire RAVS, p. 9).

5.             Les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP; Message à l'appui de la LPP, FF 1976 I 127 ch. 313 et 314; ATF 131 II 593 consid. 4.1 et les références).

5.1 Dans les faits, une institution de prévoyance « enveloppante » propose, en général, un plan de prestations unique qui inclut les prestations minimales et les améliore, sans opérer de distinctions entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (ATF 138 V 176 consid. 5.4).

5.2 La défenderesse est une institution de prévoyance de droit public pratiquant la prévoyance obligatoire et plus étendue (institution dite « enveloppante »; ATAS/445/2022 du 19 mai 2022 consid. 9.1 et les références).

6.             Jusqu’au 31 décembre 2019, l’art. 20 du règlement général de la Caisse de prévoyance de l'État de Genève (ci-après: RCPEG) prévoyait que « le bénéficiaire d’une pension de retraite ayant atteint l’âge de 60 ans révolus a droit à une pension d’enfant de retraité pour chacun de ses enfants qui, à son décès, aurait droit à une rente d’orphelin ». La pension d’enfant est de 20% de la pension de retraite (art. 20 al. 3 RCPEG).

6.1 Avec effet au 1er janvier 2020, la défenderesse a modifié l’art. 20 RCPEG, cette disposition prévoyant désormais que le ou la bénéficiaire d’une pension de retraite ayant atteint l’âge pivot de la retraite (65 ans; art. 16 al. 1 RCPEG) a droit à une pension d’enfant de retraité(e) pour chacun(e) de ses enfants, né(e)s avant son départ en retraite, qui, à son décès, aurait droit à une pension d’orphelin(e) (al. 1). La pension d’enfant s’élève à 20% d’une rente calculée par la conversion à un taux de 6,8% de l’avoir-vieillesse minimum selon l’art. 15 LPP, acquis au jour du départ en retraite, rémunéré au taux minimum LPP jusqu’à son versement (al. 3 1ère phrase).

6.2 Selon l’art. 28 al. 2 et 3 RCPEG, le droit à la pension d’orphelin s’éteint par l’accomplissement de la vingtième année ou le décès de l’orphelin ou, si l’orphelin poursuit des études ou accomplit un apprentissage, jusqu’à 25 ans révolus au maximum.

6.3 La défenderesse étant une institution de droit public, le sens de ses articles réglementaires doit être recherché selon les règles applicables en matière d'interprétation des lois (arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2013 du 18 mars 2014 consid. 4.2).

6.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Ce n'est que si le texte n'est pas absolument clair qu'il faut rechercher la véritable portée de la norme en la dégageant des travaux préparatoires, de son but, de son esprit, des valeurs qui la sous-tendent ou de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 130 V 479 consid. 5.2 et les références).

6.5 En l'espèce, le RCPEG ne définit pas la notion d' « études » ou de « formation ».

L'art. 20 al. 1 RCPEG prévoit, à l'instar de l'art. 17 al. 1 LPP, que la pension d'enfant de retraité est allouée pour chaque enfant qui aurait droit à une pension d'orphelin en cas de décès du bénéficiaire de la pension de retraite (consid. 4 et 6.1 ci-dessus).

Selon l'art. 28 al. 2 et 3 RCPEG, les conditions d'octroi de la pension d'enfant de retraité (au-delà de l'âge de 20 ans dans la prévoyance ici étendue) et sa limitation dans le temps dépendent, à l'instar de l'art. 22 al. 3 let. a LPP, de la poursuite d'un apprentissage ou d'études, et ce au plus tard jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 25 ans. Dans la mesure où l'art. 28 al. 2 et 3 RCPEG reprend l'art. 22 al. 3 let. a LPP, lequel correspond à la réglementation de l'art. 25 al. 5 LAVS (Marc HÜRZELER / Gustavo SCARTAZZINI, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2020, n. 25 ad art. 22 LPP), il convient d'appliquer par analogie les dispositions d'exécution des art. 49bis et 49ter RAVS, ainsi que les DR et le commentaire RAVS (consid. 4 à 4.2.3.4 ci-dessus) pour préciser la notion de formation, d'interruption et de fin de la formation au regard du règlement de prévoyance ici applicable.

7.             Le demandeur fait valoir que son fils n'a pas interrompu sa formation durant l'accomplissement du service militaire du 13 janvier au 15 mai 2020.

7.1 À ce stade, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si, après l'exmatriculation de la HEG en septembre 2019, les cours d'anglais suivis par le fils à l'IFAGE du 23 septembre au 11 octobre 2019, et du 11 novembre au 20 décembre 2019, correspondent à une formation, cette période, durant laquelle le demandeur a perçu la pension d'enfant de retraité en faveur dudit fils, n'est pas litigieuse, la défenderesse n'ayant pas exigé le remboursement des pensions d'enfant versées d'octobre à décembre 2019.

7.2 Cela étant dit, quand bien même l'école de recrues, accomplie du 13 janvier au 15 mai 2020, a duré moins de cinq mois, on ne saurait la reconnaître, ainsi que le voudrait le demandeur, comme période de formation.

Même si on peut considérer que l'école de recrues est en partie tombée sur une période libre de cours (la période entre le 23 décembre 2019 et le 17 février 2020 correspondant à la fin du semestre d'automne et au début du semestre de printemps pendant laquelle les étudiants n'ont pas de cours en principe), il n'en demeure pas moins que, postérieurement au 20 décembre 2019, le fils n'était quoi qu'il en soit pas inscrit à un cours à l'IFAGE. Aussi ne pouvait-il manquer des cours du 17 février au 15 mai 2020. En d'autres termes, en l'absence d'une formation effective à laquelle l'étudiant (âgé entre 20 et 25 ans) s'inscrit au préalable, le droit à une pension d'enfant de retraité ne saurait exister.

On ne saurait pas non plus suivre le demandeur lorsqu'il affirme que son fils avait l'intention de reprendre les cours d'anglais temporairement interrompus après ses obligations militaires afin de réussir l'examen d'entrée chez C______. En effet, peu importe que les cours d'anglais aient été suspendus entre le 16 mars et le 6 juin 2020 (attestation du 20 mai 2020 de l'IFAGE) en raison de la pandémie de coronavirus, et que cette situation soit effectivement indépendante de la volonté du fils. Comme le relève la défenderesse, pour devenir contrôleur de la circulation aérienne, le candidat doit avoir atteint le niveau B2 en anglais (https://www.skyguide.ch/fr/jobs/controleur-euse-aerien-ne). Or, le fils avait déjà obtenu ce niveau au 11 novembre 2019, date à compter de laquelle il suivait des cours intensifs de niveau C1 supérieur (attestations de l'IFAGE des 9 octobre, 25 novembre et 2 décembre 2019). L'acquisition de connaissances linguistiques supérieures au niveau B2 ne faisant pas partie intégrante de la formation professionnelle envisagée, on ne peut pas admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante requis dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b), que le fils aurait poursuivi des cours d'anglais à l'IFAGE une fois l'école de recrues terminée le 15 mai 2020, d'autant moins que, après le 6 juin 2020, date à partir de laquelle ces cours n'étaient plus suspendus pour cause de pandémie, le fils ne s'était de toute manière pas inscrit à un tel cours.

7.3 Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la défenderesse n'a pas versé au demandeur la pension d'enfant de retraité en faveur du fils pour la période du 1er janvier au 31 mai 2020.

7.4 En revanche, il n'est pas contesté ni contestable que la formation commencée seulement le 24 août 2020 auprès de C______ en qualité de contrôleur de la circulation aérienne (art. 1.2 du contrat de formation du 6 juillet 2020) donne en principe droit à la pension d'enfant de retraité en faveur du fils dès le 1er août 2020.

La défenderesse estime toutefois que cette prestation constitue une simple expectative et que le demandeur ne peut y prétendre avant le 1er juin 2021, date à laquelle il a eu 65 ans révolus, en raison de la nouvelle teneur de l'art. 20 RCPEG (consid. 6 à 6.1 ci-dessus), entrée en vigueur le 1er janvier 2020, ce en l'absence de droits acquis ou de dispositions particulières de droit transitoire. Le demandeur quant à lui est d'avis que la pension d'enfant de retraité bénéficie de la protection des droits acquis.

8.             Il y a dès lors lieu de déterminer quelle version de l'art. 20 RCPEG trouve application.

8.1 Les rapports de service des agents publics sont régis par la législation en vigueur au moment considéré; les aspects patrimoniaux suivent par conséquent l'évolution de la législation. Les principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire constituent en principe des garants suffisants des prétentions pécuniaires des agents publics contre les interventions du législateur. Les agents publics ne disposent d'une garantie absolue que si leurs prétentions bénéficient de la protection des droits acquis, laquelle découle aussi bien du principe de la bonne foi (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]) que de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Les prétentions pécuniaires des agents publics n'ont en règle générale pas le caractère de droits acquis, si ce n'est dans les cas où la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque des assurances précises ont été données à l'occasion d'un engagement individuel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_78/2007 du 15 janvier 2008 consid. 5.1 et les références).

8.2 Ces principes valent également en matière de prévoyance professionnelle. À la différence de ce qui prévaut pour les institutions de prévoyance de droit privé, les règlements d'institutions de droit public peuvent être modifiés unilatéralement, sans que cette possibilité ne soit réservée dans une disposition réglementaire expresse. Une modification du règlement de prévoyance est en principe admissible pour autant que la nouvelle réglementation soit conforme à la loi, ne s'avère pas arbitraire, ne conduise pas à une inégalité de traitement entre les assurés ou ne porte pas atteinte à leurs droits acquis. Les prétentions résultant de la prévoyance professionnelle ne deviennent des droits acquis que si la loi ou le règlement fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou réglementaires ou lorsqu'ont été données des assurances précises à l'occasion d'un engagement individuel. Bénéficient de la protection des droits acquis le droit à des prestations d'assurance et la valeur actuelle de la prestation de libre passage, mais pas - sous réserve d'une promesse qualifiée et irrévocable - le droit au maintien des expectatives lorsque l'éventualité assurée ne s'est pas encore réalisée (arrêt 9C_78/2007 précité consid. 5.2 et les références). Qui plus est, seule la prestation dans son principe constitue un droit acquis, et non l'ampleur de celle-ci, que le règlement doit fixer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2017 du 1er juin 2017 consid. 4.2 et la référence).

8.3 Selon la jurisprudence, en cas de changement de règles de droit et en l'absence de réglementation transitoire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques sont pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H.92/06 du 26 octobre 2006 consid. 3.1; ATF 121 V 97 consid. 1a et les références). Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance. Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d'un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps. S'agissant par exemple des prestations de survivants, l'on applique les règles en vigueur au moment du décès de l'assuré, c'est-à-dire la date à laquelle naît le droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 121 V 97 consid. 1a et les références).

8.4 En l'occurrence, le droit à une pension d'enfant de retraité, conditionné à l'existence d'une formation entre l'âge de 20 et 25 ans de l'enfant, a cessé, comme on l'a vu plus haut, au 31 décembre 2019. Aussi, à défaut d'une pension pour enfant en cours au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l'art. 20 RCPEG le 1er janvier 2020, cette prestation correspond-t-elle à une expectative de prévoyance réglementaire future. Le droit à cette prestation est né à nouveau en août 2020 dès le début de la nouvelle formation auprès de C______, sous l'empire de l'art. 20 RCPEG modifié. Par conséquent, avant l'âge de 65 ans, le bénéficiaire d'une pension de retraite anticipée n'a pas droit à une pension d'enfant de retraité de la prévoyance professionnelle étendue (consid. 6.1 ci-dessus). Dès lors que le demandeur a eu 65 ans le 8 mai 2021 et que, à ce moment, son fils, ne suivait plus une formation (celle auprès de C______ ayant pris fin au 31 mars 2021), force est de conclure qu'il ne peut pas percevoir la prestation qu'il requiert pour la période du 1er août 2020 au 31 mars 2021.

Enfin, le demandeur ne peut se prévaloir de l'art. 89D al. 1 RCPEG – disposition transitoire de la modification du 20 juin 2019 qui a trait à la pension d'enfant de retraité(e) , aux termes duquel si le droit à la pension de retraite naît entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, le montant de la pension d’enfant versée à la ou au bénéficiaire d’une pension de retraite au sens de l’art. 20 al. 1 RCPEG s’élève à 20% de la pension de retraite, le cas échéant réduite suite à un divorce.

Or, le droit du demandeur à une pension de retraite n'est pas né en 2020 (mais le 1er décembre 2017 lors du départ à la retraite anticipée). Il n'est donc pas concerné par cette disposition transitoire.

9.             En conséquence, la demande ne peut qu'être rejetée.

10.         Les caisses de pension n’ont en principe pas droit à des dépens, sauf en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère par l’assuré; cela vaut également pour les actions en matière de prévoyance professionnelle (ATF 126 V 143 consid. 4). Ces exceptions n'étant pas réalisées en l'espèce, la défenderesse, qui obtient gain de cause, ne saurait se voir allouer, comme elle le sollicite, une indemnité à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande du 7 mars 2021 recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le