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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4189/2021

ATAS/268/2022 du 24.03.2022 ( FFP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4189/2021 ATAS/268/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 mars 2022

5ème Chambre

 

En la cause

A______, sise c/o Mme B______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      Par décision de cotisation pour la taxe professionnelle 2021 du 4 septembre 2021, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a fixé le montant de la taxe de formation professionnelle, pour l’année 2021, de l’association Apprendre Autrement (ci-après : l’association ou la recourante) à CHF 310.-. Ce montant était calculé à raison de CHF 31.- par salarié, sur l’effectif de dix salariés occupés par l’association en décembre 2019.

B.       a. Par acte remis au guichet du greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), le 10 décembre 2021, l’association a interjeté recours contre la décision précitée. Son animatrice, Madame B______, exposait avoir vécu une année 2021 « extrêmement violente », d’un point de vue personnel, ce qui l’avait empêchée de gérer correctement le suivi administratif et financier de l’association. Elle mentionnait, notamment, la découverte d’un cancer chez son père, qui avait emporté ce dernier en mars 2021, et la détection d’un trouble de l’attention (TDAH) chez elle ainsi que chez sa fille. Ces difficultés personnelles l’avaient éloignées de l’association, dont elle n’avait repris la gestion administrative que très récemment, avec pour conséquence qu’elle était parvenue à boucler les comptes de l’année 2020. À cet effet, elle joignait, en annexe, une copie desdits comptes, ainsi que divers documents se rapportant à son hospitalisation auprès de la clinique de la Métairie, au décès de son père ainsi que des documents médicaux concernant les troubles de comportement de sa fille. Mme B______ expliquait qu’en raison de la première crise de la COVID-19, elle avait perdu, en 2020, ses employés, ses bénévoles et ses locaux, ainsi que les capitaux personnels qu’elle avait investis dedans ; depuis lors, elle indiquait ne faire que lutter pour survivre. Elle concluait en faisant appel à la bienveillance et à la compréhension de la chambre de céans pour annuler la taxe de formation professionnelle 2021, qui était réclamée à l’association.

b. Compte tenu de la date de la décision et de celle du recours, la chambre de céans a réclamé à la caisse la preuve de la date de notification de la décision querellée. Par courrier du 10 janvier 2022, la caisse a répondu qu’elle n’avait malheureusement pas de preuve à fournir mais que selon toute vraisemblance, en se fondant sur les autres documents qui avaient été adressés à l’association sans qu’il n’y ait aucun retard, elle considérait qu’il était vraisemblable que l’association ait reçu la décision en date du 5 septembre 2021.

c. Interpellée dans le même sens, la recourante a répondu qu’il lui était impossible de donner la date précise de la réception de la décision et qu’en raison des problèmes mentionnés dans le recours, elle n’avait pris connaissance de la décision qu’en date du 10 décembre 2021, et avait déposé le recours le même jour.

d. Dans sa réponse du 7 février 2022, la caisse a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la confirmation de sa décision du 4 septembre 2021. Afin de déterminer la taxe professionnelle de l’année 2021, il convenait de prendre en compte l’effectif engagé en décembre 2019. Après nouvel examen de l’attestation de salaires pour la période 2019, elle confirmait devoir prendre en considération dix salariés afin de fixer la cotisation due par la recourante. Peu importait le taux d’occupation des salariés. Par ailleurs, aucun employé n’avait été compté à double.

e. À teneur de l’attestation précitée, la chambre de céans a pu constater que l’association avait effectivement déclaré dix employés actifs au mois de décembre 2019.

f. Par courrier du 9 février 2022, la chambre de céans a octroyé un délai au 3 mars 2022 à la recourante pour lui communiquer son éventuelle réplique.

g. Cette dernière ne s’étant pas déterminée dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 11 mars 2022.

h. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, entrée en vigueur le 1er janvier 2011 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 66 al. 1 de la loi sur la formation professionnelle, du 15 juin 2007 (LFP  - C 2 05).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les décisions prises en application de l'art. 65 let. a, b et d LFP peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 66 al. 1 et 2 LFP et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

À titre préalable, il est nécessaire d’examiner si, comme l’allègue l’intimée, le recours est tardif, compte tenu de l’écart entre la date de la décision querellée (le 4 septembre 2021) et la date de réception du recours au guichet de la chambre de céans (le 10 décembre 2021).

3.         

3.1 Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication (art. 62 al. 3 LPA). Le délai fixé par semaines, par mois ou par années expire le jour qui correspond par son nom ou son quantième à celui duquel il court ; s'il n'y a pas de jour correspondant dans le dernier mois, le délai expire le dernier jour dudit mois. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile. Les écrits doivent parvenir à l'autorité ou être mis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit. Les délais sont réputés observés lorsqu'une partie s'adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (art. 17 LPA).

 

3.2 Le délai légal ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l'acte qui est l'objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 181).

3.3 Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée ; s'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références ; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée ; KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., n. 704 p. 153 ; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., n. 341 p. 123). Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente (cf. ATF 110 V 37 consid. 3) a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (ATFA non publié du 11 avril 2005, C 24/05 consid. 4.1).

3.4 Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 124 V 402 consid. 2a). En ce qui concerne plus particulièrement la notification d'une décision ou d'une communication de l'administration adressée par courrier ordinaire, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d'assurances sociales (ATF 124 V 402 consid. 2b). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2007 du 5 mai 2008 consid. 4.2).

3.5 L'envoi sous pli simple ne permet en général pas d'établir que la communication est parvenue au destinataire. La seule présence au dossier de la copie d'une lettre n'autorise pas à conclure avec un degré de vraisemblance prépondérante que cette lettre a été effectivement envoyée par son expéditeur et qu'elle a été reçue par le destinataire (ATF 101 Ia 8 consid. 1). La preuve de la notification d'un acte peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l'absence de protestation de la part d'une personne qui reçoit des rappels (cf. ATF 105 III 46 consid. 3 ; DTA 2000 n. 25 p. 121 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 6/02 du 21 janvier 2003 consid. 3.2).

4.        En l’espèce, l’intimée n’est pas en mesure de démontrer à quelle date la décision est entrée dans la sphère de puissance de sa destinataire.

De son côté, la recourante n’invoque pas formellement avoir été empêchée d’agir, ni ne demande une restitution du délai de recours, mais maintient une certaine ambivalence sur la question du délai de recours, alléguant, d’une part, qu’elle ne sait pas exactement à quelle date la décision lui a été notifiée et d’autre part, qu’elle a subi un grand nombre d’épreuves personnelles qui l’ont empêché de gérer ses démarches administratives.

L’intimée, qui supporte le fardeau de la preuve de la notification de la décision querellée, n’est pas en mesure d’établir, au niveau de la vraisemblance prépondérante, que la décision a été notifiée plus de trente jours avant la date de dépôt du recours.

Dans ces conditions, la chambre de céans considère que le recours est recevable, étant rappelé que, par ailleurs, les conditions de forme du recours sont respectées (art. 89B LPA).

5.         

5.1 Le litige porte sur le bien-fondé de la cotisation de formation professionnelle pour l’année 2021, réclamée par la caisse à l’association.

5.2 La LFP assure la mise en œuvre de la loi fédérale sur la formation professionnelle, du 13 décembre 2002 et englobe tous les niveaux de qualification liés à la formation professionnelle (art. 1 al. 1 LFP). Elle régit en particulier tous les secteurs professionnels autres que ceux relevant des hautes écoles (art. 1 al. 3 phr. 1 LFP).

5.3 Le but de la LFP est de permettre aux individus d’acquérir des compétences, des connaissances générales et spécifiques ainsi que des savoir-faire, afin de s’intégrer dans l’association et plus particulièrement dans le monde du travail tout en faisant preuve de flexibilité professionnelle. Elle tient compte de leurs aptitudes personnelles et développe leurs capacités intellectuelles ainsi que professionnelles (art. 3 al. 2 LFP).

5.4 À teneur de l’art. 60 al. 1 LFP, sous le nom de « Fondation en faveur de la formation professionnelle et continue » (ci-après : la fondation), il est créé une fondation de droit public destinée à participer financièrement aux actions en faveur de la formation professionnelle et de la formation continue des travailleurs et des travailleuses. Dotée de la personnalité juridique, la fondation est placée sous le contrôle du Conseil d'État.

Selon l’art. 61 al. 1 LFP, les ressources de la fondation sont constituées par une cotisation à la charge des employeurs, ainsi que par une subvention inscrite chaque année au budget de l’État.

5.5 Selon l'art. 62 LFP, sont astreints à la cotisation, au sens de l’art. 61 al. 1 let. a, les employeurs et les employeuses tenus de s’affilier à une caisse d’allocations familiales et astreints au paiement de contributions, conformément aux art. 23, al. 1 et 27 de la loi sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

La cotisation est fixée chaque année par le Conseil d’État, en francs, par salarié. Toutes les personnes occupées par un employeur au mois de décembre de l’année précédant la fixation de la cotisation par le Conseil d’État sont considérées comme personnes salariées (art. 63 al. 1 et 2 LFP).

La cotisation est perçue par les caisses d’allocations familiales regroupant les employeurs et employeuses visés à l’art. 62 (art. 64 al. 1 LFP).

5.6 La cotisation annuelle 2021 a été fixée par le Conseil d’État, dans sa séance du 13 janvier 2021, à CHF 31.- par travailleur-euse.

6. En l’occurrence, il n’est pas contesté que la recourante est affiliée à une caisse d’allocations familiales et tenue de payer des contributions, de sorte qu’elle est astreinte à la cotisation de la LFP.

La chambre de céans ne peut que constater que la recourante comptait bien dix salariés en décembre 2019, ce qu’elle ne conteste pas. C’est, dès lors, à juste titre que l’intimée lui a réclamé le paiement de CHF 310.- à titre de cotisation LFP pour l’année 2021 (soit 10 x CHF 31.-), quand bien même l’effectif du personnel a pu varier durant l’année (ATAS/648/2016 du 23 août 2016).

Les difficultés personnelles invoquées par la recourante ne sont pas de nature à permettre une annulation de la décision de taxation, ce qui a pour conséquence que la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

7. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H LPA).


C.     

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le