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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1512/2020

ATAS/1200/2021 du 24.11.2021 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1512/2020 ATAS/1200/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 novembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à LES AVANCHETS, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Ana KRISAFI REXHA

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Par décision du 18 décembre 2015, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l’OAI ou l’intimé) a refusé des mesures professionnelles et une rente d’invalidité à Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant).

2.        Par décision du 3 mai 2017, l'OAI a refusé d’entrer en matière sur une nouvelle demande de l’assuré.

3.        Le 17 juin 2019, l’assuré a formé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité.

4.        Dans un avis médical établi le 8 août 2019, le SMR a estimé que l’état de santé de l’assuré s’était potentiellement durablement modifié et qu’il justifiait une entrée en matière.

5.        Selon un rapport final du 26 novembre 2019, qui a été enregistré à l’OAI le 13 novembre suivant, le SMR a remarqué que la doctoresse B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, (dont seul le rapport du 27 août 2019 était résumé) ne retenait pas de limitation fonctionnelle d’ordre psychique et qu’elle insistait sur les atteintes physiques et notamment cardiologiques de l’assuré. En ce sens, elle sortait de son domaine de compétence. Au niveau somatique, il convenait de retenir, comme l’indiquaient le cardiologue et le médecin généraliste de l’assuré, une capacité de travail entière dans une activité adaptée. En somme, les conclusions du rapport final du SMR du 25 septembre 2014 étaient toujours valables.

6.        Par projet de décision du 11 février 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré. À l’issue de la nouvelle instruction médicale, il estimait que les conclusions de sa décision du 18 décembre 2015 étaient toujours d’actualité, soit que sa capacité de travail dans une activité de peintre était définitivement nulle, mais que sa capacité de travail demeurait entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

7.        Par décision du 27 mars 2020, l’OAI a confirmé son projet de décision.

8.        Le 30 mai 2020, l’assuré, représenté par l’association D______, a formé recours contre la décision de l’intimé, faisant valoir que le calcul du taux d’invalidité était erroné.

9.        Par décision du 4 juin 2020, annulant et remplaçant la décision du 27 mars 2020, l’OAI a corrigé le calcul du taux d’invalidité. Il avait en effet interverti le revenu sans invalidité et le revenu avec invalidité. La correction faite ne changeait pas le taux d’invalidité.

10.    Le 17 juin 2020, la chambre de céans a demandé au recourant s’il maintenait son recours suite à la nouvelle décision de l’OAI du 4 juin 2020.

11.    Le 30 juin 2020, le recourant a indiqué qu’il souhaitait maintenir son recours contre la décision de l’OAI.

12.    Par réponse du 17 juillet 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours. Dans le cadre de sa nouvelle demande, le recourant lui avait transmis un rapport de la Dresse B______, qui mentionnait une atteinte cardiaque. Dès lors, et afin d’évaluer si l’état de santé du recourant s’était aggravé depuis la dernière décision entrée en force, il avait interrogé les médecins de celui-ci. Il ressortait des éléments médicaux du dossier, notamment de l’avis du SMR du 26 novembre 2019, que les pièces médicales produites n’avaient pas mis en évidence une aggravation de l’état de santé du recourant.

13.    Le 18 septembre 2020, le recourant a conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 17 juin 2019 et, subsidiairement, à ce que des expertises psychiatrique et somatique soient ordonnées.

14.    Le 25 septembre 2020, la chambre de céans a accordé un délai au 15 octobre 2020 à l’intimé pour faire ses observations sur le recours déposé le 17 septembre 2020 contre la nouvelle décision rendue le 4 juin 2020. Cette dernière reprenant la décision du 27 mars 2020 en corrigeant une erreur de chiffres sans modification de fond, il apparaissait qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une nouvelle procédure et que celle-ci pouvait continuer en considérant que le recours ne portait plus sur la décision du 27 mars 2020, mais sur celle du 4 juin.

15.    Le 30 septembre 2020, le recourant a indiqué qu’il partageait l’avis de la chambre des assurances sociales sur le fait qu’il n’y avait pas lieu de considérer son écriture du 17 septembre 2020 comme un nouveau recours et que dès lors la procédure pendante contre la décision de l’OAI du 27 mars 2020 pouvait continuer en considérant que son écriture portait bien sur la décision de l’OAI du 4 juin 2020.

16.    Le 14 octobre 2020, l’intimé s’en est rapporté à justice sur l’opportunité d’ouvrir une nouvelle procédure. Il ne ressortait pas des griefs du conseil du recourant d’éléments concrets susceptibles de remettre en cause ses conclusions. Il se référait à un avis du SMR du 13 octobre 2020 joint à ses écritures et précisait que la décision litigieuse avait été rendue le 4 juin 2020 et que c’était la situation médicale antérieure à cette date qui était déterminante pour juger de la présente cause.

17.    Par ordonnance du 26 mai 2021 (ATAS/504/2021), la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique de l’assuré qu’elle a confiée au docteur C______, FMH en psychiatrie et psychothérapie, considérant que la décision querellée était fondée sur un avis du SMR qui n’était pas probant.

18.    L’expert a conclu dans son rapport du 6 octobre 2021 que l’assuré souffrait d’un trouble panique (F41.0), présent probablement depuis plusieurs années, peut-être depuis la survenue du premier accident coronarien en 2010, voire avant, avec une aggravation en 2016. Le trouble était documenté depuis novembre 2019 par la Dresse B______. L’assuré souffrait également d’une dysthymie (F34.1) sans répercussion sur la capacité travail, présente depuis plusieurs années et documentée depuis 2016. L’expert a examiné les indicateurs développés par le Tribunal fédéral permettant de déterminer si l’atteinte était incapacitante. Il a conclu que le recourant était totalement incapable de travailler depuis novembre 2019 dans toute activité. Une réévaluation était proposée dans un an environ.

19.    L’intimé a estimé l’expertise judiciaire convaincante et a modifié en conséquence ses conclusions dans le sens que le recourant devait se voir octroyer une rente entière d’invalidité (taux de 100%) dès le mois de novembre 2020.

20.    Le 9 novembre 2021, le recourant a fait valoir qu’il avait droit à une rente entière dès 2017, subsidiairement dès novembre 2019, car l’expert estimait que son trouble panique existait déjà dès 2016 et qu’il était totalement incapable de travailler dès le mois de novembre 2019.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.        Seule reste litigieuse en l’espèce, la date à partir de laquelle le recourant a droit à une rente entière d’invalidité.

4.        En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.        En l’espèce, les parties ont toutes deux reconnu une pleine valeur probante à l’expertise judiciaire.

L’expert a fixé le début de l’incapacité durable à novembre 2019, selon les données disponibles (anamnèse et dossier), précisant que la situation actuelle était documentée depuis novembre 2019, référence faite au rapport de la Dresse B______ du 7 novembre 2019, qui mentionnait pour la première fois l’importance de la composante anxieuse (attaques de panique), même s’il ne retenait pas formellement le diagnostic de trouble panique. Entre octobre 2016 (début du traitement chez la Dresse B______ et novembre 2019), l’appréciation de l’incapacité de travail avait fluctué entre 50 et 100%. Toutefois, les documents disponibles sur l’état psychique (rapports de la Dresse B______ et expertise du Dr E______) ne permettaient pas d’établir la part strictement psychiatrique de l’incapacité de travail, faute de reconnaissance du rôle de la pathologie anxieuse. Le trouble dépressif léger mentionné par les deux médecins précités ne pouvait justifier la capacité de travail durable de 50%, voire 100% comme l’avaient estimé ces médecins. S’il était vraisemblable que le trouble panique était déjà présent à cette époque, cela n’était pas documenté. Pour ce qui était de la dysthymie, elle n’était pas durablement incapacitante, mais pouvait aggraver momentanément les limitations fonctionnelles d’origine anxieuse dans les moments où la baisse de l’humeur était plus prononcée. En conclusion, l’expert estimait que la capacité de travail était nulle dans toute activité dès novembre 2019.

Vu les conclusions claires et bien motivées de l’expert sur le début de la capacité travail durable, il n’y a pas lieu de s’éloigner de cette date, qu’aucun rapport médical au dossier ne remet sérieusement en cause. Il en résulte que le droit du recourant à une rente entière a pris naissance une année après novembre 2019, selon l’art. 28 al. 1 let. b et c LAI, soit dès le 1er novembre 2020, étant précisé qu’à cette date, le recourant avait déposé sa demande de prestations depuis plus de six mois (le 17 juin 2019) (art. 29 al. 1 et 3 LAI).

6.        6.1. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du 27 mars 2020 annulée et il sera dit que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er novembre 2020.

6.2. Le recourant obtenant gain de cause et étant assisté d’un conseil une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

6.3. Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

6.4. Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire peuvent être mis à la charge de l’OAI (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), si ce dernier a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire sert à pallier des manquements commis dans la phase d'instruction administrative (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

En l’occurrence, une expertise judiciaire a été nécessaire, du fait que la décision querellée était fondée sur un avis du SMR non probant. Il se justifie en conséquence de mettre les frais de celle-ci à la charge de l’intimé.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 27 mars 2020.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er novembre 2020.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité pour ses dépens de CHF 2'000.-.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire, de CHF 4’350.- selon la facture du 6 octobre 2021, à la charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le