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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3246/2020

ATAS/352/2022 du 19.04.2022 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3246/2020 ATAS/352/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 avril 2022

15ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Thierry ADOR

 

 

recourante

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES, sise rue de Saint-Jean 98, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. La société A______ SA (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève, a pour but l’acquisition, la gestion et l’administration de participations dans des sociétés industrielles, commerciales et financières. Elle est affiliée à la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes (ci-après : la caisse) pour le paiement des cotisations sociales de ses salariés, dont Monsieur B______, qui est administrateur de la société avec signature collective à deux, aux côtés de C______, administrateur président avec signature collective à deux, et D______, administrateur avec signature collective à deux.

b. Le 7 février 2017, la société a fait l’objet d’un contrôle d’employeur par la caisse, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015.

Parmi les documents transmis par la société, dans le cadre de ce contrôle, figuraient notamment :

-          Un certificat de salaire 2015 de M. B______, daté du 12 janvier 2016, établi par la société et certifiant un salaire annuel de CHF 150'000.- ;

-          Plusieurs extraits du journal comptable 2015 de la société, desquels il ressortait en particulier qu’un montant de CHF 150'000.- à titre de salaire de M. B______ avait été débité du compte de salaires de la société et qu’un montant de CHF 148'955.40 à titre de salaires pour l’année 2015 avait été crédité sur le compte courant de M. B______.

B. a. Par décision du 21 avril 2017, la caisse a requis de la société le paiement de CHF 27'752.30, à titre de reprises des cotisations sociales pour la période de contrôle, ainsi que de CHF 1'902.- d’intérêts moratoires. Elle a en particulier retenu, à titre de salaire 2015 en faveur de M. B______, un montant de CHF 150'000.-, auquel elle a soustrait la franchise AVS de CHF 16'800.-, l’intéressé ayant atteint l’âge de la retraite.

b. Le 17 mai 2017, la société a formé opposition contre cette décision. Elle contestait la reprise opérée sur le salaire 2015 de M. B______. Ce dernier n’avait en réalité pas été rémunéré en 2015, de sorte qu’aucun salaire ne devait être retenu en faveur de cet employé pour le calcul des cotisations sociales en 2015 et les intérêts moratoires devaient être réduits en conséquence.

À l’appui de son opposition, elle produisait son courrier explicatif du 25 octobre 2016, ainsi qu’un courrier du 12 août 2016 de M. B______ à l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC), exposant qu’il n’avait pas reçu de salaire pour 2015.

c. Par décision sur opposition du 11 septembre 2020, la caisse a confirmé sa décision du 21 avril 2017. Le salaire 2015 de CHF 150'000.- en faveur de M. B______ ressortait de son certificat de salaire, établi début 2016 à destination de l’AFC, et du compte salaire de la comptabilité de la société ; ce montant avait été crédité sur le compte courant ; or, une écriture de « Charges salaires » équivalait à un paiement en espèces. Dès lors que le salaire 2015 de M. B______ avait été porté en compte, des cotisations devaient être réglées sur ce salaire.

C. a. Par acte du 12 octobre 2020, la société a interjeté recours contre cette décision, concluant à son annulation, à la prise en compte, pour l’année 2015, d’un salaire de CHF 75'000.- en faveur de M. B______ et à la diminution des intérêts en conséquence de la diminution du montant du salaire et du fait que ce salaire n’avait pas été perçu en 2015.

Elle a fait valoir que depuis 2015 sa situation, d’un point de vue de la position des actionnaires en Indonésie, ne permettait pas d’obtenir des fonds nécessaires à la société afin d’effectuer les règlements. Elle s’efforçait de rétablir une situation favorable et de poursuivre ses activités tout en espérant que la conjoncture actuelle de ses actionnaires serait améliorée. Pour des raisons économiques, elle avait accepté cette situation précaire, ponctuée de paiements dérisoires de salaires diminués, sans compter que la pandémie avait créé des difficultés financières supplémentaires. La recourante pensait avoir agi raisonnablement et avoir fait beaucoup d’effort pour éviter la liquidation. L’AFC s’était fondé sur les mêmes comptes que ceux qui avaient été examiné par le contrôleur. Il n’était pas établi qu’elle pouvait disposer de cette créance comme valeur économique et c’était seulement à l’avenir qu’elle verrait s’il existait éventuellement une possibilité d’obtenir au moins une partie des salaires promis.

À l’appui de son recours, elle a en particulier produit le rectificatif de l’avis de taxation 2015 de M. B______, dont il ressort que l’AFC a retenu un salaire brut de CHF 75'000.-.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée a indiqué que l’avis de taxation produit par la recourante l’amènerait probablement à changer sa position et a demandé un délai supplémentaire à cet effet.

c. Le 12 janvier 2021, l’intimée a informé la chambre de céans que les éléments qui lui avaient été transmis dans l’intervalle par la recourante ne lui permettaient finalement pas de revenir sur la décision litigieuse et a sollicité un délai pour répondre au recours.

À l’appui de sa position, elle a produit en particulier un courrier du 8 janvier 2021 de la recourante, laquelle expliquait que la taxation 2015 de M. B______, datée du 26 mars 2018, était définitive et que l’AFC avait expliqué oralement à ce dernier que pour des rémunérations éventuellement obtenues lors des années suivantes, en cas de développement des affaires et résultats financiers positifs, il serait possible de demander une décision de modification des taxations déjà établies dans le but d’essayer d’obtenir de ne pas taxer ces rémunérations seulement pour l’année lors de laquelle elles seraient perçues, mais de les appliquer pour les taxations antérieures.

L’intimée a également produit les annexes au courrier du 8 juin 2021, à savoir un courrier du 26 mars 2018 de l’AFC à M. B______, indiquant les montants à régler pour la taxation 2015, ainsi qu’un justificatif de paiement desdits montants.

d. Dans sa réponse du 22 janvier 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours. Les salaires de M. B______ avaient bel et bien été portés en compte, plus exactement crédités en compte courant, ce qui avait comme conséquence que les cotisations sociales devaient être perçues sur cette rémunération. Les écritures comptables n’étaient pas conformes aux pratiques habituelles et, au vu des variabilités éventuelles sur le plan fiscal, il n’était pas possible de se calquer sur les décisions de l’AFC. En outre, cette dernière avait indiqué à l’intimée, par courriel du 19 août 2020, que le dossier de M. B______ était en cours d’instruction auprès de son service du contrôle.

e. Par réplique du 25 février 2021, la recourante a fait valoir que ses états financiers 2015 avaient été corrigés afin de tenir compte des salaires effectivement versés, conformément au nouveau certificat de salaire 2015 de M. B______, qu’elle produisait en annexe. L’intéressé n’avait à ce jour pas perçu son salaire 2015 majoré, soit depuis près de cinq ans, de sorte qu’il n’avait pas de créance ayant une valeur économique, dont il pourrait encore disposer. La recourante avait été reprise par d’autres actionnaires et le paiement des salaires même réduits s’était vu fortement retardé, comme le démontrait les taxations 2018 et 2019 de M. B______, qu’elle produisait également. La taxation 2015 de M. B______ était ouverte uniquement à cause d’une dénonciation spontanée de l’intéressé, d’un petit appartement sis à l’étranger, qui était non punissable et en traitement depuis le 27 décembre 2017. Les charges sociales devaient donc être prélevées conformément à la taxation 2015 de M. B______.

La recourante a également expliqué que l’intimée lui avait indiqué, par courrier du 8 décembre 2020, rectifier le décompte des prestations dans le sens de ses explications – soit une rémunération en 2015 de CHF 75'000.-, en lieu et place des CHF 150'000.-, en faveur de M. B______, ainsi que les intérêts moratoires réduits en conséquence – donnant ainsi droit à ses conclusions ; toutefois, elle lui avait finalement demandé, par courriel du 18 décembre 2020, de ne pas tenir compte de son précédent courrier, en raison de la procédure judiciaire qui était pendante et du fait que les informations complémentaires relatives à la taxation fiscale, datée du 26 mars 2018, permettraient de déterminer si elle maintenait ou non sa position.

Selon le nouveau certificat de salaire 2015 de M. B______, produit par la recourante et daté du 21 décembre 2017, le salaire s’élevait à CHF 75'000.-.

f. Par pli du 11 mars 2021, la recourante a encore exposé que dès 2015, sa situation salariale avait changé, de sorte que l’intimée n’avait aucune raison valable de se baser sur le montant de CHF 133'200.- comme salaire de M. B______. Par ailleurs, le décompte et la déclaration de salaires pour 2015 ne pouvaient se faire qu’en 2017, comme présenté dans le certificat de salaire 2015, établi le 21 décembre 2017. Elle précisait que l’AFC était informée de la situation.

g. Les 1er et 12 avril 2021, elle a transmis le rectificatif du 22 mars 2021 de l’avis de taxation 2015 de M. B______ et son courrier accompagnateur. Il en ressortait en particulier que l’AFC avait retenu un montant de CHF 75'000.- à titre de salaires bruts et que les procédures fiscales, pour les années 2008 à 2017, étaient terminées.

h. Par duplique du 16 avril 2021, l’intimée a répété que seule une rectification dans la comptabilité actuelle de la société, portant sur la prise en compte correcte du revenu 2015 de M. B______ permettrait de démontrer à satisfaction de droit la mise en conformité de la situation litigieuse. Si la preuve d’une correction dans la comptabilité actuelle de la recourante – sous la forme d’une correction de salaire 2015 sur les états financiers de 2021 – était apportée, elle pourrait s’aligner sur les conclusions de l’AFC quant au salaire 2015 de M. B______ et revoir sa décision.

i. Le 31 mai 2021, la recourante a transmis les pièces suivantes :

-          Un extrait de ses journaux comptables 2016, dont il ressortait qu’un montant de CHF 148'955.40, avec la référence « EXT SAL M. B______ 2015 NON PAYE », avait été débité du compte courant de M. B______ ;

-          Un extrait de ses journaux comptables 2017, dont il ressortait que plusieurs montants, pour un total de CHF 73'357.70, avaient été débités du compte courant de M. B______, à titre de salaires 2015.

Elle a également produit une note d’honoraires de CHF 4'181.50, datée du 31 mai 2021 et établie par l’étude d’avocat Ador & Associés pour des conseils juridiques et comptables, dont elle réclamait le remboursement.

Elle a indiqué que la correction comptable avait été effectuée en 2016, de sorte qu’il n’y avait rien à corriger en 2021. Au vu de sa situation et des problèmes inhérents à l’actionnariat, le montant de salaire avait été extourné. Par la suite, les comptes montraient que certaines promesses des actionnaires avaient été réalisées.

Par ailleurs, elle a fait valoir que pour l’année 2015 la franchise de CHF 16'800.-devait en réalité être appliquée deux fois, car M. B______ était rémunéré à 80% par la société E______ SA et à 20% par la recourante. Cela résultait du fait que les activités de M. B______ étaient exercées au niveau commercial pour E______ SA et au niveau des opérations holding pour la recourante, ce qui était reflété dans les bilans des deux sociétés.

j. Le 12 juillet 2021, l’intimée a indiqué qu’elle estimait les rectifications comptables produites par la recourante, non conformes. Si la recourante démontrait que ces corrections des états financiers antérieurs, soit de 2016 et 2017, avaient été annoncées à l’AFC, elle pourrait reconsidérer sa décision. Dans le cas contraire, il fallait que la recourante lui présente ses comptes 2021 corrigés, sans quoi, elle n’était pas prête à revoir sa position.

S’agissant de la rémunération de M. B______ qui aurait été effectuée par deux sociétés distinctes, la recourante ne lui en avait auparavant jamais fait part. Elle était prête à l’admettre, bien que le certificat de salaire initial présenté lors du contrôle 2017 – qui à sa connaissance n’avait jamais été modifié – mentionnait la totalité du revenu payé par la recourante et, qu’à la lecture de son compte individuel, la rémunération totale de M. B______, moins la franchise AVS, était depuis 2013 déclarée uniquement par la recourante.

k. Le 4 août 2021, la recourante a contesté le fait que les corrections comptables 2016 et 2017, qu’elle avait effectuées, ne l’avait pas été dans le respect des principes comptables de prudence et de régularité ; ses états financiers avaient été modifiés conformément aux extraits de comptes qu’elle avait produit le 31 mai 2021. Il convenait de lui donner acte de produire les états financiers modifiés 2016 et 2017 à l’AFC. Quant à la modification des états financiers 2021 réclamée par l’intimée, elle n’était pas possible, puisque ceux-ci n’étaient pas encore clôturés et ne le seraient pas avant début 2022. Or, l’établissement de comptes provisoires ne saurait satisfaire aux exigences probatoires et générerait de nombreuses demandes de documents complémentaires. Pour être conforme aux exigences fiscales, la recourante devait comptabiliser les entrées lors de l’exercice comptable courant, de sorte que les entrées de salaires 2017, pour l’exercice 2015, devaient figurer dans la comptabilité de 2017. Par ailleurs, se référant à la rémunération de M. B______, qui était effectuée par elle et Comexindo Trade & Investments SA, elle confirmait qu’après application de la franchise AVS, le revenu déterminant 2015 s’élevait à CHF 43’200.-.

l. Le 15 septembre 2021, la recourante, cette fois-ci représentée par un conseil, a répété ses griefs et indiqué que l’ensemble de ses états financiers pour la période en cause avait été déposé auprès de l’AFC.

Elle a également transmis deux nouveaux certificats de salaires 2015 de M. B______, datés du 31 décembre 2015. Il ressortait de ces certificats que l’intéressé avait perçu un salaire CHF 60’000.- versé par la recourante, et un salaire de CHF 15’000.- versé par Comexindo Trade and Investments SA.

m. Le 4 octobre 2021, l’intimée a indiqué que sur la base notamment de la taxation fiscale du 26 mars 2018 produite par la recourante, elle partait du principe que le salaire définitif 2015 de M. B______ était de CHF 75’000.-. Cela étant, elle relevait que le salaire net de CHF 148'955.40 (150’000.- brut) avait été crédité sur le compte courant de M. B______ (montant à rembourser à cet employé par la recourante), de sorte qu’elle maintenait que la différence avec le salaire net définitif devait être corrigée dans la comptabilité. Dès lors, elle persistait, en l’état, dans ses conclusions en rejet du recours.

n. Le 10 décembre 2021, la chambre de céans a requis de la recourante, afin de statuer, la production de ses états financiers modifiés adressés à l’AFC, tel qu’elle l’a mentionné par pli du 15 septembre 2021.

o. Le 28 janvier 2022, la recourante a transmis son bilan et son compte de pertes et profits 2015, ainsi que deux certificats de salaire 2015 de M. B______ datés du 31 décembre 2015 : l’un de CHF 60’000.- établi par Comexindo Trade and Investments SA et l’autre de CHF 15’000.- établi par la recourante.

p. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS n’y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l’ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597; erratum de la Commission de rédaction de l’Assemblée fédérale du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

1.3 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si la recourante était tenue de verser des cotisations sur un salaire en faveur de M. B______ de CHF 150'000.- pour l’année 2015.

3.              

3.1 Le salaire déterminant, au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe, par définition, toutes les sommes touchées par la personne salariée, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail. On considère donc comme revenu d’une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expresses. Sont en principe soumis à cotisations tous les revenus liés à des rapports de travail ou de service qui n’auraient pas été perçus sans ces rapports. Inversement, l’obligation de payer des cotisations ne concerne en principe que les revenus qui ont été effectivement perçus par le travailleur (ATF 138 V 463 consid. 6.1 p. 469 et les références).

3.2 Les rétributions versées à un assuré en sa qualité d’organe d’une personne morale font partie du salaire déterminant, sous réserve de cas particulier (Office fédéral des assurances sociales, Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD], ch. 2049, avec les références à la jurisprudence fédérale). Font partie des rétributions allouées aux organes notamment les honoraires, les salaires et autres indemnités fixes des membres de l’administration, de même que les jetons de présence (ch. 2050 DSD).

3.3 Une rémunération peut ne pas être versée, mais seulement portée en compte. Un revenu appréciable en argent est considéré comme acquis au moment où il est comptabilisé, en tous cas si la rétribution portée en compte correspond à une créance ayant une valeur économique et dont le salarié peut disposer. Les rétributions portées en compte qui constituent un salaire éventuel ou une simple promesse de salaire ne sont pas réputées avoir été acquises (par exemple lorsque la valeur réelle de la rétribution n’apparaît que si les affaires de l’entreprise évoluent favorablement ; DSD, ch. 1010, avec les références à la jurisprudence fédérale). Une fois effectivement versé et comptabilisé, un salaire ne peut pas être requalifié comptablement et a posteriori, en raison d’une mauvaise marche des affaires, comme un remboursement d’une créance de l’actionnaire contre la société qui l’emploie, via le compte-courant actionnaire. Il doit être pris en considération comme salaire déterminant pour fixer le montant des cotisations aux assurances sociales fédérales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_202/2016 du 13 mai 2016 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 328/00 du 26 juillet 2001 consid. 2b).

4.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références citées).

5.             Selon le principe inquisitoire qui régit la procédure devant le tribunal cantonal des assurances - de même que la procédure administrative (art. 43 al. 1 LPGA) - dans le domaine des assurances sociales, il appartient au juge d’établir d’office les faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l’allégation ni celui de l’administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 p. 185 et les références).

6.            

6.1 En l’espèce, l’intimée fait valoir que le montant de CHF 150'000.- a été initialement porté au compte courant de M. B______ – à titre de salaire 2015 – dans la comptabilité de la recourante, de sorte que des rectificatifs comptables étaient nécessaires pour qu’elle ne retienne que CHF 75'000.- à titre de salaire pour cet employé, tel que l’allègue la recourante. Or, lesdits rectificatifs n’ont pas été valablement effectués par la recourante, de sorte que l’intimée persiste a considéré que les cotisations sont dues sur le montant de CHF 150'000.- à titre de rémunération en faveur de M. B______.

6.2 La recourante, quant à elle, estime avoir valablement effectué les corrections dans sa comptabilité de 2016 et 2017. Par ailleurs, elle fait valoir que la rémunération 2015 de M. B______ est en réalité due, à hauteur de 80%, par une autre société, de sorte que les 20% restants, soit CHF 15'000.-, sont dus par la recourante et ne sont plus soumis à cotisations sociales, après application de la franchise AVS. Aussi estime-t-elle qu’aucune reprise ne doit, au final, être opérée sur le salaire 2015 qu’elle a versé à M. B______.

6.3 Il convient donc d’examiner la question de la prise en compte comptable d’une rémunération de CHF 150'000.- et ses conséquences sur le calcul des cotisations sociales.

La chambre de céans relève d’emblée que les dernières déclarations de la recourante, à propos de la répartition de la rémunération 2015 de M. B______ entre la recourante et une autre société, interviennent pour la première fois seulement en cours de procédure judiciaire, alors que la recourante s’est déjà exprimée, à réitérées reprises, sur la question du salaire de M. B______, sans jamais mentionner cet élément, au demeurant, important. Il ressort en outre des premiers certificats de salaire au dossier que tant M. B______ que les autres employés étaient rémunérés par la recourante uniquement. Les pièces comptables au dossier jusqu’à cette nouvelle affirmation, selon laquelle M. B______ n’aurait en réalité perçu que 20% de son revenu de la société recourante et le solde de la société E______ SA (sic), contredisent les nouvelles allégations et ôtent toutes valeurs probantes aux certificats de salaires produits le 28 janvier 2022. Le contrôle de l’employeur à l’origine de cette procédure a bien porté sur la comptabilité de la recourante et non celle d’une tierce société. Par ailleurs, le bilan et le compte de pertes et profits produits le 28 janvier 2022 mentionnent dans les frais généraux sous « salaires et charges » un montant de CHF 74'254.45 en 2014 et un montant de CHF 54'190.67 en 2015, soit des montants irréconciliables avec les charges salariales ressortant de la compatibilité de la recourante saisie lors du contrôle de l’employeur à teneur de laquelle les salaires suivants avaient été débités du compte salaire de la société en 2014, soit les salaires de Mme F______ de CHF 108'000.- (ce qui n’a pas été remis en doute par la suite), de M. B______ de CHF 150'000.-, de M. C. B______ de CHF 24'000.-, de M. G______ de CHF 12'000.-, de H______ de CHF 40'200.-, soit une masse salariale totale de CHF 334'200.- en 2014. Ces dernières déclarations sont également contraires aux salaires mentionnés par la recourante dans ses comptes pour l’année 2015, soit des salaires débités en faveur de Mme F______ de CHF 108'000.-, de M. S. B______ de CHF 150'000.- de M. C. B______ de CHF 8'000.-, de M. G______ de CHF 12'000.-, soit au total une masse de CHF 278'000.- en 2015.

Ces dernières déclarations quant au fait que seul 20% du salaire de M. B______ était payé par la recourante ne seront pas retenues, étant rappelé qu’il convient en général d’accorder la préférence aux premières déclarations, données alors que l’intéressé en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant, consciemment ou non, être le fruit de réflexions ultérieures (voir ATF 142 V 590 consid. 5.2 p. 594 s.; 121 V 45 consid. 2a p. 47).

Par ailleurs, la recourante a produit plusieurs versions du certificat de salaire 2015 de M. B______, dont la teneur a varié. En effet, lors du contrôle d'employeur initial, elle a produit un premier certificat 2015, établi le 12 janvier 2016, attestant d’un salaire de CHF 150'000.-. Ensuite, elle a expliqué que M. B______ n’avait pas perçu de salaire en 2015 avant d’indiquer qu’il avait en réalité reçu seulement CHF 75'000.- sur les CHF 150'000.- mentionnés dans le certificat de salaire. La recourante a ensuite produit, en cours de procédure, un nouveau certificat de salaire de 2015, daté du 21 décembre 2017, pour démontrer que le salaire de cet employé avait été de CHF 75'000.-. En fin de procédure, la recourante a produit encore deux nouveaux certificats 2015, datés du 31 décembre 2015, l’un établi par ses soins pour un salaire de CHF 60'000.- et l’autre établi, cette fois-ci, par une seconde société pour un revenu en faveur de M. B______ de CHF 15'000.-. Enfin, elle produit à nouveau deux certificats 2015, datés également du 31 décembre 2015, mais dans lesquels ces deux montants étaient inversés, le salaire versé par la recourante à M. B______ n’était plus que de CHF 15'000.- et le solde de CHF 60'000.- figurait dans un certificat de salaire de l’autre société.

L’on ne peut donc pas établir le véritable salaire versé à M. B______ pour 2015 sur la base des différentes versions du certificat de salaire 2015 produites par la recourante, dont certaines apparaissent antidatées.

La comptabilité de la recourante saisie lors du contrôle de l’employeur renseigne quant au compte salaire débité en faveur des employés de la recourante. Les pièces produites par la suite ne mentionnent pas dans le montant des salaires versés un montant au moins égal au salaire que la recourante ne conteste pas avoir versé aux autres employés que M. B______ en 2015, de sorte que l’on ne saurait se fier à ses dernières pièces pour établir la véritable masse salariale sur laquelle la recourante était tenue de retenir les cotisations sociales.

Les deux extraits du compte courant de M. S. B______, tirés vraisemblablement de ses journaux comptables 2016 et 2017, sur lesquels figuraient des postes rectificatifs relatifs au salaire 2015 de l’intéressé ne sont pas davantage probant, compte tenu de ce qui précède pour démontrer les faits allégués par la recourante.

Les rectificatifs en lien avec le salaire versé auraient en outre également dû être opérés sur le compte salaire de la recourante, ce qui n’a pas été le cas.

Enfin, les documents produits par la recourante à la demande de la chambre de céans ne portent aucune mention permettant de confirmer qu’ils auraient été établis en toute régularité.

Dans ces circonstances, force est de constater que les allégués de la recourante quant au salaire véritablement versé ou dû à M. B______ pour 2015 ne sont pas démontrés ni vraisemblables.

Or, si l’employeur inscrit une rétribution, pour un travail effectué, au crédit du compte du salarié – comme l’a initialement effectué la recourante –, des cotisations sociales doivent être perçues sur ce montant, à moins que le salarié ne reçoive qu’une simple promesse d’un salaire futur, dont le montant et la date de son paiement sont indéterminés (cf. ch. 1010 DSD, avec les références à la jurisprudence fédérale).

En l’espèce, tel qu’il ressort du journal comptable 2015 produit à l’occasion du contrôle d’employeur opéré initialement par l’intimée, le montant de CHF 150'000.-a bel et bien été crédité (à sa valeur nette), à titre de salaire 2015 de M. B______, sur le compte courant de celui-ci, de même qu’il a été comptabilisé sur le compte salaire de la recourante. En outre, cette dernière a établi un premier certificat de salaire 2015, le 12 janvier 2016, attestant d’une rémunération de CHF 150'000.- en faveur de M. S. B______. À cela s’ajoute que le salaire de l’intéressé s’élevait également à CHF 150'000.- pour l’année 2014.

Ces éléments démontrent que ce salaire n’était pas qu’une simple promesse, mais bel et bien la rémunération initialement convenue.

Enfin, la chambre de céans n’est pas liée par le fait que l’AFC a retenu un montant de CHF 75'000.- à titre de revenu 2015 de M. S. B______ (ATF 134 V 250 consid. 3.3). L’on peut au demeurant douter qu’elle aurait accepté de retenir ce montant si elle avait été en possession des certificats de salaire très variés figurant à la présente procédure. L’autorité fiscale a d’ailleurs indiqué à l’intéressé qu’il lui serait possible de demander une décision de modification des taxations déjà établies dans le but d’essayer d’obtenir la taxation de ces rémunérations pour les années antérieures, ce qui conforte dans le sens d’une rémunération supérieure d’emblée attendue. Il n’est en outre pas possible de vérifier si le solde de la rémunération pourtant convenue en faveur de M. S. B______ a été perçu par ce dernier sous une autre forme durant les années suivantes, en sa qualité d’administrateur de la recourante.

Que M. B______ ait reçu l’intégralité de son salaire en 2015, ce qui apparaît établi au degré de vraisemblance prépondérant au regard des pièces saisies lors du contrôle de l’employeur et faute d’éléments probants venant le contredire, ou qu’il n’ait qu’un droit au solde de son salaire pour le travail fourni, les cotisations devaient être versées sur le montant de CHF 150'000.-.

La recourante n’a au demeurant pas fait valoir que le montant contesté ne correspondrait pas à la prestation de travail de M. B______, étant précisé qu’un revenu est considéré comme réalisé - indépendamment du fait qu’un versement ait eu lieu ou non - au moment où le droit à ce revenu est acquis (arrêt du Tribunal fédéral H 328/00 du 26 juillet 2001 consid. 2b avec références). Il appartenait enfin à l’employé d’effectuer à temps toute démarche utile pour récupérer sa créance.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision sur opposition du 11 septembre 2020 confirmée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le