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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3599/2020

ATAS/587/2022 du 23.06.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3599/2020 ATAS/587/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, représenté par l’Association suisse des assurés (ASSUAS)

 

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1987, a travaillé à compter du 30 octobre 2017 pour B______. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accident auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (Schweizerische Unfallversicherungsanstalt, ci-après : la SUVA).

b. Le 9 février 2018, par l’intermédiaire du syndicat SIT, l’assuré a annoncé à la SUVA que, le 8 novembre 2017, il s’était coupé avec une disqueuse, qui lui était tombée sur le poignet alors qu’il ponçait des poutres sur un chantier.

c. L’assuré a notamment fait parvenir à la SUVA :

-          un rapport consécutif à une radiographie du bassin et de la colonne lombaire effectuée le 8 novembre 2017, motivée par une chute, avec des douleurs de la hanche droite et de la colonne lombaire ; le docteur C______, radiologue, y concluait à une absence de lésion osseuse traumatique à ces niveaux;

-          un rapport consécutif à une imagerie par résonnance magnétique (IRM) de la colonne lombaire réalisée le 17 novembre 2017, dans lequel la doctoresse D______, radiologue auprès du même établissement, faisait état d’une herniation discale paramédiane à droite au niveau L4-L5, avec rétrécissement canalaire modéré, ainsi que d’une protrusion discale paramédiane L5-S1 à gauche, avec fissure de l’anneau fibreux à gauche ;

-          des certificats d’arrêt de travail délivrés à partir du 8 novembre 2017 par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

d. Invité par la SUVA à compléter un rapport initial, le Dr E______ a retenu, le 26 février 2018, les diagnostics de plaie profonde de la main gauche et de compression radiculaire L5 droite sur hernie discale. L’assuré disait avoir chuté d’une échelle après s’être blessé l’index gauche avec une meuleuse ; il avait ressenti un craquement et une distorsion lombaire. Le Dr E______ avait constaté une plaie profonde de la face dorso-radiale de l’articulation métacarpo-phalangienne de la main gauche, sans lésion neuro-tendineuse, ainsi qu’un important syndrome lombaire non déficitaire. Selon lui, le rapport chronologique étroit entre la chute et la hernie discale donnait à penser « qu’il pourrait s’agir d’une rare hernie discale traumatique ». Un arrêt de travail avait été délivré du 8 novembre 2017, date de l’accident, jusqu’au 3 décembre 2017. Le médecin n’avait plus revu le patient depuis le 30 novembre 2017. Le traitement était terminé.

e. Dans un rapport daté du 27 avril 2018, les médecins du service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont fait état d’une amélioration des lombosciatalgies sous physiothérapie, avec, néanmoins, persistance d’une impotence fonctionnelle.

f. La doctoresse F______, médecin généraliste, a exposé, le 28 mai 2018, que l’assuré disait avoir chuté de 2 à 3 mètres sur les fesses, ce dont avait résulté une lombosciatalgie (S1) du côté droit. Elle avait constaté une paresthésie du membre inférieur droit, sans déficit moteur, ainsi qu’une plaie non douloureuse au niveau de la main. Un traitement antalgique et anti-inflammatoire avait été prescrit, de même qu’un « décontractant musculaire ».

g. Une nouvelle IRM de la colonne lombaire a été pratiquée aux HUG le 27 juin 2018, qui a mis en évidence une protrusion discale L4-L5 à droite, responsable d’un conflit discoradiculaire avec la racine L5. Les docteurs G______ et H______, du service de neurochirurgie des HUG, ont préconisé une intervention chirurgicale (herniectomie L4-L5 par voie interlamaire du côté droit), qui a eu lieu le 30 octobre 2018. Selon le compte-rendu opératoire rédigé par le Dr G______, l’opération relevait d’un cas de « maladie ».

h. Dans un rapport daté du 28 décembre 2018, les médecins du service de médecine de premier recours des HUG ont indiqué qu’une reprise du travail était prévue, mais que l’assuré ne se sentait pas apte à reprendre en raison de douleurs au niveau du genou gauche. À priori, il n’y avait pas de lien clair entre ces gonalgies et la chute du 8 novembre 2017. Au niveau dorsal, les douleurs étaient supportables et soulagées par le traitement antalgique, ainsi que par la physiothérapie. L’assuré travaillait habituellement comme déménageur ; un nouvel arrêt de travail avait été accordé.

i. En août 2019, l’assuré a transmis à la SUVA copie d’un jugement du Tribunal des Prud’hommes daté du 11 juillet 2019, relatif à une demande en paiement, qu’il avait déposée contre son ancien employeur afin d’obtenir, notamment, le paiement d’arriérés de salaire en relation avec le travail effectué du 30 octobre au 8 novembre 2017, ainsi que celui d'indemnités journalières SUVA pour la période du 10 novembre 2017 au 31 août 2018. Il ressort en particulier dudit jugement (p. 5) qu’un collègue de l’assuré, entendu par le Tribunal en qualité de témoin, avait indiqué avoir travaillé dans la même pièce que l’assuré, lui aussi sur un escabeau. Ils s'occupaient tous deux du plafond, avec une ponceuse dans les mains. Le témoin n’avait toutefois pas vu l’assuré se couper et ignorait s’il était ou non tombé de l’escabeau. Il n’avait rien entendu, ayant des pamirs sur les oreilles. Lorsqu’il avait vu que l’assuré s’était coupé, ce dernier se trouvait debout sur le plancher et la ponceuse était par terre et arrêtée. Il avait toute de suite aidé l’assuré en prenant une partie de son vêtement pour lui entourer la main et ignorait s'il s’était plaint d’autres douleurs. L’assuré était parti immédiatement en bus pour aller chez le médecin.

j. Le 26 septembre 2019, l’assuré a été examiné une première fois par le docteur I______, médecin d’arrondissement de la SUVA. Invité à préciser les circonstances de l’accident, l’assuré a expliqué qu’alors qu’il était sur une échelle métallique à environ un mètre cinquante du sol et enlevait de la peinture sur un mur, il avait chuté en arrière sur les fesses en tentant d’éviter une meuleuse et avait atterri sur son index gauche. Saignant de la main, il s’était relevé et avait pris le bus pour se rendre à l’hôpital. Par la suite, sans que l’on sache quand exactement, il avait commencé à ressentir des douleurs irradiant le long de la cuisse jusqu’au pied. L’assuré avait récemment été opéré du ménisque et n’avait pas entamé la physiothérapie qui lui avait été prescrite pour son genou. Dans son appréciation, le Dr I______ a notamment relevé que les photos que l’assuré avait transmises à la SUVA pour illustrer le lieu de la chute témoignaient d’un local bas de plafond et, partant, incompatible avec une chute d'une hauteur d'un mètre cinquante, telle qu’alléguée : tête au plafond et bras à l’horizontale, la hauteur de la chute ne pouvait avoir dépassé cinquante centimètres. À l’issue de son appréciation, le Dr I______ est parvenu à la conclusion que la chute sur la fesse que l’assuré disait avoir subie n’était qu’une cause possible, non pas pour la création d’une hernie – très probablement déjà quiescente – mais pour la provocation de son extrusion, devenue secondairement symptomatique.

B. a. Par décision du 7 octobre 2019, la SUVA a mis fin au versement de ses prestations (indemnités journalières et prise en charge des traitements) avec effet au 31 décembre 2017. Sur la base de l’appréciation du Dr I______, elle a retenu que les troubles de la colonne lombaire ayant persisté au-delà de cette date n’étaient qu’en relation de causalité possible avec l’accident.

b. L'assuré s’est opposé à cette décision en contestant la valeur probante du rapport du Dr I______ et en faisant valoir que, contrairement à ce qu’avait retenu ce dernier, ses troubles lombaires étaient apparus immédiatement après la chute, comme en témoignait l’IRM réalisée en novembre 2017, ainsi que le rapport du Dr E______.

À l’appui de son opposition, l’assuré a notamment joint deux certificats établis le 5 novembre 2019 par le docteur J______, du service de médecine de premier recours des HUG, relatant qu’il avait été opéré du ménisque interne du genou gauche le 9 septembre 2019, et qu’il n’avait « toujours pas récupéré son état clinique comme avant l’accident », vu la persistance de douleurs du genou et de lombocruralgies non déficitaires à droite.

c. Entre mars et juin 2020, l’assuré a transmis à la SUVA divers certificats d’« arrêt de travail pour accident » (non motivés), signés par les docteurs K______ et L______, du service de médecine de premiers recours des HUG, couvrant la période du 9 avril au 8 juin 2020.

d. Dans une brève attestation du 26 mai 2020, la doctoresse M______, du service de psychiatrie des HUG, a indiqué suivre le recourant en raison d’un état dépressif et lui avoir prescrit une médication.

e. Dans une brève attestation datée du 8 juin 2020, la Dresse L______, du service de médecine de premier recours des HUG, a indiqué que l’assuré était suivi pour une gonalgie gauche chronique, une lombosciatalgie droite chronique sur hernie discale L4-L5, ainsi que pour un état dépressif.

f. Le 22 juin 2020, l’assuré a été réexaminé par le docteur N______, médecin d'arrondissement de la SUVA, qui, dans son rapport, a rappelé que l’assuré avait déclaré un accident survenu en novembre 2017, au cours duquel il disait avoir chuté d’environ 2-3 mètres en tentant d’éviter une disqueuse. Les radiographies réalisées dans les suites immédiates de l’accident n’avaient pas montré de lésion traumatique récente, telle qu’une fracture ou une luxation. L’assuré avait été soigné pour une plaie aux doigts et les informations concernant l’accident étaient sommaires. L’assuré avait été suivi dans un premier temps par le Centre médical O____, puis, quelque mois plus tard, par le service de neurochirurgie des HUG. Les examens réalisés par le Dr E______ lors de sa première consultation avaient mis en évidence des anomalies de type dégénératif, avec une anomalie discale. Celle-ci ne s’accompagnait ni de fracture, ni d’une symptomatologie neurologique aigüe susceptible d’être prise en charge par l’assurance-accidents, selon les critères de Kramer. Ces critères nécessitaient en effet une prise en charge relativement rapide ou au moins une indication opératoire dans les 10 jours suivant l’événement traumatique, ce qui ne ressortait pas du dossier, notamment pas de la description faite par l’assuré. Pour admettre la hernie discale en tant que conséquence du sinistre annoncé, il fallait être en présence de lésions aigües hyperalgiques ou d’un traitement chirurgical fait en urgence. Or, aucun avis neurologique ou neurochirurgical n’avait été demandé dans l’immédiat par les médecins traitants. Qui plus est, si la situation avait été complexe après le sinistre, l’assuré n’aurait pas manqué de consulter plus rapidement le service de neurochirurgie. Le médecin l’ayant pris en charge avait seulement proposé un traitement conservateur. Au vu des circonstances, de la déclaration de sinistre et des examens effectués, il convenait d’admettre que l’on se trouvait en présence d’une lésion discale non déficitaire, donc stable dans les mois ayant suivi le sinistre. Faute de lésion aigüe selon les critères de Kramer, le Dr N______ proposait d’admettre une décompensation d’un état antérieur pendant une période d’environ six mois dès l’accident. L’accident annoncé ne semblait pas être la cause principale de la chirurgie. Le Dr N______ avait informé l’assuré que, pour évaluer le lien de causalité, il fallait obtenir un rapport d’évaluation neurologique ou neurochirurgicale plus proche de l’accident. Par ailleurs, des documents médicaux manquant au dossier, le Dr N______ invitait la SUVA à prendre contact avec les médecins ayant remplacé le Dr E______ afin de clarifier la question du lien de causalité éventuel entre l’intervention chirurgicale et l’accident. Il proposait également d’obtenir un complément d’appréciation auprès d’un troisième médecin de la SUVA. À ce stade, les documents au dossier ne plaidaient pas en faveur d’une décompensation déterminante d’un état antérieur ou d’un lien de causalité avec une hernie discale d’origine post-traumatique. L’assuré avait également été capable de rester debout sans apparence algique, ce qui plaidait également en faveur d’une pathologie neurologique sans gravité considérable. Par ailleurs, les lésions opérées au niveau du genou gauche ne pouvaient être mises en relation causale avec l’accident, puisque les certificats établis dans les suites immédiates de l’accident ne faisaient état d’aucune anomalie du genou.

g. Invité par la SUVA à transmettre les rapports concernant les suites du sinistre du 8 novembre 2017, le docteur P______, médecin généraliste et successeur du Dr E______ auprès du Centre médical O______, a transmis :

-          un rapport de consultation du 8 novembre 2017, diagnostiquant une plaie de la main gauche et une contusion lombo pelvienne droite; l’examen orthopédique avait mis en évidence une plaie peu profonde de l’index, sans trouble sensitif, ainsi qu’une douleur d’impact de la hanche et de « torsion » lombaire; la radiographie n’avait pas mis en évidence de fracture ;

-          un rapport de consultation du 9 novembre 2017, relatant que l’examen orthopédique avait montré une plaie au niveau de la main et des traces de contusion de la crête iliaque, avec toutefois une bonne mobilité de la hanche ;

-          un rapport de consultation du 11 novembre 2017, relatant que l’assuré se plaignait toujours de douleurs au niveau de l’index et du pouce, mais également d’une lombosciatalgie au niveau S1, sans déficit moteur et sans paresthésies du membre inférieur ;

-          un rapport de consultation du 16 novembre 2017, à teneur duquel l’assuré disait souffrir en raison de sa lombosciatalgie L5 à droite, mais pouvait marcher normalement ; il se plaignait également de son genou gauche ;

-          un rapport de consultation du 22 novembre 2017, retenant les diagnostics de hernie discale traumatique, de plaie de la main, de syndrome lombaire et de Lasègue ; l’imagerie avait mis en évidence une hernie discale L4-L5, avec compression L5 à droite.

h. La Professeure Q______, spécialiste FMH en neurochirurgie, médecin auprès de la SUVA, a rédigé une « appréciation neurochirurgicale » le 29 septembre 2020. Après avoir analysé les principaux documents versés au dossier, dont les rapports des Drs P______, E______ et G______, ainsi que les bilans d’imagerie, elle a estimé qu’au regard du bilan radiologique et de l'absence de symptômes initiaux, une relation de causalité entre la chute de 2017 et la hernie lombaire opérée était peu probable. L’apparition de douleurs de la jambe n’était survenue que quelques jours après l'accident et de façon progressive selon le Dr P______, chez qui l’assuré avait été adressé pour un doigt avec une plaie infectée. C’était également après plusieurs jours qu’était apparu un syndrome irritatif avec trajet mixte (S1 et ensuite L5) non déficitaire. En outre, les radiographies de la colonne lombaire et du bassin, ainsi que l’IRM, permettaient d’exclure une lésion traumatique osseuse et ne montraient aucun œdème au niveau de « l’os vertébral » lombaire. L’on était en présence d’une contusion lombaire non-déficitaire et d’une symptomatologie d’inflammation retardée, d’abord au niveau S1, puis ensuite L5 (à droite), laquelle avait été traitée par prednisone. Au degré de la vraisemblance prépondérante, l’intervention effectuée une année environ après l’accident de novembre 2017 visait à traiter une lésion structurelle résultant d’un état maladif préexistant.

i. Dans une nouvelle appréciation datée du 6 octobre 2020, le Dr N______, au vu de l’évaluation complète de la Prof. Q______, a considéré que le statu quo ante avait été atteint le 8 mai 2018, soit six mois après l’événement du 8 novembre 2017.

j. Par décision du 9 octobre 2020, la SUVA a partiellement admis l’opposition et réformé sa décision du 7 octobre 2019, en ce sens qu’elle a accepté de prendre en charge le cas jusqu’au 8 mai 2018.

C. a. Le 9 novembre 2020, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement au versement des prestations de l’assurance-accidents au-delà du 8 mai 2018 et jusqu’à la stabilisation de l’état de santé, subsidiairement à la reprise de l’instruction.

Le recourant fait valoir que la Prof. Q______ ne se prononce pas sur la date d'un statu quo et que le Dr N______ ne fournit aucune explication sur la date qu'il a retenue en tant que telle. En outre, le recourant estime que l’avis de la Prof. Q______ repose sur un dossier lacunaire, puisqu’il ne mentionne aucun document postérieur au 22 novembre 2017, hormis les rapports des médecins d’arrondissement. Le recourant en déduit que les rapports des médecins de la SUVA ne sont pas probants et que l’intimée ne pouvait mettre fin aux indemnités journalières sans investigations complémentaires.

Par ailleurs, le recourant rappelle avoir transmis des certificats émanant des Drs K______, L______, ainsi que de la Dresse M______, psychiatre, dont il ressort que son arrêt de travail s’est poursuivi jusqu’au 8 juin 2020, soit au-delà du 8 mai 2018. Il estime que l’intimée aurait dû lui accorder ses prestations pendant au moins une année après l’événement, soit jusqu’au 8 novembre 2018, plutôt que pendant six mois.

b. Dans sa réponse, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Se référant aux rapports des Drs N______ et Q______, elle fait valoir que les conclusions du premier médecin, fixant le statu quo au 8 mai 2018, soit six mois après l’accident, sont conformes à la littérature médicale et à la jurisprudence.

Par ailleurs, l’intimée qualifie le grief selon lequel la date du statu quo ne reposerait sur aucune donnée médicale d'infondé : s’il est exact que la Prof. Q______ ne s’est pas prononcée spécifiquement sur ce point dans son appréciation de septembre 2020, son avis spécialisé a néanmoins permis de confirmer l’absence de déficits neurologiques et le fait que la hernie discale opérée en octobre 2018 – résultant d’un état maladif préexistant – n’était pas une conséquence de l’accident. Conforté dans son idée de départ, selon laquelle on se trouvait en présence d’une lésion discale non déficitaire et d’une décompensation temporaire d’un état antérieur, le Dr N______ a pu confirmer, après avoir pris connaissance du rapport de la Prof. Q______, que le statu quo devait être fixé au 8 mai 2018.

Pour le reste, l’intimée observe que les certificats médicaux annexés au recours ne contiennent aucun élément objectif susceptible de mettre en doute l’avis du Dr N______.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions et arguments.

d. Dans sa duplique, l'intimée a fait de même, en faisant remarquer que le certificat du Dr J______ portait sur le genou gauche, alors que tout lien de causalité entre cette atteinte et l’accident avait été nié. Quant au certificat de la Dresse M______, évoquant un suivi pour un état dépressif, il n'était pas non plus pertinent, puisque tout lien de causalité adéquate entre ce trouble et l’accident de gravité moyenne annoncé par le recourant devait également être nié.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable (art. 1 al. 1 LAA).

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l'assurance-accidents obligatoire au-delà du 8 mai 2018, singulièrement sur l’existence, postérieurement à cette date, d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 8 novembre 2017 et les troubles persistants déplorés par le recourant, notamment la hernie discale opérée le 30 octobre 2018.

5.              

5.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

5.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

5.3 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte. Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail. Dans de telles circonstances, l'assureur-accidents doit, selon la jurisprudence, allouer ses prestations également en cas de rechutes et pour des opérations éventuelles. Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les rechutes (voir notamment RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_560/2017 du 3 mai 2018 consid. 6.1).

La preuve médicale de la causalité naturelle dans le cas d’une hernie discale, décompensée par l’accident assuré, est remplacée par la présomption jurisprudentielle – qui se fonde sur la littérature médicale – selon laquelle une aggravation traumatique d’un état dégénératif préexistant de la colonne vertébrale cliniquement asymptomatique doit être considérée comme étant terminée, en règle générale, après six à neuf mois, au plus tard après un an (arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2008 du 3 novembre 2008 consid. 5.1.2 et 8C_467/2007 du 25 octobre 2007 consid. 3.1; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 avec références). S’il s’agit d’un accident sans lésions structurelles au squelette, il y a lieu de considérer que la chronicisation des plaintes doit être attribuée à d’autres facteurs (étrangers à l’accident). Des plaintes de longue durée consécutives à une simple contusion doivent en effet souvent être imputées à un trouble de l’adaptation ou de graves perturbations psychiques (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 60/02 du 18 septembre 2002).

Il y a lieu d'ajouter que l'aggravation significative et donc durable d'une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale par suite d'un accident n'est établie, selon la jurisprudence, que lorsque la radioscopie met en évidence un tassement subit des vertèbres ou l'apparition ou l'agrandissement de lésions après un traumatisme (RAMA 2000 N° U 363 p. 46, consid. 3a et la référence citée).

5.4 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

5.5 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

5.6 En présence d'affections psychiques, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat des troubles psychiques consécutifs à un accident. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité, les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 consid. 6, 407 s. consid. 5).

Dans le cas d'un accident insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et les troubles psychiques doit, en règle ordinaire, être d'emblée niée. En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident ;

- les difficultés apparues en cours de guérison et les complications importantes ;

- le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsque l'on se trouve en présence d'un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères sur les sept, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêts du Tribunal fédéral 8C_810/2019 du 7 septembre 2020 consid. 4.2.3 et 8C_114/2021 du 14 juillet 2021 consid. 2.3).

6.             Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 a Cst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

8.             En l’espèce, dans sa décision sur opposition, l’intimée a réformé sa décision initiale et mis un terme à ses prestations (indemnités journalières et prise en charge des frais de traitement) avec effet au 8 mai 2018, six mois après l’accident du 8 novembre 2017. Elle a retenu que le statu quo sine vel ante avait alors été atteint, en se fondant sur les appréciations émises par ses médecins d’arrondissement, les Drs N______ et Q______. L’intimée a estimé qu’au degré de la vraisemblance prépondérante, l’intervention réalisée le 30 octobre 2018 en vue de traiter une hernie lombaire était liée à un état maladif préexistant.

De son côté, le recourant conclut au versement de prestations LAA (notamment d’indemnités journalières) au-delà du 8 mai 2018 et jusqu’à la stabilisation de son état de santé. Soulignant avoir été en arrêt de travail jusqu’au 8 juin 2020, selon les certificats établis par les Drs K______, L______ et M______, il estime que l’intimée aurait dû lui verser des prestations au moins pendant une année plutôt que pendant six mois. Il conteste la valeur probante des rapports des Drs N______ et Q______, relevant que celui de cette dernière ne fixe pas de statu quo ante, tandis le Dr N______ n’explique pas comment la date du statu quo a été arrêtée. Par ailleurs, il estime que l’avis de la Dresse Q______ repose sur un dossier lacunaire, cette praticienne n’ayant mentionné dans son rapport aucun document postérieur à novembre 2017, sous réserve des appréciations des médecins d’arrondissement.

9.             Les rapports sur la base desquels l’intimée a fondé sa décision sur opposition peuvent être résumés comme suit.

9.1 Dans son rapport du 22 juin 2020, le Dr N______ a rappelé que les radiographies réalisées dans les suites immédiates de l’accident du 8 novembre 2017 n’avaient pas montré de lésion traumatique récente, telle qu’une fracture ou une luxation. L’assuré avait été soigné pour une plaie aux doigts et les informations concernant l’accident étaient sommaires. Les examens réalisés par le Dr E______ lors de sa première consultation avaient mis en évidence des anomalies de type dégénératif, avec une anomalie discale. Celle-ci ne s’accompagnait pas de fracture, ni d’une symptomatologie neurologique aigüe susceptible d’être prise en charge par l’assurance-accidents, selon les critères de Kramer. Ces critères nécessitaient en effet une prise en charge relativement rapide ou une indication opératoire dans les dix jours suivant l’événement traumatique, ce qui ne ressortait pas du dossier. Pour admettre la hernie discale en tant que conséquence du sinistre annoncé, il fallait être en présence de lésions aigües hyperalgiques ou d’un traitement chirurgical fait en urgence. Or, le médecin ayant pris en charge l’assuré avait seulement proposé un traitement conservateur, sans demander d’avis neurologique ou neurochirurgical dans l’immédiat. Au vu de la description figurant dans la déclaration de sinistre et des examens médicaux, il convenait d’admettre que l’on se trouvait en présence d’une lésion discale non déficitaire, donc stable dans les mois ayant suivi le sinistre. Faute de lésion aigüe, selon les critères de Kramer, le Dr N______ proposait d’admettre une décompensation d’un état antérieur pendant une période d’environ six mois dès la date de l’accident. L’assuré était capable de maintenir en position debout sans apparence algique, ce qui plaidait également en faveur d’une pathologie neurologique sans gravité considérable. Afin de clarifier davantage la question du lien de causalité, le Dr N______ a néanmoins suggéré d’obtenir des rapports complémentaires auprès du Centre médical O______ et d’obtenir un complément d’appréciation auprès d’un autre médecin de la SUVA.

9.2 Suite à l’obtention par la SUVA de ces rapports complémentaires, la Dresse Q______, après avoir analysé les documents versés au dossier, a estimé dans son « appréciation neurochirurgicale » de septembre 2020 qu’au regard du bilan radiologique et de l'absence de symptômes initiaux, une relation de causalité entre la chute de 2017 et la hernie lombaire opérée était peu probable. L’apparition de douleurs de la jambe n’était survenue que quelques jours plus tard et de façon progressive selon le médecin du Centre médical O______, chez qui l’assuré avait été adressé pour un doigt avec une plaie infectée. C’était également après plusieurs jours qu’était apparu un syndrome irritatif avec trajet mixte (S1 et ensuite L5) non déficitaire. En outre, les radiographies de la colonne lombaire et du bassin, ainsi que l’IRM, permettaient d’exclure une lésion traumatique osseuse et ne montraient aucun œdème au niveau de « l’os vertébral » lombaire. L’on était en présence d’une contusion lombaire non-déficitaire et d’une symptomatologie d’inflammation retardée, d’abord au niveau S1, puis ensuite L5, laquelle avait été traitée par prednisone. Au degré de la vraisemblance prépondérante, l’intervention effectuée une année environ après l’accident visait à traiter une lésion résultant d’un état maladif préexistant.

9.3 Dans une nouvelle appréciation datée du 6 octobre 2020, le Dr N______ a indiqué qu’au regard de l’évaluation de la Dresse Q______, il proposait de considérer que le statu quo ante avait été atteint le 8 mai 2018, soit 6 mois après l’accident.

10.          

10.1 D'emblée, la Cour de céans observe que les conditions permettant exceptionnellement de retenir qu'une hernie discale est principalement due à un accident ne sont pas remplies (voir consid. 6.3 ci-dessus ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2013 du 11 mars 2014 c. 3.3 et références). Il apparaît en effet que les circonstances de l'accident n'étaient pas propres en elles-mêmes à provoquer une hernie discale de la colonne lombaire. Comparé aux événements propres à provoquer la survenance d'une hernie discale retenus par la pratique médicale (tels que : chute libre d'une hauteur importante, saut de 10 mètres de hauteur, chute notamment avec port de charges, télescopage à grande vitesse [arrêt non publié B. du 30 septembre 2002 [U 7/06]), l'événement traumatique a été relativement modéré, puisqu’il s’agissait d’une chute en arrière de faible hauteur sur les fesses. À cet égard, on remarquera que la hauteur de la chute ne peut être établie avec précision au regard des déclarations fluctuantes du recourant à ce propos (l’intéressé a indiqué aux médecins du Centre médical O______ qu’il avait chuté d’environ 2 à 3 mètres, puis il a fait part au Dr I______ d’une chute d’environ un mètre cinquante et enfin, dans le cadre de la procédure prud’homale engagée contre son ex-employeur, d’une chute de « plus d’un mètre », qu’un collègue entendu en qualité de témoin dans le cadre de ladite procédure a indiqué n’avoir pas remarquée, quand bien même il travaillait dans la même pièce au moment des faits (cf. jugement du Tribunal des Prud’hommes du 11 juillet 2019, pp. 3 et 5). Quoi qu’il en soit, au regard des photographies du local – bas de plafond – dans lequel l’assuré aurait chuté (cf. pièce 27 du dossier de la SUVA), une chute de 2 à 3 mètres s’avère totalement invraisemblable, si bien qu'il faut partir du principe que la chute a été de faible hauteur, à l’instar de ce qu’ont considéré les médecins d’arrondissement de l’intimée.

En outre, comme l'ont relevé également les médecins d'arrondissement dans leurs prises de position des 22 juin et 29 septembre 2020, aucune lésion structurelle traumatique (de type fracture) n'a été diagnostiquée. Le Dr E______, auquel l’assuré s’est adressé rapidement après l’accident, n’a diagnostiqué dans son rapport du 8 novembre 2017 qu’une simple contusion lombo pelvienne, sans déficits neurologiques. Par ailleurs, des symptômes caractéristiques neurologiques radiculaires ou médullaires ne sont pas apparus immédiatement, soit dans les secondes ou minutes après le traumatisme. En effet, selon la Prof. Q______, une symptomatologie « retardée » d’inflammation au niveau de la racine de S1, puis de L5, n’a été mise en évidence qu’après plusieurs jours, tandis qu’une hypoesthésie de la partie distale du territoire de L5 n’a été décrite par les médecins du service de neurochirurgie des HUG que de nombreux mois après l’accident. Enfin, l’IRM de la colonne lombaire réalisée le 17 novembre 2018 a mis en évidence des atteintes d’ordre dégénératif (hernie médio-latérale droite au niveau L4-L5, avec canal étroit associé, ainsi que discopathie débutante L4-L5). Partant, les conditions fixées par la jurisprudence pour admettre une hernie discale d’origine principalement accidentelle ne sont pas réalisées.

L’allégation du Dr E______ (cf. rapport du 26 février 2018) selon laquelle « il pourrait s’agir d’une rare hernie discale traumatique », au vu du rapport chronologique étroit entre la chute et la hernie discale, ne permet pas d’aboutir à une autre conclusion : en s’exprimant de la sorte, le Dr E______ s’est limité à formuler une hypothèse non étayée, qui ne saurait être tenue pour établie. De surcroît, au vu des conditions posées par la jurisprudence topique, dont le Dr E______ ne démontre pas la réalisation, il ne suffit pas de constater un « rapport chronologique étroit » avec l’accident pour admettre que celui-ci serait la cause proprement dite de la hernie discale. Le point de vue du Dr E______ semble reposer entièrement sur un raisonnement de type « post hoc, ergo propter hoc », lequel ne suffit pas à établir le caractère essentiellement causal de l’accident dans la hernie diagnostiquée.

Enfin, s’il doit être admis que la hernie discale constitue une affection préexistante, il ne saurait pour autant être retenu que l’accident a entraîné son aggravation significative et durable, dans la mesure où les examens d’imagerie n’ont pas révélé de tassement subit des vertèbres et n’autorisent pas non plus de retenir l’apparition ou l’agrandissement d’une telle lésion après traumatisme (vu l’absence d’imagerie antérieure à l’accident et l’absence d’œdème osseux post-traumatique visualisé sur l’IRM du 17 novembre 2017).

10.2 Les rapports des Drs N______ et Q______ satisfont pleinement aux conditions posées par la jurisprudence pour leur accorder une entière valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee). Contrairement à ce que laisse entendre le recourant, il n’existe aucune raison de penser que la Prof. Q______ n’aurait pas établi son appréciation en pleine connaissance du dossier médical. Plus particulièrement, cette spécialiste n’avait pas à développer dans son anamnèse un résumé exhaustif de tous les rapports versés au dossier. En effet, c’est le lieu de rappeler qu’en juin 2020, le Dr N______ avait déjà rédigé un rapport comprenant une anamnèse très détaillée, tout en réservant ses conclusions finales et en invitant la SUVA à obtenir les rapports établis dans les suites de l’accident par les médecins du Centre médical O______, ainsi qu’un complément d’appréciation auprès d’un autre médecin d’arrondissement. Il est donc parfaitement compréhensible que la Prof. Q______, sollicitée dans ce contexte, se soit limitée dans son rapport à résumer le contenu des imageries et des pièces nouvellement obtenues, tout en précisant que le rapport du Dr N______ « résum[ait] les documents médicaux du 8 novembre 2017 au 11 juin 2020 ». À cela s’ajoute qu’aucun élément objectif ne permet de remettre en cause l’appréciation des médecins d’arrondissement, le dossier ne contenant aucun rapport probant, qui serait propre à démontrer que la hernie discale diagnostiquée serait due principalement à l'accident de novembre 2017. Ainsi, en l’absence d’avis médical susceptible de remettre en cause l’appréciation des Drs N______ et Q______, on doit retenir avec l’intimée qu’au degré de la vraisemblance prépondérante, l’accident a seulement provoqué une décompensation symptomatique d’une hernie préexistante. Le traitement de celle-ci incombe donc à l'intimée jusqu'à ce que le statu quo sine vel ante soit rétabli.

Comme cela ressort des considérants qui précèdent, si la hernie discale, en cas d'état dégénératif préalable, a seulement été activée par l'accident, l'assurance-accidents ne doit verser des prestations que pour le syndrome douloureux directement lié à l'accident.

En règle générale, on peut s'attendre à ce qu’un syndrome douloureux en relation directe avec l'accident soit terminé au bout de six à neuf mois et que le statu quo sine soit ainsi atteint (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_467/2007 du 25 octobre 2007 consid. 3.2 ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois AA 41/18 - 116/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6d ; jugement du Tribunal administratif du canton de Berne 200.2019.421 du 14 septembre 2020 consid. 3).

En l’espèce, l'accident s'étant produit le 8 novembre 2017, la fixation du terme des prestations d'assurance au 8 mai 2018, soit six mois après l'événement, est licite dans les circonstances données. En fixant la durée de la prise en charge à six mois, le Dr N______ a évalué la situation conformément à l'expérience médicale décrite dans la jurisprudence et il s'est appuyé pour ce faire sur les éléments médicaux au dossier. À ce titre, il ressort non seulement de l’appréciation du Dr N______, corroborée par celle de la Prof. Q______, que l’événement du 8 novembre 2017 n’a pas été d’une gravité particulière, mais encore que l’assuré ne s’est initialement vu diagnostiquer qu’une simple contusion lombo-pelvienne, sans que ne soit mise en évidence une atteinte structurelle du squelette ou un œdème osseux post-traumatique. En ce qui concerne l’intervention chirurgicale pratiquée le 30 octobre 2018, elle visait de toute évidence à traiter une hernie discale liée à un état maladif préexistant, selon l’appréciation convaincante de la Prof. Q______, de sorte qu’il est compréhensible, dans ces conditions, que le statu quo sine vel ante ait été fixé à une date antérieure à l’opération. À ce propos, on ajoutera que le Dr G______ a lui-même considéré que l’intervention qu’il avait pratiquée intervenait dans le cadre d’une problématique de nature maladive et non traumatique, comme en témoigne son rapport opératoire (dont l’anamnèse n’évoque au demeurant aucune chute). Enfin, on remarquera que la date du statu quo sine vel ante fixée par le Dr N______ au 8 mai 2018, correspond peu ou prou au moment où les médecins du service de médecine de premier recours des HUG ont fait part d’une relative amélioration de la symptomatologie, grâce à un traitement par physiothérapie et par antalgiques (cf. rapport des HUG du 27 avril 2018).

10.3 Pour le reste, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il se réfère aux certificats établis par les médecins du service de médecine de premier recours des HUG, les Drs K______, L______, pour contester tout recouvrement du statu quo sine vel ante avant novembre 2018. D’emblée, il convient de relever que ces deux médecins ne se sont pas prononcés sur la question de la causalité entre les troubles lombaires et l'accident assuré, singulièrement sur le point de savoir quand le statu quo sine vel ante a été atteint. Ensuite, le fait que des certificats d’arrêt de travail aient été prescrits au recourant en 2020 ne saurait, à lui seul, remettre en cause le point de vue des médecins d’arrondissement quant au recouvrement du statu quo en mai 2018, ce d’autant moins qu’en 2020, le recourant a notamment été suivi aux HUG pour des troubles du genou gauche et un état dépressif, soit pour des atteintes sans relation causale avec l’accident (s’agissant du trouble dépressif, cf. infra consid. 12). À ce propos, il y a lieu de relever que l’avis du Dr N______ quant à l’absence de relation causale entre l’accident et les troubles du genou gauche est partagé par les médecins du service de médecine de premier recours des HUG (cf. rapport du 28 décembre 2018).

10.4 Au vu de ce qui précède et contrairement à ce que soutient le recourant, l'appréciation du médecin d'arrondissement, fixant la durée de la prise en charge à six mois dès la date de l’accident, ne prête pas le flanc à la critique.

11.         Le recourant se prévaut encore d’une brève attestation datée du 26 mai 2020 et émanant de la Dresse M______, attestant d’un suivi psychiatrique en raison d’un état dépressif.

Il convient toutefois de rappeler que la responsabilité de l'assureur-accidents se limite aux seules atteintes qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident assuré (ATF 119 V 337 consid. 1 et les références). Or, on peut nier tout lien de causalité adéquate entre le trouble psychique diagnostiqué par la Dresse M______ et la chute qu’a subie l’assuré.

En effet, l’accident du 8 novembre 2017 peut tout au plus être classé dans les accidents de gravité moyenne (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 393/04 du 8 février 2006 consid. 4.2 ; U 227/99). Pour que l'accident soit tenu pour la cause adéquate du trouble psychique, il faudrait donc que plusieurs des critères consacrés par la jurisprudence se trouvent réunis ou revêtent une intensité particulière.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce : parmi les critères exposés supra, ceux qui font référence aux circonstances particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l'accident (lequel n’a occasionné aucune fracture), à la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, ou encore à une erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident, ne sont manifestement pas remplis. La durée du traitement – de même que celle de l’incapacité de travail due aux lésions physiques – ne s'est pas révélée particulièrement longue, si l'on considère que le statu quo sine vel ante était atteint le 8 mai 2018 et que les plaintes subséquentes du recourant étaient sans rapport avec la contusion lombo-pelvienne résultant de l'accident, étant rappelé que l’intervention d’octobre 2018 était destinée à traiter un état maladif préexistant (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 24/00 du 26 juillet 2000 consid. 3d). Seul le critère des douleurs physiques persistantes pourrait éventuellement entrer en considération, lequel ne suffit pas à lui seul, au regard de la nature et de l’intensité des douleurs, pour retenir un lien de causalité adéquate entre l’atteinte psychique et l’accident de novembre 2017. Partant, l’intimée ne répond pas du trouble psychique attesté par la Dresse M______.

12.         En conclusion, l’intimée était en droit d'admettre, en se fondant sur l'avis de ses médecins d'arrondissement et sans qu’un complément d’instruction ne se révèle nécessaire (ATF 122 II 464 consid. 4a), que le statu quo sine vel ante était atteint le 8 mai 2018 en ce qui concerne les troubles lombaires dont souffre le recourant. Au degré de la vraisemblance prépondérante, il convient de retenir que l'accident a tout au plus déclenché une hernie discale d'origine maladive et que, depuis le 8 mai 2018, l’accident n'est plus la cause naturelle de la symptomatologie lombaire dont souffre le recourant. Aussi est-ce à bon droit que l'intimée a mis fin aux prestations avec effet au 8 mai 2018.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

13.         La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le