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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1045/2021

ATAS/522/2022 du 07.06.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1045/2021 ATAS/522/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 juin 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______ à PUPLINGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

recourant

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sis Fluhmattstrasse 1, LUZERN

 

intimée


EN FAIT

A. a. Les 17 et 24 janvier 2020, Monsieur A______ (ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1973 et marié avec enfants, enseignant au cycle d'orientation (ci-après: CO) et à ce titre assuré contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: la SUVA, la caisse ou l’intimée), a déclaré un accident professionnel survenu le 6 janvier 2020 en salle de cours de la manière suivante: "Après l'intrusion de quatre individus extérieurs de mon établissement scolaire, j'ai été "molesté" puis agressé dans mon intégrité physique et psychologique"; la "nature de la blessure" consistait en : "trouble du sommeil, dérèglement émotionnel, choc post-traumatique". Dans le questionnaire rempli le 2 février 2020 à l'intention de la SUVA, l'assuré a ajouté les précisions suivantes quant au déroulement de l'intrusion: "intimidation physique ("face à face" pour en découdre), agression verbale et empoignade par le cou pour un selfie"; "appel au secours (par téléphone) à mon secrétariat peu après sans qu'il y ait d'intervention".

b. À la suite de cet événement, l'intéressé a été mis en incapacité de travail par les docteurs B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, et C______, psychiatre et psychothérapeute FMH, puis la doctoresse D______, psychiatre et psychothérapeute FMH également.

c. La SUVA a instruit ce cas et reçu en particulier des rapports du Dr C______ du 7 février 2020, du Dr B______ du 8 février 2020 et de la Dresse D______ du 17 avril 2020.

À cela s'est ajoutée une ordonnance de non-entrée en matière sur les plaintes pénales du directeur du CO et de l'intéressé à la suite de l'événement du 6 janvier 2020 rendue le 20 février 2020 par le Tribunal des mineurs, l'enquête de police n'ayant pas permis d'identifier les quatre jeunes gens auteurs de l'infraction.

B. a. Par décision du 21 décembre 2020, la SUVA a refusé d'allouer les prestations d'assurance-accidents sollicitées, les circonstances de l'événement annoncé (qui avait provoqué les troubles psychiques) ne permettant pas d'admettre un accident.

b. Par écrit du 1er février 2021 de son assurance de protection juridique, l'intéressé a formé opposition contre cette décision, concluant à son annulation et principalement à la reconnaissance du caractère accidentel de l'atteinte du 6 janvier 2020 et à l'octroi de prestations d'assurance-accidents en découlant, subsidiairement à la mise en œuvre d'une expertise visant à déterminer son état psychique et son lien avec le caractère extraordinaire de ladite atteinte.

c. Par décision sur opposition rendue le 18 février 2021 et reçue le lendemain, la caisse a rejeté cette opposition, l'événement décrit par l'intéressé n'étant pas un accident selon la loi.

C. a. Par acte du 22 mars 2021 sous la plume de son avocat nouvellement constitué, l'assuré a interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant, "avec suite de frais et dépens", à son annulation, à la reconnaissance de l'événement du 6 janvier 2020 comme accident et à la prise en charge des affections psychiatriques et de l'incapacité de travail qui en découlaient.

Etaient produits un échange de courriels des 6 et 9 janvier 2020 entre lui-même et la doyenne du CO ainsi qu'une attestation du directeur du CO du 4 février 2021 et une autre d'une responsable des ressources humaines (RH) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 9 février 2021.

b. Dans sa réponse du 16 avril 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Le 19 mai 2021, le recourant a persisté dans les termes de son recours.

d. Le 28 septembre 2021 s'est tenue devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) une audience de comparution des parties, à l'issue de laquelle, avec l'accord de celles-ci, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 3 ainsi que 56 ss LPGA, et 17 al. 3 et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, si ladite loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Les prestations que l'assureur-accidents doit, cas échéant, prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l'accident (art. 16 LAA), la rente en cas d'invalidité de 10 % au moins par suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu'une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité si l'assuré souffre par suite de l'accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

4.2 En vertu de l'art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Selon la jurisprudence – restée pour l'essentiel la même pour l'art. 4 LPGA que pour les anciens art. 9 al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) et 2 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10; Stéphanie PERRENOUD, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 1 ad art. 4 LPGA) –, la notion d'accident se décompose en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés. La notion d'accident se décompose en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable; le caractère soudain de l'atteinte; le caractère involontaire de l'atteinte; le facteur extérieur de l'atteinte; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2008 du 31 mars 2009 consid. 3.1) et que, cas échéant, l'atteinte dommageable doive alors être qualifiée de maladie (ATF 129 V 402 consid. 2.1).

Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 129 V 402 consid. 2.1 et la référence citée; arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2008 précité consid. 3.1).

L'atteinte accidentelle en cause peut être de nature physique ou psychique. Dans ce dernier cas, il n'est pas toujours facile de reconnaître l'existence d'un accident lorsque l'événement en cause n'entraîne pas d'atteinte à l'intégrité corporelle, ou alors seulement une atteinte insignifiante, mais provoque des troubles psychiques qui causent à leur tour des troubles de nature physique (ATF 129 V 402 consid. 2.1).

Selon la jurisprudence, un traumatisme psychique ("Schreckereignis") constitue un accident au sens de l'art. 4 LPGA, lorsqu'il est le résultat d'un événement d'une grande violence survenu en présence de la personne assurée et que l'événement dramatique est propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins capable de supporter certains chocs nerveux. Dans ces cas, l'examen de la causalité adéquate s'effectue conformément à la règle générale du cours ordinaire des choses et de l'expérience de la vie (ATF 129 V 177 précité consid. 4.2; ATF 129 V 402 consid. 2.1 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 8C_146/2015 du 22 juillet 2015 consid. 5.2.1, 8C207/2014 du 13 mars 2015 consid. 6 et U 390/04 du 14 avril 2005 consid. 1.2). Cette jurisprudence s'applique aussi quand l'atteinte physique est mineure et ne joue qu'un rôle très secondaire par rapport au choc psychique subi (arrêt du tribunal fédéral 8C_146/2015 précité consid. 5.2.1). Seuls des événements extraordinaires propres à susciter l'effroi et entraînant des chocs psychiques eux-mêmes extraordinaires remplissent la condition du caractère extraordinaire de l'atteinte et, partant, sont constitutifs d'un accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1; arrêt du tribunal fédéral 8C_146/2015 précité consid. 5.2.1).

Il convient donc d'examiner en premier lieu si un événement d'une grande violence s'est produit et s'il était propre à créer une atteinte psychique. Dans l'affirmative, la condition du caractère extraordinaire de l'atteinte est remplie et l'existence d'un accident doit en principe être admise. L'examen de la causalité adéquate s'effectue alors conformément à la règle générale (ATF 129 V 177; ATF 129 V 402 consid. 2.2), selon laquelle la causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références citées). Si, au terme de cet examen, l'existence d'un accident n'a pas été admise ou que la causalité adéquate doit être niée, il faut encore examiner, en cas de lésion corporelle, si elle constitue un accident. Dans l'affirmative, l'examen du caractère adéquat du lien de causalité avec les troubles d'ordre psychique consécutifs à l'accident doit se faire, pour un accident de gravité moyenne, sur la base des critères énumérés aux ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et 403 consid. 5c/aa (ATF 129 V 402 consid. 2.2).

4.3 A été qualifié d'accident le traumatisme subi par une assurée qui se trouvait sur une petite île en Thaïlande lors du tsunami du 26 décembre 2004 (arrêt du Tribunal fédéral U 548/06 du 20 septembre 2007, in SVR 2008 UV n° 7 p. 22) ou encore celui du conducteur de locomotive qui s'est rendu compte d'avoir écrasé une personne qui s'était jetée sous sa machine (arrêt du Tribunal fédéral U 93/88 du 20 avril 1990, in RAMA 1990 n° U 109 p. 300).

En revanche, le fait pour une éducatrice travaillant dans un foyer pour handicapés d'avoir été agressée physiquement par un résident ne présentait pas les caractéristiques d'un événement extraordinaire propre à engendrer des troubles psychiques avec une incapacité de gain durable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_207/204 précité consid. 6).

De même le Tribunal fédéral a-t-il considéré qu'un assuré ayant reçu deux coups de poing d'un inconnu dans un lieu public en pleine journée, sans blessure grave, n'était pas à considérer comme une exposition à un événement d'une grande violence propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins apte à surmonter certains chocs nerveux (arrêt 8C 146/2015 du 22 juillet 2015 consid. 5.2.2).

Il a par ailleurs jugé que d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, l’agression d’un employé d’un salon de jeu quittant vers 23h30 son travail avec la recette du soir commise par un homme cagoulé et habillé de noir, le menaçant d'un pistolet (avec le doigt sur la gâchette) pour qu'il lui remettre l'argent, n'était pas propre à causer un dommage psychique, sous l'angle de la causalité adéquate, plus de quelques semaines ou de quelques mois (ATF
129 V 177).

Le Tribunal fédéral a également nié le lien de causalité adéquate dans d'autres arrêts, où les victimes avaient, en sus d'une atteinte psychique, subi des atteintes physiques, par exemple dans le cas d'une assurée agressée en pleine rue par un inconnu, lequel, après l'avoir poussée à terre, avait tenté de l'étrangler (RAMA 1996 p. 215), ou dans le cas d'un assuré qu’un voisin avait saisi violemment par le cou (arrêt U 255/02 du 10 novembre 2003) ou encore dans celui d'une assurée qui, étant allée chercher de l'argent à la banque, avait été victime d'une agression lors de laquelle elle avait été traînée sur le sol à plat ventre (arrêt du Tribunal fédéral U 138/04 du 16 février 2005; cf. ATAS/981/2020 du 20 octobre 2020 consid. 7).

Néanmoins, le Tribunal fédéral a admis le caractère adéquat de troubles psychiques développés par un assuré sur la base du seul critère du caractère particulièrement impressionnant de l'agression, dans une affaire où l'assuré avait été attaqué par trois inconnus devant son domicile vers 4 heures du matin qui l'avaient jeté par terre et roué de coups de bâtons avant de s'enfuir à la suite d'une intervention des voisins, étant précisé que l'intéressé avait fait auparavant l'objet de menaces, de chantage et de tentative d'extorsion de la part d'un mouvement politique étranger. La Haute Cour a notamment pris en considération le fait que le lien entre ces menaces et l'agression n'avait pu échapper à l'assuré qui pouvait sérieusement craindre pour sa vie ou du moins pour une perte importante et permanente de son intégrité corporelle (arrêt du Tribunal fédéral U 36/07 du 8 mai 2007, cité par l'arrêt 8C_434/2013 du 7 mai 2014 consid. 7.2; pour d'autre exemple d'agression particulièrement impressionnante, cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_480/2013 du 15 avril 2014 et U 382/06 du 6 mai 2008 consid. 4.3.1).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.              

6.1 En l'espèce, il ressort des allégués du recourant et de ses déclarations en audience, dont rien ne permet de mettre en cause la sincérité, ainsi que de l'ensemble des pièces du dossier, notamment son courriel du 6 janvier 2020 à la doyenne du CO, que, lors d'un cours en début d'après-midi du lundi 6 janvier 2020, dans le cadre de la rentrée des classe d'une classe de 9ème, l'irruption de quatre jeunes hommes, plus âgés que les élèves et de carrure physiquement imposante, s'est déroulée de la manière énoncée dans les paragraphes qui suivent, étant précisé que l'existence des quelques divergences de détail dans les divers déclarations de l'intéressé apparaissent compréhensibles et ne remettent pas en doute leur contenu dans leur globalité.

Trois des quatre jeunes hommes ayant fait intrusion dans la classe, l'assuré a tout d'abord réussi à dissuader, avec peine, l'un d'eux d'entraver la tenue du cours, en lui demandant de laisser la classe effectuer l'évaluation en cours. Ensuite, il a eu un échange de paroles avec un deuxième jeune homme, qui s'est approché à environ 20 cm de lui en lui disant qu'il l'insultait et qui a persisté dans son intimidation; le recourant a senti que ses élèves (dont une semblait connaître ces jeunes) et lui-même étaient menacés et a reculé de deux pas pour éviter la confrontation physique et a redemandé à cet individu de partir, ce que ce dernier a alors fait après environ une minute.

Quelques minutes après que les trois jeunes hommes étaient sortis de la classe et qu'il avait fermé la porte, le bruit dans le couloir continuant, l'assuré a rouvert la porte pour leur demander d'évacuer le bâtiment et pour savoir ce qui se passait. C'est alors qu'un quatrième jeune homme, qui était jusqu'à présent spectateur sur le pas de la porte, est entré dans la classe. Il a empoigné le cou du recourant par son bras (à l'intérieur du coude), pendant une demi-minute environ, et il a sorti son téléphone portable et a essayé de faire un "selfie" de lui-même avec l'intéressé, puis il a lâché ce dernier, lequel a ensuite pu fermer la porte derrière lui après son départ. L'assuré a été surpris et a eu mal, pensant sur le moment qu'il y avait de la violence; il a eu peur que ce jeune homme l'étouffe et/ou l'étrangle et a craint pour sa vie, étant précisé que celui-ci serrait fort son cou. D'une manière générale, l'intéressé a évité de commettre une quelconque violence afin qu'une escalade soit empêchée et que les quatre jeunes hommes partent le plus vite possible.

Après cet événement, l'assuré a appelé en urgence le secrétariat pour obtenir de l'aide et afin que la police puisse interpeler les auteurs de l'irruption, mais le secrétaire lui a répondu qu'il y avait un conseil de direction et qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire. Finalement, il n'y a eu, au sein de l'établissement, aucune intervention de qui que ce soit de l'école ou de la police en lien avec ledit événement.

Par rapport à la question de l'éventuel caractère extraordinaire de cet événement (comme requis par la loi et la jurisprudence pour qu'il y ait accident), le recourant a précisé que c'était la première fois que cela lui arrivait et que, pour ses collègues aussi, c'était quelque chose hors du commun, d'autant plus que l'école est un environnement sécurisé, une "bulle" où les élèves et les enseignants devaient se sentir en sécurité. Cet événement a, pour l'assuré, fracassé cet espace de sécurité qui était pour lui "sacré", par le fait qu'il y avait eu de la violence à un niveau extrême, avec beaucoup d'éléments (sa propre sécurité et celle de ses élèves) qui étaient mis sous pression et auxquels il ne pouvait pas s'attendre.

Après cet événement du 6 janvier 2020, la pression s'est dégonflée et l'intéressé a eu l'impression d'être vidé de sa substance, en plus de réaliser que ce qui s'était passé était extrêmement violent et anormal. À cet égard, à teneur de l'attestation du 4 février 2021 du directeur du CO, ledit événement était très exceptionnel et de tels événements n'avaient jamais été constatés par lui-même dans les écoles qu'il avait dirigées depuis dix ans; la soudaineté de cette violence verbale et physique ne pouvait pas être anticipée par l'assuré et elle avait engendré chez lui des conséquences qui l'avaient empêché de reprendre son travail pendant plusieurs mois; en effet, nul ne pouvait s'attendre, dans un lieu d'étude, une école, une salle de classe, à subir une telle agression, pour laquelle l'intéressé portait encore à ce jour les conséquences.

Au plan médical, le recourant a, en lien avec l'événement du 6 janvier 2020 et comme suite de celui-ci, été suivi par des psychiatres, à savoir le Dr C______ du 15 au 28 janvier 2020 puis la Dresse D______ jusqu'à la fin de l'hiver 2021. Il ressort de leurs diagnostics liés audit événement: dans un premier temps, une réaction aiguë à un facteur de stress (CIM-10, F43.0), dont les symptômes consistaient d'abord en un état d'hébétude puis un état anxieux et dépressif mixte, avec troubles du sommeil, de la mémoire et de la concentration ainsi qu'une hypervigilance et des attaques de panique avec reviviscence, et seulement trois semaines plus tard un sentiment de colère et un repli sur soi; dans un second temps, dès le 1er mars 2020, un état de stress post-traumatique (F43.1), avec pour symptômes des troubles du sommeil également, des cauchemars, une forme d'anesthésie psychique, un émoussement émotionnel, une anhédonie, un évitement des activités et situations pouvant réveiller le souvenir d'un traumatisme, par exemple le retour à l'école et la confrontation avec le secrétaire susmentionné. Lors de son retour à l'école, le patient a expérimenté une crise d'angoisse. Au mois d'avril 2020, il présentait une hyperactivité neurovégétative, un trouble anxieux, un sentiment de détachement émotionnel et une restriction des affects.

En lien avec l'événement du 6 janvier 2020, l'intéressé a été, pour "accident" ou "maladie" suivant les certificats, en incapacité de travail (médicalement attestée) à 100 % du 9 janvier au 24 février 2020, à 75 % depuis lors jusqu'au 31 mars 2020, et à 50 % du 1er avril au 14 juin 2020, fin de l'année scolaire (certificats du 13 janvier 2020 du Dr B______, des 15 et 21 janvier ainsi que 5 février 2020 du Dr C______ ainsi que des 29 janvier, 5 et 25 mars, 18 mai et 7 juin 2020 de la Dresse D______).

À teneur de ses déclarations en audience, le recourant ne se souvenait pas s'il avait donné des cours le lendemain de l'événement en cause, c'est-à-dire le 7 janvier 2020, mais il était certain qu'il n'en avait pas donné le surlendemain 8 janvier 2020. Par ailleurs, alors que durant toute sa carrière il avait travaillé à 100 %, comme enseignant en géographie et histoire, il a, depuis cet événement, outre les périodes d'incapacité de travail temporaires susmentionnées, réduit son taux de travail à un taux de 80 %. Cette réduction était selon lui liée à l'événement du 6 janvier 2020 car il se sentait affaibli et avait besoin de se sentir en sécurité. En effet, son sentiment de sécurité à l'école n'était pas optimal jusqu'à présent, et il se fatiguait plus rapidement et avait moins d'énergie qu'avant le 6 janvier 2020. Depuis la cessation de son suivi par la Dresse D______ au printemps 2021 (du fait de la fermeture du cabinet de cette dernière), l'assuré continuait, à la date de l'audience du 28 septembre 2021, à suivre, à ses propres frais mais avec prise en charge par l'assurance complémentaire, des traitements de réflexologie et sophrologie. Concernant son état de stress post-traumatique, cela s'était amélioré et continuait à s'améliorer. Il n'avait pas d'autres affections psychiques. Il restait toutefois toujours sur ses gardes, seulement à l'école, en craignant que l'événement du 6 janvier 2020 se reproduise.

6.2 Cela étant, au vu de la pratique et la jurisprudence restrictives du Tribunal fédéral relatives à la notion d'accident liée à celle de traumatisme psychique, on ne peut pas considérer que l'événement survenu le 6 janvier 2020 en classe constituerait un événement d'une grande violence, extraordinaire, dramatique et propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins capable de supporter certains chocs nerveux, en d'autres termes propre à susciter l'effroi et entraînant des chocs psychiques qui sont eux-mêmes extraordinaires et causent une incapacité de gain durable.

En effet, le déroulement de l'événement du 6 janvier 2020 ainsi que la grande crainte, la souffrance et la réaction traumatique subies par le recourant, si elles ne sauraient être minimisées, ne sont néanmoins pas d'une intensité comparable à celle du traumatisme subi par une assurée qui se trouvait sur une petite île en Thaïlande lors du tsunami du 26 décembre 2004 ou encore du traumatisme du conducteur de locomotive qui s'est rendu compte d'avoir écrasé une personne qui s'était jetée sous sa machine (cf. les exemples mentionnés ci-dessus et traités par le Tribunal fédéral), voire du traumatisme d'une victime de brigandage ou de viol (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 8C_167/2016 du 23 mai 2016 et U 193/06 du 20 octobre 2006, cités par Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n.45 ad art. 4 LPGA et notes 154 et 155), mais apparaissent plutôt comparables aux événements concernant lesquels le Tribunal fédéral a nié une exposition à un événement extraordinaire et d'une grande violence propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins apte à surmonter certains chocs nerveux (cf. les exemples cités plus haut).

En particulier, au plan objectif, l'intéressé n'a subi ni des coups ni des lésions physiques de la part des quatre jeunes hommes, non armés. Ceux-ci n'ont pas exprimé clairement des menaces à son encontre ni à l'encontre de ses élèves, ce contrairement à un cas susmentionné de menace où le Tribunal fédéral a nié le lien de causalité adéquate en tout cas au-delà de quelques semaines ou de quelques mois (cf. notamment ATF 129 V 177). Les moments où le recourant a été confronté à un jeune homme s'étant approché à 20 cm de lui et a reculé a duré environ une minute, et l'empoignade par le coup par un autre jeune homme a duré moins d'une minute et ne l'a concrètement pas mis en danger, quand bien même il a sérieusement et légitimement craint d'être étranglé. Les durées susmentionnées sont courtes (cf., pour les même durées, arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.2.2). En outre, que l'événement se soit produit la journée et dans un lieu fréquenté – ici une classe durant les heures de cours – constitue un élément propre à conférer à l'événement un caractère moins saisissant que si cela s'était passé la nuit et dans un endroit isolé, dans la mesure où l'assuré pouvait raisonnablement compter sur l'intervention de tiers pour faire cesser l'agression ou appeler la police (dans ce sens, notamment, arrêt du Tribunal fédéral 8C_434/2013 précité consid. 7.2). Il importe que personne parmi le personnel de l'école ou de la police ne soit finalement intervenu le jour même.

Par surabondance, l'atteinte à la santé de l'assuré, sous forme, selon la psychiatre traitant, de réaction aiguë à un facteur de stress puis d'état de stress post-traumatique, n'a pas été d'une très grande gravité, étant au demeurant actuellement en cours de résorption. Il est sur ce dernier point relevé que le Tribunal a nié un rapport de causalité adéquate entre un accident jugé banal (fait pour une employée d'exploitation d'un hôpital, alors qu'elle était occupée à manipuler une poubelle, de s'être piquée le pouce avec une aiguille sous-cutanée qui avait été utilisée pour faire une injection à une patiente séropositive et atteinte d'une hépatite C), malgré un état de stress post-traumatique établi en découlant sous l'angle de la causalité naturelle (ATF 129 V 402 consid. 4.3 et 4.4).

En définitive, au regard de l'ensemble des circonstances du cas, c'est de façon pertinente et fondée que l'intimée considère que le recourant n'a pas été confronté à un événement particulièrement dramatique et d'une grande violence propre à entraîner une terreur subite; peu importent la manière dont l'intéressé a vécu l'événement, voire le diagnostic retenu, car c'est l'événement lui-même qui compte et non les différents éléments subjectifs (cf. décision sur opposition querellée). Certes, il y a eu deux tentatives d'intimidation, mais elles ont été brèves et l'assuré est à chaque fois parvenu, avec calme, courage et fermeté, à maîtriser la situation, avec succès puisque les jeunes hommes se sont après de courtes durées exécutés (cf. réponse au recours).

6.3 Vu ce qui précède, l'existence d'un accident ne peut pas être retenue, de sorte qu'il n'y a pas de nécessité d'examiner le cas sous l'angle de la causalité adéquate.

Cette conclusion en matière d'assurances sociales, plus précisément d'assurance-accidents, n'enlève en rien la réalité et le caractère compréhensible et légitime de la crainte et de la souffrance subies par le recourant.

7.             En conséquence, le recours sera rejeté.

8.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

Blaise PAGAN

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le