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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2897/2020

ATAS/1286/2021 du 14.12.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2897/2020 ATAS/1286/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 décembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

CENTRE D’ACCUEIL A______, sis à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Jean ORSO

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.           a. Le Centre d’Accueil A______ (ci-après : C A______ ou l'association) est une association, avec siège à Genève, poursuivant un but religieux et caritatif intégrant une église évangélique. Selon son inscription au registre du commerce, l'association accueille, conseille, aide et soutient tous ceux qui la consultent en raison de difficultés diverses, organise des actions sociales, culturelles, médiatiques, notamment en faveur les défavorisés sociaux, des orphelins, des personnes âgées, des malades, notamment par des visites dans les hôpitaux, des délinquants, par des visites dans les prisons, des toxicomanes et autres et célèbre des cultes religieux.

b. L'association loue vingt-deux locaux commerciaux en Suisse, notamment à Genève, Zurich, Berne, Lucerne, Bâle et Lausanne, avec office d'église dans lesquels ses dix-huit collaborateurs pasteurs officient.

c. Les dons des fidèles constituent la principale source de revenus de l’association et sont collectés essentiellement lors des messes données dans les lieux de culte loués à cette fin par l'association (deux à trois messes par jour dans chaque lieu).

B.            a. Le 27 mars 2020, l’association, représentée par un avocat, a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) annonçant une perte de travail de 60-70 % pour une durée probable du 16 mars au 16 juin 2020 « pour toute l’entreprise », c’est-à-dire 22 travailleurs sur un total de 23, tous liés à l’association par des contrats de travail de durée indéterminée. Le chiffre d’affaires mensuel de l'association était variable. Les recettes des deux dernières années, constituées principalement par des dons, s’étaient élevées au total à CHF 9'309'362.-. En raison des mesures ordonnées par le Conseil fédéral et les autorités genevoises le 16 mars 2020 en lien avec l’évolution du Coronavirus (ci-après : COVID-19), en particulier l’interdiction des manifestations privées, activités associatives et en particulier des cultes, l’association n'avait quasiment plus de revenus et avait été contrainte de réduire l’horaire de travail de quatre employés administratifs de 60 % et des dix-huit pasteurs de 70 %.

b. Par décision du 30 mars 2020, l’OCE a partiellement formé opposition au préavis du 27 mars 2020 pour admettre une RHT de six mois, soit dès le 27 mars 2020 jusqu'au 26 septembre 2020, et non dès le 16 mars 2020. Ainsi, et pour autant que toutes les autres conditions du droit étaient remplies, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC) pouvait octroyer l’indemnité en cas de RHT à l'association pour la période en question.

c. Le 17 avril 2020, la CCGC a versé, pour le mois de mars 2020, une indemnité pour RHT de CHF 8'563.60 à l’association.

d. Par courriel du 28 avril 2020 au conseil de l'association, l’OCE s’est référé à sa décision du 30 mars 2020 en précisant qu’au regard de nouvelles directives du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), certains préavis de RHT devaient être revus, de sorte que l’OCE avait besoin de renseignements sur la fonction précise de chacun des collaborateurs, la perte de travail qu’ils subissaient, de même que les raisons précises de la requête de RHT. Ce courriel précisait qu’à défaut de réponses à ces questions d’ici au 5 mai 2020, l’OCE traiterait le dossier avec les éléments en sa possession et pourrait, par exemple, révoquer sa décision.

C.           a. Par décision du 13 mai 2020, l’OCE a annulé et remplacé la décision du 30 mars 2020, manifestement erronée, dans le délai d'opposition. Il a indiqué qu’en l’absence de réponse à son courriel du 28 avril 2020, il n’avait pas pu constater dans quelle mesure il existait un risque imminent pour les collaborateurs concernés de perdre leur emploi. Ainsi, les conditions du droit à l’indemnité n’étaient pas réunies et la décision du 30 mars 2020 manifestement erronée. L’OCE formait ainsi opposition au préavis du 27 mars 2020 pour nier tout droit à une indemnité en cas de RHT à l'association.

b. Par courrier du 20 mai 2020 à l’OCE, l’association a indiqué qu’au moment où elle s’apprêtait, le 30 avril 2020, à répondre par écrit au courriel du 28 avril 2020, la CCGC, soit pour elle « Mme B______ », l’avait contactée par téléphone pour demander une confirmation orale des informations fournies à l’OCE, ce que l’association avait fait en étayant et confirmant verbalement les informations données dans le préavis du 27 mars 2020. Ainsi, compte tenu de cet entretien téléphonique, l’association avait pensé que l’OCE avait reçu les renseignements demandés le 28 avril 2020. S'agissant des questions posées dans ledit courriel, l'association confirmait que ses pasteurs avaient fait de leur mieux pour rester en contact avec les fidèles, par les réseaux sociaux ou par téléphone, ce qui représentait une heure de travail par jour, en lieu et place de huit heures de travail quotidien, soit une RHT de 70 %, chiffre qui apparaissait cependant en-dessous de la réalité. Quant aux cinq employés administratifs, l’interdiction des cultes et des activités associatives, ainsi que le semi-confinement ordonnés par les autorités genevoises dès la mi-mars 2020 avaient réduit leur temps de travail à deux à trois heures par jour, soit une perte de travail de 60 %.

c. Le 17 juin 2020, l’association a formé opposition à la décision du 13 mai 2020 en soulignant qu’elle avait avancé le 100 % des salaires à ses employés en comptant sur la bonne foi de l’administration, qui avait rendu une décision d’octroi de la RHT le 30 mars 2020. Pour payer cette avance et maintenir les emplois menacés, elle avait suspendu le paiement des loyers de ses baux commerciaux, s’exposant ainsi aux risques d’avis comminatoires et de résiliation. S’agissant du droit aux indemnités en cas de RHT, elle en remplissait toutes les conditions. Aussi a-t-elle conclu à l’annulation de la décision du 13 mai 2020 et à la confirmation de la décision du 30 mars 2020 lui accordant la RHT du 27 mars 2020 au 26 septembre 2020.

d. Par décision du 17 juillet 2020, l'OCE a rejeté l’opposition du 17 juin 2020. Pour qu'un employeur puisse prétendre à l’indemnité en cas de RHT, il devait être en contact direct avec le marché économique. Dans le cas particulier, l’association ne produisait pas de biens et n’offrait pas non plus de « services [ ] en contact avec le marché ». En conséquence, elle n’encourait pas de risque entrepreneurial ou de faillite et ne pouvait donc pas bénéficier de l’indemnité en cas de RHT.

D.           a. Le 14 septembre 2020, l’association a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) d’un recours contre la décision sur opposition du 17 juillet 2020, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à ce qu’il soit dit qu’elle remplissait les conditions d’octroi de la RHT du 27 mars au 27 mai 2020 et à ce qu'elle enjoigne l'OCE de lui accorder l'indemnité en cas de RHT pour la période du 27 mars au 27 mai 2020, subsidiairement, du 27 mars au 18 mai 2020.

b. Par réponse du 13 octobre 2020, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir que la partie recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision attaquée.

c. Par réplique du 23 novembre 2020, la partie recourante a soutenu qu’il était dénué de tout fondement de prétendre qu’elle ne produisait pas de biens, n’offrait pas de services en contact avec le marché et encourait ni risque entrepreneurial ni risque de faillite. En vue de démontrer le contraire, elle a requis la convocation d’une audience de comparution personnelle des parties et produit notamment :

-            un courriel du 12 novembre 2020 du département de la cohésion sociale et de la solidarité de la ville de Genève (ci-après : DCSS), adressé au conseil de la partie recourante, confirmant, après vérifications dans la base de données, qu’aucune demande de subvention n’a été déposée par la partie recourante auprès du DCSS, ni en 2020 ni par le passé ;

-            une attestation de l’administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après : AFC), délivrée le 12 novembre 2020, certifiant que la partie recourante a son siège à Genève, qu’elle est inscrite au rôle des contribuables du canton de Genève, qu’elle est soumise à l’impôt cantonal et communal ainsi qu’à l’impôt fédéral direct.

d. Par pli du 17 décembre 2020, l’intimé a indiqué que la réplique du 23 novembre 2020 n’apportait aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position.

E.            a. Par envoi spontané du 18 décembre 2020, la partie recourante a transmis ses bilans pour les années 2012 à 2016, de même que 2019, ces documents confirmant que les dons des fidèles constituaient les recettes de l'association.

b. Le 5 janvier 2021, la partie recourante s’est une nouvelle fois adressée à la chambre de céans pour rappeler qu’elle était une église protestante évangélique constituée en la forme d’une association à buts religieux et caritatif et qu’elle fonctionnait en réalité comme une véritable entreprise de droit privé, ce qui était peu courant, voire inexistant en pratique pour une église et devait aussi être étayé, vu l’importance de cette procédure pour son avenir et a, pour se faire, sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

c. Le 8 février 2021, la partie recourante a transmis à la chambre de céans un courrier reçu du Président de la Confédération en réponse à un courrier qu'elle avait adressé à un membre du Conseil fédéral pour s'offusquer de la pratique de l'OCE. Dans ce courrier, le Président indiquait qu'il n'avait jamais donné pour instruction aux autorités cantonales d’exécution de l’assurance-chômage d’exclure les Églises de l’octroi de la RHT. Les associations ou les Églises devaient cependant pouvoir démontrer que leurs survies étaient menacées et que le risque de licenciement était réel pour prétendre à une indemnité en cas de RHT. Pour les entités privées ou publiques recevant des subventions, il importait en revanche de déterminer si les subventions reçues permettaient d’assurer leur survie. Dans le cas contraire, l'indemnité en cas de RHT devait leur être accordée.

d. Le 4 septembre 2021, la partie recourante a transmis à la chambre de céans, à la demande de cette dernière, le bilan et le compte de résultat de l’association pour l’année 2020 en observant qu’à la suite de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, elle avait obtenu en 2020 un prêt accordé par l’UBS avec la garantie de la Confédération pour la somme de CHF 458'130.-. Le poste « liquidités » à l’actif du bilan de CHF 166'341.06 provenait de l’utilisation partielle dudit prêt, notamment des salaires « avancés à l’OCE » par l’association. Quant à la dette correspondant à la créance en remboursement de ce prêt, elle figurait au passif du bilan et se montait à CHF 184'220.- au 31 décembre 2020. La perte de l’exercice 2020 s’était élevée à CHF 352'593.83.- contre CHF 91'595.28 en 2019.

e. L'intimé n'a pas fait d'observations sur ces dernières pièces transmises, de sorte que lacause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI – RS 837.0). Elle connaît également, conformément à l’art. 134 al. 3 let. b LOJ, des contestations prévues à l’art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC – J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]), le recours est recevable (art. 60 LPGA et 89B LPA).

2.             Est litigieux le droit de la partie recourante à l'indemnité en cas de RHT pour la période du 27 mars au 27 mai 2020.

3.             Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31 ss).

Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs, dont la durée normale de travail est réduite ou l’activité suspendue, ont droit à l’indemnité idoine lorsque :

- ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ;

- la perte de travail doit être prise en considération (let. b) ;

- le congé n’a pas été donné (let. c) ;

- la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

4.             4.1 Aux termes de l’art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable (let. a) et qu’elle est d’au moins 10 % de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise (let. b). En revanche, la perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI).

Les deux conditions de l’art. 32 al. 1 let. a LACI (perte de travail due à des facteurs économiques et inévitables) sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a).

La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d’ordre économique ». Ces facteurs d’ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 128 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 ; cf. RUBIN, op. cit., n. 6 ad art. 32 et les références citées). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 consid. 3a).

4.2 L’art. 32 al. 3, 1ère phrase, prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèles dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur.

L’al. 3 de l’art. 32 LACI permet ainsi d’accorder l’indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu’économiques, dans certaines situations appelées : « cas de rigueur ». Cet alinéa s’écarte en conséquence de la logique du système d’indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d’exploitation suffisamment inhabituels pour qu’ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 31).

L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail : interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit., n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du SECO, état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue, même quand il existe un cas de rigueur. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

4.3 La qualité de travailleur selon l’art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l’AVS, et non pas du statut de l’employeur (communauté et établissement public d’une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d’autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2).

4.4 L’indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs – soit leur congé ou leur licenciement –, d’une part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d’autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs.

En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité, un licenciement – respectivement une non-réélection – peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

4.5 C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI).

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emplois. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

4.6 L’exigence d’un risque économique à court ou moyen termes concerne aussi l’entreprise. En effet, à la différence de l’ancien régime, où les travailleurs touchés par une RHT percevaient des indemnités parce qu’étant au chômage partiel, l’entreprise, depuis l’entrée en vigueur de la LACI, est au centre des conditions à remplir pour que la perte de travail résultant de la RHT soit prise en considération. Cela ressort notamment de l’art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. À l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple, le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or, si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

5.             Pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

5.1 Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance COVID-19 – RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance – modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption –, le Conseil fédéral a notamment, en date du 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2), les inhumations dans le cercle familial restreint étant autorisées (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d’un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu’il avait imposées en mars 2020. À compter de cette date, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffures, les magasins de bricolages ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de trente personnes ont été autorisés dans l’espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu’il y existe un plan de protection (art. 6).

5.2 Parallèlement aux restrictions imposées par l’ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprises (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août 2020, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

6.             Le SECO a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

Le 10 mars 2020, il a adopté la directive 2020/01. Il y a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n’est pas un risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, même si, dans certaines circonstances, elle est susceptible de toucher tout employeur (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l’Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/01 du SECO du 10 mars 2020 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie, p. 3).

Le 9 avril 2020, le SECO a adopté la directive 2020/06, applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020. Il y a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception, si l’entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu’elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (directive 2020/06, p. 8). Il y a également apporté des précisions au sujet des demandes émanant d’entreprises de droit public (directive 2020/06, p. 5-6).

Par la suite, le SECO a adopté la directive 2020/08 en date du 1er juin 2020, remplaçant la directive 2020/06 du 9 avril 2020 et applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 août 2020. Il y a précisé, s’agissant des demandes émanant des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.), que le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois. L’objectif est d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (ATF 121 V 362 consid. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concerne uniquement les entreprises qui financent la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés (directive 2020/08 du 1er juin 2020, p. 6).

Le SECO a rappelé que, contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu’ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l’activité de l’entreprise sont couverts par des moyens publics, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres moyens financiers. Il n’existe pas dans ces cas de risque de disparition d’emplois.

En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l’objectif visé par l’indemnité en cas de RHT, les prestataires n’ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l’assurance-chômage sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré. Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord.

La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d’un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d’exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d’affaires (par exemple, bus touristiques), et un secteur d’exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n’existe (exploitation subventionnée d’un bus local).

On considère qu’un risque immédiat et concret de disparition d’emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l’offre chez le mandataire, il n’existe pas de garantie que les coûts d’exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l’objectif de faire baisser les coûts d’exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’autorité cantonale est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (service public) de justifier de manière plausible à l’autorité cantonale qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la RHT doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit (directive 2020/08 précitée, p. 7).

Dans la directive 2020/15 du 30 octobre 2020, également applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, le SECO a apporté des précisions relatives au préavis des organisations n’exerçant pas d’activité économique : en règle générale, les personnes et donc les organisations (quelle que soit leur forme juridique) auprès desquelles elles sont employées n’ont pas droit à l’indemnité en cas de RHT s’il n’y a pas de pertes d’heures dues à des raisons économiques et si l’indemnité en cas de RHT ne sert pas à maintenir les places de travail (ch. 2.6 a, p. 14).

Une organisation, par exemple une association ou une coopérative dont le but est le bien-être de ses membres et qui est financée par les cotisations des membres, ne subit aucune perte économique et les emplois ne sont pas menacés. Il n’y a donc pas de droit à l’indemnité en cas de RHT, même si le travail des employés doit être temporairement suspendu en raison de mesures officielles (p. 14).

Toutefois, une association qui fournit des services et se finance grâce aux droits qu’elle reçoit en retour (par exemple, le produit des ventes, les droits d’entrée) peut subir des pertes économiques en raison de mesures officielles et des emplois peuvent être menacés. Par conséquent, le droit à l’indemnité en cas de RHT peut être rempli si les autres conditions sont remplies (perte de travail inévitable, qui ne peut être évitée par des mesures économiquement raisonnables, au moins 10 %, temporaire, type de contrat de travail).

Dans le cas des organisations qui représentent un mélange de ces deux cas extrêmes, par exemple celles qui cofinancent la dotation en personnel par le biais de contrats ou de mandats de moindre importance, une pondération des intérêts doit être effectuée au cas par cas (p. 14-15).

Deux exemples sont cités par le SECO :

1) une association musicale locale qui se produit occasionnellement lors de fêtes de village, mais dont les revenus sont toutefois constitués pour l’essentiel de cotisations des membres, de dons, etc., ne subit aucune perte de travail due à l’annulation d’une fête de village et le poste de directeur général employé à un faible taux d’occupation n’est pas menacé. Dans ce cas, la demande de l’indemnité en cas de RHT doit être rejetée ;

2) un orchestre de musique, également organisé sous forme d’association, qui paie les salaires des musiciens et autres employés à partir des revenus de ses représentations, subit une perte d’heures de travail en raison de l’annulation de représentations et de l’interdiction des répétitions. Les emplois sont donc menacés. Dans ce cas, la demande de l’indemnité en cas de RHT doit être acceptée si les autres conditions sont remplies.

7.             Dans un arrêt de principe du 27 mai 2021 portant sur la question de l’octroi d’indemnités en cas de RHT à une église, la chambre de céans a retenu que même si la recourante fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois. Il ressortait en effet de ses comptes qu’elle ne recevait aucune subvention et les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé. L’église était, en outre, en contact avec le marché, offrant des services (location de bureaux, ventes paroissiales, ventes d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. Les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Quant aux offrandes, versées à l’occasion des cultes, la question pouvait demeurer ouverte de savoir si elles devaient être qualifiées de rémunérations faites en contrepartie d’une prestation de la paroisse, car la recourante tirait la majeure partie de ses revenus des services qu’elle fournissait aux paroissiens ou à des tiers, à savoir la location de locaux, les services religieux, les ventes paroissiales et les ventes d’habits de seconde main. Elle pouvait ainsi subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT (ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 16).

8.             En l’espèce, l'indemnité en cas de RHT a été refusée à l’association au motif qu'elle ne produisait pas de biens et n’offrait pas non plus de services en contact avec le marché. En conséquence, elle n’encourait pas de risque entrepreneurial ou de faillite et ne pouvait donc pas bénéficier de l’indemnité en cas de RHT.

La partie recourante le conteste.

8.1 La chambre de céans constate que la partie recourante, une association de droit privé, employant 23 collaborateurs dont 18 pasteurs et 5 employés administratifs, ne perçoit pas de subventions de l’État, de sorte que la couverture de ses charges, dont les salaires des collaborateurs, n’est pas garantie.

En raison de la pandémie et des mesures sanitaires prises par les autorités, les employés de la partie recourante n’ont plus pu remplir leurs activités habituelles dès le 17 mars 2020. Le taux d'activité a été réduit de 70 % pour les pasteurs et de 60 % pour le personnel administratif, ce que la partie recourante a communiqué à l'OCE par préavis du 27 mars 2020.

Durant la période litigieuse, les employés précités se sont en effet retrouvés contraints de réduire drastiquement leurs activités en raison de l’interdiction des manifestations publiques ou privées dès le 17 mars 2020, puis de l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes dès le 20 mars 2020.

S’agissant plus particulièrement de la partie recourante, qui conclut à l’octroi de la RHT pour la période du 27 mars au 27 mai 2020, ses activités religieuses, telles que les cultes (regroupant nécessairement plus de cinq personnes et ayant lieu deux à trois fois par jour) et ses autres activités associatives ont été rendues impossibles au moins jusqu’à la reprise, le 28 mai 2020, des offices religieux et autres manifestations religieuses, ladite reprise étant subordonnée, en outre, à l’existence d’un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Il convient donc d’admettre que les pasteurs et les employés administratifs œuvrant pour la partie recourante ont subi une perte de travail consécutive aux mesures prises par les autorités (cf. art. 32 al. 3 LACI).

Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier que les pertes de travail subies par la partie recourante ont entraîné un manque à gagner pour l’association. Les comptes de résultat de la partie recourante révèlent en effet, pour l’exercice 2020, que les produits d’exploitation, qui s’élevaient à CHF 4'409'005.21 en 2019 (soit CHF 4'392'444.16 à titre de dons et CHF 16'561.05 sous forme d’autres produits d’exploitation), ont été réduits à CHF 3'987'349.47 en 2020 (CHF 3'978'894.81 sous forme de dons et CHF 8'454.66 provenant d’autres produits d’exploitation), ce qui correspond à une diminution des produits d’exploitation à concurrence de CHF 421'655.74 en 2020. Quant aux charges d’exploitation, elles ont diminué dans une moindre mesure entre l’exercice 2019 (CHF 4'319'168.63) et l’exercice 2020 (CHF 4'257'816.19), conduisant ainsi à un résultat d’exploitation négatif de – CHF 270'466.72 en 2020 contre – CHF 92'836.58 en 2019. À l’examen des comptes produits, cette évolution défavorable du résultat d’exploitation sur les deux années en question s’explique presque exclusivement par la diminution des dons qui financent les cultes et autres cérémonies religieuses. Or, s’il est vrai que ces prestations sont financées par un système de dons, lesquels dépendent de la générosité de chaque donateur, il n’en demeure pas moins que de telles rémunérations sont d'ordinaire versées en contrepartie des prestations offertes par la partie recourante aux fidèles et membres (cultes, autres manifestations religieuses ; cf. ATAS/935/2021 du 14 septembre 2021 consid. 12). Faute d'avoir pu fournir ses prestations durant la période litigieuse, la partie recourante n'a pas reçu les dons attendus et a connu des pertes importantes.

Les pasteurs et employés administratifs étaient exposés à un risque concret et immédiat de licenciement, dans la mesure où en tant qu’employés rémunérés par une association de droit privé non subventionnée, ils ne pouvaient pas prétendre à une garantie de leur emploi en cas de perte de travail et d’insuffisance de fonds de la partie recourante pour payer leurs salaires.

8.2 Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu’en raison des mesures prises par les autorités, la partie recourante a été empêchée d’exercer une activité économique. Les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI doivent dès lors être considérées comme réalisées. S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté que la pandémie de Coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur.

Enfin, au vu des fermetures ordonnées par les autorités, de l’interdiction de rassemblements et de services religieux et des restrictions posées à la célébration de mariages et d’enterrements, on ne saurait reprocher à la partie recourante de n’avoir pas pris de mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter ces pertes de travail. La partie recourante a du reste expliqué, notamment dans la lettre d’accompagnement jointe au préavis de RHT du 27 mars 2020, qu’elle avait fait le maximum pour se rendre disponible à l’égard de ses membres et fidèles par téléphone et courriels.

Les conditions posées par la loi pour accorder des indemnités en cas de RHT sont ainsi réunies. Dans la mesure où la décision attaquée retient de manière infondée que tel n’est pas le cas, la question de savoir si en l’absence de réponse donnée dans le délai imparti par courriel du 28 avril 2020, l’intimé pouvait reconsidérer – sur la base des renseignements alors en sa possession – sa décision du 30 mars 2020 souffre par conséquent de rester indécise.

Le droit à l’indemnité en cas de RHT doit être reconnu à la partie recourante, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la partie recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT du 27 mars au 27 mai 2020 pour ses 18 pasteurs et 4 de ses employés administratifs, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

10.         Obtenant gain de cause, la partie recourante, qui est représentée en justice, a droit à des dépens, qui seront arrêtés à CHF 1'500.-.

11.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1er LACI).

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 17 juillet 2020.

4.        Dit que la partie recourante a droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail du 27 mars 2020 au 27 mai 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

5.        Alloue à la partie recourante CHF 1'500.- à titre de dépens à la charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le