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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2064/2021

ATAS/232/2022 du 14.03.2022 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2064/2021 ATAS/232/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sara GIARDINA

demandeur

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

défenderesse

et

B______ Genève, sise à GENÈVE

dénoncée

 


EN FAIT

A. a. En date du 25 juin 2012, la société MUTUEL ASSURANCES SA, société dont les actifs et les passifs ont entretemps été repris par la société GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : l’assurance), a conclu un contrat, selon la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1), d’assurance-maladie collective perte de gain avec l’association OrTra santé-social Genève (ci-après : l'employeur).

b. L’employeur a mandaté un courtier, C______ SA (ci-après : C______), pour s’occuper de la gestion de ses assurances. C’est notamment cette société qui s’occupait de la gestion du contrat susmentionné.

c. Ce contrat couvrait les conséquences économiques d’une incapacité de travail des employés de l’employeur. Il était stipulé que les conditions générales d’assurances PC-M du 1er septembre 2010 (ci-après : les CGA-2010) faisaient partie intégrante du contrat. L’art. 10 ch. 2 let. a CGA-2010 stipule que la couverture d’assurance et le droit aux prestations cessent pour chaque assuré lorsqu’il cesse d’appartenir au cercle des assurés.

d. Le contrat d’assurance a fait l’objet d’un avenant du 8 novembre 2016 qui modifiait le cercle des personnes couvertes et précisait que les autres conditions de la police demeuraient inchangées. Un second avenant modifiant le taux de prime par employé couvert a été transmis par l’assurance à l’employeur en date du 30 octobre 2019, avec également la précision que les autres conditions de la police demeuraient inchangées.

e. En date du 1er septembre 2016 l’assurance a refondu ses conditions générales relatives à ses contrats d’assurance-maladie perte de gain collective selon la LCA. Ces nouvelles conditions générales (ci-après : les CGA-2016) précisent en leur art. 11 qu’il est fait une distinction entre la fin de la couverture d’assurance et la fin du droit aux prestations ; la fin du contrat de travail d’un assuré met fin à la couverture d’assurance, mais pas aux prestations.

f. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré) a travaillé au service de l'employeur à partir du 1er septembre 2017.

g. En son chiffre 11.2, le contrat de travail stipulait que l’assuré était assuré contre la perte de gain maladie à 100% pendant 30 jours, et à 80% dès le 31ème jour jusqu’à un total de 730 jours au total.

h. Le 12 février 2019, l’assuré a annoncé une incapacité de travail pour maladie à l’assurance. A la suite de quoi, celle-ci a versé des indemnités perte de gain journalières.

i. En date du 18 avril 2019, le Docteur D______, médecin praticien FMH et médecin-traitant de l’assuré, a rendu un rapport dans lequel il constatait une incapacité de travail totale à durée indéterminée de l’assuré, en raison de divers troubles de nature psychiatrique. Il recommandait un examen par un psychiatre.

j. Par courrier recommandé du 19 juin 2019, l'employeur a résilié le contrat de l'assuré pour le 30 septembre 2019. Il a annexé à la résiliation le texte des CGA 2016, en précisant que seul ce texte faisait foi en la matière. La directrice de l’employeur, Madame E______, a en outre évoqué au téléphone avec l’assuré la question de son indemnisation par l’assurance après la fin des rapports de travail et l’a informé qu’il continuerait à recevoir des indemnités-journalières de cette dernière.

k. En date du 10 juillet 2019, le Docteur F______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport à l’attention de l’assurance. Il a conclu que l’assuré était désormais entièrement capable de travailler. Les troubles psychiatriques dont souffrait antérieurement l’assuré avaient disparu.

l. À la même date, l’assuré a, par le truchement de l’assurance, déposé une requête de prestations auprès de l’assurance-invalidité.

m. Par courrier daté du 19 août 2019, l’assurance a informé l’assuré qu’elle cesserait de lui verser des indemnités journalières aux 1er octobre 2019.

n. Par courrier du 8 novembre 2019, le Dr F______ a informé l’assurance que l’assuré avait partiellement rechuté et qu’il fallait, sur cette base, admettre qu’il était temporairement totalement incapable de travailler du 12 septembre au 15 octobre 2019. Pour le surplus, le Dr F______ confirmait son rapport du 10 juillet 2019.

o. Par courrier du 25 novembre 2019, l’assurance a informé l’assuré qu’elle prolongeait le versement des indemnités journalières jusqu’au 15 octobre 2019, mais qu’elle ne presterait pas pour une période postérieure sauf s’il choisissait de passer en assurance individuelle. Une offre de contrat d’assurance-perte de gain individuelle a été envoyée le même jour à l’assuré.

p. Le 14 août 2020, l’assurance-invalidité a annoncé à l’assuré qu’elle comptait lui octroyer une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020 jusqu’au 30 août 2020, vu l’incapacité de travail apparue le 29 janvier 2019, cela sur la base d’un taux d’invalidité de 80%. Elle a considéré que l’assuré était de nouveau pleinement capable de travailler dès le 25 mai 2020. Il s’en est suivi une décision dans le sens précité, laquelle n’a pas fait l’objet d’une opposition.

q. Dès le mois de mai 2020, l’assuré s’est inscrit au chômage avec une pleine capacité de travail.

B. a. Le 15 juin 2021, l'assuré, représenté par son avocate, a introduit par devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice une demande portant sur un montant de CHF 37'609.- à l'encontre de l'assurance, sur la base du contrat d’assurance perte de gain collective conclu entre celle-ci et son employeur. L'assuré a offert comme preuves, outre les titres produits, divers témoignages. Par courrier du 22 juin 2021, le demandeur a en outre requis la tenue d'une audience de débats.

b. Le 9 juillet 2021, l’assurance a déposé un mémoire de réponse dans lequel elle a conclu au déboutement complet du demandeur sous suite de frais et dépens.

c. Le 7 septembre 2021, le demandeur a répliqué et persisté dans ses conclusions initiales. Il a en outre offert comme preuve additionnelle le témoignage de la directrice de l'employeur, Madame E______. La défenderesse a dupliqué par courrier du 12 octobre 2021 en maintenant sa position.

d. Le 3 novembre 2021, le demandeur a dénoncé l'instance à l'employeur. Par courrier du 18 novembre 2021, celui-ci a exprimé qu'il ne souhaitait pas intervenir à la procédure.

e. Par ordonnance d’instruction et de preuve du 2 décembre 2021, la chambre de céans a limité le litige à la question de l’existence d’un droit théorique du demandeur à l’encontre de la défenderesse postérieurement au 30 septembre 2019, en lien notamment avec la question des conditions générales d’assurance applicables. Elle a en outre admis le témoignage de Madame E______ et l’interrogatoire des parties à titre de preuve.

f. Une audience de débats principaux a eu lieu le 20 décembre 2021. À cette occasion, les parties ont été interrogées et Madame E______ a été entendue comme témoin. Sur requête de la chambre de céans, cette dernière a encore déposé des pièces en date du 21 décembre 2021.

g. Les parties ont déposé des plaidoiries écrites en date du 28 février 2022, sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon les contrats en cause, la LCA est applicable. La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger de l’existence de la prétention en remboursement de frais liés à un sinistre allégué est donc établie.

L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, tant l’art. 29 des CGA-2010 que l’art. 33 des CGA-2016 prévoient que les tribunaux du domicile suisse de la personne assurée sont compétents pour toute action liée à un contrat d’assurance auquel ces conditions générales se rapportent.

L’assuré ayant son domicile dans le canton de Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

2.             Les litiges que les cantons ont décidé de soumettre à une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC ne sont pas assujettis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/1220/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3 ; ATAS/590/2021 du 9 juin 2021 consid. 2), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, de sorte qu’elle est recevable.

3.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC). En outre, la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 CPC al. 2 let. a CPC ; ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

3.1 Selon la maxime inquisitoire sociale, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige, le juge se contentant le cas échéant de poser des questions adéquates ; l'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). Ce devoir d’interpellation accru du juge est en outre nettement réduit lorsque les parties sont assistées de professionnels du droit, et notamment d’un avocat (ATF 141 III 569 consid. 2.3.2 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.1; ATAS/1177/2021 du 15 novembre 2021 consid. 5.1). Dans un tel cas, il ne revient notamment pas au juge d’élargir de lui-même le complexe de fait ou de rechercher les faits à l’aide de moyens de preuve allant au-delà de ceux proposés par la ou les partie(s) concernée(s) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_875/2015 du 22 avril 2016 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2).

Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est en revanche pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

3.2 Le droit d’être entendu fondé notamment sur les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et 53 al. 1 CPC prévoit qu’une partie à une procédure dispose d’un droit à proposer une offre de preuve et à voir celle-ci administrée si elle apparait pertinente (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1 ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; ATF 143 III 65 consid. 3.2). Le juge peut toutefois procéder à une appréciation anticipée des preuves et renoncer à l’administration d’une preuve pertinente s’il lui apparait que les éléments de preuve disponibles suffisent à emporter sa conviction (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2 ; ATF 143 III 297 consid. 9.3.2 ; ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; ATF 140 I 285, consid. 6.3.1).

3.3 En l’espèce, l’assuré a, outre les preuves administrées en procédure, offert comme preuve les témoignages des Docteurs D______, G______ et H______, ainsi qu'une expertise portant sur les problèmes de santé allégués par le demandeur.

Par ordonnance d’instruction et de preuve du 2 décembre 2021, la chambre de céans a limité l’objet de la procédure et réservé le sort des offres de preuve susmentionnées au résultat de cette instruction limitée. Or, l’instruction réalisée dans ce cadre a permis d’établir que la question de l’incapacité de travail ou de gain du demandeur postérieurement au 15 octobre 2019 (la période antérieure n’étant pas contestée) n’avait dans tous les cas pas d’impact sur le résultat du présent litige.

En conséquence, il convient de renoncer au témoignage des Docteurs D______, G______ et H______, ainsi qu’à une expertise judiciaire, ces offres de preuve se rapportant toutes à la question de l’incapacité de travail ou de gain du demandeur.

4.             Il convient d’examiner la question de l’existence d’un droit du demandeur à l’encontre de la défenderesse.

4.1 Selon le demandeur, les CGA-2016 sont applicables au présent litige dès lors qu’elles ont été transmises à son employeur par C______ et que ledit employeur les lui a transmises au moment de son licenciement. Or, selon le demandeur, l’art. 11 ch. 3 let. b des CGA-2016 précise bien que le versement de prestations d’assurances ne prend pas fin avec la fin de la couverture d’assurance. Le fait qu’il n’ait pas opté pour une poursuite de sa couverture en concluant un contrat d’assurance individuel avec la défenderesse à la fin de sa couverture par le contrat collectif de son employeur n’est donc pas déterminant.

4.2 Selon la défenderesse, ce ne sont pas les CGA-2016 qui sont applicables au présent litige mais les CGA-2010. Celles-ci faisaient en effet partie intégrante du contrat d’assurance collective conclu le 25 juin 2012 et aucun avenant n’a modifié cette situation. Or, l’art. 10 ch. 2 CGA-2010 prévoit que le droit au versement des indemnités journalières cesse avec la sortie du cercle des assurés, sauf en cas de prolongation de la couverture d’assurance par l’assuré sous la forme d’une assurance individuelle. Dès lors que le contrat de travail de l’assuré a pris fin au 30 septembre 2019, le demandeur ne dispose pas de prétention contre l’assurance depuis cette date. Le fait que celle-ci ait payé des indemnités journalières jusqu’au 15 octobre 2019 inclus n’y change rien.

5.             En tant que règle sur le fardeau de la preuve, l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Autrement dit, l’article 8 CC ne règle pas stricto sensu la question de savoir qui doit prouver un fait mais bien plutôt quelle partie porte la conséquence de l’absence de preuve quant à un fait particulier (ATF 143 III 1 consid. 4.1 ; ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 127 III 519 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 4.2). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; ATAS/1220/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.2 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 12.2). La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.140/2006 du 14 août 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1 ; ATAS/1177/2021 du 15 novembre 2021 consid. 10.1.1).

6.             Il convient de déterminer quelles sont les règles contractuelles applicables au présent litige, les parties s’opposant sur ce point.

6.1 Selon l’art. 100 al. 1 LCA, le contrat d’assurance est régi par le droit des obligations lorsque la LCA ne contient pas de règle spéciale.

Selon l’art. 1 CO, un contrat est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.

Un contrat est le résultat de deux actes juridiques unilatéraux : l’offre et l’acceptation ; la première est une condition de la seconde, en ce sens que lorsque la volonté de l’acceptant concorde avec celle de l’offrant s’agissant à tout le moins des points essentiels du contrat en cause, celle-ci produit les effets dudit contrat (primauté de l’interprétation subjective) ; pour déterminer cette volonté subjective, qui est un fait interne, un tribunal peut se baser sur tous les éléments disponibles (ATF 147 III 153 consid. 5.1 ; ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et 5.2.2 ; ATF 131 III 467 consid. 1.1 ; ATF 129 III 118 consid. 2.5 ; ATF 127 III 444 consid. 1b). Lorsque la volonté de l’offrant ne concorde pas avec celle de l’acceptant, il est néanmoins possible que l’acceptation produise tout de même son effet pour autant que, soit l’offre, soit l’acceptation, comprise de bonne foi par son récepteur, corresponde à la volonté de celui qui la reçoit (interprétation objective subsidiaire dite « principe de la confiance ») ; il en va de même lorsque la volonté subjective des parties ne peut pas être déterminée avec suffisamment de certitude (ATF 147 III 153 consid. 5.1 ; ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et 5.2.3 ; ATF 144 III 43 consid. 3.3 ; ATF 130 III 417 consid. 3.2 ; ATF 129 III 118 consid. 2.5). Dans le cadre de l’interprétation objective, la lettre d’une stipulation joue un rôle prépondérant ; elle n’est toutefois pas déterminante si des éléments permettent sérieusement de remettre en doute la compréhension littérale de celle-ci (ATF 138 III 659 consid. 4.2.1 ; ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 ; ATF 135 III 29 consid. 5.2 ; ATF 131 III 280 consid. 3.1 ; ATF 129 III 702 consid. 2.4.1).

Ces principes sont applicables à des conclusions générales intégrées à un contrat (ATF 142 III 671 consid. 3.3 ; ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_330/2021 [destiné à la publication aux ATF] du 5 janvier 2022 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.1). Cela sous réserve du principe d’interprétation en défaveur du rédacteur (in dubio contra stipulatorem) applicable dans le cadre de l’interprétation objective lorsqu’il subsiste un doute quant au résultat de celle-ci (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 ; ATF 124 III 155 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.1).

6.2 Selon la jurisprudence, l'assureur est tenu de prester jusqu'à la fin de la durée convenue si le sinistre a lieu pendant la période de couverture, peu importe que cette couverture ait entretemps pris fin, sauf s’il existe une clause spéciale contraire dans le contrat d'assurance perte de gain maladie (ATF 127 III 106 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2010 du 3 juin 2010 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_120/2008 du 19 mai 2008 consid. 2.2).

7.              

7.1 Le contrat conclu entre la défenderesse et l'employeur en date du 25 juin 2012 mentionne en sa page 5 :

« Parties Intégrantes

Conditions générales de l’assurance collective d’une indemnité journalière (PC-M), édition du 01.09.2010 »

Il apparait donc manifeste que les conditions générales initialement applicables étaient les CGA-2010. Il convient donc d’examiner si cette situation d’origine a été modifiée pour prévoir l’application des CGA-2016.

Sur requête de la chambre de céans, l’employeur a produit en date du 21 décembre 2021 tous les documents signés dont il disposait en lien avec le contrat d’assurance conclu avec la défenderesse. Le seul document signé produit dans ce cadre est un avenant daté du 8 novembre 2016 qui concerne la modification du cercle des assurés et qui précise : « Les autres conditions de la police demeurent inchangées. » Il n’y est fait aucune référence aux CGA-2016. Rien ne laisse en outre penser que ces conditions générales aient été annexées à cet avenant. Au contraire, un courriel du courtier IBC à la défenderesse du 21 novembre 2016 (produit sous pièce 30 défenderesse, p. 29) qui fait référence audit avenant ne mentionne pas ces CGA, et ne contient qu’une seule pièce-jointe qui est, selon toute vraisemblance, l’avenant signé susmentionné.

Outre l’avenant du 8 novembre 2016, seul un avenant du 30 octobre 2019 figure au dossier (produit sous pièce 30 défenderesse, p. 26 et 27). Celui ne concerne que le taux de la prime par employé couvert et précise également : « Les autres conditions de la police demeurent inchangées ».

Par ailleurs, la témoin E______, directrice au sein de l’employeur du demandeur a précisé (procès-verbal d’enquête du 20 décembre 2021, p. 2) : « Une fois que les CGA sont signées, nous les détenons dans nos dossiers RH ». Il apparait donc que si la reprise des CGA-2016 avait fait l’objet d’un avenant, celui-ci aurait été produit par l’employeur en date du 21 décembre 2021 avec l’avenant susmentionné. Or, celui-ci a bien produit ces CGA mais sans qu’elles ne soient signées ou puissent être rattachées au contrat d’assurance collective conclu entre l’employeur et la défenderesse.

Il ressort de ce qui précède, que l’instruction de la cause ne permet pas de retenir avec le degré de la preuve stricte, ou même celui de la vraisemblance prépondérante, que le contrat initial aurait fait l’objet d’une offre ou d’une acceptation visant à l’intégration des CGA-2016. Les seules CGA liant les parties sont donc les CGA-2010.

7.2 En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel c’est le courtier en assurance de l’employeur qui a sans doute transmis à tort les CGA-2016 à celui-ci, et que l’assurance est engagée de ce fait vu l’art. 34 LCA, il ne peut être suivi.

En effet, l’art. 34 LCA doit être compris comme ne faisant référence qu’aux intermédiaires liés à un assureur, que ce soit par un contrat de travail, de mandat ou encore d’agence (voir par exemple pour un conseiller en vente : ATAS/446/2010 du 28 avril 2010) ; en revanche, cette norme ne trouve pas application à un intermédiaire indépendant, et en particulier au courtier en assurance mandaté par un preneur d’assurance (du même avis : Vincent BRULHART, Droit des assurances privées, 2ème éd. 2017, n. 353-3, p. 187).

Le courtier en cause est mandaté par l’employeur pour gérer ses intérêts. La témoin E______ a à cet égard déclaré : « Nous avons un courtier qui s’occupe des contrats d’assurances, IBC. Nous avons encore actuellement un mandat avec lui. C’est C______ qui gère l’ensemble de nos assurances. ». Or, l’art. 34 LCA n’est pas applicable à un tel courtier.

8.             C’est donc sur la base des CGA-2010 qu’il doit être déterminé si le demandeur a théoriquement droit à des prestations d’assurances (soit indépendamment de savoir s’il était en incapacité de travail ou non).

8.1 Selon l’art.10 ch. 2 let. a des CGA-2010 :

« La couverture d’assurance ainsi que le droit aux prestations cessent pour chaque assuré :

a)      Lorsque l’assuré cesse d’appartenir au cercle des assurés ; »

Selon l’art. 11 des CGA-2010 l’assuré peut cependant poursuivre sa couverture d’assurance en qualité de membre individuel aux conditions de l’assurance collective s’il fait valoir son droit de passage dans les nonante jours dès la sortie du contrat collectif.

La lettre de ces dispositions est donc claire, et il n’existe aucun élément qui permet de penser que la volonté des parties diffère de celle-ci : les prestations de la défenderesse prennent fin avec la sortie d’une personne du cercle des assurés.

8.2 Le contrat d’assurance collective perte de gain 25 juin 2012, dans sa version modifiée par l’avenant du 8 novembre 2016, précise que les personnes assurées sont l’ensemble du personnel de l’employeur, y compris le personnel fixe.

Il n’est pas contesté par le demandeur qu’il n’était plus au service de l’employeur depuis le 1er octobre 2019 (cf. allégué 1 demandeur). Il n’est pas contesté non plus que le demandeur n’est pas passé en contrat individuel (cf. §6 p. 3 des plaidoiries écrites du demandeur), dès lors qu’il pensait être toujours couvert par le contrat d’assurance collective perte de gain.

Au vu de ce qui précède, les prétentions d’assurance du demandeur fondées sur le contrat d’assurance perte de gain en cause ont pris fin dès le 1er octobre 2019, peu importe que l’assuré ait ou non été en incapacité de travail postérieurement à cette date.

Le fait que la défenderesse ait presté jusqu’au 15 octobre 2019 en précisant qu’elle ne continuerait à verser des indemnités-journalières que jusqu’à cette date, sous réserve expresse d’un passage en assurance-individuelle ne modifie pas ce résultat. En effet, il ressort clairement de cette communication que l’assureur n’entendait plus prester depuis cette date sauf passage en assurance individuelle, et, dès lors, que la couverture d’assurance collective avait pris fin au plus tard à cette date. Il n’est pas nécessaire d’examiner s’il s’agit là de la conclusion d’un contrat d’assurances pour quinze jours par actes concluants, d’une donation, ou d’un versement à tort au sens des art. 62 et 63 CO de la part de la défenderesse, dès lors que celle-ci n’a pas pris de conclusion reconventionnelle sur ce point.

9.             Il ressort de ce qui précède que la demande de l’assuré est infondée est doit être rejetée.

10.         Il faut encore rappeler que, sur requête du demandeur, le présent litige a été dénoncé à l’employeur par courrier de la chambre de céans du 11 novembre 2021. Le résultat de la présente procédure lui est donc opposable (art. 77 CPC par renvoi de l’art. 80 CPC).

S’agissant d’un éventuelle responsabilité de l’employeur fondé sur la violation de l’art. 331 al. 4 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2010 du 3 juin 2010 consid. 3) et/ou la violation de l’art. 11.2 du contrat de travail (ATF 141 III 112 consid. 4.3 ; ATF 127 III 318 consid. 5 ; ATF 124 III 126 consid. 4), au motif que le contrat d’assurance passé avec la défenderesse ne correspondrait pas à la couverture promise par cette stipulation contractuelle, elle n’est pas de la compétence de la chambre de céans.

11.         Si l’art. 114 lit. e CPC prévoit la gratuité de la procédure, cette disposition n’exclut pas le droit à des dépens. L'article 116 CPC permet cependant aux cantons de prévoir non seulement des dispenses de frais judiciaires mais aussi des dispenses de dépens (ATF 139 III 471 consid. 3.1 ; ATF 139 III 182 consid. 2.6). Le droit cantonal genevois prévoit ainsi qu’il n’est pas alloué de dépens à la charge de l’assuré dans les causes portant sur les assurances complémentaires à l’assurance-maladie obligatoire, comme cela ressort de l’art. 22 al. 3 let. b de la loi d’application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (LaCC – E 1 05).

En conséquence, il n'est pas alloué de dépens à la charge de la demanderesse, ni perçu de frais judiciaires. La conclusion en ce sens de la défenderesse est rejetée.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le