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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4133/2020

ATAS/1086/2021 du 27.10.2021 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4133/2020 ATAS/1086/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 octobre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pascal JUNOD

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après le bénéficiaire ou le recourant) est au bénéfice des prestations complémentaires à l'assurance-invalidité.

b. Le 6 décembre 2019, le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l’intimé) a transmis au bénéficiaire une décision du 3 décembre 2019, qui prenait en compte un gain potentiel pour son épouse dès le 1er janvier 2020, dès lors que celle-ci n’exerçait pas d’activité lucrative.

c. Le 9 décembre 2019, le bénéficiaire a contesté la décision du 3 décembre 2019, car son épouse (ci-après l’intéressée) était toujours en arrêt de travail à 100% depuis 2004, suite à un accident, et il a produit :

-    un rapport médical établi le 5 novembre 2019 par la doctoresse B______, médecine générale, attestant que l’intéressée était venue la consulter le 11 juin 2019 et qu’elle se plaignait de douleurs au niveau du rachis dorsolombaire irradiant dans les membres inférieurs à la suite d’un accident de travail intervenu le 11 mars 2004, avec une aggravation de la symptomatologie clinique de jour en jour. Les diagnostics étaient notamment des cervico-dorsolombalgies aiguës sur troubles statiques et dégénératifs de la colonne, des lombosciatalgies aiguës gauches à répétition sur hernie discale L4-L5, une fibromyalgie et un état anxio-dépressif aigu.

-    un rapport établi le 27 novembre 2018 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, indiquant que l’intéressée avait eu une première intervention de hernie discale L5-S1 gauche en 2009, puis une seconde en 2014 pour une symptomatologie droite, sans amélioration de son état, selon elle. Depuis, elle avait été prise en charge par la Consultation de la douleur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après les HUG). Il n’y avait pas de phénomène déficitaire franc et, par conséquent, pas d’obligation de prise en charge chirurgicale.

-    un rapport établi le 28 novembre 2016 par le docteur D______, psychiatre et psychothérapeute FMH, qui indiquait suivre l’intéressée à une fréquence hebdomadaire ou mensuelle depuis le 29 septembre 2015. Il pensait que la situation de celle-ci devrait être médicalement réévaluée par le service médical régional (ci-après SMR) de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après OAI), car l’état de celle-ci s’était nettement aggravé sur le plan thymique. Elle lui avait été adressée après un abus médicamenteux à visée suicidaire. Depuis, les idées suicidaires étaient continuellement présentes avec au moins un passage à l’acte interrompu par sa famille, qui la surveillait constamment à domicile. Elle était totalement désespérée et ne voyait aucune perspective d’avenir. Ses douleurs, qu’aucun substrat organique ne pouvait pleinement expliquer, ne s’étaient jamais améliorées. Subjectivement, elles étaient persistantes. Son incapacité de travail était totale depuis des années. Il n’y avait aucune perspective de reprise du travail à moyen et long termes.

-    un rapport établi le 29 octobre 2019 par la doctoresse E______, médecine interne générale spécialiste FMH, qui indiquait que dès que l’intéressée envisageait de sortir de son appartement, elle devait augmenter les doses de Buprénorphine, car les déplacements étaient trop douloureux. Elle ne portait aucune charge et ne faisait pas le ménage chez elle. Elle n’allait pas au cinéma, car elle ne pouvait pas rester assise pendant plus d’une heure. En salle d’attente, et même en consultation, elle passait souvent de la position assise à debout, ne supportant pas les attitudes statiques prolongées. Dans ces conditions, il était difficile d’imaginer quelle activité professionnelle pourrait lui convenir qui respecterait les contraintes physiques et fonctionnelles que lui imposait sa maladie.

d. Le 13 janvier 2020, le SPC a communiqué au bénéficiaire une décision du 20 décembre 2019 annulant et remplaçant sa décision du 3 décembre 2019 et indiquant qu’après examen des justificatifs reçus, il maintenait la prise en compte du gain potentiel pour son épouse. Il l’invitait toutefois à lui transmettre copie d’une éventuelle demande de rente d’invalidité et de le tenir au courant du suivi de celle-ci. À réception d’une décision d’octroi d’une telle rente, il reprendrait le calcul de ses prestations avec effet rétroactif en supprimant la prise en compte du gain potentiel pour son épouse.

e. Le 4 février 2020, l’intéressée a indiqué au SPC avoir reçu un refus de l’OAI suite à sa demande de rente et qu’elle voulait demander la révision de cette décision. Elle a été invitée à transmettre au SPC les certificats médicaux dont elle se prévalait.

f. L’intéressée a transmis au SPC un dossier d’analyse de son cas fait le 15 janvier 2020 par SOS Droits des patients, qui concluait que depuis son accident de mars 2004, son état de santé physique et psychologique ne cessait de se péjorer et que ses vives douleurs chroniques et son état anxio-dépressif réactionnel persistant restaient toujours un frein à la reprise d’une activité professionnelle. L’analyse était fondée sur des pièces du dossier de l’OAI, qui étaient annexées, soit :

-    plusieurs rapports médicaux datant d'avant le 23 mars 2018 (date de la dernière décision en force de l’OAI).

-    un rapport établi le 6 juillet 2018 par la doctoresse F______, médecin interne des HUG, qui posait les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques F33.2, douleurs chroniques irréductibles R52.1, et qui estimait qu’il y avait une absence de capacité de travail résiduelle actuellement, au vu des symptômes dépressifs et des douleurs cliniques. Depuis le 26 octobre 2017, l’intéressée était suivie au CAPPI. L’évolution des troubles psychiques était très légèrement favorable, mais également fluctuante. Sur le plan psychiatrique, la capacité de travail était à réévaluer selon l’évolution. Elle ne pouvait se prononcer sur la capacité de travail sur le plan somatique. Il y avait une péjoration de l’état psychique de l’intéressée au mois d’octobre 2017 avec un tentamen médicamenteux, qui avait motivé le suivi au CAPPI.

-    un rapport de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG du 23 juillet 2018, faisant suite à une consultation du 29 juin 2018, pour le suivi du traitement par morphine débuté par la Dresse E______. Ce traitement comportait davantage d'inconvénients que de bénéfices. L’intéressée souffrait de troubles de la mémoire et, malgré un léger confort pour certaines activités, le traitement n'avait pas permis d'éviter des paroxysmes douloureux. Les psychotropes qu'elle recevait pour le syndrome dépressif contribuaient sans doute aux troubles de mémoire, mais il y avait une claire différence depuis la prise régulière de morphine. Le rapport bénéfice-risque d'une augmentation de la posologie apparaissait donc mauvais.

-    un rapport de la consultation ambulatoire initiale du service de neurologie des HUG du 10 octobre 2018, consultée par l'intéressée en raison d'une exacerbation de lombalgies prédominant à gauche. Subjectivement, l'intéressée décrivait des douleurs partant des reins à droite, irradiant derrière la cuisse droite. Elle était épuisée par ses souffrances. Le tableau clinique semblait plutôt fibromusculaire et postural. La composante irritative liée à la hernie discale semblait peu importante et surtout un geste chirurgical pourrait contribuer plus à une décompensation générale qu'à améliorer la symptomatologie. Il était proposé de renforcer la prise en charge médicale avec éventuellement une hospitalisation et un reconditionnement en piscine.

g. Par décision du 17 août 2020, le SPC a informé le bénéficiaire avoir recalculé son droit aux prestations complémentaires. Dès le 1er septembre 2020, il avait le droit aux prestations complémentaires cantonales (ci-après PCC) à hauteur de CHF 1'289.-, mais pas aux prestations complémentaires fédérales (ci-après PCF). À teneur du plan de calcul annexé, le SPC avait pris en compte un gain potentiel pour l’intéressée.

B. a. Le 4 septembre 2020, le bénéficiaire a contesté la décision précitée, faisant valoir que sa conjointe était toujours totalement incapable de travailler et qu’elle attendait une troisième opération.

b. Par décision sur opposition du 6 novembre 2020, le SPC a rejeté l’opposition, considérant que le montant retenu à titre de gain potentiel dans le calcul des prestations complémentaires devait être confirmé. L’intéressée était âgée de 48 ans, n’exerçait aucune activité lucrative et résidait en Suisse depuis près de 30 ans (1992). Il ressortait du dossier établi par SOS Droits des patients que l’OAI avait refusé à l’intéressée le droit à une rente du fait qu’elle pourrait reprendre une activité adaptée à son état de santé. Les documents médicaux produits ne permettaient pas de retenir que l’intéressée était dans l’incapacité d’exercer une activité lucrative simple ne nécessitant pas de qualification particulière et adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le bénéficiaire des prestations et sa conjointe avaient l’obligation de réduire le dommage. Il fallait également rappeler que l’âge de la retraite pour une femme était de 64 ans. Le SPC n’avait reçu aucune preuve de recherches d’emploi pour la période litigieuse par l’intéressée, ni du fait qu’elle aurait cherché de l’aide auprès des organismes de placement.

C. a. Le bénéficiaire a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 7 décembre 2020, concluant à l’annulation de la décision et faisant valoir que de nombreux points factuels essentiels n’avaient pas été instruits et que l’intimé n’avait pas tenu compte du fait qu’il lui avait été annoncé qu’une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité allait être déposée.

À l’appui de son recours, le bénéficiaire a produit une copie de sa demande à l'OAI du 24 août 2020 et ses annexes, dont :

-        un certificat médical établi le 12 novembre 2019 par la Dresse E______ indiquant, comme dans son précédent rapport, qu’il était difficile d’imaginer quelle activité professionnelle pourrait convenir à l’intéressée.

-        un rapport de la consultation ambulatoire de la douleur du 4 février 2020, qui concluait que l'intéressée présentait des lombosciatalgies chroniques bilatérales à composante mixte nociceptive et neurogènes apparues au décours d’un événement traumatique en 2004, avec mise en place de nombreux traitements ayant montré peu d’efficacité et que la symptomatologie dépressive sévère actuelle était au premier plan, malgré un traitement en place bien conduit.

-        un rapport établi par le docteur G______ le 28 mai 2020 indiquant, sur la base d'une nouvelle IRM, que les troubles dégénératifs expliquaient bien les douleurs présentées par l’intéressée et posaient l'indication d'une arthrodèse.

b. Dans un complément de recours du 15 janvier 2021, le recourant a fait valoir que l’état de santé de sa conjointe s’était détérioré. Il ne comprenait pas comment l’intimé avait pu établir que son épouse pourrait retrouver une activité lucrative adaptée, ni comment il pouvait se substituer à l’OAI pour juger de la possibilité de celle-ci de percevoir une rente d’assurance-invalidité, sachant qu’une demande était en cours d’examen. Les différents rapports de médecins utilisés pour fonder la décision de l’intimé dataient de 2018 au plus tard et ne traduisaient pas l’état actuel de son épouse, lequel nécessitait une intervention chirurgicale.

c. L’intéressée a transmis à l’intimé une convocation pour le 21 décembre 2020, de la clinique H______.

d. Le 23 décembre 2020, l'intimé a demandé à l'OAI une copie du dossier de l'intéressée, lequel lui a transmis, le 19 janvier 2021, un avis médical établi par le SMR le 31 août 2020, qui indiquait qu’une nouvelle demande avait été effectuée le 26 août 2020, suite à un précédent refus de prestations du 23 mars 2018, qui avait été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 17 avril 2019 et que les nouvelles pièces médicales produites par l’intéressée (rapports médicaux des 5 et 12 novembre 2019, 4 février 2020, 29 mai et 9 juin 2020) étaient susceptibles de rendre plausible une aggravation durable de l’état de santé de l’intéressée.

e. Par réponse du 18 février 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours. Dès lors que le dossier de l’intéressée était toujours en cours d’instruction auprès de l’OAI, on ne pouvait exclure, à ce stade, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à l’état de santé de l’intéressée. Il n’appartenait pas à l’autorité compétente pour le versement des prestations complémentaires de procéder à des investigations sur la capacité de l’intéressée à exercer une activité lucrative, même si l’état de santé s’était aggravé. Seuls les éléments étrangers à l’invalidité relevés ci-dessus devaient être instruits par l’autorité. En l’occurrence, l’intéressée n’alléguait pas être empêchée de travailler en raison de tels éléments et n’invoquait que des raisons de santé. L’intimé confirmait en conséquence la prise en compte d’un gain potentiel pour l’intéressée jusqu’à ce que l’OAI se prononce sur sa demande de rente.

f. Le 17 mars 2021, le recourant a sollicité de l’intimé le réexamen de sa décision et produit :

-        l’arrêt du Tribunal fédéral du 17 avril 2019, qui retenait qu’aucune incapacité de travail ne pouvait être retenue au regard des atteintes psychiques de l’intéressée et confirmait l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 27 septembre 2018, qui rejetait le recours contre la décision de l’OAI du 23 mars 2018, qui déniait à l’intéressée le droit à des prestations suite à sa demande du 13 mars 2014, faute de maladie psychique incapacitante et retenant que l’intéressée était capable de travailler dans une activité adaptée dès le 16 mai 2014.

-        un certificat établi le 3 octobre 2020 par le professeur I______, qui constatait un état chronifié douloureux chez l’intéressée, suite à une discopathie pluri-étagée en combinaison avec une spondylarthrose. Celle-ci avait pris du poids à cause des douleurs chroniques et de la réduction de sa mobilité. Elle pesait actuellement 95 kg et donnait l’impression d’être déprimée. Aucun déficit neurologique n’avait été trouvé, mais monter un escalier était difficile avec les deux jambes. Il fallait envisager un blocage, au moins du segment L5/S1, où elle avait déjà été subi une opération à deux reprises et décomprimer le canal rachidien.

g. Le 28 mai 2021, l’intimé a persisté dans ses conclusions et indiqué qu’il apporterait rétroactivement les ajustements nécessaires aux prestations complémentaires du recourant, lorsque l’OAI se serait prononcé sur la nouvelle demande de son épouse. À titre subsidiaire, il proposait la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’OAI se prononce.

h. Lors d'une audience du 29 septembre 2021, l'intéressée a notamment déclaré à la chambre de céans qu’elle n’avait pas encore reçu de décision de l'OAI suite à sa nouvelle demande du 24 août 2020 par laquelle elle demandait une rente entière d’invalidité, ni fait l'objet d'une expertise. En janvier 2021 elle avait subi une réduction mammaire pour essayer d'éviter une troisième et très importante opération de dos, mais malheureusement elle devait quand même faire cette opération, qui était prévue le surlendemain. Le Dr I______, qui allait l’opérer, lui avait dit qu’elle aurait très mal pendant un an, mais pas plus mal qu'actuellement, et qu'après cela irait mieux au niveau des jambes, mais que cela ne changerait pas ses douleurs au bas du dos qu’elle aurait à vie. L'opération portait sur un nerf qui touchait ses deux jambes et était très douloureux depuis environ trois ans. Elle prenait alors des médicaments très forts, notamment du Temgesic. Ces médicaments calmaient un peu sa douleur et lui permettaient de se lever et de marcher un peu, mais pas longtemps. L'opération qui était prévue correspondait à l'arthrodèse mentionnée par le Dr G______ le 28 mai 2020. Elle n’avait pas pu se faire opérer par ce dernier, car il était en privé.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le présent recours était pendant, au 1er janvier 2021, devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA). Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

3.        Déposé dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 60 et 61 let. b LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC ; J 4 20] ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte d’un gain potentiel de l’épouse du recourant dans le calcul du droit à des prestations complémentaires, dès le 1er septembre 2020.

5.        De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

6.        Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. a), un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse (let. c), les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d), les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g). En pareil cas, le revenu déterminant est augmenté aussi bien d'une fraction de la valeur du bien cédé que de celle du produit que ce bien aurait procuré à l'ayant droit (cf. ATF 123 V 37 ss. consid. 1 et 2; FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, in: RSAS 2002 p. 419 ss).

Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le revenu déterminant est en principe calculé, conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 5 LPCC). L’art. 5 al. 6 LPCC précise qu'il peut être pris en compte un gain hypothétique pour les personnes partiellement invalides, âgées de moins de 60 ans, qui n'exercent pas d'activité lucrative.

7.        Les revenus hypothétiques, provenant d'une activité lucrative, fixés schématiquement à l'art. 14a al. 1 OPC-AVS/AI, représentent une présomption juridique. L'assuré peut renverser cette présomption en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2007 du 26 juin 2008 consid. 5.2). Il existe en effet des cas dans lesquels un assuré n'est pas en mesure de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle pour des raisons étrangères à l'invalidité (ATF 117 V 153 consid. 2c). Pour examiner la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu. Les critères décisifs ont notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P/17/01 du 16 juillet 2001 consid. 1c ; P 88/01 du 8 octobre 2002 consid. 2.1).

S’agissant plus particulièrement du critère ayant trait à l'état de santé de l’assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a OPC-AVS/AI (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3).

Aussi, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne sont-ils pas fondés à se prévaloir d'un manque de connaissances spécialisées pour écarter d'emblée toute mesure d'instruction au sujet de l'état de santé d'une personne (arrêt 8C_172/2007 du 6 février 2008, consid. 7.2).

Dans l'arrêt 8C_172/2007 précité, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la valeur probante d'un rapport établi par le médecin traitant de l'épouse d'un bénéficiaire de prestations complémentaires et produit par celui-ci à l'appui de son opposition à une décision par laquelle des prestations avaient été calculées compte tenu d'un revenu hypothétique annuel. Il a jugé que ce rapport médical contenait tous les renseignements nécessaires pour se prononcer au sujet de la capacité de travail de l'intéressée, dès lors qu’il indiquait les différentes affections, en particulier celles qui avaient une incidence sur la capacité de travail, précisait la durée de travail exigible et contenait un pronostic sur l'évolution des affections, ainsi que les facteurs personnels susceptibles d'influencer les possibilités de l'intéressée de retrouver un emploi (arrêt 8C_172/2007 précité, consid. 8).

Dans son arrêt 8C_68/2007 du 14 mars 2008 (consid. 5.3), le Tribunal fédéral a considéré que la recourante ne pouvait nier d'emblée l'existence de toute incapacité de travail au seul motif que le certificat médical produit n'établissait pas de manière probante la présence d'une telle incapacité. Saisie d'une opposition, elle devait au moins, dans le cadre de son devoir d'instruire le cas (cf. art. 43 al. 1 LPGA), informer l'intimé que le certificat en cause était dénué de force probante et l'inviter à requérir du médecin prénommé un rapport qui contînt les renseignements ci-dessus mentionnés.

8.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

9.        Dans le cas d’espèce, l’intimé a pris en compte un gain potentiel pour l’intéressée dans sa décision du 17 août 2020, sans procéder à des actes d’instruction, alors que celle-ci l’avait informé, le 4 février 2020, avoir reçu une décision négative de l’OAI et qu’elle lui avait transmis le même jour le dossier constitué par SOS Droit des patients, qui concluait que son état de santé physique et psychique ne cessait de se péjorer. Dans ces circonstances, l’intimé aurait dû se procurer le dossier de l’OAI avant de se déterminer par décision. Il ne pouvait nier d'emblée, tant dans sa décision du 17 août 2020 que dans sa décision sur opposition du 6 novembre 2020, l'existence de toute incapacité de travail de l’intéressée, sur la base des rapports produits par le recourant, ceux-ci n’étant pas assez complets et ne se prononçant en particulier pas sur la capacité de travail de l’intéressée ou du moins incomplètement. En effet, si le rapport établi par la Dresse F______ du 6 juillet 2018 retenait une absence de capacité de travail résiduelle de l’intéressée, ce médecin précisait qu’elle ne pouvait se prononcer sur la capacité de travail sur le plan somatique. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, l’intimé aurait dû inviter le recourant à produire un rapport médical plus complet, précisant en quoi l’état de santé de son épouse s’était aggravé depuis la dernière décision en force de l’OAI, les conséquences sur sa capacité de travail, le pronostic sur l'évolution des affections. S’agissant de l’atteinte psychiatrique invoquée, l’intimé devait en outre procéder à une analyse de indicateurs développés par le Tribunal fédéral visant à établir si une activité professionnelle est exigible de la personne concernée.

10.    Reposant sur une instruction incomplète, la décision sur opposition litigieuse doit être annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire.

11.    Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 6 novembre 2020.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité pour ses dépens de CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le