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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4180/2021

ATAS/261/2022 du 21.03.2022 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4180/2021 ATAS/261/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 mars 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Succession de feue Madame A______, domiciliée c/o Me Claude ULMANN, Place Edouard-Claparède 1, GENÈVE

 

 

recourante

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après la bénéficiaire), est née le ______ 1944.

b. Par ordonnance du 20 novembre 2015, le tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a nommé Maître Claude ULMANN curateur de portée générale de la bénéficiaire (ci-après : le curateur).

c. Par décision du 25 février 2021 du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé), elle a été mise au bénéfice de prestations complémentaires fédérales avec effet au 1er mai 2020.

d. La bénéficiaire est décédée le 10 mai 2021, ce dont son curateur a informé le SPC le lendemain.

e. Le 25 juin 2021, la justice de paix a ordonné l’administration d’office de la succession et a désigné le curateur aux fonctions d’administrateur d’office.

B. a. Par décision du 4 octobre 2021, le SPC a demandé la restitution des CHF 3'877.50 correspondant aux prestations versées depuis le début de l’année civile. Il a également indiqué que la somme de CHF 1'688.50 relative au remboursement de frais médicaux serait retenue et ne serait pas versée au crédit de la succession.

b. Le 13 octobre 2021, le curateur a formé opposition contre cette décision. À teneur de la déclaration de succession, l’actif successoral s’élevait à CHF 168'897.- et non pas à CHF 256'984.-, comme retenu à tort par le SPC. Surtout, il était inacceptable de solliciter la rétrocession de CHF 1'613.50 pour des factures n’ayant jamais été remboursées.

c. Le 18 novembre 2021, le SPC a rejeté l’opposition. Le montant de CHF 256'984.- retenu au titre de fortune ressortait directement des dernières pièces transmises par le curateur. Cette fortune était composée de titres UBS et du solde de deux comptes auprès de l’UBS et d’un autre auprès de la Banque cantonale de Genève. Dans tous les cas, le montant de la fortune était sans incidence sur le montant à restituer, le solde disponible au sens de la loi permettant largement de couvrir la créance du SPC. Concernant la somme de CHF 1'688.50, elle correspondait à trois factures relatives à des frais médicaux admis mais que le SPC n’avait pas pu rembourser à la bénéficiaire du fait du blocage automatique du système informatique du SPC dès l’annonce du décès. Cette somme était donc bien due par le SPC, mais retenue jusqu’au remboursement des montants figurant dans la décision de restitution.

C. a. Le 9 décembre 2021, le curateur, au nom de la succession de feue la bénéficiaire, a interjeté recours contre la décision sur opposition du SPC du 18 novembre 2021. Il a conclu à l’annulation de la décision, à ce qu’il soit retenu que la fortune au moment du décès s’élevait à CHF 165'404.-, au déboutement de l’intimé de sa réclamation en CHF 1'613,50 et à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’il acceptait, en tant qu’administrateur, de restituer la somme de CHF 2'264.-.

b. L’intimé a répondu au recours le 22 décembre 2021, persistant dans les termes et conclusions de sa décision sur opposition et rappelant notamment que les frais médicaux retenus l’étaient uniquement dans l’attente du remboursement des prestations complémentaires faisant l’objet de la demande de restitution. Il a produit une copie de l’intégralité du dossier de la bénéficiaire.

c. Par courrier du 3 février 2022, la recourante a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

d. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans le délai et la forme requis, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

3.             Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui (dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision) constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

3.1 Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

4.             En l’espèce, la recourante est sans conteste touchée par la décision sur opposition du 18 novembre 2021 – qui constitue l’objet de la contestation – et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification en tant qu’elle ordonne la restitution de prestations à hauteur de CHF 3'877,50. Elle ne remet cependant pas en cause le principe de la restitution, ni le calcul de celle-ci. L’objet du litige porte ainsi uniquement sur l’évaluation de la fortune nette de la bénéficiaire au moment de son décès et sur le refus de lui verser la somme de CHF 1'688.50 relative à des frais médicaux qui devaient lui être remboursés, à teneur des décisions du SPC des 11 juin, 24 juin et 6 août 2021.

5.             Selon l'art. 3 LPC, les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle, versée mensuellement (let. a) et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (let. b).

À teneur de l’art. 16a al. 1 LPC, les prestations légalement perçues en vertu de l’art. 3, al. 1, doivent être restituées à la charge de la succession après le décès du bénéficiaire. La restitution est seulement exigible pour la part de la succession supérieure à CHF 40'000.-.

L’art. 27a al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) prévoit que, pour le calcul de la restitution des prestations légalement perçues, la succession doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile qui concernent l’évaluation de la fortune. La fortune au jour du décès est déterminante.

6.              

6.1 En l’espèce, concernant tout d’abord l’évaluation de sa fortune, la recourante considère que l’intimé a erré en se basant sur les documents bancaires transmis à l’appui de la demande de prestations de mai 2020 qui fait état d’une fortune de CHF 256'984.- plutôt que sur le relevé de fortune UBS au 10 mai 2021 faisant état d’une fortune de CHF 165'404.- ou encore sur la déclaration de succession du 29 septembre 2021 laissant apparaître un avoir net imposable en CHF 153'095.-.

6.2 À cet égard, la chambre de céans relève que, comme la recourante l’admet expressément, cette question n’a en l’espèce aucune incidence sur le montant à rembourser. En effet, que l’on prenne en compte les documents produits en mai 2020, le relevé de fortune de l’UBS du 10 mai 2021 ou la déclaration de succession, le montant de la fortune après déduction de CHF 40'000.- (art. 16a al. 1 LPC) demeure largement supérieur à la somme à restituer. Dans ces circonstances, la recourante ne dispose d’aucun intérêt digne de protection à faire modifier l’évaluation de la fortune. Sa conclusion à cet égard est par conséquent irrecevable.

6.3 Pour ce qui est ensuite de la somme de CHF 1'688.50 retenue par l’intimé, il convient tout d’abord d’identifier à quoi elle correspond et à quel titre elle a été conservée.

En recoupant les informations figurant au dossier produit à la procédure et les termes de la décision sur opposition du 18 novembre 2021, il appert qu’il s’agit du cumul de divers frais médicaux dont le remboursement à la recourante avait été accepté par décisions des 11 juin, 24 juin et 6 août 2021. Le système informatique de l’intimé bloquant systématiquement ce type de remboursement dès l’annonce du décès d’un bénéficiaire, il n’a jamais fait l’objet d’une restitution effective. Selon l’intimé, le montant dû ne pourrait ainsi être viré en faveur de la succession qu’une fois que cette dernière aurait elle-même restitué les montants prévus par la décision entreprise. Cette lecture est confirmée par la réponse de l’intimé du 22 décembre 2021 qui se détermine très brièvement sur ce point en indiquant : « ainsi qu’il a été expliqué dans la décision dont il est litige, certains montants à titre de remboursement de frais maladie n’ont pas été versés à ce stade car ils sont retenus en attente du remboursement des prestations complémentaires. Cela ressort des explications fournies dans le cadre de l’opposition de sorte que le SPC peine à comprendre les arguments de la recourante ».

7.              

7.1 Vu l’absence de remboursement de la part de l’intimé de la somme de CHF 1'688.50, il ne saurait en requérir la restitution. Le montant de CHF 3'877,50 réclamé par l’intimé doit être ainsi réduit du montant de CHF 1'688.50. Cela est d’autant plus justifié que la recourante a toujours reconnu, tant sur le principe que sur les montants, devoir restituer les PCF et les frais médicaux qui lui ont été octroyés pour l’année 2021. Logiquement, elle n’entend en revanche pas rembourser des montants qui ne lui ont jamais été versés.

7.2 C’est ainsi à juste titre que la recourante accepte de restituer uniquement CHF 2'264.- correspondant aux sommes qu’elle a effectivement touchées en 2021. L’intimé ne peut prétendre au solde de ses prétentions en restitution en tant qu’il porte sur une somme qui n’a jamais été versée.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

9.             Représentée par un avocat intervenant en tant qu’administrateur d’office de la succession, la recourante conclut à l’octroi de dépens en sa faveur.

Selon la jurisprudence, un assuré représenté gratuitement par une institution publique d’assistance ne peut prétendre à des dépens devant l’autorité judiciaire cantonale, faute de justification économique (ATF 126 V 11 consid. 2 et 5). Il ne saurait cependant en aller de même pour un avocat nommé administrateur d’office de la succession ou curateur, concernant les tâches accomplies qui sont propres à son activité professionnelle, comme la conduite d’un procès (ATF 116 II 399 consid. 4b). En effet, sa rétribution est due par les héritiers et prélevée sur les avoirs successoraux avant la remise de la succession aux héritiers déterminés par le certificat d'héritiers, ce sur la base d’un décompte précis de frais et d'activités (art. 400 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) applicable par analogie) et selon le tarif prévu par le règlement fixant la rémunération des curateurs du 27 février 2013 (RRC – E 1 05.15).

9.1 En l’espèce, il se justifie donc d’octroyer des dépens à la recourante. Vu la faible complexité de l’affaire, sa valeur litigieuse limitée et le gain uniquement partiel de la procédure, ceux-ci seront limités à CHF 1'000.-.

10.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. art. 61 let. fbis a contrario LPGA et art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 18 novembre 2021.

4.        Condamne la recourante à restituer à l’intimé la somme de CHF 2'264.-.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 1'000.- au titre de dépens.

6.        Déboute les parties de toutes autres conclusions.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le