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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2779/2021

ATAS/575/2022 du 21.06.2022 ( AVS ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.07.2022, rendu le 06.09.2022, IRRECEVABLE, 9C_359/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2779/2021 ATAS/575/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2022

2ème Chambre

 

En la cause

A______, sise à CAROUGE

recourante

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes - FER CIAM 106.1, sise Rue de Saint-Jean 98, GENEVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. B______, devenue en novembre 2021 A______, (ci-après : la Clinique ou la recourante), société anonyme avec siège à Genève, a pour but l’exploitation et la gestion de cliniques et laboratoires dentaires, ainsi que de centres médicaux et d’esthétique, la production et la commercialisation de produits dentaires, médicaux et esthétiques.

Son administrateur unique, avec signature individuelle était notamment Monsieur C______ (ci-après : Monsieur C______) jusqu’au 19 mai 2016 puis à nouveau depuis le 15 novembre 2021.

b. D______ est une société par actions simplifiée, inscrite en France au registre du commerce et des sociétés (RCS) depuis le 1er mars 2018. Son but est la fabrication et la commercialisation d’implants dentaires ainsi que de produits et appareils bucco-dentaires de tout genre.

Madame E______ (ci-après : Madame E______) en est l’administratrice-présidente.

c. F______ est une société à responsabilité limitée, inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 23 mai 2014, dont le but est la fabrication et la commercialisation des produis et appareils bucco-dentaires de tout genre, en particulier des implants ; la gestion des cliniques et laboratoires dentaires.

Jusqu’en mai 2016, Monsieur C______ était le gérant avec signature individuelle tandis que la Clinique en était l’associée unique. Depuis février 2018, Monsieur C______ est l’associé unique, avec signature individuelle.

d. Monsieur et Madame E______ sont mariés depuis 1999. Madame E______ était alors domiciliée à G______ (département de la Haute-Savoie, France) alors que Monsieur C______ habitait à Genève.

En 2004, Madame E______ a décidé de s’installer dans le sud de la France. Monsieur C______ ne l’a pas suivie. Selon la base de données Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM), il est en effet resté à Genève jusqu’au 31 décembre 2008. Le 1er janvier 2009, il est parti à Istanbul (Turquie), avant de revenir à Genève du 1er novembre 2009 au 8 septembre 2011. A cette date, Monsieur C______ est à nouveau retourné à Istanbul, avant de revenir encore une fois à Genève entre le 1er octobre 2014 et le 30 juin 2017. Du 1er juillet 2017 au 30 avril 2021, il était installé à H______ (département des Alpes-Maritimes, sud de la France), puis il est revenu à Genève pour une courte période (du 1er mai au 23 décembre 2021) avant de retourner dans les Alpes-Maritimes, plus précisément à I______, dès le 24 décembre 2021.

e. Monsieur C______ et Madame E______ étaient salariés de la Clinique depuis juin 2016.

f. Par accord du 20 février 2018, Monsieur C______ a cédé à D______ tous les droits d’exploitation, ses projets « d’implants dentaires recouverts par une couche de céramique » ainsi qu’une brosse à dents « nettoyant les espaces interdentaires ».

g. Le lendemain, soit le 21 février 2018, D______ et la Clinique ont conclu un accord de collaboration dont il ressort que la Clinique mettait à disposition de D______ ses locaux, installations et son personnel, dans le but d’assurer le développement clinique des produits prévus. Par ailleurs, avec effet au 1er juin 2017, elle devait également prendre en charge les frais de voyage entre « Nice/I______ et Genève retour », hébergement et repas, de Madame et Monsieur C______.

B. a. La Clinique est affiliée en tant qu’employeur auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes – FER-CIAM 106.1 (ci-après : la caisse, la FER ou l’intimée). Elle a notamment déclaré les époux C______ comme salariés depuis juin 2016.

b. Le 9 décembre 2020, la Clinique a fait l’objet d’un contrôle d’employeur portant sur la période de décembre 2014 à décembre 2018. Dans ce contexte, la caisse a constaté que la Clinique avait payé des frais de voyage, d’hébergement de repas des époux C______. Afin de justifier cette prise en charge, la Clinique a notamment transmis à la FER le contrat de collaboration susmentionné conclu le 21 février 2018 avec la société D______. Malgré tout, la caisse a considéré qu’il fallait reprendre [i.e. intégrer au salaire déterminant] les frais de voyage et d’hébergement [concernant Madame et Monsieur C______], remboursés par la Clinique entre 2016 et 2018. En effet, pour le service juridique de la FER, la prise en charge de ces frais par la Clinique n’était pas justifiée par le fait d’habiter loin de son lieu de travail.

C. a. Par décision du 22 décembre 2020, la caisse a réclamé à la Clinique, à titre d’arriérés de cotisations, le montant de CHF 13'400.10, calculées sur les frais de voyage, d’hébergement et de repas, d’un total de CHF 94'456.-, intégrés au salaire déterminant.

b. Le 21 janvier 2021, la Clinique s’est opposée à la décision précitée et a expliqué, en se référant à l’accord de collaboration conclu avec D______, qu’elle devait prendre en charge tous les frais de voyage.

c. La caisse a écarté l’opposition, le 23 juin 2021, expliquant notamment que les frais de déplacement, de repas et d’hébergement à Genève devaient être considérés comme des frais privés. En effet, lorsqu’un employé choisissait d’habiter loin de son lieu de travail, il n’appartenait pas à l’employeur de supporter les frais en découlant. Ainsi, du fait de leur prise en charge par la Clinique, ces frais devaient être considérés comme un avantage constituant un salaire déterminant AVS, soumis à cotisations.

D. a. Le 26 août 2021, la Clinique, agissant en personne, a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation ainsi qu’à celle de la décision confirmée et, cela fait, à la constatation que les frais de voyage, d’hébergement et de repas des époux C______ soient considérés comme des frais professionnels liés à leur activité au sein de la Clinique. A l’appui de ses conclusions, la recourante a invoqué une violation de son droit d’être entendue et un établissement inexact des faits, dès lors que la décision sur opposition querellée ne tenait pas compte de l’existence du contrat de collaboration conclu le 21 février 2021 avec D______.

b. La caisse a répondu en date du 23 septembre 2021 et a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision sur opposition. En substance, elle a expliqué qu’elle avait tenu compte de l’accord de collaboration du 21 février 2018, mais qu’elle avait estimé, malgré tout, que les frais litigieux ne constituaient pas des frais professionnels.

c. La recourante n’ayant pas produit de réplique malgré le délai imparti, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément aux art. 134 al. 1 let. a ch. 1, 2 et 7 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 20 loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20), à la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1), à la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (loi sur les allocations familiales, LAFam - RS 836.2), ainsi qu'à la LAMat.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-vieillesse, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante de ne pas soumettre aux cotisations sociales les indemnités de déplacement, d’hébergement et de repas des époux C______ qu’elle a prises en charge. La question de la nature desdites indemnités se pose plus particulièrement, à savoir si elles font partie du salaire déterminant ou si elles constituent des frais généraux.

5.             La recourante invoque, tout d'abord, une violation de son droit d'être entendue, dans la mesure où la décision querellée ne tient, selon elle, pas compte de l’accord de collaboration.

Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa, 124 V 90 consid. 2 notamment).

5.1. À teneur de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]), les parties ont le droit d'être entendues.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 V 368 consid. 3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C 1016/2009 du 3 mars 2010).

5.2. En l’espèce, la recourante a pu s’expliquer avant que l’intimée ne rende la décision litigieuse. Elle a notamment fourni divers documents, dont l’accord de collaboration. Le fait que l’intimée n’ait pas pris en considération la répartition des frais convenue dans ledit accord ne constitue pas une violation du droit d’être entendue de la recourante, mais une appréciation des preuves, laquelle est en réalité contestée dans la présente procédure.

Dans ces circonstances, le grief de violation du droit d’être entendu doit être écarté.

6.             La recourante invoque ensuite un établissement inexact des faits, dès lors que l’intimée n’aurait pas pris en considération l’accord de collaboration, ainsi qu’une violation du principe de l’interdiction de l’arbitraire, l’intimée n’expliquant pas les raisons pour lesquelles elle a cité la société F______ dans sa décision.

6.1. A teneur de l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative. Lesdites cotisations sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante (art. 4 al. 1 LAVS). Une cotisation de 4,35% est perçue sur le revenu provenant d’une activité dépendante, appelé salaire déterminant (art. 5 al. 1 LAVS).

Les cotisations d’employeurs s’élèvent également à 4,35% du total des salaires déterminants versés à des personnes tenues de payer des cotisations (art. 13 LAVS).

Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie. Elles doivent être versées périodiquement par l’employeur en même temps que la cotisation d’employeur (art. 14 al. 1 LAVS).

6.2. L’art. 5 al. 2 LAVS définit, de manière exemplative, ce qui est considéré comme du salaire déterminant, ces notions étant ensuite précisées aux art. 7 et 9 à 15 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008.

Le salaire déterminant comprend ainsi toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s'ils représentent un élément important de la rémunération du travail (art. 5 al. 2 LAVS).

6.3.1. A teneur de l’art. 9 RAVS, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1995 :

1 Pour les employés ou ouvriers qui supportent eux-mêmes entièrement ou partiellement les frais généraux résultant de l’exécution de leurs travaux, soit notamment pour les voyageurs de commerce, les représentants d’assurance et les ouvriers à domicile, ces frais peuvent être déduits s’il est prouvé qu’ils s’élèvent au moins à 10 pour cent du salaire versé.

2 L’office fédéral des assurances sociales fixera les déductions des frais généraux admissibles, après avoir consulté les groupes professionnels intéressés.

Le Tribunal fédéral des assurances, appliquant la disposition précitée, a jugé que les frais de déplacement usuels entre les lieux de domicile et de travail constituent en principe un emploi normal du salaire et non pas des frais généraux déductibles du salaire soumis à cotisations. Cela étant, les frais supplémentaires de transport du lieu de domicile au lieu de travail ne constituent des frais généraux que si ces lieux sont notablement éloignés l’un de l’autre, les frais de déplacement entre les lieux de domicile et de travail distants respectivement de 55 et 47 km ne constituant cependant pas des frais généraux déductibles du salaire soumis à cotisations (cf. Pratique VSI 1994 p. 84). Exceptionnellement, lorsque la distance entre les lieux de domicile et de travail est au moins égale à une centaine de kilomètres, ou s’il existe le cas échéant d’autres motifs d’importance, les caisses peuvent, après un examen du cas particulier, admettre une partie de l’indemnité de déplacement au titre de frais, si le salarié n’a pas choisi son lieu de domicile pour des motifs « de convenance personnelle » (cf. Pratique VSI 1994 p. 197).

6.3.2. L’art. 9 RAVS a été modifié avec effet au 1er janvier 1996, puis à nouveau avec effet au 1er janvier 2009.

Dans sa teneur en vigueur entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2008, l’art. 9 RAVS était libellé comme suit :

1 Les frais généraux sont les dépenses résultant pour le salarié de l'exécution de ses travaux.

2 Ne font pas partie des frais généraux les indemnités accordées régulièrement pour le déplacement du domicile au lieu de travail habituel et pour les repas courants pris au domicile ou au lieu de travail habituel; ces indemnités font en principe partie du salaire déterminant.

3 Les frais généraux peuvent être déduits du salaire déterminant s'il est prouvé qu'ils s'élèvent au moins 10 pour cent du salaire versé. Les frais décomptés séparément du salaire peuvent dans tous les cas être déduits.

L’art. 9 RAVS a été modifié avec effet au 1er janvier 2009 et stipule désormais que :

1 Les frais généraux sont les dépenses résultant pour le salarié de l’exécution de ses travaux Le dédommagement pour frais encourus n’est pas compris dans le salaire déterminant.

2 Ne font pas partie des frais généraux les indemnités accordées régulièrement pour le déplacement du domicile au lieu de travail habituel et pour les repas courants pris au domicile ou au lieu de travail habituel; ces indemnités font en principe partie du salaire déterminant.

3 (abrogé).

L’art. 9 al. 2 RAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1996, prévoit expressément que les frais de déplacement avant et après le travail ainsi que les frais de repas font en principe partie du salaire déterminant et qu’ils ne constituent, dès lors, pas des frais généraux déductibles. Selon le droit civil, ces dépenses ne sont pas non plus remboursées au travailleur. La modification de l’art. 9 RAVS a également entraîné une égalité de traitement entre les travailleurs, dès lors que la plupart ne reçoivent pas d’indemnités de déplacement et de repas et qu’ils doivent donc payer ces frais avec leur salaire déterminant (AHI-Praxis 1996 p. 276 et 277).

6.3.3. Il faut ainsi distinguer les dépenses strictement nécessaires à la réalisation de l’activité professionnelle (non soumises à cotisations) de celles qui constituent en réalité une utilisation du salaire (soumises à cotisation) (KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung, in SBVR, 2016, n° 283).

En lien avec les frais de déplacement, les Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG (DSD) donnent, depuis janvier 20022, des exemples à leur ch. 3006. Ainsi, le lieu de travail du personnel d’une entreprise de nettoyage affecté à un lieu différent chaque jour n’est pas considéré comme habituel. En revanche, le lieu de travail des employés d’une entreprise de construction qui travaillent sur le même chantier pendant 6 mois est considéré comme habituel (DSD ch. 3006).

Par ailleurs, les indemnités pour le déplacement et pour les repas courants, au sens de l’art. 9 al. 2 RAVS, font ainsi partie du salaire déterminant sauf si (ch. 3007 DSD) :

-        L’indemnité pour le déplacement au lieu de travail est accordée sous la forme d’un abonnement général ou d'un abonnement régional de transports publics ou d’un montant destiné à l’achat d’un tel abonnement, dans la mesure où la personne concernée entreprend environ 40 jours de déplacements professionnels par an. En revanche, les abonnements demi-tarif sont exclus du salaire déterminant soumis à cotisation ;

-        L’indemnité pour les repas courants est de minime importance, si elle n’est pas versée en espèces et si sa valeur ne peut être évaluée qu’au prix d’un travail administratif disproportionné. Si la valeur respectivement le rabais octroyé au moyen du « chèque-repas » ou d’autres bons valables dans des restaurants dépasse CHF 180.- par mois, le montant dépassant cette limite constitue dans tous les cas du salaire déterminant.

Enfin, les indemnités pour les frais raisonnables de logement des expatriés découlant du maintien justifié d’une habitation permanente destinée à leur usage personnel à l’étranger, respectivement en Suisse, peuvent être reconnus comme des frais généraux pendant une année au maximum (ch. 3008 DSD).

6.4. Des principes similaires s’appliquent en droit du travail en ce qui concerne le remboursement des frais.

Ainsi, selon l’art. 327a al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), l’employeur rembourse au travailleur tous les frais imposés par l’exécution du travail et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien. Conformément à l’art. 362 al. 1 CO, il ne peut être dérogé à cette disposition, par accord, contrat-type de travail ou convention collective, au-détriment de la travailleuse ou du travailleur.

Les frais de déplacement font notamment partie des frais encourus au sens de la disposition précitée (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 2019, p. 374), étant précisé que les frais assumés par le travailleur pour se déplacer de son domicile à son lieu de travail et en revenir ne sont pas considérés comme des frais imposés par l’exécution du travail, de sorte qu’ils ne donnent pas lieu à indemnisation (WYLER/HEINZER, op. cit., p. 376 et 377). L’absence d’indemnisation pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail se justifie parce que le travailleur est libre de choisir son lieu de domicile et de déterminer ainsi les frais qu’il encourra pour se rendre à son travail et en revenir (WYLER/HEINZER, op. cit. p. 374).

Cela étant, lorsqu’il est occupé en dehors de son lieu de travail ou s’il est en déplacement professionnel, le travailleur a droit au remboursement de ses frais de nourriture et d’hébergement (WYLER/HEINZER, op. cit., p. 376).

6.5. Lors de l'appréciation d'un cas particulier, les critères suivants ne sont notamment pas décisifs (ch. 1029 DSD) :

-        La nature juridique du rapport établi entre les parties. La notion de salaire déterminant se définit exclusivement d'après le droit de l'AVS. C'est une notion propre à ce domaine du droit. La notion du salaire déterminant est notamment plus large que celle du salaire au sens des dispositions régissant le contrat de travail. Elle englobe certes celui-ci : le salaire selon le droit du travail sera de toute manière considéré comme du salaire déterminant (ch. 1030 DSD).

-        Les conventions ou accords portant sur la situation juridique AVS des parties (salariée ou indépendante) ou sur la qualification juridique d'une rétribution dans l'AVS (ch. 1032 DSD).

7.             La LAVS et son règlement s’appliquent également en ce qui concerne le calcul des cotisations dans les domaines de :

-          L’assurance-invalidité : art. 3 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20) ;

-          L’assurance-chômage : art. 3 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage [LACI - RS 837.0]) ;

-          L’allocation fédérale pour perte de gain en cas de service et de maternité (art. 11 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain [LAPG - RS 834.1]) ;

-          L’allocation cantonale pour maternité (art. 10 al. 2 de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 [LAMat - J 5 07], lequel renvoie notamment à l’art. 11 al. 2 LAPG) ;

-          L’allocation familiale (art. 16 al. 2 de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 [loi sur les allocations familiales, LAFam - RS 836.2]).

Dans tous ces domaines, les cotisations sont calculées sur la base du salaire déterminant au sens de l’art. 5 LAVS.

8.             L'interprétation d’une convention doit être effectuée selon les règles générales sur l'interprétation des contrats. Il y a lieu de rechercher, tout d'abord, la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO). Lorsque cette intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance). L'interprétation en application de ce principe, dite objective ou normative, consiste à établir le sens que chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Pour ce faire, il convient de partir du texte du contrat avant de l'examiner dans son contexte ; dans ce dernier cas, toutes les circonstances ayant précédé ou accompagné sa conclusion doivent être prises en considération (cf. par exemple : ATF 140 V 145 consid. 3.3 et les références).

9.              

9.1. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.2 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

10.         En l’espèce, les parties s’opposent sur la nature des frais de déplacement, d’hébergement et de repas. Pour l’intimée, ils font partie du salaire déterminant et sont donc soumis à cotisations. En revanche, pour la recourante, il s’agit de frais généraux, exclus du salaire déterminant et exempts de cotisations sociales.

10.1. La recourante a pour siège, depuis le 12 février 2015, le J______ à Genève. C’est également à cette adresse que les tests cliniques ont lieu (opposition du 21 janvier 2021, produite par la recourante sous pièce 12).

D______ est inscrite en France au registre du commerce et des sociétés (RCS) depuis le 1er mars 2018, avec pour adresse le K______, à I______, département des Alpes-Maritimes, France (cf. extrait d’immatriculation principale au registre national du commerce et des sociétés, daté du 25 juin 2020, produit par lare courante sous pièce 3).

Les époux C______ sont salariés de la recourante depuis le mois de juin 2016 (cf. décision sur opposition querellée, non contestée sur ce point par la recourante).

Pendant la période litigieuse, à savoir du 1er juin 2016 au 31 décembre 2018, ils étaient domiciliés comme suit :

-          Madame E______ était domiciliée dans le sud de la France (cf. accord de séparation de ménage du 1er avril 2004, produit par la recourante sous pièce 5), à tout le moins à I______ dès 1er mars 2018 (cf. extrait d’immatriculation principale au registre national du commerce et des sociétés, daté du 25 juin 2020, produit par la recourante sous pièce 3) ;

-          Monsieur C______ était domicilié à Genève jusqu’au 30 juin 2017 et à H______ du 1er juillet 2017 au 30 avril 2021 (cf. extrait de la base de données Calvin), voire à I______, à tout le moins dès mai 2018 (extrait du registre du commerce concernant F______).

Il ressort de ce qui précède que le lieu de travail habituel des employés de la recourante était à Genève, et plus précisément au J______.

Les frais litigieux correspondent à des frais d’hébergement à l’hôtel L______, sis M______, à Genève, à des frais de repas ainsi qu’à des frais de déplacement de Nice à Genève et retour. Dans sa réponse du 23 septembre 2021, l’intimée a expliqué que la recourante avait refusé qu’elle fasse des photocopies ou des photographies d’extraits de la comptabilité. Malgré plusieurs échanges de courriels, la recourante ne lui avait pas remis les relevés demandés. L’intimée a donc imputé à chaque époux, pour moitié, les frais litigieux. Dans cette même écriture, l’intimée a expliqué avoir compris que Monsieur C______ séjournait régulièrement à I______, chez son épouse.

C’est le lieu de relever que ni la répartition par moitié ni la conclusion d’un séjour effectif à I______ n’a été contestée par la recourante, malgré plusieurs délais qui lui ont été impartis pour répliquer.

Cela étant, dans tous les cas, soit Monsieur C______ était effectivement domicilié à Genève et l’intégralité des frais de déplacement, d’hébergement et de repas, entre le 1er juin 2016 et le 30 juin 2017, concernaient les déplacements de Madame E______. Soit, dans les faits, Monsieur C______ habitait avec son épouse dans le sud de la France, avec un pied-à-terre à Genève, voire tout simplement un domicile fictif, et les frais de déplacement entre le 1er juin 2016 et le 30 juin 2017 concernaient les deux époux.

Dans tous les cas, les déplacements des époux C______ entre leur domicile ou leur lieu de séjour, quels qu’ils soient (Genève, H______ ou I______), et Genève constituent des frais de déplacement entre chez eux et leur lieu de travail habituel et non des frais généraux. En effet, conformément à l’art. 9 RAVS, à la jurisprudence fédérale et à la doctrine y relative, chacun est libre de choisir son domicile et il lui appartient d’assumer les frais nécessaires pour se rendre à son lieu de travail habituel.

Dans la mesure où la répartition par moitié n’a pas été contestée par la recourante, malgré les délais susmentionnés impartis, la Chambre de céans s’y référera. C’est donc à juste titre que l’intimée a considéré que les montants suivants devaient être intégrés dans le salaire déterminant et être soumis aux cotisations :

 

Salarié

Période d’activité

Montant brut

Remarque

Madame C______

01.06. – 31.12.2016

4'954.00

Hôtel L______

01.06. – 31.12.2016

2'729.00

Frais de voyage non admis

01.01. – 31.12.2017

8'821.00

Hôtel L______

01.01. – 31.12.2017

9'160.00

Frais de voyage non admis

01.01. – 31.12.2018

10'579.00

Hôtel L______

01.01. – 31.12.2018

10'985.00

Frais de voyage non admis

Monsieur C______

01.06. – 31.12.2016

4'954.00

Hôtel L______

01.06. – 31.12.2016

2'729.00

Frais de voyage non admis

01.01. – 31.12.2017

8'821.00

Hôtel L______

01.01. – 31.12.2017

9'160.00

Frais de voyage non admis

01.01. – 31.12.2018

10'579.00

Hôtel L______

01.01. – 31.12.2018

10'985.00

Frais de voyage non admis

Total

 

94'456.00

 

10.2. Pour s’opposer à la prise en considération dans le salaire déterminant, du montant total de CHF 94'456.10, la recourante se réfère à l’accord de collaboration du 21 février 2018 et allègue qu’il s’agit de frais généraux, non soumis à cotisations.

Selon cet accord de collaboration, D______, représentée dans ce cadre par Madame E______, développait, en collaboration avec Monsieur C______, une brosse à dents ainsi que des implants et la recourante souhaitait participer aux essais cliniques et contribuer au développement de ces produits, dans le but d’acquérir les droits de commercialisation y relatifs pour la Suisse. Pour y parvenir, la recourante a mis à disposition de D______ ses locaux, installations et son personnel, dans le but d’assurer le développement clinique des produits prévus (art. 1 § 1). Par ailleurs, la recourante devait prendre en charge, avec effet rétroactif au 1er juin 2017 et pour toute la durée de l’accord, les frais de voyage entre « Nice/I______ et Genève retour », hébergement et repas, de Madame et Monsieur C______ (§ 2 et § 3). Cette clause était notamment justifiée par le fait que les tests cliniques en question pouvaient uniquement être effectués dans les locaux de la recourante, le lieu de pratique du corps médical (opposition du 21 janvier 2021, produite sous pièce 12).

Force est toutefois de constater que l’accord auquel se réfère la recourante est un accord de droit privé, lequel a vraisemblablement été conclu dans le but de s’écarter, au profit des époux C______, des règles de l’art. 327a CO. Dans la mesure où il s’agit d’un accord entre deux sociétés et non pas d’un accord conclu entre la recourante et ses deux employés, la question de la validité de ce régime dérogatoire se pose notamment. Cette question peut toutefois rester ouverte en l’état, dès lors qu’un tel accord n’a quoi qu’il en soit pas d’effets contraignants en droit des assurances sociales, la notion de salaire déterminant se définissant exclusivement d’après le droit de l’AVS (cf. ch. 1030 DSD). Or, il ressort de ce qui précède que Genève est le lieu de travail habituel des époux C______, en tant qu’employés de la recourante, de sorte que les frais encourus pour s’y rendre ne constituent pas des frais généraux exemptés de cotisations.

C’est également le lieu de relever que la jurisprudence relative à l’art. 9 RAVS dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 1995, selon laquelle des indemnités de déplacement peuvent exceptionnellement constituer des frais généraux lorsque la distance entre les lieux de domicile et de travail est au moins égale à une centaine de kilomètres ou pour d’autres motifs d’importance (Pratique VSI 1994 p. 84 et 197), n’a pas été reprise sous l’empire de la nouvelle teneur, celle-ci prévoyant justement spécifiquement que les déplacements jusqu’au lieu de travail habituel ne constituent pas des frais généraux. Au demeurant, même si cette jurisprudence était toujours applicable, c’est de toute évidence par convenance personnelle que les époux C______ se sont établis aussi loin, de sorte que les frais de déplacement litigieux n’auraient quoi qu’il en soit pas pu être qualifiés de frais généraux, non soumis à cotisations.

10.3. En conclusion, dans la mesure où lieu de travail habituel des époux C______, en tant que salariés de la recourante, est à Genève et que c’est pour des raisons de convenance personnelle qu’ils sont domiciliés dans le sud de la France, les frais de déplacement, d’hébergement et de repas litigieux ne constituent pas des frais généraux et doivent, à juste titre, être intégrés dans le salaire déterminant, soumis à cotisations. Comme cela a été relevé précédemment, les époux C______ étaient libres de choisir leur lieu de domicile et de s’établir dans le sud de la France. Cependant, en tant que salariés de la recourante, ils devaient, comme toute personne travaillant en Suisse, assumer les frais de déplacement, d’hébergement et de repas pour se rendre sur le lieu de travail habituel, ceux-ci ne pouvant être considérés comme des frais généraux au sens de la LAVS, étant encore précisé que la qualification de frais généraux n’est pas forcément identique en droit civil et en droit des assurances sociales.

11.         11.1. Il convient enfin de souligner que selon la jurisprudence, les décisions des caisses de compensation relatives à des cotisations paritaires doivent non seulement être notifiées à l'employeur, mais aussi aux salariés concernés. A défaut, la violation du droit d'être entendu en résultant peut être réparée par le Tribunal (ATF 113 V 1 consid. 3a et 4a). L'appel en cause n'est pas nécessaire si le nombre de salariés est élevé, si le domicile des salariés est à l'étranger et lorsqu’il s'agit de montants de cotisation de minime importance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 144/05 du 6 septembre 2006 consid. 3.1 ; ATF 113 V 1).

A teneur de l'art. 71 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, ordonner l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure. La décision leur devient dans ce cas opposable.

11.2 En l'espèce, Madame et Monsieur C______ sont domiciliés à I______, dans le sud de la France. Par conséquent, compte tenu de ce domicile à l’étranger, il sera renoncé à leur appel en cause conformément à la jurisprudence fédérale.

12.         Eu égard à ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision sur opposition sera confirmée.

Par ailleurs, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas le droit à une indemnité de dépens (ATF 126 V 149 consid. 4).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le