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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2812/2020

ATAS/425/2022 du 12.05.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2812/2020 ATAS/425/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à MEYRIN, représentée par APAS-Assoc. permanence défense des patients et assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1989, de nationalité suisse et mère de deux filles, nées respectivement, en ______ 2014 et en ______ 2020, est titulaire d’un certificat de capacité de polisseuse et a travaillé, à plein temps, en qualité d’opératrice de décoration, auprès d’une entreprise d’horlogerie, dès le 1er janvier 2009.

b. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du 9 novembre 2016 a mis en évidence deux hernies discales minimes médianes en D11-D12 et L4-L5, dans un contexte de discopathie avec dessiccation discale, à distance de l’émergence des racines, ainsi qu’un important pincement intersomatique en L5-S1 avec hernie paramédiane gauche venant au contact de la racine S1 gauche dans son récessus et pouvant, à ce niveau, entraîner un conflit disco-radiculaire.

c. Dans un rapport du 11 janvier 2017, le docteur B______, médecin adjoint agrégé au service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a posé le diagnostic de syndrome lombo-vertébral à fort risque de chronicité. L’assurée se plaignait de lombalgies depuis l’adolescence, devenues constantes depuis six à douze mois avec une importante perturbation la nuit (elle devait se lever pour marcher) et une irradiation dans la jambe gauche sous forme de décharges et fourmillements fugaces. Elle avait également présenté un épisode de blocage de deux semaines. La position assise et la marche tranquille étaient limitées à une durée de trente à soixante minutes. L’assurée évitait de nombreux mouvements de flexion et ne portait pas les courses, ni sa fille. À l’examen clinique, le médecin a constaté une importante dysfonction musculaire, des signes de sensibilisation centrale et d’importants facteurs de risque de chronicité sous forme de décompensation anxio-dépressive. À ce stade, il ne préconisait pas une prise en charge multidisciplinaire. Il avait prescrit des séances de physiothérapie à sec et en piscine, ainsi que l’introduction d’un traitement médicamenteux afin d’améliorer le sommeil, d’encourager l’activité et de diminuer la kinésiphobie.

d. Dans un rapport du 19 juin 2017, le médecin traitant de l’assurée, le docteur C______, médecin praticien FMH, a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail, une lombalgie basse et des hernies discales L4-S1 qui limitaient les mouvements et les positions fixes prolongées. Le status neurologique était normal. L’assurée présentait une douleur importante à la palpation de la musculature fessière gauche. Il avait attesté d’une incapacité de travail totale du 20 mars au 17 avril 2017, de 50% du 18 avril au 11 juin 2017, et totale depuis le 12 juin 2017 pour une durée indéterminée.

e. Le 31 août 2017, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

f. Dans un rapport du 1er septembre 2017, la doctoresse D______, spécialiste en rhumatologie auprès de la clinique Corela, qui avait examiné l’assurée le 18 août 2017 à la demande de l’assureur perte de gain maladie, a posé les diagnostics d’inflammation du tendon du muscle moyen glutéal gauche, de dégénérescence discale L5 à S1 avec hernie paramédiane gauche, de petite hernie discale L4 à L5 médiane et de hernie discale médiane minime en D11 à D12. L’assurée devait éviter la station assise prolongée – cette restriction était importante dans l’activité habituelle réalisée essentiellement dans cette position, mais temporaire dans l’attente de l’infiltration que l’experte recommandait, voire de la corticothérapie per os , le travail en porte-à-faux lombaire et le port de charges de 10 kg – sollicitations non rencontrées dans l’activité habituelle. La capacité de travail était nulle dès le 18 août 2017, de 50% dès le 15 septembre 2017 et totale dès le 15 octobre 2017.

g. Par courrier du 14 septembre 2017, le Dr B______ a critiqué ce rapport d’expertise. Les traitements classiques n’avaient pas amélioré la capacité fonctionnelle de l’assurée. Outre les difficultés à la marche, les douleurs et le syndrome lombo-vertébral étaient décompensés lors des positions statiques assises que celle-ci était obligée d’adopter en continu dans son activité habituelle. Un nouveau traitement venait d’être mis en place, comprenant des approches physiothérapeutiques multiples, des séances d’éducation thérapeutique, des séances de psychomotricité, de l’ergonomie rachidienne et un suivi psychologique, qui ne pourrait se poursuivre de façon optimale en cas de reprise professionnelle. Le traitement de corticothérapie per os proposé par l’experte n’était pas efficace en présence d’un syndrome lombo-vertébral aigu ou chronique, pas plus que ne l’était l’infiltration de cortisone à l’insertion du tendon du moyen fessier.

h. Par lettre du 5 octobre 2017, l’assureur perte de gain maladie a admis une incapacité de travail totale jusqu’à la fin du nouveau traitement, initié début septembre pour une durée de deux mois. Les indemnités journalières seraient versées à 100% jusqu’au 31 octobre 2017, voire au-delà selon l’évolution de la situation médicale.

i. Par communication du 21 novembre 2017, l’OAI a octroyé à l’assurée des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un maintien au poste de travail, en indiquant qu’il assurerait le suivi de la reprise de son activité habituelle à 50% depuis le 27 novembre 2017 en prenant régulièrement contact avec elle et/ou son employeur et, au besoin, en mettant rapidement en place les moyens adaptés pour permettre le bon déroulement de cette reprise.

j. Dans un rapport du 11 décembre 2017 relatif au programme multidisciplinaire auquel avait participé l’assurée, le Dr B______ a mentionné que, malgré l’absence de modifications importantes des douleurs, il avait constaté une évolution favorable sur les capacités fonctionnelles (moins de boiterie, meilleur équilibre). Une reprise du travail était possible, mais la situation restait extrêmement précaire. La poursuite d’une prise en charge multidisciplinaire (physique, psychologique, ergothérapeutique) était indispensable, de même que la transition vers une prise en charge psychologique individuelle.

k. Dans un rapport du 21 février 2018, le Dr C______ a diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, une lombalgie basse, un lumbago avec sciatique, une hernie discale D11-D12 et L4-L5, et une discopathie dégénérative L4 à S1. La capacité de travail de l’assurée était de 50% dans l’activité habituelle (mais le pronostic était réservé à long terme), et de 100% dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles (éviter la position assise ou debout plus de deux heures, et celle sollicitant la charnière lombaire, le port de charges, se pencher en avant) à vérifier lors d’un stage d’orientation - aux termes d’un rapport séparé du même jour, dans lequel il était également indiqué que l’assurée ne présentait pas de troubles psychiques proprement dits, mais qu’elle était affectée psychiquement par les douleurs et les limitations que celles-ci engendraient.

l. Dans un rapport du 5 juillet 2018, le Dr B______ a fait état d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée, marquée par des blocages récidivants pouvant durer jusqu’à une semaine avec de plus en plus de difficultés à supporter la médication et par l’apparition d’une irradiation douloureuse dans le pli inguinal. Au status, l’assurée marchait avec une jambe raide et utilisait une canne lors de grands déplacements. Elle s’asseyait en décharge de la fesse droite et ne pouvait pas rester dans cette position plus de dix à quinze minutes. L’examen passif montrait une limitation de la flexion de la hanche à 90°, sans reproduction de la douleur inguinale. Les manœuvres pour les sacro-iliaques étaient indolores. La capacité de travail était nulle dans toute activité à l’heure actuelle au vu du handicap fonctionnel en position debout et assise et lors de la marche. Le pronostic était défavorable à court et moyen terme avec l’intrication d’éléments somatiques et psychiques. L’assurée, qui présentait une atteinte importante de la thymie, recherchait un psychiatre proche de son domicile.

m. Par communication du 28 août 2018, l’OAI a fait savoir à l’assurée que des mesures d’intervention précoce, ainsi que d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle, n’étaient actuellement pas indiquées.

n. Dans un rapport du 25 octobre 2018, la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), et celui, sans répercussion sur la capacité de travail, d’épisode dépressif léger (F32.0). L’assurée se montrait désemparée face à ses douleurs et devait bouger régulièrement lors des entretiens bimensuels. Elle était très soucieuse quant aux difficultés que ses douleurs engendraient sur son quotidien, son ménage et son entourage. Elle avait du mal à envisager de ne plus pouvoir travailler, se sentant inutile et exclue de la société. Elle se culpabilisait vis-à-vis de sa fille et de sa famille (sa mère gardait la fille la journée, son père l’aidait à porter les courses). Elle avait une thymie triste et pleurait beaucoup. Elle était en colère contre son époux qui ne faisait plus d’effort pour la soutenir et qui désirait un second enfant, ce dont elle s’estimait incapable en raison de ses douleurs. La psychiatre n’a émis aucun pronostic sur la capacité de travail de l’assurée, au motif qu’elle avait débuté le suivi depuis peu de temps, le 10 juillet 2018.

o. L’assureur perte de gain maladie a mandaté les docteurs F______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, et G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour une expertise bidisciplinaire. Le premier a examiné l’assurée le 7 octobre 2018 et le second le 13 décembre 2018.

p. Dans son rapport du 19 février 2019, le Dr F______ a posé le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de syndrome lombo-vertébral récurrent chronique sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire, avec une discopathie L4-L5 et L5-S1 modeste. Dans la mesure où l’assurée bénéficiait d’une chaise ergonomique et pouvait alterner les positions de tronc, sans port de charges significatives dans son activité habituelle, sa capacité de travail était estimée à 60%, pouvant être augmentée de 20% par mois. Dans une activité adaptée, telle que la surveillance, l’accueil, la vente ou le magasinage d’objet ou de nourriture légère, permettant l’alternance des positions assise et debout, la limitation des ports de charges en porte-à-faux avec long bras de levier de plus de 5 à 10 kg de manière répétitive, et l’utilisation de la chaise ergonomique, sa capacité de travail était entière avec une diminution de rendement de 10% de manière transitoire pendant trois mois, en raison de la longue inactivité professionnelle. L’expert proposait une prise en charge physiothérapeutique à moyen, voire long terme, pour éviter tout déconditionnement musculaire, une médication décontracturante, ainsi que l’emploi d’une ceinture lombaire.

q. Dans son rapport du 14 mars 2019, le Dr G______ a quant à lui retenu les diagnostics, sans incidence sur la capacité de travail, de trouble anxio-dépressif réactionnel subclinique ou en rémission et de personnalité avec des traits histrioniques avec une tendance à la dramatisation et une dépendance à l’environnement familial. L’assurée avait réalisé les tests psychométriques sans difficulté. Il existait une très mauvaise discordance entre les tests d’hétéro- et auto-évaluation, massivement surcotés. L’assurée exerçait encore des activités spontanées : elle s’occupait de sa fille vers 16h, jouait avec elle après le repas avant de la coucher, regardait la télévision, gérait ses soins personnels et ses déplacements, ainsi que les tâches ménagères peu astreignantes. Sa capacité de travail était totale dans toute activité en l’absence d’un tableau psychopathologique cliniquement significatif, mais l’assurée avait une auto-prédiction de l’échec pour des motifs qui, selon elle, semblaient essentiellement dus à ses problèmes physiques. Sa prise en charge psychiatrique était idoine, mais elle n’en percevait pas le bénéfice.

Dans l’appréciation consensuelle du cas, les experts, qui s’étaient entretenus le 25 janvier (selon le rapport du Dr G______) et/ou le 18 février 2019 (d’après le rapport du Dr F______), ont conclu que la capacité de travail de l’assurée était de 60% dans son activité habituelle, à augmenter de 20% par mois, mais de 100% dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 10% durant trois mois.

r.    L’assurée a été licenciée par son employeur avec effet au 31 mars 2019.

 

B.       a. Par avis du 20 mai 2019, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) s’est rallié aux conclusions des experts mandatés par l’assureur perte de gain. Le début de l’aptitude à la réadaptation remontait au 14 octobre 2018, date de l’expertise bidisciplinaire.

b. Par communication du 14 juin 2019, l’OAI a pris en charge les coûts d’un reclassement professionnel (dans la même profession) auprès de H______ SA, du 24 juin 2019 au 31 janvier 2020 ; l’objectif de la mesure étant d’accompagner l’assurée afin qu’elle récupère sa pleine capacité de travail, et pour ce faire, son taux de présence, fixé au début à 50%, serait augmenté progressivement à 60% dès le 12 août 2019, à 80% dès le 16 septembre 2019 et à 100% dès le 18 novembre 2019.

c. Par courriel du 1er juillet 2019, l’assurée a informé l’OAI avoir été transportée le 27 juin 2019 en urgence à l’hôpital où elle avait séjourné deux jours, car son dos « n’avait pas tenu ». Elle interrompait de ce fait la mesure.

d.   Le 10 juillet 2019, l’OAI a reçu :

     un certificat du 1er juillet 2019 établi par le docteur I______, médecin à l’Hôpital de la Tour, attestant d’une capacité de travail nulle dès le 27 juin 2019, pour une durée probable jusqu’au 7 juillet 2019 ;

     un rapport du 1er juillet 2019 du Dr I______, relatif au séjour de l’assurée dans cet établissement hospitalier du 27 au 29 juin 2019, posant le diagnostic de lombosciatalgies gauches non déficitaires. L’assurée, ne pouvant se mobiliser, avait bénéficié aux urgences d’une injection intramusculaire, sans amélioration, suivie d’une antalgie par paracétamol, ibuprofène, diazépam et morphine en réserve, ainsi que de physiothérapie. Sous ce traitement, l’évolution était rapidement satisfaisante. En cas de persistance de la symptomatologie, il convenait de discuter l’indication à une approche plus invasive (infiltration ou chirurgie) ;

     un certificat du 8 juillet 2019 du Dr C______, mentionnant une capacité de travail de 0% dès ce jour et de 100% à partir du 1er août 2019.

e. Dans un courriel du 10 juillet 2019 adressé à l’OAI, relatif à la consultation du même jour, le Dr B______ a fait état d’une nette aggravation du syndrome lombo-vertébral se manifestant par une attitude en baïonnette très marquée, auquel s’était ajouté un syndrome radiculaire L5 gauche irritatif et déficitaire d’un point de vue sensitif (sciatique déficitaire), éléments nouveaux non présents lors de l’expertise. Malgré la forte augmentation de la médication antalgique, l’assurée avait de la peine à mettre en charge le membre inférieur gauche et devait se déplacer avec une béquille hors de son domicile. Elle était également obligée de s’asseoir en décharge de la fesse gauche. Ces syndromes radiculaires étaient connus pour occasionner un handicap en position assise. Sa capacité de travail était nulle en ce moment dans toute activité.

f. Dans un rapport final du 12 juillet 2019, la division réadaptation professionnelle de l’OAI a considéré que les mesures professionnelles ne s’avéraient pas adéquates pour l’instant, pour des raisons médicales.

g. Le 15 juillet 2019, l’OAI a réceptionné un rapport du 10 juin (recte : juillet) 2019 de la Dresse E______, indiquant que sa patiente avait présenté une forme de « décompensation » de son état somato-psychique entraînant une brève hospitalisation pour de violentes douleurs lombaires et à la jambe, ainsi qu’une dépendance à sa famille. L’assurée souffrait d’un syndrome douloureux somatoforme persistant, ayant un impact sur sa vie professionnelle et familiale et d’un trouble dépressif. Elle était inapte à travailler actuellement.

h. Par avis du 17 juillet 2019, le SMR, se référant au courriel du 10 juillet du Dr B______, ainsi qu’au rapport précité de la Dresse E______, a estimé que l’état de santé de l’assurée n’était pas stabilisé sur le plan somatique et psychique. Il proposait de revoir la situation dans six mois et d’adresser un questionnaire spécifique au rhumatologue et au psychiatre traitants.

i. Dans un rapport du 28 août 2019, le Dr B______ a indiqué que l’évolution clinique n’était pas favorable et qu’il était difficile d’envisager une amélioration conséquente des capacités fonctionnelles dans les douze prochains mois. L’important syndrome lombo-vertébral marqué par une forte attitude en baïonnette persistait. La boiterie avait très légèrement diminué, permettant de ne plus utiliser fréquemment la canne lors de la marche. La manœuvre de Lasègue était positive, confirmant la présence d’un syndrome radiculaire actif avec un discret déficit sensitif et un doute concernant un déficit moteur. Dans ce contexte, la position assise était extrêmement mal tolérée avec la nécessité de s’asseoir en décharge de la fesse gauche et le besoin de se lever après moins de dix minutes de consultation pour déambuler dans la pièce.

j. Par avis du 25 septembre 2019, le SMR a relevé que, dans le rapport précité, le Dr B______ ne précisait pas si un examen par électroneuromyographie (ci-après : EMG) avait été pratiqué ou d’autres examens complémentaires, ni s’il avait prévu d’adresser sa patiente en consultation neurochirurgicale. Le SMR avait de la peine à comprendre les échecs de la prise en charge médicale et l’évolution retenue comme défavorable par le Dr B______ en l’absence d’un avis spécialisé chirurgical, chez cette assurée jeune de 30 ans. Le SMR préconisait alors une expertise orthopédique.

k. Dans un rapport du 28 octobre 2019, le Dr C______ a énuméré les limitations fonctionnelles de sa patiente en relation avec les lombalgies, à savoir la station debout ou assise prolongée, la marche sur longue distance et dorénavant sur de courts trajets, le soulèvement et le port de charges supérieures à 2 kg, le fléchissement du tronc et l’accroupissement. Il avait constaté une péjoration de l’état de santé de l’assurée depuis plusieurs mois, et cette dernière nécessitait l’aide de sa famille pour pouvoir s’occuper des tâches de la vie courante, d’elle-même et de sa fille en bas âge. Il était irréaliste qu’elle puisse travailler dans ces conditions.

l. L’OAI a confié l’expertise orthopédique au docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, lequel a examiné l’assurée le 10 mars 2020.

m. Dans son rapport d’expertise du 16 mars 2020, l’expert a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de lombosciatalgies chroniques à gauche avec discopathies D11-D12, pincement intersomatique et hernie discale médiane et paramédiane gauche, discopathie L4-L5 sous forme de dessiccation discale et discret débord discal circonférentiel, discopathie L5-S1 sous forme de pincement intersomatique et hernie paramédiane gauche ; de probable périarthrite de la hanche gauche ; et ceux, sans répercussion sur la capacité de travail, d’accouchement par césarienne en 2014 ; de tabagisme chronique ; de pré-obésité avec BMI à 28,7 ; et de personnalité à traits histrioniques et de trouble anxio-dépressif réactionnel (diagnostics du Dr G______).

n. L’expert a considéré que l’aggravation décrite par les médecins en juin 2019 était purement subjective, sans aucune progression des lésions discales à l’IRM de 2019 en comparaison à celui de 2016. Sur le plan psychique, étant chirurgien orthopédiste, il ne pouvait pas se prononcer.

Actuellement, l’assurée était enceinte d’environ seize semaines. Tous les traitements médicamenteux et de physiothérapie avaient été arrêtés. Depuis lors, elle décrivait avoir plus de douleurs le soir.

À l’issue de son examen, l’expert avait constaté deux signes de non organicité selon Waddell, à savoir les douleurs exacerbées lors de la pression céphalique axiale et lors de la rotation passive du tronc et le bassin bras au corps. 14 des 18 points douloureux selon Smythe pour la fibromyalgie étaient positifs. Ce diagnostic ne pouvait pas être retenu.

Il a conclu que l’assurée pourrait pratiquer uniquement une activité sédentaire ou semi-sédentaire permettant l’alternance à sa guise des positions debout et assise (table de travail à hauteur variable), l’évitement des travaux en position penchée ou en porte-à-faux, le port et le soulèvement de charges supérieures à 10 kg, les courts déplacements à plat étant possibles, avec une diminution de rendement de 20% environ en raison des douleurs et des changements de position nécessaires. L’incapacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était essentiellement due à l’appréciation subjective de la symptomatologie par celle-ci. L’intensité des douleurs et leur répercussion sociale, personnelle et professionnelle étaient en relation avec sa personnalité et son état psychique. Dans son activité habituelle, s’exerçant uniquement en position assise statique, et partiellement adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était d’environ 50%.

Le traitement conservateur était épuisé. Un traitement chirurgical sous forme d’une spondylodèse des deux derniers segments lombaires était susceptible de diminuer, voire faire disparaître, les douleurs de l’assurée.

En annexe figuraient :

     l’IRM plexus lombo-sacré du 22 juillet 2019, concluant à un examen superposable au comparatif du 9 novembre 2016, avec débords discaux en D11-D12, L4-L5 et L5-S1, responsables d’un contact avec l’émergence récessale de la racine S1 à droite en L4-L5 et avec la racine L5 gauche en extraforaminal en L5-S1 ;

     le rapport du 28 août 2019 du Dr B______, déjà cité ;

     un rapport du 2 octobre 2019 du Dr B______ adressé au docteur K______, spécialiste FMH en neurochirurgie, rappelant que l’assurée présentait une exacerbation de ses douleurs depuis le mois de mai se manifestant par une attitude en baïonnette et une irradiation dans le territoire L5 gauche avec un déficit sensitif et un Lasègue positif. L’IRM réalisée, relativement superposable à celle de 2017 (recte : 2016), montrait un possible conflit extraforaminal L5 gauche. Il existait donc possiblement une bonne corrélation radio-clinique, à compléter par un ENMG prévu fin octobre. Le médecin se demandait si une prise en charge chirurgicale était nécessaire ;

     un bilan ENMG du 31 octobre 2019, mettant en évidence un examen normal, en particulier l’absence d’arguments neurographiques pour une atteinte lésionnelle (axonale ou démyélinisante) L5 ou S1 gauche, l’absence de signes EMG (électromyographie) de dénervation aiguë/réinnervation chronique dans la musculature des myotomes L4-L5-S1 gauches, la normalité du réflexe H enregistré sur le muscle soléaire rendant peu probable une atteinte S1 gauche, et l’absence d’arguments ENMG pour une autre pathologie (neuropathie ou plexopathie). Il était précisé que le segment proximal sensitif était mal exploré par l’ENMG, et que, dans le cas de l’assurée, des potentiels évoqués sensitifs seraient intéressants, examen qui pourrait être effectué en particulier aux HUG ;

     un rapport du 25 novembre 2019 du Dr K______, posant le diagnostic de lombofessalgies gauches chroniques sur troubles dégénératifs du rachis lombosacré. L’assurée décrivait des douleurs à point de départ lombaire, à caractère axial, sans caractère inflammatoire ni mécanique. Le médecin ne retenait pas d’images de conflit radiculaire avec la racine L5 gauche, mais une discopathie dégénérative lombaire aux étages L4-L5 et L5-S1. Le jeune âge de la patiente et la chronicisation des douleurs étaient des facteurs limitant une intervention chirurgicale.

o. Par avis du 23 mars 2020, le SMR a fait siennes les limitations fonctionnelles décrites par le Dr J______, mais s’est écarté des conclusions de ce dernier quant à l’exigibilité de la poursuite de la profession de polisseuse en horlogerie, même au taux de 50%, au motif que cette activité, qui s’exerçait uniquement en position assise statique, était incompatible avec l’état de santé de l’assurée. Le SMR a conclu que la capacité de travail de celle-ci, nulle dans son activité habituelle, était de 100% dans une activité adaptée avec une perte de rendement de 20% depuis le 14 octobre 2018, date du début de l’aptitude à la réadaptation.

p. Dans une note du 23 mars 2020, l’OAI a fixé le revenu sans invalidité de l’assurée en se basant sur les données communiquées par l’employeur le 6 décembre 2017, dont il ressortait que le salaire AVS de l’assurée s’élevait à CHF 61'555.- depuis le 1er avril 2016, et en précisant que les fiches de salaire pour l’année 2016 mentionnaient un salaire mensuel de CHF 4'735.-, versé treize fois. Après l’indexation à 2018, ce montant était porté à 62'078.-. Le revenu avec invalidité a été arrêté à CHF 39’632.-, ce qui correspondait au salaire d’une femme travaillant dans une activité de niveau 1, tous secteurs confondus (total) selon le tableau TA1_tirage_skill_level de l’Enquête Suisse sur la Structure des Salaires (ci-après : ESS) 2016, adapté à la durée normale hebdomadaire de travail (41,7 heures), indexé en 2018, tenant compte d’une diminution de rendement de 20%, et réduit de l’abattement de 10% retenu. La comparaison des gains aboutissait à une perte de gain de 36,16%.

C.      a. Dans un projet de décision du 27 mars 2020, lui ayant reconnu le statut de personne active à plein temps, l’OAI a annoncé à l’assurée qu’il entendait lui octroyer une demi-rente d’invalidité à partir du 13 mars 2018, puis une rente entière du 1er mai au 31 décembre 2018. Sa capacité de travail dans son activité habituelle était nulle dès le 13 mars 2017, de 50% dès le 17 avril 2017, nulle dès le 12 juin 2017, de 50% dès le 27 novembre 2017 et nulle dès le 12 mai 2018. Elle était entière, dans une activité adaptée respectant ses limitations fonctionnelles, avec une baisse de rendement de 20% depuis le 1er octobre 2018. À l’échéance du délai d’attente d’un an, le 13 mars 2018, une comparaison des revenus pour l’évaluation de son invalidité était superflue ; son incapacité de gain se confondait avec son incapacité de travail de 50%. Le taux moyen d’incapacité de travail dans son activité habituelle durant le délai d’attente d’un an était de 78%. Ainsi, dès la date de l’aggravation de son état de santé le 12 mai 2018, une rente entière lui était accordée sans tenir compte des trois mois d’observation. Par contre, dès la date du début de l’aptitude à la réadaptation, le 1er octobre 2018, sa perte de gain s’élevait à 36%, inférieure au seuil de 40%. Sa rente était en conséquence supprimée, après un délai d’observation de trois mois, soit à compter du 1er janvier 2019. Enfin, d’autres mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans sa situation.

b. Par pli du 10 avril 2020, l’assurée a contesté ce projet de décision et sollicité une prolongation de délai pour faire valoir ses droits, laquelle lui a été accordée, par courrier de l’OAI du 16 avril 2020, au 2 juin 2020.

c. Dans un rapport du 2 juin 2020, le Dr B______ a reproché à l’OAI d’avoir mis en œuvre uniquement une expertise orthopédique, alors que la patiente souffrait d’un problème chronique rachidien sévère intriqué à un problème psychiatrique qui nécessitait un suivi régulier. Le Dr J______ était sorti de sa zone de compétence en concluant que l’intensité des douleurs de l’assurée et ses répercussions sociale, personnelle et professionnelle étaient en relation avec sa personnalité et son état psychique.

Le Dr B______ a rappelé que, dans ses rapports des 10 juillet et 28 août 2019, il avait fait état de l’existence d’éléments objectifs d’aggravation clinique, à savoir un syndrome lombo-vertébral sévère entraînant une déformation rachidienne en baïonnette et l’apparition d’un Lasègue positif, signalant la présence d’une irritation radiculaire. En conséquence, le diagnostic avait changé, passant d’une lombalgie commune à une lombalgie avec un syndrome radiculaire, communément appelée une sciatique, provoquant des limitations fonctionnelles plus sévères. Il s’étonnait que l’expert ait retenu, dans ces circonstances, une aggravation « purement subjective ». Ce dernier ignorait que le syndrome radiculaire était lié à un phénomène biologique (inflammation d’une racine nerveuse, sans qu’il n’ait besoin d’une aggravation radiologique pour retenir une hernie discale symptomatique caractérisée par un syndrome radiculaire). Les syndromes radiculaires étaient connus pour être plus sévères et duraient plus longtemps que les lombosciatalgies communes. L’indication pour une intervention chirurgicale, reconnue par l’expert lui-même, témoignait de l’aggravation de l’état de santé. Dans ce contexte, il était incompréhensible que le Dr J______ ait conclu à une pleine capacité de travail. En cas de syndromes radiculaires sévères, aucune position n’était confortable (ni la position assise, ni le piétinement, ni la marche qui était en général supportée sur de courtes distances). Or, l’expert ne précisait pas quelle activité adaptée l’assurée pourrait encore exercer.

Le Dr B______ a également souligné que l’OAI avait admis une diminution des capacités fonctionnelles de l’assurée en 2017 et en 2018 sur des périodes pendant lesquelles son état clinique était objectivement moins sévère que depuis juin 2019, date de l’aggravation clinique objective dont l’OAI faisait abstraction.

d. Par avis du 15 juin 2020, le SMR a indiqué que le médecin traitant évoquait un changement de diagnostic (lombalgie avec syndrome radiculaire), et rappelé que le Dr J______ avait bien retenu une atteinte de type lombosciatalgies en rapport avec une discopathie L5-S1. Le SMR a admis une aggravation de l’état de santé de l’assurée en juin 2019 et conclu que sa capacité de travail dans une activité adaptée était de 100% du 14 octobre 2018 à mai 2019, de 0% de juin 2019 à février 2020 et de 100% avec une perte de rendement de 20%, depuis mars 2020.

e. Dans une note du 15 juin 2020, l’OAI a fixé le revenu avec invalidité à CHF 39'370.-, correspondant au salaire d’une femme travaillant dans une activité de niveau 1, tous secteurs confondus (total) selon le tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2018, adapté à la durée normale hebdomadaire de travail (41,7 heures), indexé en 2020, tenant compte d’une diminution de rendement de 20%, et réduit de l’abattement de 10% retenu. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 62'078.-, il en résultait une perte de gain de CHF 36,58%.

f. Dans un courrier du 1er juillet 2020, complété le 21 juillet suivant, l’assurée, sous la plume de son conseil, a demandé la reconsidération de son cas. Elle a relevé que son état psychique, qui s’était dégradé depuis l’été 2019, n’avait fait l’objet d’aucune mesure d’instruction supplémentaire, alors que le SMR, dans son avis du 17 juillet 2019, invitait à réexaminer la situation sous cet angle dans les six mois.

Elle a annexé un rapport du 6 juillet 2020 de la Dresse E______, mentionnant suivre l’assurée depuis le 10 juillet 2018, à raison d’une séance bimensuelle, intensifiée dernièrement à une séance hebdomadaire. Celle-ci présentait un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et un épisode dépressif léger à moyen (F32.0). Elle éprouvait des douleurs physiques, source d’anxiété, de détresse, de perte de motivation et de satisfaction tant au travail que dans sa vie quotidienne. La symptomatologie, d’origine physique pure ou en partie psychosomatique, entraînait un certain degré d’incapacité de travail. La psychiatre traitante ne pouvait se prononcer sur l’incapacité de travail de l’assurée dans l’horlogerie, mais estimait que les diagnostics précités diminuaient sa capacité de travail depuis 2018, date de la péjoration des symptômes dépressifs et anxieux, de 40%, 20% étant due au trouble somatoforme et 20% à l’épisode dépressif. Il était difficile de se déterminer sur la capacité de travail dans une activité adaptée, car « le trouble somatoforme n’était pas directement dépendant de l’activité professionnelle et de ses aménagements ». Le trouble somatoforme, en interaction avec l’état psychique et somatique, influençait le rendement. Les douleurs, quelles qu’en fussent les causes, avaient un impact, secondairement, sur l’humeur et l’anxiété. Les troubles avaient également des répercussions sur la vie familiale et le sommeil. Il était compliqué de trouver un traitement somatique et psychothérapeutique adéquat.

g. Par décision du 27 juillet 2020, l’OAI a confirmé les termes de son projet de décision et reconnu en outre le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité du 1er juin 2019, date de l’aggravation de son état de santé, jusqu’au 31 mai 2020, soit trois mois après l’amélioration de sa capacité de gain le 1er mars 2020, date à compter de laquelle sa perte de gain – après réactualisation du revenu avec invalidité – s’élevait à 36%, sous déduction des indemnités journalières déjà versées dans le cadre des mesures d’ordre professionnel du 24 juin 2019 au 31 janvier 2020.

D.      a. Par acte du 14 septembre 2020, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a interjeté recours contre cette décision, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire rhumatologique et psychiatrique, ainsi qu’à son audition et à celle des Drs B______ et E______, et principalement, à l’annulation de cette décision et à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 13 mars au 12 mai 2018 et d’une rente entière depuis lors.

La recourante a contesté disposer d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 20% entre le 1er janvier et le 30 mai 2019 puis dès le 1er juin 2020. Elle se demandait sur quel élément s’était fondé l’intimé pour fixer le début de l’aptitude à la réadaptation au 1er octobre 2018. Ni le Dr F______ ni le Dr J______ ne s’étaient prononcés à ce sujet dans leur rapport d’expertise. Or, ses médecins traitants avaient fait état d’une aggravation de son état de santé le 12 mai 2018, puis en juin 2019. Du reste, l’intimé avait reconnu la péjoration de son état de santé en juin 2019. Celui-ci avait d’ailleurs écarté l’appréciation du Dr J______ quant à l’exigibilité de l’exercice de l’activité habituelle, ce qui était de nature à faire douter de la valeur probante du rapport d’expertise, dont les conclusions étaient relativement simplistes, visiblement lacunaires et peu motivées.

Elle a également reproché à l’intimé de ne pas avoir mis en œuvre une expertise psychiatrique, alors que le SMR considérait en juillet 2019 que la situation devait être réévaluée tant sur le plan rhumatologique que psychiatrique, d’autant plus que le Dr J______ relevait lui-même l’interaction entre les troubles physiques et psychiques. Ainsi, une appréciation bidisciplinaire apparaissait indispensable. À cet égard, les conclusions du Dr G______, expert psychiatre, ne pouvaient être suivies, vu l’aggravation alléguée par la Dresse E______. La recourante a mentionné au passage que la valeur probante des rapports du Dr G______ avait à plusieurs reprises été niée par la chambre de céans dans d’autres procédures. Pour le surplus, elle a renvoyé aux prises de position des Drs B______ et E______.

En l’état, la recourante a estimé que sa capacité de travail était nulle dans toute activité, ne voyant pas quelle profession sur le marché ordinaire était compatible à ses limitations fonctionnelles.

Elle a ensuite exposé que son revenu sans invalidité était en 2016 de CHF 64'244.- d’après l’extrait de son compte individuel du 12 septembre 2017 établi par la Caisse cantonale genevoise de compensation figurant au dossier , soit un revenu réactualisé de CHF 64'789.- qu’il convenait de prendre en compte, constatant du reste que l’intimé s’était basé sur un revenu annuel déterminant de CHF 64'755.- pour le calcul de ses indemnités journalières.

S’agissant de son revenu avec invalidité, elle a considéré qu’une diminution de rendement de 20% supplémentaire devait être retenue au vu des observations de son psychiatre traitant, et ajouté que le taux d’abattement devait être porté à 15% au minimum compte tenu de ses limitations fonctionnelles.

b.   Dans sa réponse du 2 novembre 2020, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Après avoir rappelé les conclusions des médecins traitants, celles des Drs G______ et F______, ainsi que celles du Dr J______, l’OAI a relevé que le SMR, dans son avis du 23 mars 2020, n’avait pas remis en question les constatations du Dr J______, mais seulement la conformité des limitations fonctionnelles au poste de travail dans l’activité habituelle, soit une problématique qui relevait de la réadaptation.

Il a produit l’avis du SMR du 20 octobre 2020, dans lequel ce dernier considérait que, dans son rapport du 6 juillet 2020, la Dresse E______ ne décrivait pas le traitement de sa patiente, ni le status clinique psychiatrique. Le SMR rappelait que l’expert psychiatre en mars 2019 n’avait pas retenu de diagnostic psychiatrique incapacitant, notamment pas de syndrome douloureux somatoforme persistant, ni de trouble dépressif constitué. La Dresse E______, dans son rapport du 25 octobre 2018, décrivait les mêmes diagnostics que ceux posés dans son rapport du 6 juillet 2020. Ainsi, elle n’amenait pas d’éléments objectifs pour justifier l’aggravation sur le plan psychiatrique. Il n’existait dès lors pas d’argument pour s’éloigner des conclusions de l’expertise psychiatrique de mars 2019.

En ce qui concernait le rapport du 2 juin 2020 du Dr B______, le SMR rappelait qu’en mars 2019, l’expert psychiatre n’avait retenu aucune atteinte psychiatrique incapacitante, mais seulement des traits histrioniques. Depuis lors, aucun élément médical objectif d’aggravation sur le plan psychiatrique n’avait été versé au dossier. Le Dr J______ s’exprimait sur la personnalité de l’assurée, mais en aucun cas ne l’évaluait comme incapacitante. En mars 2019, les tests psychométriques d’auto-évaluation avaient mis en évidence une discordance avec les tests d’hétéro-évaluation, révélant chez l’assurée une perception subjective de ses difficultés par rapport aux éléments objectifs observés lors de l’expertise bidisciplinaire. Le Dr B______ n’avait d’ailleurs jamais décrit la présence d’un trouble somatoforme douloureux associé à l’atteinte somatique. Il évoquait une pathologie ostéo-articulaire bien précise.

Le SMR ajoutait que le Dr B______ faisait état d’une aggravation sur le plan rhumatologique depuis juin 2019, en présence d’un sévère syndrome lombo-vertébral et d’un signe de Lasègue positif parlant pour une irritation sensitive. Lors de l’expertise rhumatologique de février 2019, l’expert avait constaté un Lasègue négatif, qui était positif en juin 2019 et en mars 2020 auprès du Dr J______. Par contre, les plaintes de douleurs irradiant dans le membre inférieur gauche étaient déjà présentes en février 2019, et l’expert avait alors observé une diminution de la sensibilité de tout le membre inférieur gauche, sans territoire sensitif défini. Toutefois, l’EMG de novembre 2019 était revenu normal et il n’existait pas au dossier d’évaluation de l’atteinte sensitive par un autre neurologue. Par ailleurs, les deux IRM de 2016 et de juillet 2019 étaient superposables, et le Dr K______ ne retenait pas de compression sur la racine S1 à la lecture de ces images. Ainsi, en l’absence de déficit sensitif sur un territoire précis, de déficit moteur, ou de nouvelle anomalie à l’IRM, le Dr J______ n’avait pas retenu d’aggravation objective. Cependant, le SMR avait admis une aggravation de l’état de santé de l’assurée entre juin 2019 et février 2020, en lui reconnaissant une incapacité de travail totale durant cette période.

Le SMR expliquait de plus que la requête d’un avis neurochirurgical n’était pas un élément objectif parlant en faveur d’une aggravation de l’état de santé. Un tel avis pouvait être demandé, en cas d’absence d’amélioration de la situation, après épuisement du traitement conservateur. Il rappelait que les Drs K______ et J______ avaient retenu l’indication à une stabilisation L4-S1 en présence d’une discopathie et émis des doutes quant à l’évolution positive d’une opération sur les douleurs chroniques.

Le SMR relevait enfin que le Dr J______ avait admis une baisse de rendement de 20% correspondant au temps nécessaire pour changer régulièrement de position. Du reste, le rôle de l’expert était de décrire les limitations fonctionnelles et la capacité de travail, et il revenait au service de réadaptation d’évaluer si une telle activité professionnelle existait. L’expert avait par ailleurs noté que l’assurée était totalement indépendante pour toutes les activités du quotidien (repas, vaisselle, ménage, lessive, courses, éducation de sa fille, trajets à l’école, déplacements), hormis le port de courses lourdes.

Le SMR concluait que les nouveaux rapports médicaux n’apportaient pas d’élément objectif permettant de remettre en question son appréciation du cas.

Sur cette base, l’intimé a fait valoir que les allégations de la recourante à l’encontre des expertises figurant au dossier étaient fondées uniquement sur une opinion divergente de ses médecins traitants, sans que la crédibilité de ces expertises ne soit remise en cause. Celles-ci devaient se voir reconnaître pleine valeur probante dès lors qu’elles s’appuyaient sur une analyse circonstanciée du dossier, une anamnèse complète, des examens cliniques détaillés, les plaintes de l’assurée et l’étude des avis discordants. Par ailleurs, les experts n’avaient ignoré aucun élément objectif.

L’intimé a ensuite expliqué avoir fixé le revenu sans invalidité sur la base des données communiquées par l’employeur, relevant que, de toute manière, le montant allégué par la recourante (CHF 64'789.-) conduisait à un degré d’invalidité inférieur à 40%. Les montants pris en compte pour le calcul des indemnités journalières étaient irrelevants, dans la mesure où ils incluaient des éléments externes au calcul de l’invalidité.

Enfin, l’intimé a estimé qu’un taux d’abattement supérieur à 10% ne se justifiait pas. Celui-ci tenait compte des limitations fonctionnelles, à savoir le port de charges supérieures à 10 kg et le travail en position de porte-à-faux. Celle en lien avec l’alternance des positions avait été prise en considération lors de l’évaluation de la capacité résiduelle de travail par la baisse de rendement de 20%, ce qui avait déjà une incidence sur le calcul du revenu d’invalide.

c. Dans sa réplique du 16 décembre 2020, complétée le lendemain, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a joint le rapport du 10 décembre 2020 de la Dresse E______, dans lequel cette dernière indiquait que les conclusions du SMR lui semblaient erronées et lacunaires sur certains points. Elle lui reprochait de prendre en compte chaque affection séparément et de dénigrer tout point de vue qui tenait compte de l’ensemble de la situation de la patiente. Elle rappelait que les diagnostics de syndrome douloureux somatoforme persistant et de dépression légère en 2018, moyenne en 2020, qu’elle avait posés, s’opposaient à ceux de l’expert qui retenait en mars 2019 des douleurs subjectives. Or, la différence constatée à cette époque entre le questionnaire d’auto-évaluation et d’hétéro-évaluation venait à corroborer la présence du trouble somatoforme selon la littérature. Il s’agissait, dans ce cas précis, de l’intrication entre une affection somatique avérée et un trouble somatoforme chez une patiente présentant certaines caractéristiques d’une personnalité histrionique. La dépression était secondaire à ce trouble. En 2020, celle-ci présentait une thymie triste avec des pleurs fréquents, une tension, une irritabilité importante, des angoisses, une fatigue importante, une perte de plaisir, un retrait et une faible estime d’elle-même. Elle ne parvenait pas à investir sa grossesse et exprimait parfois des idées noires, avec envie de fuir et tout abandonner, même sa fille aînée. Elle se plaignait de difficultés de concentration et de mémoire, ainsi que d’un trouble du sommeil perturbé principalement par ses douleurs. La patiente était quotidiennement soutenue par sa sœur et sa mère pour le ménage, les soins à prodiguer à sa fille et les trajets, et par le père pour les courses.

Sur cette base, la recourante a allégué que l’aide de ses proches avait été sous-estimée par l’expert, et que sa psychiatre traitante avait critiqué de manière circonstanciée les diagnostics retenus par l’expert psychiatre.

Elle a fait grief à l’intimé de n’avoir pas expliqué les motifs pour lesquels il avait fixé le début de l’aptitude à la réadaptation au 12 mai 2018, puis au 1er juin 2020 en dépit de la reconnaissance d’une aggravation de l’état de santé en juin 2019. De même, l’intimé n’avait pas indiqué quelle activité professionnelle elle pourrait encore exercer.

Elle a soutenu que l’intimé aurait dû diligenter une nouvelle expertise psychiatrique, et solliciter un consilium interdisciplinaire, pour évaluer l’interaction entre les différents troubles.

Elle a ensuite estimé que ses limitations fonctionnelles avaient été sous-évaluées par le Dr J______ et allégué présenter des périodes d’incapacité de travail totale plus ou moins longues lors des phases d’exacerbation des symptômes. Ainsi, déclarait-elle, l’intimé avait retenu à tort une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 20% seulement.

À l’appui de sa position, elle a produit le rapport du 8 décembre 2020 du Dr B______, dans lequel ce dernier remarquait que le SMR, dans le dernier avis, n’avait pas suivi l’expert orthopédiste et retenu une incapacité de travail totale durant la phase d’exacerbation des symptômes. Le Dr B______ reprochait au Dr J______ de ne pas avoir admis, à titre de limitations fonctionnelles, les difficultés liées à la position assise, classiques comme en l’espèce, en cas de lombalgies communes chroniques ou de syndromes radiculaires sur hernie discale. Le point le plus difficile dans l’évaluation de ce dossier portait, selon lui, sur deux caractéristiques. La première concernait les exacerbations récurrentes pouvant correspondre à un syndrome radiculaire irritatif non déficitaire. Dans ces moments, l’incapacité de travail était totale, comme le reconnaissait le SMR. Le dernier épisode remontait à octobre 2020. La deuxième caractéristique avait trait aux limitations fonctionnelles en dehors des périodes d’exacerbations, dues à la conjonction d’un problème somatique (lombalgies communes chroniques) et d’un tableau psychologique, qui n’était pas celui d’une maladie psychiatrique constituée, mais qui comportait de nombreuses caractéristiques dépressives et anxieuses – l’assurée avait rapporté un épisode correspondant très probablement à une attaque de panique pendant le confinement , amenant le Dr B______ à discuter la notion de trouble somatoforme douloureux. Ce diagnostic décrivait le mieux la situation de l’assurée et ses limitations fonctionnelles réelles et objectivées qu’elle présentait dans sa vie quotidienne.

S’agissant du revenu sans invalidité, la recourante a argumenté qu’il y avait lieu de se fonder sur les montants inscrits sur son compte individuel, sur lesquels avaient été perçues les cotisations. Le formulaire complété par l’employeur ne permettait pas de déterminer son revenu de façon suffisamment précise.

d. Dans sa duplique du 1er février 2021, l’intimé s’est rallié à l’avis joint du SMR du 19 janvier 2021, dans lequel ce dernier indiquait que l’expert psychiatre en mars 2019 n’avait retenu ni un trouble dépressif constitué ni un syndrome douloureux somatoforme persistant. La Dresse E______, qui décrivait ce syndrome déjà dans son rapport du 25 octobre 2018, puis dans ceux des 6 juillet et 10 décembre 2020, n’avait amené aucun élément objectif justifiant son diagnostic et l’aggravation sur le plan psychique. La description du quotidien de l’assurée était superposable à celle mentionnée par les experts en mars 2019 et en mars 2020. Celle-ci était indépendante pour les tâches légères et était aidée pour les tâches ménagères plus lourdes. En ce qui concernait le rapport du 8 décembre 2020 du Dr B______, le SMR relevait que les limitations fonctionnelles, définies dans son avis du 23 mars 2020, étaient celles habituellement reconnues lors d’épargne du rachis lombaire. Le médecin traitant, en sa qualité de rhumatologue, n’avait pas à se prononcer sur le plan psychiatrique. Le SMR rappelait par ailleurs que l’assurée était enceinte en 2020 et qu’une exacerbation des lombosciatalgies était souvent constatée en fin de grossesse, en général limitée dans le temps. Il n’existait ainsi pas d’argument objectif pour retenir une aggravation sur le long terme sous l’angle rhumatologique. En définitive, le SMR maintenait ses précédentes conclusions.

e. Par observations du 25 février 2021, la recourante a souligné que le rapport d’expertise du Dr G______ était basé sur un bref entretien d’une heure et demi, dont les conclusions avaient été remises en cause tant par la psychiatre traitante que par le Dr B______, qui, bien qu’il ne soit pas psychiatre, appuyait le diagnostic de trouble somatoforme, ainsi que l’aggravation de l’état de santé général. Ce médecin était du reste spécialisé en consultation multidisciplinaire du rachis, impliquant fréquemment des éléments de nature psychiatrique.

Elle a ajouté que l’expertise des Drs G______ et F______ était peu convaincante, en présence d’un cumul simpliste de leurs conclusions sans réelle mise en commun de leurs résultats. Par ailleurs, l’évaluation du Dr F______ était critiquable à plusieurs égards, notamment s’agissant de l’incertitude quant à la date d’exigibilité [dans l’activité habituelle] et de la « probable » augmentation progressive de celle-ci, sans motivation. À l’époque, le SMR, lui-même, avait préconisé une réévaluation tant physique que psychique en raison de l’aggravation des symptômes et de l’absence de stabilisation de l’état de santé. Or, il n’avait jamais fourni la moindre explication sur les raisons pour lesquelles il avait renoncé à un nouvel examen psychique ou à requérir un consilium avec le Dr G______ sur la base des conclusions de l’expertise du Dr J______. Les médecins traitants insistaient, par contre, sur le fait que l’imbrication des troubles physiques et psychiques devait faire l’objet d’une appréciation globale de la capacité de travail. La recourante a également reproché à l’intimé d’avoir, sur le plan somatique, attribué à sa grossesse les récentes phases d’exacerbation des symptômes, alors que les poussées symptomatiques et douloureuses étaient survenues bien avant. L’intimé s’était d’ailleurs distancié des conclusions du Dr J______ quant à l’incapacité de travail durant les phases d’exacerbation des symptômes, en particulier entre juin 2019 et mars 2020, si bien qu’il convenait de remettre en cause la valeur probante de toute l’expertise.

f. Invité à se déterminer, par écriture du 22 mars 2021, l’intimé s’est borné à persister dans ses conclusions.

g. Le 27 avril 2021, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait confier une expertise bidisciplinaire aux docteurs L______, spécialiste FMH en rhumatologie, et M______, spécialiste FMH en psychiatrie, et leur a imparti un délai pour se déterminer sur les experts proposés, ainsi que sur les questions à leur poser.

h. Par pli du17 mai 2021, l’OAI n’a fait valoir aucune cause de récusation, ni n’a sollicité l’ajout de questions supplémentaires dans la mission d’expertise. Par courrier du 4 juin 2021, la recourante a annoncé n’avoir pas de motif de récusation à invoquer et a proposé l’intégration de questions complémentaires, la reformulation des questions 6.3.3 (volet rhumatologique) et 9.3.3 (volet psychiatrique), ainsi que la suppression de la question 8.1 (volet psychiatrique), ce dont la chambre de céans a tenu compte.

i. Par ordonnance d’expertise du 18 juin 2021, la chambre de céans a mandaté les docteurs L______ et M______ pour effectuer une expertise bidisciplinaire de la recourante avec une appréciation consensuelle du cas.

j. L’expert psychiatre M______, se fondant sur les pièces au dossier ainsi que sur trois entretiens avec l’expertisée, réalisés en date du 14 septembre, du 23 septembre et du 27 septembre 2021, a rendu son rapport d’expertise en date du 21 décembre 2021.

L’expert a constaté une thymie triste, avec fixation de la tonalité au pôle dépressif, un élan vital en baisse avec aboulie et anhédonie partielle. Il a relevé au niveau de la personnalité un Moi souffrant d’une blessure narcissique au premier plan, avec décalage perceptible entre un idéal de moi centré sur l’autosuffisance et l’acceptation sociale et une réalité vécue comme avilissante. L’évaluation neuropsychologique de l’expertisée mettait en évidence un fonctionnement intellectuel de niveau très faible à limite. Les difficultés attentionnelles étaient très significatives, mais sans antécédent en faveur d’un TDAH, ainsi que des difficultés en cognition sociale et un déficit de l’affect. L’expert a retenu les diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de syndrome douloureux somatoforme persistant dès 2017 (F 45.4) ; d’épisode dépressif moyen dès 2020 (F 32.1) et de traits de personnalité narcissique dès le début de l’âge adulte (Z 73.1). Il a également constaté une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques des 2020, mais sans répercussion sur la capacité de travail (F 68.0). Le Dr M______ a relevé que les pathologies s’inscrivaient dans le contexte d’une personnalité à traits narcissiques, aux défenses rigides basées sur la projection et le repli sur soi. Le syndrome douloureux somatoforme persistant était de gravité moyenne, avec un impact significatif, mais non homogène dans les activités de la vie quotidienne, mais avec des répercussions significatives sur la qualité de vie sociale et affective. Les symptômes dépressifs avaient existé dès 2018, dans le contexte de l’installation du syndrome douloureux mais avaient gagné en sévérité dès 2020, avec un épisode dépressif moyen non traité, qui impactait significativement sur le quotidien de l’expertisée.

Les limitations fonctionnelles décrites étaient, pour le syndrome douloureux somatoforme persistant : une focalisation sur le sentiment d’être bloquée avec abandon des tâches, repli sur soi, assumant une position d’invalide traitée injustement par l’entourage, une vision pessimiste de l’avenir, l’impossibilité d’assumer pleinement le rôle de mère et un désinvestissement de sa relation de couple et de sa vie sociale. Pour l’épisode dépressif moyen les limitations fonctionnelles étaient : l’aboulie, l’anhédonie, une faible estime de soi, une tendance à éviter toute exposition, l’irritabilité, les idées noires occasionnelles, la baisse significative des fonctions instinctuelles ayant un impact majeur dans sa vie affective sociale, mais aussi sur ses capacités d’adaptation professionnelle. Pour les traits de personnalité narcissique, les limitations fonctionnelles étaient : un vécu douloureux en décalage entre son image autosuffisante du passé et une dépendance inacceptable, des réactions de repli hostiles avec diminution de la communication. S’agissant des dates d’apparition, l’expert considérait que l’épisode dépressif à sa forme moyenne datait de 2020 ; il était secondaire à la chronicisation des douleurs somatoformes qui, elles, étaient apparues en 2017. Les traits de personnalité narcissique aggravaient les limitations fonctionnelles, dans le cadre de la pathologie dépressive et somatoforme. Les plaintes étaient objectivées, sur le plan psychiatrique concernant le syndrome douloureux somatoforme et l’épisode dépressif moyen ; le tableau clinique était cohérent, compte tenu des diagnostics retenus. L’expertisée était considérée comme authentique dans sa souffrance, la majoration des symptômes observés étant essentiellement inconsciente et n’étant pas compatible avec une simulation.

S’agissant de la capacité de travail, sur un plan psychiatrique en tenant compte de l’ensemble des observations l’expert retenait une incapacité de travail de 20% pour le syndrome douloureux somatoforme et ceci dès 2018 ainsi qu’une incapacité de travail de 20% à partir de juin 2019 jusqu’à ce jour, pour toute activité, en raison de l’épisode dépressif moyen. Ainsi, dès le mois de juin 2019, l’expert considérait que l’incapacité de travail pour des raisons psychiatriques était de 40%. Sur le plan psychiatrique, l’expertisée était capable d’exercer son activité lucrative habituelle ; il était encore relevé que l’introduction d’un traitement antidépresseur avait été tentée, sans aucun succès jusqu’à présent.

k. L’expert rhumatologue L______, se fondant sur les pièces au dossier ainsi que sur un examen de l’expertisée, réalisé en date du 4 novembre 2021, a rendu son rapport d’expertise en date du 7 janvier 2022.

Il a retenu comme diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail un syndrome radiculaire L5 gauche déficitaire depuis 2019 (M 54.4) et une suspicion de spondylarthrite indifférenciée depuis 2016 (M 45).

Se fondant sur les examens radiologiques, l’expert a considéré que ces derniers montraient clairement une atteinte des derniers disques lombaires qui pouvaient expliquer les douleurs lombaires présentées par l’expertisée ; en résumé, cette dernière souffrait clairement d’une atteinte inflammatoire mécanique du rachis lombaire et dorsal et les plaintes présentées étaient en complète adéquation avec l’examen clinique et radiologique.

En ce qui concernait les limitations fonctionnelles, l’expert a considéré que l’expertisée devait pouvoir changer de position toutes les 30 minutes, ne devait pas porter ou soulever plus de 3 kg, ne devait pas faire des mouvements répétés du rachis et ne devait pas se déplacer sur plus d’un kilomètre. Ces limitations étaient présentes depuis le début de 2017 et les plaintes étaient parfaitement objectivées. S’agissant de la capacité de travail, l’expert a retenu une incapacité de travail de 100%, du 20 mars au 17 avril 2017 ; une incapacité de travail de 50%, du 18 avril au 11 juin 2017 ; une incapacité de travail de 100% du 12 juin au 26 novembre 2017 ; une incapacité de travail de 50% dès le 27 novembre 2017 et jusqu’au 26 juin 2019. Enfin une incapacité de travail à 100% dès le 27 juin 2019. Les périodes d’incapacité étaient les mêmes pour les deux diagnostics retenus, le médecin ajoutant que l’expertisée n’était plus capable d’exercer son activité lucrative habituelle et n’était pas non plus capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles. En effet, l’aggravation des symptômes à partir de juin 2019 rendait impossible toute activité, il fallait remarquer que son travail de polisseuse pouvait être considéré comme adapté à ces maladies pour une activité à 50% jusqu’à la péjoration de 2019. Pour l’avenir, l’expert considérait que la question d’une activité lucrative adaptée devait se poser après les prises en charge qu’il proposait dans sa conclusion, ajoutant que des mesures médicales étaient nécessaires, préalablement à la reprise d’une activité lucrative, comme de débuter un traitement test de la spondylarthrite ankylosante durant 3 à 4 mois puis, en cas d’échec, de proposer le traitement chirurgical. Il estimait que les traitements proposés devaient permettre une reprise du travail, dans l’activité habituelle, dans un premier temps à 50%, puis dans les six mois à 100%. L’expert terminait en mentionnant qu’il était regrettable que l’OAI ait confié le mandat d’expertise à un orthopédiste en lieu et place d’un rhumatologue et que l’option inflammatoire n’ait pas été discutée. S’agissant de l’appréciation médicale du Docteur B______, il s’y ralliait à 100%, tenant à remarquer que ce médecin était considéré comme le médecin de référence à Genève pour tous les problèmes rhumatologiques du rachis.

l. Dans leur appréciation consensuelle du cas, les deux experts considéraient que l’expertisée présentait, à l’heure actuelle, une incapacité de travail totale en lien avec les pathologies rhumatologiques et psychiatriques. Une fois traitée l’affection rhumatologique, la capacité de travail pouvait être établie progressivement à 60% dans un laps de temps de 12 mois et à 100% après 24 mois, dans son activité usuelle. La gestion des douleurs pouvait permettre une amélioration progressive de l’épisode dépressif et du syndrome douloureux somatoforme persistant, mais une nouvelle évaluation de la capacité de travail devrait avoir lieu, en fonction des conclusions de cette expertise.

m. Se fondant sur l’avis médical du SMR daté du 27 janvier 2022, l’OAI a considéré que les deux expertises réalisées comportaient des éléments incohérents et des conclusions arbitraires, de sorte que leur valeur probante devait être remise en cause. Sur le plan rhumatologique, l’OAI considérait que l’expertise parvenait quasiment aux mêmes constatations, limitations et diagnostics que l’expertise du Dr J______, tout en concluant que l’activité adaptée était impossible, alors que l’activité habituelle pouvait être reprise dans les six mois, à 100%, avec un traitement adéquat. S’agissant de l’expertise psychiatrique, l’OAI considérait que le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux persistant ne trouvait pas vraiment de justification dans le contenu de l’expertise ; il était également mentionné qu’un biais de réponse très significatif avait été relevé par l’expert, comme cela avait été relevé déjà par le Dr G______. Enfin, en ce qui concernait l’évaluation consensuelle, l’OAI voyait un conflit manifeste entre les diagnostics posés par l’expert rhumatologue et l’expert psychiatre, l’un posant un certain diagnostic et l’autre, un diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant. S’agissant de la capacité de travail, l’OAI considérait que les conclusions consensuelles des experts étaient en contradiction avec leurs constatations séparées. Dès lors, niant la valeur probante des expertises, l’OAI maintenait sa propre appréciation, à savoir une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée aux limitations du rachis puis une capacité de travail de 100% dès le 14 octobre 2018 de 0% dès le mois de juin 2019 et de 80% dès le mois de mars 2020.

n. De son côté, la recourante a fait siennes les conclusions des experts et a modifié les conclusions de son recours de la manière suivante : annuler la décision de l’OAI du 27 juillet 2020, reconnaître le droit et octroyer à la recourante une rente invalidité de 50% à compter du 13 mars 2018 jusqu’au 26 juin 2019 puis de 100% à compter du 27 juin 2019.

o. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

p. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours, interjeté contre la décision du 27 juillet 2020, notifiée le 31 juillet 2020, est recevable.

4.        Le litige porte sur le point de savoir si la recourante peut prétendre à une rente entière d’invalidité dès le 27 juin 2019, singulièrement si c’est à bon droit que l’intimé a limité l’allocation de cette prestation à la période allant du 1er mai au 31 décembre 2018, et du 1er juin 2019 au 31 mai 2020.

5.        Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5; ATF 113 V 273 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

6.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.        En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.        En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

9.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

10.    Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

11.    Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

12.    Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 [RAI – RS 831.201]; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

13.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

14.   

14.1 A titre liminaire, il sera rappelé que le statut de l’assurée est celui d’une personne travaillant à plein temps, comme cela ressort des indemnités journalières versées par l’assureur maladie perte de gain, étant précisé que ce taux d’activité à plein temps n’est pas contesté.

14.2 En l’espèce, il s’agit d’examiner la capacité de travail de la recourante, pour différentes périodes.

14.3 Pour la période litigieuse dès le 1er mai 2018, l’intimé, se référant aux rapports d’expertise des Drs J______ et G______, a retenu, en raison de l’atteinte à la santé de la recourante, polisseuse en horlogerie, que la capacité de travail de cette dernière est nulle dans toute activité du 12 mai au 13 octobre 2018, ainsi que du 1er juin 2019 au 29 février 2020, mais entière dans une activité adaptée du 14 octobre 2018 au 31 mai 2019, avec une diminution de rendement de 20% depuis le 1er mars 2020.

Pour la période du 14 octobre 2018 au 31 mai 2019, l’intimé s’est appuyé sur les rapports d’expertise bidisciplinaire des 19 février et 14 mars 2019, établis par le Dr F______, rhumatologue, respectivement par le Dr G______, psychiatre. Le premier a retenu, avec effet sur la capacité de travail, le diagnostic de syndrome lombo-vertébral récurrent chronique sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire avec une discopathie L4-L5 et L5-S1 modeste. Le second a diagnostiqué, sans répercussion sur la capacité de travail, un trouble anxio-dépressif réactionnel subclinique ou en rémission, ainsi qu’une personnalité avec des traits histrioniques avec une tendance à la dramatisation et une dépendance à l’environnement familial. Dans l’appréciation consensuelle du cas, les experts ont conclu que la recourante pouvait travailler à 60% dans son activité habituelle, taux qui pouvait être augmenté de 20% par mois, mais à 100% dans une activité adaptée avec une perte de rendement de 10% durant trois mois eu égard à la longue inactivité professionnelle.

La chambre de céans a déjà constaté, dans l’ordonnance d’expertise du 18 juin 2021, que les conclusions des experts mandatés par l’OAI n’étaient pas suffisamment convaincantes pour les motifs suivants.

Sur le plan somatique, le Dr F______ a retenu que la recourante était apte à exercer son activité habituelle à 60% au moins. Or, celle-ci n’a pas recouvert, dans cette activité-ci, une capacité de travail supérieure à 50% depuis que le syndrome lombo-vertébral dont elle souffre revêt un caractère incapacitant. La recourante avait en dernier lieu repris son activité de polisseuse à 50%, le 27 novembre 2017, avant qu’elle ne présentât une incapacité de travail complète à partir du 12 mai 2018 consécutive à un blocage du dos. Par la suite, sur la base des conclusions des experts, l’intimé a pris en charge un reclassement professionnel, dans le même secteur d’activités, raison pour laquelle, le 24 juin 2019, la recourante a commencé cette mesure de réadaptation à 50% taux qui devait progressivement être augmenté – avant qu’elle ne fût hospitalisée en urgence trois jours après, car elle ne pouvait plus se mobiliser (cf. rapport du Dr I______ du 1er juillet 2019). Cela démontre que l’activité habituelle de la recourante n’était pas adaptée à son état de santé, contrairement à l’appréciation du Dr F______.

En ce qui concerne la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée, le Dr F______ l’a fixée à 100% avec une perte de rendement provisoire de 10%, taux qui est supérieur à celui estimé dans l’activité habituelle, alors que les limitations fonctionnelles retenues justifiant la baisse de la capacité de travail sont superposables tant dans l’activité habituelle que dans celle adaptée. En effet, dans l’activité d’horlogerie, l’expert indiquait que la recourante devait alterner les positions de tronc, ne pas porter de charges significatives, et utiliser la chaise ergonomique. Dans une activité adaptée, elle devait également alterner les positions assise et debout, ne pas porter de charges en porte-à-faux supérieures à 5-10 kg de manière répétitive et utiliser la chaise ergonomique. En d’autres termes, à défaut d’explications circonstanciées, on ne comprend pas pour quels motifs les mêmes restrictions physiques dues à l’atteinte à la santé entraînent, dans une activité adaptée, une capacité de travail supérieure à celle arrêtée dans l’activité habituelle.

Sur le plan psychique, le Dr G______ ne s’est pas prononcé en pleine connaissance du dossier, dès lors qu’il mentionne à la page 5 de son rapport que le dossier (qui lui avait été mis à disposition) ne comportait pas de rapport de la Dresse E______, psychiatre traitante. Or, cette dernière avait émis un avis le 25 octobre 2018, soit antérieurement à l’expertise psychiatrique réalisée le 13 décembre 2018. De ce fait, cet expert n’a pas pu prendre position sur les divergences médicales. En effet, sa consœur retenait, avec répercussion sur la capacité de travail, un syndrome douloureux somatoforme persistant, et explique, dans son rapport du 10 décembre 2020, se référant à la littérature médicale, que la discordance constatée par le Dr G______ entre le questionnaire d’hétéro-évaluation et d’auto-évaluation confirmait la présence de ce syndrome. Cela étant, dans la mesure où ce diagnostic présuppose une douleur persistante, intense, s’accompagnant d'un sentiment de détresse, non expliqué entièrement par un processus physiologique ou un trouble physique et survenant dans un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psycho-sociaux suffisamment importants pour constituer la cause essentielle du trouble selon le clinicien (arrêt du Tribunal fédéral 9C_533/2016 consid. 4.2 et les références citées), et qu’en l’occurrence, la recourante souffre d’un état douloureux en relation avec un substrat organique ses lombalgies, corroborées par les imageries, sont expliquées par un processus physiologique , on se demande si, nonobstant cela, ce diagnostic peut être posé, et le cas échéant, pour quelles raisons il a une incidence sur les capacités fonctionnelles de la recourante.

14.4 Pour la période dès le 1er mars 2020, l’intimé s’est basé sur le rapport d’expertise du 16 mars 2020 du Dr J______, orthopédiste, qui, après avoir diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, des lombosciatalgies chroniques à gauche, ainsi qu’une probable périarthrite de la hanche gauche, a considéré que la recourante pouvait exercer une activité adaptée à plein temps avec une diminution de rendement de 20%.

Les conclusions de cet expert sont toutefois insuffisamment motivées et reposent sur une analyse lacunaire du cas.

En effet, certes le Dr J______ a lu les rapports du Dr B______, médecin traitant rhumatologue, en particulier celui du 28 août 2019, dans lequel ce dernier faisait état d’une aggravation du syndrome lombo-vertébral marquée par une attitude en baïonnette et par la présence d’un syndrome radiculaire actif (avec un discret déficit sensitif), corroboré par la manœuvre de Lasègue, positive. Cela étant, alors même que le médecin traitant expliquait, dans son rapport du 10 juillet 2019, que ces éléments objectifs n’existaient pas auparavant, notamment lors de l’expertise effectuée en octobre 2018, le Dr J______, qui pourtant a également constaté un signe de Lasègue positif (p. 8 de son rapport), s’est contenté d’affirmer que l’aggravation décrite par les médecins traitants en juin 2019 était purement subjective, motif pris que l’imagerie réalisée en 2019 était relativement comparable à celle de 2016. Or, à cet égard, le Dr B______ a répondu, dans son rapport du 2 juin 2020 (sans se déterminer précisément sur la capacité de travail de la recourante), que le syndrome radiculaire est lié à un phénomène biologique, soit l’inflammation d’une racine nerveuse, qui n’est pas nécessairement étayé par des arguments radiologiques. Du reste, le bilan ENMG du 31 octobre 2019 précisait que le segment proximal sensitif était mal exploré et que des examens complémentaires pourraient être effectués aux HUG. Aussi ces éléments suscitent-t-ils un doute sur l’appréciation du Dr J______.

Par ailleurs, le Dr J______, après avoir constaté la présence de 14 points douloureux selon Smythe sur 18, s’est borné à déclarer que le diagnostic de fibromyalgie ne pouvait être retenu, sans pour autant fournir la moindre explication.

Outre cela, il résulte du rapport du Dr B______ du 8 décembre 2020 que l’état de santé de la recourante semble varier au fil du temps, avec des aggravations et des améliorations (exacerbations épisodiques de ses lombalgies). Ce constat ressort également du rapport du même médecin du 5 juillet 2018, dans lequel il faisait état de blocages récidivants du dos pouvant durer jusqu’à une semaine, de même que dans les rapports des 1er juillet et 10 juillet 2019 des Drs I______ et B______, selon lesquels, après l’aggravation de l’état de santé le 27 juin 2019, le traitement instauré à l’Hôpital de la Tour avait permis une évolution rapidement satisfaisante, mais dix jours plus tard, l’état de santé de la recourante s’était à nouveau péjoré, ce à une époque où, contrairement à l’avis du SMR du 19 janvier 2021, celle-ci n’était pas encore enceinte de son deuxième enfant née le 24 juillet 2020, conçue probablement au mois de novembre-décembre 2019 (cf. rapport du Dr J______). Si, dans son rapport du 2 juin 2020, le Dr B______ évoquait une atteinte inflammatoire en lien avec le syndrome radiculaire constaté pour la première fois le 10 juillet 2019, dans son rapport du 25 novembre 2019, le Dr K______ relève par contre que les douleurs de la recourante ne présentaient pas un caractère inflammatoire. Se posait donc la question de savoir s’il existait un processus inflammatoire rhumatologique qui fluctuait au cours du temps. Dans ces circonstances, il eût été utile que le Dr J______ s’entretînt avec le médecin traitant, ce qu’il n’a pas fait, pour discuter de la problématique de l’évolution fluctuante (éventuelle) de la maladie sur la capacité de travail de la recourante.

C’est le lieu de rappeler que, dans un arrêt 9C_153/2015 du 3 novembre 2015, le Tribunal fédéral a considéré que lorsqu'il s'agit de déterminer la capacité résiduelle de travail d'une personne atteinte d'une maladie qui évolue par poussées, il convient d'intégrer dans le cadre de la réflexion la question de l'évolution dans le temps de la maladie, soit de tenir compte notamment de la fréquence et de l'intensité des poussées. Il n'est pas suffisant de se fonder sur une évaluation médicale qui ne reflète qu'une image instantanée de la situation; celle-ci devait bien au contraire tracer de manière précise l'évolution - passée et future - de la capacité de travail. À cet égard, le médecin doit examiner l'évolution temporelle de la capacité de travail, en tenant compte, eu égard à l'évolution fluctuante de la maladie, aussi bien des phases actives que des phases moins actives de celle-ci. En d'autres termes, il doit se prononcer sur l'évolution chronologique de la pathologie et apprécier, dans une perspective à long terme, le retentissement global que celle-ci a sur la capacité de travail de l’assuré (consid. 3.2-3.4).

14.5 Les considérations qui précèdent ont amené la chambre de céans à mettre en doute la valeur probante des rapports des Drs F______, G______ et J______, raison pour laquelle un mandat d’expertise bidisciplinaire a été confié par la chambre de céans aux Drs L______ et M______.

En ce qui concerne les rapports d’expertise des Drs L______ et M______, la chambre de céans observe que les experts ont chacun pris connaissance du dossier complet de la recourante, étudié et discuté soigneusement les rapports pertinents y figurant, présenté des anamnèses détaillées et fouillées et retranscrit précisément les informations livrées par la recourante, s’agissant particulièrement des traitements suivis, de ses plaintes et habitudes. Ils ont argumenté chaque diagnostic retenu et motivé leurs conclusions consensuelles quant aux limitations fonctionnelles et à la capacité de travail.

Les rapports d’expertise remplissent donc a priori les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

L’expert rhumatologue L______ a notamment tenu compte de la capacité résiduelle d’une personne qui est atteinte d’une maladie évoluant par poussées, expliquant, sous ch. 6 de l’expertise, la variation du taux d’incapacité de travail, à cinq reprises, au cours du temps. Il a également exploré l’hypothèse inflammatoire et a retenu une atteinte inflammatoire ou mécanique du rachis lombaire et dorsal et préconisé un traitement médicamenteux qui – en cas d’échec – devait être suivi d’une option chirurgicale. Pour autant qu’un traitement adapté soit appliqué, le Dr L______ considère, par ailleurs, que la recourante pourrait reprendre son travail de polisseuse – notant qu’elle adore cette activité – à 50% tout d’abord, puis après 6 mois à 100%.

L’élément chronologique fluctuant a donc été intégré dans l’expertise, le médecin ayant tenu compte de l’aggravation de la situation depuis le mois de juin 2019.

L’expert psychiatrique M______ a retenu le même diagnostic que la Dresse E______, relevant notamment dans son rapport d’expertise, page 28, qu’il ne s’expliquait pas les raisons pour lesquelles le Dr G______ n’avait pas retenu le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme considérant que l’analyse n’avait pas été attentive et que les symptômes avaient été évacués par le Dr G______ en se référant un trouble anxiodépressif réactionnel. De plus, les traits prétendument histrioniques retenus par le Dr G______ n’étaient pas confirmés par les observations ni de la psychiatre traitante ni de l’expert qui, au contraire, dressait le tableau d’une femme réservée, par moment hostile, avec un fort sentiment de honte, rigide dans sa posture narcissique.

En ce qui concerne les expertises judiciaires effectuées par les Drs L______ et M______, il sied de rappeler que la chambre de céans ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire.

14.6 L’OAI a mentionné un certain nombre de points qui, selon cet office, représentent des contradictions ayant pour effet de disqualifier la valeur probante des rapports des experts L______ et M______.

En premier lieu, l’OAI considère qu’il il est étonnant que l’expert rhumatologue reconnaisse que l’activité habituelle de l’assurée de polisseuse en horlogerie soit adaptée en raison du fait qu’il recommande d’alterner les positions toutes les 30 minutes, ce qui, selon l’appréciation du SMR, n’est pas possible dans une activité de polisseuse. Ce grief, ne repose pas sur une appréciation médicale, mais sur une appréciation liée à l’activité professionnelle, plus précisément quant à la position et aux gestes effectués par une polisseuse, domaine dans lequel le SMR ne possède pas les qualifications professionnelles idoines lui permettant d’émettre un tel constat. S’ajoute à cela que la possibilité d’utiliser une table de travail à hauteur variable a été évoquée, ce qui permettrait d’alterner les positions. Ce grief doit donc être écarté. Le SMR ajoute encore que l’assurée peut effectuer des tâches ménagères légères pour en conclure que l’on ne comprend pas pour quelle raison la capacité de travail dans une activité adaptée devrait être retenue comme nulle. Or, on ne s’explique pas en quoi le fait que la recourante soit capable d’effectuer des tâches ménagères légères pourrait conduire automatiquement à lui reconnaître une pleine capacité d’exercer une activité adaptée.

En second lieu, l’OAI s’étonne que l’expert psychiatrique retienne un diagnostic de trouble somatoforme douloureux là où les experts rhumatologues et orthopédiques n’ont jamais évoqué ce diagnostic. A cet égard, il convient de rappeler que ledit trouble est classé dans la catégorie des troubles psychiques et qu’il n’est dès lors pas insolite qu’un tel diagnostic soit posé par un expert en maladies psychiques plutôt que par un expert en maladies somatiques. Cet argument ne peut donc pas être retenu pour mettre en doute la valeur probante de l’expertise psychiatrique, pas plus que l’argument selon lequel l’OAI s’étonne que l’expert psychiatre ne retienne pas comme exigible un traitement antidépresseur alors même que ledit expert a mentionné clairement que, jusqu’à présent, les traitements antidépresseurs qui avaient été essayé n’avaient donné aucun résultat. Ce qui peut sembler étonnant c’est que l’OAI puisse retenir comme exigible un traitement qui a déjà été essayé et qui n’a donné aucun résultat.

L’OAI critique encore l’appréciation consensuelle des experts en reprenant un argument du Dr C______, soit le médecin traitant généraliste, qui expliquait que le substrat organique n’était pas suffisant pour expliquer l’ampleur des douleurs. Or, il ne découle pas de cette appréciation d’un médecin généraliste que la discussion consensuelle entre experts doive obligatoirement intégrer une discussion sur l’ampleur des douleurs et encore moins que l’absence d’une telle discussion ne mette en doute la valeur probante de l’expertise.

Enfin, l’OAI mentionne, ce qu’il considère comme une contradiction par le fait que l’expert rhumatologue a estimé la capacité de travail à 100 % dans un intervalle de six mois alors que dans l’évaluation consensuelle, la capacité de travail de l’assurée a été considérée comme pouvant s’améliorer à 60% après un laps de temps de douze mois et à 100% après un laps de temps de 24 mois. Cette critique semble méconnaître le fait que l’évaluation consensuelle effectuée par les experts tient forcément compte de l’avis de chacun d’entre eux pour intégrer l’appréciation de l’autre expert avant d’aboutir à un avis commun sur le taux de capacité de travail qui peut-être – cela correspond d’ailleurs à la finalité d’une évaluation consensuelle – différente de celle retenue précédemment et isolément par chaque expert.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que les critiques de l’OAI se fondent sur des appréciations différentes et ne révèlent pas des contradictions d’une telle nature qu’elles pourraient remettre en question la valeur probante des rapports d’expertise des Drs L______ et M______.

14.7 Dès lors, la valeur probante des rapports d’expertises susmentionnés étant admise, la chambre de céans fait siennes les conclusions des experts, à savoir :

-     du 20 mars au 17 avril 2017, une incapacité de travail de 100% ;

-     du 18 avril au 11 juin 2017, une incapacité de travail de 50% ;

-     du 12 juin au 26 novembre 2017, une incapacité de travail de 100% ;

-     du 27 novembre 2017 au 26 juin 2019, une incapacité de travail de 50% ;

-     depuis le 27 juin 2019, une incapacité de travail de 100%.

15.    Il sied à présent de déterminer le taux d’invalidité par la méthode de comparaison des revenus.

15.1 S’agissant du montant retenu en tant que revenu sans invalidité, la recourante l’a contesté, dans son mémoire de recours, considérant qu’il faut prendre en compte un revenu annuel moyen (RAM) réactualisé de CHF 64'789.- en lieu et place du revenu annuel moyen déterminant (RAM) de CHF 64'755.- retenu par l’OAI.

Le montant de CHF 64’755.- figurant dans la décision d’octroi de la rente correspond au RAM et représente la base de calcul utilisée pour calculer la quotité de la rente invalidité (ou AVS) mensuelle.

En vertu de l’art. 36 al. 2 première phrase LAI, les dispositions de la LAVS sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinaires de l’assurance-invalidité, le montant des rentes d’invalidité correspondant à celui des rentes de vieillesse (art. 37 al. 1 LAI). L’art. 32 al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI – RS 831.201) renvoie d’ailleurs aux art. 50 à 53bis du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101).

Selon l’art. 29bis al. 1 LAVS, le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations, les revenus provenant d’une activité lucrative ainsi que les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré.

À teneur de l’art. 29ter al. 2 LAVS, sont considérées comme années de cotisation, les périodes pendant lesquelles une personne a payé des cotisations (let. a), pendant lesquelles son conjoint au sens de l’art. 3 al. 3, a versé au moins le double de la cotisation minimale (let. b) et pour lesquelles des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance peuvent être prises en compte (let. c).

Quant au revenu annuel moyen (ci-après : RAM), selon l’art. 29quater LAVS il se compose des revenus de l’activité lucrative (let. a), des bonifications pour tâches éducatives (let. b) et des bonifications pour tâches d’assistance (let. c).

Contrairement à ce que soutient la mandataire de la recourante, il n’y a pas lieu de se fonder sur le RAM de l’art. 29 quater LAVS, car ce dernier ne sert pas à calculer le degré d’invalidité, mais est utilisé pour calculer la quotité de la rente AVS ou AI devant être versée. Partant et conformément à la jurisprudence citée sous ch. 12.2 supra, le RAM ne peut pas être pris en compte pour établir la perte de gain résultant de l’invalidité.

Ce grief doit, dès lors, être écarté.

15.2 Dans un second grief, la recourante ajoute que si, par impossible, une capacité de travail dans une activité adaptée devait être retenue, une diminution de rendement de 20% devrait être opérée « selon les constatations de son médecin psychiatre ». De même, elle considère le taux d’abattement de 10% retenu par l’intimé comme insuffisant, considérant qu’un taux de 15% « a minima » devrait être appliqué en raison de l’étendue de ses limitations fonctionnelles.

Dans sa comparaison des revenus, l’OAI s’est fondé sur un revenu annuel brut sans invalidité de CHF 61’555.-, correspondant au dernier salaire annuel perçu en 2016, réactualisé à CHF 62'078.-.

Le salaire avec invalidité a été calculé par l’OAI en se fondant sur l’ESS 2018, tableau TA1, activité de niveau 1, pour une femme. Après correction selon un nombre d’heure hebdomadaire de 41.7 heures et indexation pour l’année 2020, le montant du salaire annuel avec invalidité a été arrêté à CHF 54'581.-, ce qui ne prête pas le flanc à la critique.

L’OAI a encore soustrait 20% correspondant à la perte de rendement et 10% d’abattement.

Il a abouti à un revenu annuel brut de CHF 39'370.- avec invalidité.

La comparaison des revenus a abouti à une perte de gain de CHF 22'707.- erronée (recte : 62'078 – 39'370 = 22'708.- en lieu et place de CHF 22'707). Le calcul du taux d’invalidité est en revanche correct donnant un taux d’invalidité de (100 X 22’708 / 62’078) de 36.58%.

Le taux de rendement de 20% retenu par l’OAI correspond à celui allégué par la recourante.

En revanche, cette dernière critique le taux d'abattement de 10%, réclamant en lieu et place, un taux d’abattement de minimum 15% au motif que ce taux serait justifié par l’ampleur des limitations fonctionnelles. La chambre de céans n’est pas de cet avis et considère, au contraire, que le taux de 10% retenu est raisonnable, compte tenu de la baisse de rendement de 20% déjà opérée, qui prend notamment en compte les limitations fonctionnelles de la recourante et du fait que cette dernière est jeune, ce qui exclut de prendre en compte l’âge pour augmenter le taux d’abattement. En effet, il sied de rappeler qu’en ce qui concerne le taux d'abattement sur le salaire statistique, le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_359/2014, consid. 5.4) considère que lorsqu'un assuré est capable de travailler à plein temps, mais avec une diminution de rendement, celle-ci est prise en considération dans la fixation de la capacité de travail et il n'y a pas lieu, en sus, d'effectuer un abattement à ce titre (notamment arrêts 9C_677/2012 du 3 juillet 2013 consid. 2.2; 8C_93/2013 du 16 avril 2013 consid. 5.4 et les références).

15.3 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d’écarter également le second grief soulevé par la recourante et de confirmer le taux d’abattement de 10%.

15.4 En conclusion, les éléments de calcul retenus par l’OAI, dans sa feuille de calcul de « détermination du degré d’invalidité » du 15 juin 2020, pour effectuer la comparaison des revenus, sont exacts et confirmés par la chambre de céans. Etant précisé que le revenu avec invalidité a ensuite été actualisé dans la décision querellée en prenant en compte un revenu avec invalidité de CHF 39'632.- (en lieu et place de 39'370.-) aboutissant à une perte de gain de CHF 22'446.- donnant un taux d’invalidité de 36% ce qui est correct (35.79 arrondi à 36%).

Néanmoins, le calcul du degré d’invalidité doit toutefois être refait en fonction des considérants supra concernant les périodes et les taux d’incapacité de travail retenus par la chambre de céans sur la base des expertises judiciaires et qui sont rappelés ci-après :

-     du 20 mars au 17 avril 2017, une incapacité de travail de 100% ;

-     du 18 avril au 11 juin 2017, une incapacité de travail de 50% ;

-     du 12 juin au 26 novembre 2017, une incapacité de travail de 100% ;

-     du 27 novembre 2017 au 26 juin 2019, une incapacité de travail de 50% ;

-     depuis le 27 juin 2019, une incapacité de travail de 100%.

Etant précisé que la date du 20 mars 2017 doit être retenue pour le début du délai d’attente d’un an.

Pour la période allant du 20 mars au 17 avril 2017, l’incapacité de travail de 100% donne droit à une rente entière.

Pour la période allant du 12 juin au 26 novembre 2017, l’incapacité de travail de 100% donne droit, pour la recourante, à une rente entière.

Pour la période allant du 18 avril au 11 juin 2017, l’incapacité de travail est de 50% ; il en est de même pour la période allant du 27 novembre 2017 au 26 juin 2019.

Il est nécessaire de procéder à la comparaison des revenus pour établir le taux d’invalidité en tenant compte d’une capacité de travail de 50%.

Dans sa comparaison des revenus, l’OAI s’est fondé sur un revenu annuel brut sans invalidité de CHF 61’555.-, correspondant au dernier salaire annuel perçu par la recourante en 2016 ; en le réactualisant pour l’année 2017 (+ 0.4 % [La Vie économique, tableau B 10.2]), on parvient à un salaire avant invalidité de CHF 61'801.-.

Le salaire avec invalidité, tel qu’il a été calculé par l’OAI, se fonde sur l’ESS 2016, tableau TA1, activité de niveau 1, pour une femme. Après correction selon un nombre d’heure hebdomadaire de 41.7 heures et indexation pour l’année 2017, le montant du salaire annuel avec invalidité doit être arrêté à CHF 54'799.-.

Le temps de travail raisonnablement exigible est de 50%, ce qui aboutit à un salaire de CHF 27’399.-, dont il convient de soustraire 20%, correspondant à la perte de rendement, ce qui donne un montant de CHF 21'919.-. En soustrayant 10% d’abattement supplémentaire, on parvient à un revenu annuel brut avec invalidité de CHF 19'727.-.

La comparaison des revenus aboutit à une perte de gain de CHF 42’074.- (61’801.- – 19'727.-).

Le taux d’invalidité qui en résulte est de (100 x 42'074 / 61'801) = 68.07% qu’il convient d’arrondir à 68 %, ce qui donne droit pour la recourante à un trois-quarts de rente pendant les périodes citées supra où sa capacité de travail est de 50%.

Depuis le 27 juin 2019, l’incapacité de travail de 100% donne droit à une rente entière.

16.    Compte tenu de ce qui précède, la décision du 27 juillet 2020 sera annulée et la cause sera renvoyée à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

17.    La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

18.    Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 27 juillet 2020 et renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le