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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1509/2021

ATAS/54/2022 du 26.01.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1509/2021 ATAS/54/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 janvier 2022

4ème Chambre

 

En la cause

COMMUNAUTÉ A______, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah HALPERIN GOLDSTEIN

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Le 17 mars 2020, la Communauté A______ (ci-après la A______, l’employeuse ou la recourante) a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE ou l’intimé) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après RHT) pour toute l’entreprise, soit soixante-sept travailleurs, pour une durée probable du 16 mars au 31 mai 2020 à 92%.

b. Par décision du 24 mars 2020, l’OCE a estimé que la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la caisse) pouvait octroyer l’indemnité en cas de RHT à l’employeuse du 20 mars au 31 mai 2020.

B. a. Le 2 novembre 2020, l’employeuse a transmis à l’OCE un nouveau préavis de RHT pour toute l’entreprise, motivé par le fait que A______ était moins fréquentée en raison de la pandémie, des mesures dès le 1er novembre 2020, de l’arrêt de ses activités (événements culturels et activités jeunesse/âge d’or) et de la fermeture des lieux de culte. Vingt-six travailleurs étaient concernés par la RHT dont la durée prévisible courait du 12 novembre 2020 au 31 janvier 2021 avec une perte de travail de 22%.

b. Par courriel du 3 novembre 2020, l’employeuse a indiqué à l’OCE que le jour précédent, elle n’avait pas pu mettre la date correcte sur Job room et qu’il s’agissait du 3 et non du 12 novembre 2020.

c. Par décision du 5 novembre 2020, l’OCE a refusé la demande de RHT, considérant que dans le domaine d’activité de l’employeuse, la perte de travail n’était pas établie. Le but de l’indemnité en cas de RHT était de préserver les emplois et d’éviter des licenciements à court terme consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services et à la perte de travail qui en résultait. De manière générale, ce risque immédiat de disparition d’emplois concernait uniquement les entreprises qui finançaient la fourniture de prestations exclusivement avec des revenus perçus ou avec des fonds privés et qui ne recevaient pas de subventions.

d. Le 7 décembre 2020, l’employeuse a formé opposition à la décision précitée, concluant à ce que l’OCE reconsidère sa position en ce qui concernait le secteur de son association voué à la célébration religieuse.

L’employeuse a transmis plusieurs pièces en annexe de son opposition à l’OCE, dont un nouveau préavis de RHT daté du 7 décembre 2020 pour le secteur exploitation des offices religieux, précisant que quatre travailleurs étaient concernés par la RHT pour la période du 2 novembre 2020 au 31 janvier 2021 avec un pourcentage prévisible de perte de travail de 58,3%.

e. Par décision sur opposition du 16 mars 2021, l’OCE a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 5 novembre 2020, considérant que l’on pouvait admettre qu’il y avait un risque de disparition d’emplois, mais que la perte de travail invoquée par l’employeuse concernant les quatre employés de son secteur des offices religieux de 58% n’était pas établie.

C. a. Le 3 mai 2021, l’employeuse a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice en produisant diverses pièces à l’appui de celui-ci. Elle a fait valoir que l’intimé avait considéré à tort que la perte de travail de son secteur des offices religieux n’était pas établie et qu’il n’avait pas établi les faits relatifs aux mesures organisationnelles envisageables pour la tenue des offices religieux et de ses activités du service de cultes dans le respect des normes religieuses et sanitaires. Elle concluait à l’octroi de la RHT pour la période du 2 novembre 2020 au 31 janvier 2021.

b. Par réponse du 1er juin 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant qu’indépendamment de la religion pratiquée, on ne pouvait octroyer la RHT pour le secteur de la recourante voué à la célébration religieuse, dès lors qu’il n’y avait aucune perte de travail, ni but économique.

c. Le 25 juin 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à l’indemnité en cas de RHT pour quatre travailleurs du 2 novembre 2020 au 31 janvier 2021.

4.             4.1

4.1.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la RHT est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

4.1.2 Aux termes de l'art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail est prise en considération lorsqu'elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable (let. a) et qu'elle est d'au moins 10% de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise (let. b).En revanche, la perte de travail n'est pas prise en considération lorsqu'elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI). 

Les deux conditions de l’art. 32 al. 1 let. a LACI (perte de travail due à des facteurs économiques et inévitable) sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a).

La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d'ordre économique ». Ces facteurs d'ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 127 consid. 1.3 ; 2000 p. 53 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 [RUBIN, op. cit., n. 6 ad art. 31 et les références citées]). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l'entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l'existence d'un facteur économique (DTA 1985 p. 109 consid. 3a).

4.1.3 L'art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèles dues aux conditions météorologiques où à d'autres circonstances non imputables à l'employeur.

Cette disposition permet ainsi d'accorder l'indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu'économiques, dans certaines situations appelées : « cas de rigueur ». Cet alinéa s'écarte en conséquence de la logique du système d'indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d'exploitation suffisamment inhabituels pour qu'ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 31).

L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur.

L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a); contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b); restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c); interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d); dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; Rubin, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation, au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit., n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tel que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1 p. 292).

4.1.4 L’indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs – soit leur congé ou leur licenciement –, d’une part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d’autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs.

En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité, un licenciement – respectivement une non-réélection – peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

4.1.5 C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI).

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emplois. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

4.1.6 L’exigence d’un risque économique à court ou moyen termes concerne aussi l’entreprise. En effet, à la différence de l’ancien régime, où les travailleurs touchés par une RHT percevaient des indemnités parce qu’étant au chômage partiel, l’entreprise, depuis l’entrée en vigueur de la LACI, est au centre des conditions à remplir pour que la perte de travail résultant de la RHT soit prise en considération. Cela ressort notamment de l’art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. À l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple, le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or, si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

4.2

4.2.1 Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, il a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment, le 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2), les inhumations dans le cercle familial restreint étant autorisées (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins 2 m les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars. À compter de cette date, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de 30 personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

Après un certain assouplissement des mesures durant l’été 2020, la situation sanitaire s’est à nouveau dégradée durant l’automne 2020, contraignant les autorités à prendre de nouvelles mesures.

Ainsi, et notamment, les rassemblements spontanés de plus de quinze personnes ont été interdits dans l’espace public, en particulier sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, à compter du 19 octobre 2020 (art. 3c de l’ordonnance du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière - ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26, dans son état le 19 octobre 2020). À la même date, les manifestations privées comportant entre seize et cent personnes ont été soumises à certaines restrictions, notamment l’obligation de consommer assis, de collecter des données de contact et de porter le masque hormis en cas de consommation assise à sa place (art. 6a al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 19 octobre 2020). La recommandation selon laquelle les employés devaient si possible faire du télétravail a à nouveau été émise à cette même date (art. 10 al. 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 19 octobre 2020).

À compter du 29 octobre 2020, il a notamment été interdit d’organiser des manifestations publiques de plus de cinquante personnes, et des manifestations privées de plus de dix personnes (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 29 octobre 2020).

Dès le 12 décembre 2020, les manifestations publiques ont été interdites, à certaines exceptions, notamment les manifestations religieuses jusqu’à cinquante personnes et les funérailles dans le cercle familial et amical restreint (art. 6 al. 1 let. c et d de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020), les manifestations privées de maximum dix personnes restant autorisées (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020).

À compter du 18 janvier 2021, les manifestations privées ont été limitées à cinq personnes (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021), et les magasins et les marchés à l’extérieur ont été fermés au public, seul le retrait sur place de la marchandise étant autorisé (art. 5e al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021) ; des exceptions ont été prévues pour les magasins d’alimentation, pharmacies, drogueries, magasins de bricolages et divers autres secteurs (art. 5e al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021).

Les magasins et les marchés à l’extérieur ont pu rouvrir dès le 1er mars 2021 (ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 1er mars 2021). À compter du 22 mars 2021, les manifestations publiques ont continué à être interdites à certaines exceptions, mais les manifestations privées ont été élargies à dix personnes à l’intérieur et quinze personnes à l’extérieur (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 22 mars 2021).

4.2.2. Le 1er novembre 2020, le Conseil d’État a adopté l’arrêté d’application de l’ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l’arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020, qui interdisait, à son art. 18, les manifestations, publiques et privées, y compris dans le cercle familial, à l’intérieur comme à l’extérieur, réunissant plus de cinq participants sont interdites, les ménages de plus de cinq personnes exceptés (al. 1), les services religieux et autres manifestations religieuses accessibles au public (al. 2), sauf les cérémonies religieuses de mariage jusqu’à cinq participants, en sus des personnes rattachées à l’office religieux (let. a) et les funérailles accessibles au public, jusqu’à cinquante participants, en sus des personnes rattachées à l’office religieux ou au service des pompes funèbres (let. b). 

Selon l’art. 21 al. 1, l’arrêté entrait en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00 (al. 1) et les mesures prévues ont effet jusqu’au 29 novembre 2020 à minuit et pourraient être prolongées en cas de besoin (al. 2).

Par communiqué de presse du même jour, le Conseil d’État a indiqué que le canton faisait face à une flambée des cas et des hospitalisations, 475 patients étant pris en charge par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), dont 56 en lits de réanimation. Les chiffres traduisaient une sévère aggravation de la situation, 1'000 personnes étant quotidiennement testées positives au SARS-CoV-2 depuis quelques jours, avec un chiffre culminant à 1338 cas positifs le 30 octobre 2020. Les hôpitaux qualifiaient la situation de dramatique, un transfert de patients vers d’autres lieux de soins en Suisse ainsi que leur « tri » étant envisagé. Face à cette situation, il se justifiait de durcir les mesures pour briser l’augmentation exponentielle des hospitalisations, dont l’interdiction des services religieux dans les lieux de culte – lesquels restaient toutefois ouverts –, à l’exception des mariages et des funérailles, avec limitation du nombre des participants. Ces établissements étaient en outre tenus d’assurer le suivi de toutes les mesures de prévention requises, comme la désinfection des mains au gel hydro-alcoolique à l’entrée, le port du masque ou le nombre de personnes maximum.

Par arrêté du 25 novembre 2020 entré en vigueur le 28 novembre 2020, le Conseil d’État a modifié l’arrêté COVID-19 et permis la réouverture de certains lieux culturels et de loisirs, ainsi que des commerces de détail. Il a pour le surplus reconduit la durée de validité dudit arrêté, dont la mesure litigieuse, jusqu’au 17 décembre 2020.

Dans un point presse du 25 novembre 2020, le Conseil d’État a expliqué poursuivre le processus d’assouplissement des mesures sanitaires, au regard de l’évolution lente mais réelle de la situation épidémiologique. Sa volonté restait néanmoins d’éviter toute précipitation pour contrer tout rebond épidémique et toute flambée exponentielle du nombre des contaminations. En fonction d’une évolution positive de la situation et si la baisse des contaminations se poursuivait, la pertinence d’assouplir lesdites mesures serait progressivement analysée.

Le 27 novembre 2020, un recours a été interjeté auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant à l’annulation de l’art. 18 al. 2 et 3 let. a et b de l’arrêté COVID-19, car les limitations prévues ne pouvaient plus être maintenues et tous les services et offices religieux devaient être mis sur un pied d’égalité.

Le 3 décembre 2020, la chambre constitutionnelle a octroyé l’effet suspensif au recours.

Par arrêté du 7 décembre 2020, publié dans la FAO et entré en vigueur le même jour, le Conseil d’État a abrogé l’art. 18 al. 3 let. a et let. b et modifié l’arrêté COVID-19 de la manière suivante :

Selon l’art. 18 al. 2, les services religieux et autres manifestations religieuses accessibles au public réunissant plus de 50 personnes, en sus des personnes rattachées à l’office ou au service des pompes funèbres, sont interdites. Les mariages et les baptêmes demeurent limités à 5 personnes, en sus des personnes rattachées à l’office. L’organisateur met en œuvre et fait respecter les mesures de protection figurant à l’annexe 6 « Mesures relatives aux services religieux et autres manifestations religieuses » du présent arrêté et les personnes fréquentant ces lieux sont tenues de les respecter.

Selon l’art. 21 al. 2, les mesures prévues ont effet jusqu’au 15 janvier 2021 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

Dès le 9 décembre 2020, le Conseil fédéral a interdit les manifestations, sauf, notamment, les manifestations religieuses jusqu’à cinquante personnes et les funérailles dans le cercle familial et dans le cercle amical restreint (art. 6 al. 1 let. d et e de l’ordonnance COVID-19 situation particulière ; RO 2020 5189).

Par arrêté du 21 décembre 2020, publié dans la FAO du 22 décembre 2020 et entré en vigueur le lendemain, le Conseil d’État a modifié l’arrêté COVID-19 de la manière suivante : selon l’art. 18 al. 2, les manifestations publiques et privées sont interdites. Selon l’al. 2, son exceptés : les services religieux et autres manifestations religieuses accessibles au public jusqu’à 50 personnes, en sus des personnes rattachées à l’office (let. a), les funérailles dans le cercle familial et dans le cercle amical restreint, jusqu’à 50 participants en sus des personnes rattachées à l’office et aux services des pompes funèbres (let. b), les mariages et les baptêmes jusqu’à 5 personnes en sus des personnes rattachées à l’office (let. c).

Par arrêté du 20 janvier 2021, publié dans la FAO et entré en vigueur le même jour, le Conseil d’État a notamment prolongé la durée de validité de l’arrêté COVID-19 jusqu’au 28 février 2021.

Par arrêt du 6 mai 2021 (ACST/20/2021), la chambre constitutionnelle a annulé l’art. 18 al. 2 de l’arrêté COVID-19, considérant que des mesures moins incisives permettraient d’atteindre le but d’intérêt public recherché sans emporter une ingérence aussi importante à la liberté de conscience et de croyance, qui n’était ainsi pas justifiée. Elle n’a pas annulé l’art. 18 al. 3 let. b de l’arrêté COVID-19, dès lors que le droit fédéral limitait le nombre de participants aux manifestations religieuses à 50 personnes (art. 6 al. 1 let. d de l’ordonnance COVID-19 situation particulière). En revanche, elle a annulé l’art. 18 al. 3 let. a de l’arrêté COVID-19, considérant que le maintien à cinq du nombre de personnes admises aux cérémonies religieuses de mariage, voire à celles de baptême, ne se justifiait pas, le droit fédéral n’opérant aucune distinction en fonction des cérémonies et limitant le nombre des participants à cinquante.

4.3 Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprise (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

Le 19 mars 2021, l'Assemblée fédérale a adopté l'art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102). D'après son al. 1, en dérogation à l'art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu'au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d'un préavis existant doit faire l'objet d'une demande auprès de l'autorité cantonale jusqu'au 30 avril 2021 au plus tard.

D'après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l'art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu'au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l'art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n'a pas besoin d'être mise en œuvre dans l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L'al. 1 phr. 1 supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la RHT pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l'art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la réduction de l'horaire de travail autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L'al. 1 phr. 2 de l'art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l'autorisation de RHT émise par l'autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l'entreprise ne devra renouveler le préavis que si la RHT dure plus de six mois. Cette réglementation allègera la charge administrative des entreprises et des organes d'exécution (FF 2021 285, p. 29s.).

4.4. Le SECO a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

Le 10 mars 2020, il a adopté la directive 2020/01. Il y a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n'est pas un risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur, au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LACI même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/01 du SECO du 10 mars 2020 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie, p. 3).

Le 20 janvier 2021, le SECO a édicté la directive 2021/01 sur l'actualisation « des règles spéciales dues à la pandémie », laquelle remplace la directive 2020/15 du 30 octobre 2020. Il ressort en particulier du ch. 2.5 que l'activité doit reprendre dès que cela est possible. Cette condition est l'expression de l'obligation de diminuer le dommage. Toutefois, le droit à l'indemnité en cas de RHT peut être maintenu, notamment lorsque l'entreprise ne peut mettre au travail qu'une partie de ses employés pour des motifs économiques. La perte à prendre en considération est imputable aux conséquences économiques de la pandémie. Le droit à l'indemnité en cas de RHT existe donc, si les autres conditions du droit à l'indemnité sont réalisées.

5.             5.1. En l’espèce, l’intimé a estimé dans la décision querellée que l’on pouvait admettre qu’il y avait un risque de disparition d’emplois pour la recourante et dans sa réponse, il a fait valoir que la recourante n’avait pas de but économique.

5.2. Dans un arrêt de principe du 27 mai 2021 portant sur la question de l’octroi d’indemnités en cas de RHT à une paroisse protestante, la chambre de céans a retenu que même si la paroisse fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois, car elle ne recevait aucune subvention et les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé. Elle était, en outre, en contact avec le marché, offrant des services (location de bureaux, ventes paroissiales, ventes d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. Les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Quant aux offrandes, versées à l’occasion des cultes, la question pouvait demeurer ouverte de savoir si elles devaient être qualifiées de rémunérations faites en contrepartie d’une prestation de la paroisse, car la recourante tirait la majeure partie de ses revenus des services qu’elle fournissait aux paroissiens ou à des tiers, à savoir la location de locaux, les services religieux, les ventes paroissiales et les ventes d’habits de seconde main. Elle pouvait ainsi subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT (ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 16).

Dans un autre arrêt du 14 décembre 2021 (ATAS/1286/2021), la chambre de céans a jugé que s’il était vrai que les prestations de la recourante étaient financées par un système de dons, qui dépendaient de la générosité de chaque donateur, il n’en demeurait pas moins que de telles rémunérations étaient d'ordinaire versées en contrepartie des prestations offertes par elle aux fidèles et membres. Faute d'avoir pu fournir ses prestations durant la période litigieuse, la recourante n’avait pas reçu les dons attendus et connu des pertes importantes.

5.3. En l’espèce, il n’est pas contestable que la recourante, bien qu’elle fournisse des services d’ordre spirituel et social et non purement économique, encourt un risque immédiat et concret de disparition d’emplois, dès lors qu’elle n’est pas subventionnée et que les contrats de travail de ses employés sont soumis au droit privé, ce qui n’est pas contesté par l’intimé. Elle est également en contact avec le marché, puisqu’elle touche des revenus, notamment de loyers et d’écolage (école de Veyrier) ainsi que de son activité dans la restauration.

Il en résulte qu’elle a droit à l’indemnité en cas de RHT, pour autant que toutes les autres conditions à son octroi soient remplies.

6. 6.1. L’intimé a estimé dans la décision querellée que la perte de travail invoquée par l’employeuse concernant les quatre employés de son secteur des offices religieux de 58% n’était pas établie, car les églises à Genève n’avaient pas eu l’obligation de fermer suite à l’arrêté du Conseil d’État du 1er novembre 2020 et qu’elles avaient pu continuer d’exercer leur activité, par exemple leurs offices.

La recourante a fait valoir que l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes et l’interdiction provisoire des cultes religieux avaient eu pour conséquence d’empêcher la majorité des événements de la religion juive et des offices religieux organisés habituellement par la communauté israélite.

6.2 Il convient de constater que lorsque la recourante a demandé la RHT le 2 novembre 2020 pour la période du 12 novembre 2020 au 31 janvier 2021, l’arrêté COVID-19 du Conseil d’État interdisait, à son art. 18 al. 2, les services religieux et autres manifestations religieuses accessibles au public (al. 2), sauf les cérémonies religieuses de mariage jusqu’à cinq participants, en sus des personnes rattachées à l’office religieux (let. a) et les funérailles accessibles au public, jusqu’à 50 participants, en sus des personnes rattachées à l’office religieux ou au service des pompes funèbres (let. b).

L’interdiction des services religieux a duré jusqu’au 3 décembre 2020, date à laquelle la chambre constitutionnelle a octroyé l’effet suspensif au recours contre ledit arrêté.

Il n’est ainsi pas contestable que du 2 novembre au 3 décembre 2020, la recourante a subi une perte de travail, dès lors que les services religieux étaient totalement interdits.

6.3

6.3.1 Par la suite, les services religieux ont pu reprendre avec au maximum cinquante personnes et le nombre de personnes pouvant assister aux funérailles a été limité d’abord à cinq, puis à cinquante personnes. Les mariages et les baptêmes n’ont pu reprendre qu’avec cinq personnes dès le 22 décembre 2020.

Même pendant cette période, une perte de travail du secteur service religieux de la recourante apparaît très vraisemblable, étant rappelé que dans son communiqué de presse du 2 novembre 2020, le Conseil d’État a indiqué que le canton faisait face à une flambée des cas et des hospitalisations. Dans ces circonstances, il est notoire que les résidents du canton ont évité autant que possible les rassemblements, ce qui tend à confirmer la perte de travail alléguée par la recourante.

Par ailleurs, celle-ci a produit, à l’appui de son préavis du 7 décembre 2020, deux pièces qui attestent de sa perte de travail : soit

-          un document détaillant la perte d’emploi pour chaque collaborateur concerné, en novembre 2020, soit :

·         B______, ministre officiant, qui avait travaillé 56,29 heures sur 122,9 heures contractuelles ;

·         C______, D______, qui avait travaillé 92,06 heures sur 168,5 heures contractuelles ;

·         E______, secrétaire, qui avait travaillé 85,52 heures sur 122,9 heures contractuelles.

-          et une attestation du Dr F______, G______ de A______, qui indiquait les principaux motifs pour lesquels l’équipe du culte n’avait pas pu effectuer son travail et pourquoi les solutions alternatives ne pouvaient être envisagées en raison des spécificités de la religion juive.

6.3.2 L’intimé a fait valoir qu’il était manifeste que depuis la pandémie, les représentants des églises avaient plus de travail, puisqu’ils devaient notamment être plus proches de leurs membres, en autre les plus vulnérables, c’est-à-dire davantage les contacter, par exemple par téléphone, et que des demandes d’aide et de soutien devaient être plus nombreuses, au vu de la situation actuelle psychologiquement difficile.

À cet argument très général et non documenté, la recourante a répondu qu’elle avait un service social qui avait été fortement sollicité, ce qu’elle a démontré en produisant un rapport d’activité de ce service, sans que cela n’impacte selon elle les activités des ministres officiants et des autres employés du service du culte, qui jouaient un autre rôle.

Le rapport du service social pour l’année 2020 produit par la recourante indique que la pandémie avait considérablement affecté son fonctionnement et la palette des prestations proposées. Il avait fallu annuler les 40 programmes et 12 sorties destinées aux seniors et mettre sur pied un concept de crise efficace, réinventer un dispositif de prises en charge ciblé et adapter les missions des professionnels et bénévoles sur le terrain.

Les arguments de l’intimé sont ainsi contredits de manière sérieuse par la recourante.

6.3.3 L’intimé a encore fait valoir qu’il était aussi établi que le nombre de décès à Genève avait été particulièrement important et les offices religieux y relatifs avaient par conséquent été plus fréquents, ce qui avait engendré une hausse de la quantité de travail pour les représentants des églises, étant relevé que les cérémonies religieuses de mariage n’étaient pas interdites. Certains collaborateurs, dont notamment les représentants des églises, devaient être présents sur le site pour le cas où une personne aurait besoin d’aide.

Cet argument de l’intimé est à nouveau très général et non documenté et il est contredit de façon convaincante par la recourante, qui a fait valoir que le nombre de décès était resté stable en comparaison avec les cinq dernières années en produisant ses rapports annuels, dont il ressort qu’il y a eu, s’agissant du cimetière H______, 47 décès en 2016, 45 en 2017, 38 en 2018, 34 en 2019 et 44 au 24 décembre 2020.

L’on ne peut dès lors retenir que le secteur des offices religieux de A______ a eu une activité plus intense que d’habitude pendant la période considérée, en raison d’une augmentation des décès.

6.3.4 Sur demande de la chambre de céans, la recourante a précisé que son service du culte avait subi une perte de travail qui s’était prolongée au-delà du 3 décembre 2020, malgré l’effet suspensif accordé à l’interdiction temporaire des cultes religieux ayant permis la reprise de l’office religieux. Dès le 4 décembre 2020, les offices avaient repris, mais de façon limitée. En raison de la situation sanitaire et des mesures en vigueur, de nombreux événements avaient dû être annulés, comme la fête de I______ (fête J______), qui avait en principe lieu du 10 au 18 décembre 2020. A______ avait été contrainte d’annuler l’allumage traditionnel des bougies avec prières et la fête avec les familles prévus au centre communautaire. De plus, aucun mariage n’avait été célébré du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2021 et seule la célébration d’une bar-mitsva en petit comité avait été maintenue. Tous les autres événements avaient été annulés ou reportés. Ces événements étaient d’ordinaire nombreux et rythmaient la vie communautaire, avec une répercussion directe sur la quantité de travail du service du culte.

6.3.5 En conclusion, il y a lieu de retenir que la recourante a suffisamment démontré avoir subi une perte de travail pendant toute la période faisant l’objet du préavis en cause. Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier que les pertes de travail subies par la recourante ont entraîné un manque à gagner. En effet, faute d'avoir pu fournir ses prestations durant la période litigieuse, le secteur service religieux de la recourante n'a pas reçu les dons et recettes attendus. Cette perte est attestée par les comptes de pertes et profits, dont il ressort qu’elle a obtenu CHF 1'400'512.- de dons et legs en 2019 et seulement CHF 1'295'197.- en 2020.

6.4 Une partie de la perte de travail pour une partie de la période en cause était directement liée aux mesures prises par les autorités, de sorte que le droit à la RHT pour ce laps de temps est fondé sur l’art. 32 al. 1 LACI.

6.5

6.5.1 S’agissant de la période pendant laquelle les activités de la recourante n’étaient pas complètement interdites, mais seulement limitées, les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, dont la liste n’est pas exhaustive, doivent être considérées comme étant réalisées. Or, même dans un tel cas de figure, l’indemnisation est exclue si la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, en particulier en présence d’un risque normal d’exploitation (al. 1 let. a). Par ailleurs, les pertes de travail ne peuvent être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il peut faire répondre un tiers dommage. Comme exposé, cette dernière condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail.

6.5.2 S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté, ni contestable, que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle dépassant le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur. Il convient en effet d’admettre la présence de circonstances exceptionnelles non liées aux risques d’exploitation d’une entreprise. Au vu du caractère extraordinaire de la pandémie du COVID-19, cette conclusion s’impose.

6.5.3 Reste à examiner si, comme le prétend l’intimé, la recourante aurait pu éviter les pertes de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

Dans la mesure où la religion juive interdit l’usage de l’électricité pendant le K______ et certains jours de fêtes, la recourante ne pouvait diffuser ses offices religieux par visioconférence, contrairement à ce qu’a allégué l’intimé.

L’on ne voit pas par quelles autres mesures la recourante aurait pu éviter la perte de travail subie par son secteur des offices religieux.

6.6 Les conditions posées par la loi pour accorder des indemnités en cas de RHT sont ainsi réunies pour la période du 2 novembre 2020 au 31 janvier 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

7. La recourante, représentée par un conseil, obtient ainsi gain de cause, de sorte qu’elle a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2’500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

8. La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 16 mars 2021.

4.        Dit que la recourante a droit à une indemnité en cas de RHT du 2 novembre au 31 janvier 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

5.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le