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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1003/2020

ATAS/1060/2021 du 18.10.2021 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1003/2020 ATAS/1060/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 octobre 2021

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre STASTNY

 

 

recourante

 

contre

BÂLOISE ASSURANCES SA, sise Aeschengraben 21, BÂLE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michel D'ALESSANDRI

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1961, a travaillé en qualité d’employée chargée de la facturation pour l’Hôpital B______ à 80 %.

À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de la Bâloise Assurances SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

2.        Le 10 avril 2013, l’assurée a subi un accident, lors duquel son scooter a été percuté à l’arrière par une voiture.

Cet accident a entraîné un polytraumatisme, avec une fracture complexe et spiroïde de la diaphyse fémorale droite, une fracture articulaire uni-condylienne latérale droite, une fracture de type B selon Magerl de la vertèbre L2 et une fracture du manubrium sternat.

L’assurée a été en incapacité de travail totale dès la date de l’accident.

3.        Le 24 mai 2013, l’assurée a subi une ostéosynthèse du fémur distal droit, pratiquée aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), lors de laquelle elle a subi une embolie pulmonaire massive.

4.        L’assurée a subi une nouvelle intervention consistant en l’ablation de l’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) le 27 mai suivant.

5.        Le 20 septembre 2013, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

6.        L’assurée a présenté un sepsis sévère sur broncho-pneumonie nécrosante, qui a entraîné un séjour à l’Hôpital B______ en novembre 2013.

7.        En date du 5 mars 2014, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a procédé à une corporectomie L2 et à une spondylodèse par greffe autologue.

8.        Dans un rapport du 31 juillet 2014, le docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, a diagnostiqué des troubles d'ordre neuropsychologique et
neurologique post-traumatiques persistants. L’assurée présentait un syndrome de stress post-traumatique avec des rêves liés à l'accident, associés à des troubles de la mémoire, et des absences. Objectivement, on constatait une perturbation de l'oculomotricité dans le regard vers la gauche. Un bilan neuropsychologique et orthoptique ainsi qu'une IRM cérébrale et un électroencéphalogramme devaient être mis en œuvre.

9.        Une IRM cérébrale du 5 août 2014 a mis en évidence une structure ovoïde de 7 mm de diamètre au niveau de la diploë T1 sans lésion associée apparente, peu suspecte (kyste dermoïde), mais pas d'anomalie de l'encéphale.

10.    La doctoresse E______, spécialiste en neuropsychologie, a réalisé un bilan de l’assurée le 3 septembre 2014. L'évaluation mettait en évidence des troubles dans les fonctions exécutives et au niveau attentionnel, associés à des troubles du calcul. Au niveau thymique, une humeur anxio-dépressive importante complétait ce tableau, dont le reste se situait dans la norme. L'étiologie de ces troubles, modérés, pouvait être multifactorielle. Ils pouvaient être la conséquence de l’ischémie consécutive à l'embolie pulmonaire, mais aussi de l'effet des fortes et nombreuses narcoses. Le syndrome de stress post-traumatique développé pouvait également expliquer en partie ces résultats, notamment au plan attentionnel. De plus, l’assurée était fatigable et fatiguée. Cela avait un impact certain sur ses capacités cognitives fragiles et expliquait ainsi ses plaintes, qui dépassaient ce que l'on observait lors du bilan.

11.    Dans un rapport du 22 septembre 2014, la doctoresse F______, spécialiste FMH en psychiatrie, a posé les diagnostics d’état de stress post-traumatique (F 43.1), d’épisode dépressif moyen (F 32.1) et de trouble mental sans précision, dû à une lésion cérébrale et un dysfonctionnement cérébral, et à une affection physique (F 06.9). Les atteintes neuropsychologiques pouvaient être reliées à une atteinte ischémique, à des narcoses itératives ainsi qu'aux troubles psychiques développés à la suite de l’accident.

12.    Le professeur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a procédé à l’ablation d’une plaque Liss le 9 mai 2015.

13.    Dans un rapport du 22 octobre 2015, la Dresse F______ a indiqué que l'état de l'assurée s'était nettement amélioré jusqu'en mai 2015, avec une quasi disparition des symptômes dépressifs. Depuis, il y avait une réactivation des symptômes de stress post-traumatique et dépressifs. L’assurée présentait une thymie triste, pleurait facilement, était très fatiguée, manquait d'élan vital, elle avait des troubles du sommeil. Elle éprouvait des difficultés à sortir seule et avait des crises d'angoisse dans les lieux publics. Il existait une irritabilité, une hypervigilance et des cauchemars en rapport avec l'accident. L’assurée était rapidement anxieuse face à des difficultés mineures et devait éviter le lieu de l’accident. Elle présentait encore des épisodes d'absence objectivés par des tiers. Elle avait des problèmes pour des calculs simples ou pour rédiger une lettre, bien que la mémoire à court terme se fût améliorée. L'attention et la concentration étaient à nouveau diminuées, dans le contexte de la rechute dépressive. L’incapacité de travail restait totale.

14.    Dans un rapport du 25 janvier 2016, le Dr D______ a fait état d’une encéphalopathie post-traumatique avec des séquelles d’ordre neurologique, et de possibles absences d’origine épileptique.

15.    Le 1er février 2016, la Dresse F______ a qualifié l’évolution de défavorable, le pronostic étant moyen à mauvais.

16.    Une reprise thérapeutique du travail a débuté à raison de 2.5 journées de travail par semaine le 14 mars 2016. Lors du bilan réalisé un mois plus tard, l’assurée a exprimé sa satisfaction d'avoir repris, malgré l’importante fatigue due aux efforts physiques. Elle était contente de se réhabituer au rythme du travail, ce qui lui permettait de reprendre confiance en elle. Sa plus grosse difficulté restait la concentration. Elle inversait les chiffres et devait consentir des efforts importants sur ce plan.

17.    Le 28 juillet 2016, l’assurée a subi une chute entraînant une fracture de la rotule, dont les suites ont été prises en charge par le nouvel assureur-accidents de l’employeur. En raison de ce nouvel accident, un terme a été mis à la reprise thérapeutique du travail.

18.    L’OAI a mis en œuvre une expertise rhumatologique et psychiatrique. Dans ce cadre, il a mandaté le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie, pour procéder à l’examen de l’assurée.

Dans son rapport du 29 novembre 2016, ce médecin a noté que l’assurée ne présentait aucun trouble de l’attention, de la concentration, de la compréhension, de la mémoire des faits récents ni celle d'anciens souvenirs. Au moment de l’entretien, elle n’était pas triste et son humeur n’était pas dépressive. Il n'y avait pas de signes en faveur d'un ralentissement psychomoteur. Des sentiments de dévalorisation et de découragement en fonction des difficultés somatiques étaient notés. Il n’y avait pas de sentiment d'infériorité, d'inutilité ou de ruine. L'élan vital n’était pas perturbé. Il n’y avait pas d’idées noires ou suicidaires. Le sommeil était parfois perturbé. Depuis l’accident, l’assurée était plus tendue et irritable, elle se mettait plus facilement en colère. Elle disait apprécier la lecture mais peinait à se concentrer. Elle indiquait qu'elle était devenue plus craintive et avait peur dans la foule depuis cet événement. Le psychiatre a noté l'absence de signes de claustrophobie, d’agoraphobie ou de phobie sociale. Il a écarté tout signe de stress post-traumatique, même si l’assurée signalait beaucoup de cauchemars par périodes. Il n’y avait pas de souvenirs envahissants (flashbacks).

Le Dr H______ n’a retenu aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail, mais une réaction aiguë à un facteur de stress (F 43.0) secondaire à l’accident, en rémission, sans incidence sur sa capacité de travail. L’assurée présentait certes une anxiété exacerbée secondaire à l’accident, mais elle était intelligente et avait des ressources, et n’avait donc aucune atteinte à la santé du point de vue psychique. L’expert a considéré que l’assurée ne collaborait pas, dès lors qu’elle avait indiqué ne pas prendre la Sertaline® prescrite par sa psychiatre. Du point de vue psychique, sa capacité de travail était entière et l’avait toujours été, et il n'y avait pas de limitations fonctionnelles.

19.    Le 26 avril 2017, le docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie, a établi le volet somatique de l’expertise.

Il a noté que l’assurée signalait un sommeil perturbé avec des réveils fréquents, perturbé par des cauchemars. Elle ne sortait jamais seule, ne sortait pas le soir, et la foule lui faisait peur. Son activité sociale était ralentie pour ce motif.

L'expert a objectivé un syndrome dorso-lombaire et vertébral, des cervico-brachialgies chroniques sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire avec hypercontracture de la musculature para-vertébrale et de tout l'éventail fessier, ainsi que des signes de déconditionnement de la musculature profonde et des omalgies bilatérales, sans signe de conflit ou de tendinopathie. L’assurée avait également des gonalgies droites.

La diminution des capacités fonctionnelles dues à la santé résultait essentiellement des douleurs lombaires et des douleurs du genou droit, difficilement explicables par le status radiologique sous-jacent, la mobilité passive étant conservée. Il n’y avait pas de motif d’exclusion à mettre en évidence. Les limitations fonctionnelles étaient le port répétitif de charges en porte-à-faux avec long bras de levier de plus de 5 kg ainsi que les mouvements répétitifs de génuflexion et les longs déplacements en terrain accidenté ou incliné.

Après discussion avec le Dr H______, le Dr I______ a retenu une capacité de travail de 50 % en raison des troubles rhumatologiques, à réévaluer 12 à 18 mois plus tard, une fois la physiothérapie menée.

20.    L’assurée a été licenciée pour le 31 mai 2017.

21.    Dans un rapport du 15 août 2017, Monsieur J______, neuropsychologue, a détaillé les résultats de son bilan. Il a indiqué qu'il ne pouvait se prononcer sur les troubles psychiques ou sur la capacité de travail de l'assurée, dès lors qu'il était neuropsychologue. Le profil des troubles observés était partiellement compatible avec ce que l'on pouvait constater dans le contexte de troubles de l'humeur et de troubles anxieux, mais on ne pouvait exclure qu'ils résultent de l'ischémie en 2013. L'examen neuropsychologique ne permettait pas de différencier nettement les deux étiologies, et on devait donc conclure à une étiologie multifactorielle probable au moins partiellement organique. Le diagnostic était celui de troubles neuropsychologiques légers au sens de la classification de l'association suisse des neuropsychologues (ANSP), affectant l'attention, l'inhibition (fonction exécutive) et la mémoire, auxquels s’ajoutait un trouble du calcul. Ce diagnostic était vraisemblablement en lien de causalité avec l'accident. Ces troubles n'étaient pas compatibles avec un travail de contrôle de factures médicales ou de saisie comptable, en raison du risque élevé d'erreurs. L'activité antérieure n'était donc plus possible dans sa totalité. En revanche, ils avaient peu d'impact sur une activité de réceptionniste-téléphoniste limitée à l'accueil de clients, au suivi d'appels téléphoniques et à la prise de messages. Des tâches simples de secrétariat étaient également possibles. Les doubles tâches devaient cependant être évitées, ce qui signifiait par exemple que le temps dévolu à l'activité de réceptionniste-téléphoniste devait être strictement séparé de celui dédié à des tâches de secrétariat. Une perte de rendement de l'ordre de 30 % dans l'activité adaptée pouvait être admise en raison du léger ralentissement et de la nécessité de contrôler les erreurs. Quatre ans après l'accident, on pouvait estimer qu'une amélioration n'était pas possible. L'atteinte à l'intégrité du point de vue strictement neuropsychologique était minime à modérée selon les critères de la Suva, et correspondait à un taux de 10 %.

22.    Le 17 août 2018, l’OAI a adressé un projet de décision à l’assurée, aux termes duquel celle-ci avait droit à une rente entière du 1er juin 2014 au 31 mai 2016, puis à un quart de rente dès le 1er juin 2016. Il s’est fondé sur un statut d’active à 80 % et sur une capacité de travail de 70 % dès le mois de mars 2016 et de 50 % dans l’activité habituelle.

23.    La doctoresse K______, médecin généraliste de l’assurée, s’est déterminée le 28 septembre 2018 sur les conclusions du Dr I______, qu’elle disait rejoindre.

24.    Dans un rapport du 30 septembre 2018, la Dresse F______ s'est déterminée sur le rapport du Dr H______. Ce dernier reconnaissait une réaction aiguë face à un facteur de stress, dont les critères diagnostiques étaient identiques à ceux de l’état de stress post-traumatique, la différence consistant en la durée des symptômes, de trois jours à un mois pour le premier et de plus d’un mois pour le second. En l’espèce, elle avait constaté les symptômes d’un état de stress post-traumatique dès le premier entretien : flashbacks, sentiment intense de détresse psychique dans des situations rappelant l’accident, cauchemars, conduite d’évitement, altération de sa vision du monde, hypervigilance, problèmes de concentration, troubles du sommeil, changement de personnalité. L’assurée ne pouvait plus sortir de chez elle ou seulement de manière limitée, ne pouvait plus prendre les transports publics, conduire ou être passagère d’une voiture, se trouver dans un lieu où il y avait de la foule. Elle devenait très anxieuse et présentait des troubles du sommeil. Elle avait une agoraphobie d’une intensité fluctuante et ne pouvait parfois pas quitter son domicile, ni se promener ou aller dans un magasin. Elle souffrait parfois d’attaques de panique dans les lieux publics. La discordance avec l’anamnèse de l’expert était remarquable. Il n’y avait pas de mention d’épisode dépressif, de symptômes post-traumatiques récurrents ou de troubles anxieux, alors que l’on retrouvait ces diagnostics dans les rapports de M. J______ et des Drs D______ et E______. De plus, l’expertise ne tenait pas compte des résultats du bilan neuropsychologique du 15 août 2017. La reprise thérapeutique de l’ancien travail avait nécessité des adaptations qui n’étaient pas envisageables dans une activité rémunérée. Les pathologies psychiatriques de l’assurée ne lui permettaient pas d’envisager une activité régulière dans la durée.

25.   Dès décembre 2018, l’assurée et l’assurance ont eu un échange de correspondances portant sur la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique et neuropsychologique et sur les experts pressentis à cette fin. Dans ce cadre, l’assurance a annoncé à l'assurée qu'elle mandaterait le CEMed, sans donner suite à la demande de l’assurée, qui exigeait une décision motivant le refus de désigner les experts de manière consensuelle.

26.    Les parties se sont entendues sur la désignation du docteur L______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, pour procéder à une expertise. Ce médecin a rendu son rapport en date du 29 avril 2019.

À l’issue de son examen et de l’analyse des documents radiologiques, et après avoir relaté l'anamnèse et les plaintes de l’assurée, cet expert a posé les diagnostics de fracture de la diaphyse du fémur droit avec extension intra-articulaire, suivie de complications par embolie pulmonaire et infections pulmonaires et apparition d'une gonarthrose post-traumatique; de fracture du rachis lombaire L2 ayant nécessité une corporectomie et l'implantation d'une cage intervertébrale antérieure en sus d'une stabilisation vertébrale postérieure; de fracture de la rotule droite non déplacée en juillet 2016; et de gonarthrose droite consécutive à la fracture fémorale et aggravée par la fracture de la rotule de 2016.

Les fractures du fémur droit et du rachis lombaire étaient en relation de causalité pour le moins probable avec l'accident de 2013. La gonarthrose droite était en relation de causalité pour 75 % avec l'événement de mars 2013. Compte tenu des lésions traumatiques, l'assurée pouvait exercer une activité professionnelle pendant cinq heures par jour. Une baisse de rendement de 10 % pouvait être acceptée, eu égard à la nécessité de pauses supplémentaires après deux heures de position assise. Ce temps de travail pouvait idéalement être fractionné en deux périodes. S’agissant des limitations fonctionnelles, la position assise au-delà de deux heures pouvait provoquer des douleurs lombaires. Les séquelles au niveau du genou droit limitaient les déplacements dans les escaliers. Le port de charges était limité à 5 kg ponctuellement. De façon idéale, l’assurée devrait pouvoir travailler à sa guise en position assise ou debout. L'utilisation d'un bureau à hauteur variable ou d'un fauteuil confortable était judicieuse. Une activité d’employée de bureau respectant ces recommandations apparaissait bien adaptée, de même qu’une activité d'hôtesse d'accueil. Un réentraînement à l'effort apparaissait nécessaire après une longue interruption de sa carrière. Il convenait donc de reprendre progressivement, avec deux heures de présence et d'augmenter d'une heure par mois jusqu'au taux fixé. La physiothérapie devait se poursuivre au rythme d'une séance hebdomadaire. La gonarthrose était susceptible d’évoluer. S’agissant de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité, on se situait dans le cas d'une fracture rachidienne traitée par spondylodèse avec des douleurs minimes permanentes et accentuées par les efforts, selon la table 7 d'indemnisation de la Suva. Un taux de 15 % était ainsi retenu, augmenté de 10 % en raison des deux interventions, soit un taux de 25 %. Pour le genou droit, l'arthrose fémoro-tibiale moyennement évoluée correspondait à un taux de 15 % selon la table 5. Il existait également une dégradation de l'interligne fémoropatellaire, qui n’était pas à charge de ce cas mais de l’accident survenu en 2016. Cette fracture avait probablement aggravé l'arthrose de la rotule, car elle avait entrainé des lésions cartilagineuses. Sur le plan orthopédique, les troubles correspondaient à une atteinte d'un taux global de 40 %. Au vu des lésions, le Dr L______ évaluait l’invalidité médicothéorique à 50 %.

27.    Le 21 mai 2019, la Dresse K______ s’est déterminée sur le rapport du Dr L______, dont les conclusions lui semblaient pertinentes. Cependant, l’assurée décrivait l’apparition de douleurs lombaires avant deux heures de position assise, et la reprise devrait se faire plus lentement en raison du déconditionnement. Les troubles neuropsychologiques devaient être évalués.

28.    Dans une note du 17 mai 2019, le docteur M______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin-conseil de l’assurance, a considéré qu’une expertise complémentaire n’était pas nécessaire.

Ce médecin s’est ensuite déterminé sur la situation de l’assurée par avis du 23 mai suivant. Sur le plan neurologique, il n’y avait pas eu de traumatisme crânien, et l'IRM cérébrale de 2014 était normale. Le Dr M______ a conclu à l’absence de dommage permanent de la sphère pulmonaire ou ophtalmologique. Sur les plans psychiatrique et orthopédique, les expertises étaient convaincantes. Au plan neuropsychologique, il existait sans doute un trouble attentionnel, tel que décrit par M. J______, mais il n'y avait pas de diagnostic appuyant ce déficit. L'encéphalopathie post-anoxique était une hypothèse non vérifiée. Il était purement hypothétique d'affirmer que des narcoses répétées pouvaient avoir des répercussions cognitives. Ainsi, en l'absence de substrat organique, la causalité naturelle entre ces troubles attentionnels et l’accident n’était que possible. La Dresse F______ réitérait ses diagnostics sans les documenter.

29.    Par décision du 22 juillet 2019 se référant à l'expertise, l'assurance a déterminé le droit de l'assurée à une rente d'invalidité transitoire.

Le revenu moyen sans invalidité pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 aurait été de CHF 72'543.70 à 100 % selon les informations de l'ancien employeur. Quant au revenu d'invalide, selon les conclusions du Dr L______, une activité respectant les limitations fonctionnelles était raisonnablement exigible à 60 %. Le salaire tiré de l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2016 (ci-après : ESS) dans des activités de niveau 2 (activités de services administratifs [sans 78]) se montait à CHF 4'889.- à 100 %. Adapté à la durée moyenne de travail de 42.1 heures par semaine et à l'évolution des salaires nominaux, le gain d'invalide s'élevait en 2019 à CHF 33'510.80, compte tenu d'une capacité de travail de 60 % et d'une diminution de rendement de 10 %. La comparaison des revenus aboutissait à un degré d'invalidité de 54 %, soit une rente de CHF 2'089.25 dès le 1er août 2019. Le droit au traitement médical prenait fin au 31 juillet 2019, à l'exception de la physiothérapie qui serait prise en charge jusqu'au 31 juillet 2020. Une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40 % était allouée.

30.    L'assurée s'est opposée à cette décision le 16 septembre 2019, concluant à la restitution de l'effet suspensif et à la poursuite du versement des indemnités journalières dès le 1er août 2019. Elle a reproché à l'assurance une violation des règles de la bonne foi, dès lors qu'elle avait annulé l'expertise pluridisciplinaire annoncée, que le rapport du Dr M______ ne remplaçait pas. Ce médecin se bornait en effet à exclure une atteinte psychique ou neuropsychologique, sans aucune analyse ni démonstration, et se fondait sur l'expertise du Dr H______. Cette expertise ne répondait pas aux nouveaux réquisits jurisprudentiels. Des problématiques d'ordre neuropsychologique avaient en outre été relevées par plusieurs spécialistes. Dans ces conditions, ne pas mettre en œuvre l'expertise annoncée violait aussi l'obligation d'instruire de l'assurance. Au vu des troubles neuropsychologiques, l'activité antérieure n'était plus possible. Seule une activité simple de téléphoniste ou de réceptionniste sans doubles tâches était exigible, avec une perte de rendement de 30 %. Il semblait difficile de travailler comme téléphoniste ou réceptionniste sans doubles tâches, si bien que seule une activité répétitive de moindre valeur économique restait exigible. L'assurée a contesté la prise en compte d'un niveau 2 pour établir le revenu d'invalide. Se fondant sur l'expertise du Dr L______ et sur l'appréciation de sa psychiatre, elle estimait ne pouvoir accomplir aucune activité, sauf à la rigueur une activité simple dans le domaine des services administratifs, et ce après une mesure de réadaptation au travail et une reprise lente et progressive. Ainsi, son revenu d'invalide devait se fonder sur le revenu tiré d'une activité de niveau 1 selon l'ESS 2016, soit CHF 3'998.25 après adaptation à la durée normale de travail et indexation. Compte tenu de l'exigibilité de 50 % retenue par la Dresse K______ et de la diminution de rendement de 30 %, ce revenu était de CHF 16'792.70. Partant, le degré d'invalidité était de 73 %, ce qui ouvrait le droit à une rente mensuelle transitoire de CHF 2'824.35. Quant à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, elle devait être d'au moins 50 %, soit les 40 % admis par le Dr L______ et les 10 % retenus par M. J______. L'expertise devrait en outre se prononcer sur l'indemnité pour atteinte à l'intégrité en lien avec les atteintes psychiatriques. L'assurée a affirmé qu'il n'y avait aucun motif de mettre un terme au traitement de physiothérapie à fin juillet 2020, et le suivi auprès de sa psychiatre était également en lien de causalité avec l'accident et permettait d'éviter une dégradation de sa capacité fonctionnelle.

Elle a joint un courrier du 10 septembre 2019 de la Dresse F______, qui s’est déterminée sur l’appréciation du Dr M______. S’agissant du reproche selon lequel les diagnostics qu’elle avait posés ne seraient pas documentés, elle a relevé qu’il n’y avait pas d'autres moyens que l'anamnèse et le status pour poser des diagnostics psychiatriques. Au mieux, il existait des échelles d'évaluation, que le Dr H______ n'avait pas non plus utilisées. Ses diagnostics étaient clairement définis et codés par la CIM-10, et étayés par ses notes de suivi lors des consultations. Le Dr H______ était le seul à ne pas retrouver des éléments d'un état anxiodépressif et d'un syndrome de stress post-traumatique. Son expertise avait de plus été établie sans le rapport de M. J______. Le Dr M______ estimait que les troubles neuropsychologiques ne pouvaient être pris en compte faute de base diagnostique, psychiatrique ou organique. Ce point aurait dû être confirmé ou infirmé par une expertise neurologique. Ces troubles étaient compatibles avec un état anxiodépressif. Il semblait nécessaire d'approfondir la question de l'étiologie des troubles neuropsychologiques avant d'exclure définitivement un lien de causalité avec l’accident. Elle maintenait qu’une nouvelle expertise psychiatrique devait être réalisée, à laquelle il était nécessaire d'ajouter une expertise neurologique.

31.    Par décision du 18 février 2020, l'assurance a écarté l'opposition. Elle a affirmé qu'aucune des conditions de la protection de la bonne foi n'était réalisée. L'expertise du Dr L______ et l'avis du Dr M______ étaient suffisants pour trancher le cas. La décision de renoncer à un bilan neuropsychologique et à une expertise avait été prise après que le Dr M______ avait constaté l'absence de troubles de cet ordre. Sur le plan psychiatrique, le Dr H______ ne retenait aucun diagnostic et considérait que la capacité de travail de l'assurée était complète. L'expertise du Dr L______, mise en œuvre conformément au droit, était concluante. L'assurance a en substance repris son calcul d'invalidité et le taux de 54 % auquel il aboutissait. En l'absence de trouble neurologique, le taux d'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40 % fixé par le Dr L______ devait également être confirmé.

32.    Par écriture du 20 mars 2020, l'assurée a interjeté recours contre la décision de l'assurance. Elle a conclu à l'octroi d'un délai pour compléter son recours, et sur le fond à l'octroi d'une rente entière d'invalidité dès le 1er août 2019 et en toute hypothèse au versement d'une rente d'invalidité d'un taux minimal de 73 %; au versement d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de CHF 63'000.-; ainsi qu'à la prise en charge d'une séance hebdomadaire de physiothérapie et du traitement auprès de la Dresse F______ malgré le versement de la rente.

La recourante a soutenu que l'intimée n'avait pas instruit le dossier, l'expertise pluridisciplinaire annoncée ayant finalement été annulée. Une telle expertise avait été mise en œuvre par l'OAI auprès du centre CEMEDEX. La complexité de la situation ne permettait pas de trancher sur la base des seuls avis du médecin-conseil de l’assurance et du Dr L______. Elle s'est dite incapable de travailler, même dans une activité adaptée. Elle a requis l'audition de la Dresse F______ sur ce point. Elle sollicitait également la mise en œuvre d'une expertise par la chambre de céans, par exemple par un mandat complémentaire au CEMEDEX. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40 %, acceptable au plan orthopédique, ne tenait pas compte des problèmes neuropsychologiques et psychiatriques. Afin de maintenir ses capacités fonctionnelles, elle avait besoin non seulement d'un suivi psychiatrique, mais également de séances de physiothérapie.

33.    Par écriture du 13 juillet 2020, la recourante a complété son recours.

Elle a donné plusieurs précisions sur le déroulement de son accident, affirmant que son caractère impressionnant ressortait également de l'audition du conducteur fautif par le Ministère public le 24 septembre 2014, dont elle a produit le procès-verbal. Elle avait par ailleurs subi des complications pendant sa convalescence, et elle avait dû se soumettre à plusieurs interventions. Le traitement n'était toujours pas terminé et avait été marqué par des douleurs et d'innombrables rendez-vous médicaux. La recourante est revenue sur la correspondance échangée avec l'intimée au sujet de la mise en œuvre d'une expertise neurologique, dont le Dr M______ n'indiquait pas en quoi elle serait inutile. Quant à l'expertise du Dr H______, elle était si peu convaincante que l'OAI avait organisé une nouvelle expertise, dont l'établissement était en cours. La recourante demandait à compléter son recours une fois en possession de ce document.

La recourante a précisé ses conclusions, en ce sens qu'elle requérait une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 50 % au moins. Au vu du caractère particulièrement impressionnant de l'accident et de ses suites complexes, un lien de causalité avec les atteintes psychiatriques apparaissait évident.

34.    Dans sa réponse du 7 septembre 2020, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle a noté que la recourante ne contestait pas la cessation du versement des indemnités journalières au 31 juillet 2019, pas plus que le montant du revenu sans invalidité fixé.

L'expertise du Dr H______ et l'appréciation du Dr M______ avaient pleine valeur probante. Ainsi, sur le plan psychiatrique, la recourante ne souffrait d'aucune invalidité. Les troubles neuropsychologiques décrits par M. J______ ne faisaient l'objet d'aucun substrat organique, dès lors que l'IRM de 2014 était normale. Partant, ces éventuels troubles, non documentés sur le plan radiologique, n'étaient pas en relation de causalité avec l'accident. Par conséquent, la recourante pouvait exercer une activité professionnelle pendant cinq heures par jour, soit à 60 %, avec une baisse de rendement de 10 %. Pour le surplus, l'intimée a repris son calcul du degré d'invalidité, avant de confirmer le taux de 54 % retenu pour la rente transitoire, d'ailleurs plus favorable que celui fixé par l'OAI. S'agissant des frais de traitement requis, l'absence d'atteinte psychiatrique excluait la prise en charge de la psychothérapie. Au plan orthopédique, aucun traitement n'était nécessaire pour la conservation de la capacité de gain selon le Dr L______, de sorte que le droit à la prise en charge devait également être nié. Le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40 % devait également être confirmé.

35.    Par réplique du 30 octobre 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a produit l'expertise réalisée par le CEMEDEX, dont elle a relaté les constatations. Les limitations fonctionnelles aux plans psychique et neuropsychologique retenues dans ce rapport étaient en lien avec les accidents assurés, point sur lequel la chambre de céans pourrait si nécessaire interpeller les experts de ce centre. On pouvait admettre à l'instar de ces experts une capacité de travail maximale de 40 % dans une activité adaptée dès le 1er avril 2018. La recourante a détaillé son calcul du degré d'invalidité, qui révélait un taux de 71 %, compte tenu d'un revenu d'invalide de CHF 21'057.30. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité devait être augmentée à 50 % en raison du trouble neuropsychologique.

Le rapport d'expertise du CEMEDEX du 24 juin 2020 produit à l'appui de cette écriture a été établi par les docteurs P______, spécialiste FMH en médecine interne générale, N______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, O______, spécialiste FMH en psychiatrie, Q______, spécialiste FMH en neurologie, et R______, neuropsychologue. Dans leur évaluation, ces experts ont relaté l'anamnèse de la recourante, le résumé de son dossier, ses plaintes et leurs constatations. Sur le plan orthopédique, il persistait une importante boiterie droite lors de la mise en route, qui diminuait sans disparaître après quelques allers-retours dans la salle de consultation. On notait une diminution de la mobilité de la colonne vertébrale. Du point de vue psychique, la recourante avait connu plusieurs épisodes de dépression, le premier de mai 2014 à mai 2015, le second de mars 2017 à mars 2018. Il y avait également un syndrome de stress post-traumatique, avec flashs diurnes et cauchemars en relation avec l'accident, ainsi qu'une hypervigilance encore très présente. La recourante évitait les endroits peuplés, surtout par peur d'être bousculée et de chuter. Il ne s'agissait pas d'une véritable agoraphobie, mais plutôt d'une situation d'évitement liée au stress post-traumatique. La recourante décrivait également des périodes où elle perdait le fil de la conversation et où son entourage la décrivait comme « étant ailleurs ». Anamnestiquement, ces épisodes pourraient évoquer une épilepsie de type « absence », mais cette pathologie semblait avoir été écartée par le neurologue. Les tests neuropsychologiques mettaient en évidence des troubles attentionnels importants, plus marqués au plan quantitatif que qualitatif, en raison d'une tendance à privilégier la précision par rapport à la vitesse. Il y avait clairement une fatigabilité, présente dès le début et augmentant au long de l'examen. Les tests révélaient un trouble neuropsychologique léger à moyen selon les critères ASNP (2015), et un trouble cognitif léger selon la CIM-10, avec des limitations fonctionnelles découlant des troubles attentionnels et de la mémoire de travail ainsi que du ralentissement. Ces troubles pouvaient être mis en relation avec un stress post-traumatique et étaient également aggravés par des douleurs somatiques. Il existait une fatigue qui s'aggravait en cours de journée, confirmée par les tests neuropsychologiques et par un score d'Epworth à 12/24. L'examen était globalement superposable à celui de 2017, même si les troubles attentionnels étaient légèrement plus marqués, avec en revanche une nette amélioration des capacités de calculs. Sur le plan de la médecine interne, outre l'hypertension traitée connue de longue date, les experts retenaient une obésité de stade l. La recourante souffrait encore régulièrement d'infections pulmonaires. Les diagnostics ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles étaient des lombalgies chroniques (M 54.5); une légère instabilité L3-L4 mise en évidence sur les clichés réalisés pour l'expertise; une gonarthrose droite consécutive à la fracture complexe survenue en 2013, aux opérations ayant suivi et à la fracture du 30 juillet 2016; un trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F 33.4); un état de stress post-traumatique, (F 43.1) et un trouble cognitif léger (F 06.7).

Les lésions touchant le rachis impliquaient des changements de position réguliers. La position statique debout ne devait pas dépasser 10 minutes, et la position assise et la marche étaient limitées à une trentaine de minutes, ce qui excluait la conduite d'une voiture au-delà de cette durée. Le port de charges était limité à 2 à 3 kg, et une position en porte-à-faux n'était pas possible. Toute activité des membres supérieurs au-dessus du niveau des épaules provoquait également une surcharge du rachis et était fortement limitée. Les lésions du genou limitaient la montée et la descente des escaliers ainsi que toute activité en position accroupie. Sur le plan psychiatrique et neuropsychologique, les limitations fonctionnelles découlaient des troubles attentionnels et de mémoire de travail, du ralentissement, ainsi que de la fatigue qui reflétait en premier lieu une origine psychique liée à l'état dépressif et au stress post-traumatique, sans que l'on puisse complètement écarter une contribution de nature somatique en lien avec les douleurs, ou une origine post-anoxique. Ces éléments limitaient la possibilité de traitement d'informations multiples ou de prises de décisions ayant un impact important. En raison du stress post-traumatique, la recourante avait développé une peur de la foule, par crainte d'être bousculée. Les déplacements en voiture étaient également une source d'angoisse, de même que la foule. Ces facteurs de surcharge étaient à éviter.

S'agissant de la cohérence, aucune anomalie n'était notée sur les plans de la médecine interne et de l'orthopédie. Du point de vue neurologique, les tremblements n'étaient pas continuels, ce qui évoquait une origine plutôt psychogène qu'organique, celle-ci n'étant cependant pas totalement exclue. Le psychiatre relevait une discordance entre l'importance des troubles de la concentration décrits par la recourante et sa pratique de jeux comme le Scrabble, demandant de bonnes capacités de concentration. Il n’y avait cependant pas d'incohérence entre les plaintes et les résultats à l'examen neuropsychologique, ni d’argument dans le sens d'un manque d'effort, de simulation ou d'exagération lors des tests.

Les atteintes orthopédiques limitaient la capacité de travail à 45 %, soit un emploi à 50 % avec une diminution de rendement de 10 % depuis janvier 2017. Sur le plan strictement psychiatrique, la capacité de travail avait été totale entre janvier et mars 2017, puis de 80 % en raison d'une diminution de rendement de 20 % d'avril 2017 au 31 mars 2018, et à nouveau totale depuis avril 2018. Sur le plan neuropsychologique, depuis l'accident et au moins depuis août 2017, la capacité de travail était estimée à 48 %, « sachant un emploi à 60 % avec une baisse de rendement de 20 % (sic) ». En résumé, la capacité de travail était nulle depuis l'accident jusqu'à fin décembre 2016. Les diminutions de rendement liées aux atteintes orthopédiques (10 %) et neuropsychologiques (20 %) s'additionnaient. Il n'y avait pas d'activité mieux adaptée que l’activité habituelle. Sur le plan neuropsychologique, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 80 % avec une diminution de rendement de 10 %, correspondant à une capacité résiduelle de 72 %. De janvier 2017 à mars 2017, la capacité de travail était de 40 %, soit 50 % pour des raisons orthopédiques avec une diminution de rendement globale de 20 %. D'avril 2017 au 31 mars 2018, la capacité de travail était de 35 %, compte tenu d'un taux d'activité de 50 % et du rendement diminué de 30 % pour des motifs psychiatriques et orthopédiques. Dès le 1er avril 2018, la capacité de travail était à nouveau de 40 %, compte tenu de la capacité de travail de 50 % et de la diminution de rendement globale de 20 %. La diminution de rendement en lien avec les atteintes orthopédiques (10 %), celle découlant des atteintes neuropsychologiques (10 %) et celle dictée par les troubles psychiatriques (20 %) s'additionnaient. En effet, la baisse de rendement de 10 % liée aux premières était due au temps nécessaire aux changements de position, aux exercices de mobilisation et au repos. La seconde résultait du ralentissement et des troubles attentionnels pendant les périodes de travail effectif. La mise en place d'une prothèse du genou serait susceptible d'améliorer légèrement les limitations fonctionnelles liées à la montée et à la descente des escaliers ainsi qu'à la marche, qui pour le moment ne devrait pas excéder 30 minutes.

Dans le volet neurologique, la Dresse Q______ a évoqué une altération des mouvements coordonnés des membres supérieurs, en faveur éventuellement d'un syndrome cérébelleux, mais dont la fluctuation en fonction de la cible (recourante ou expert) parlait plutôt en faveur d'une atteinte fonctionnelle. Cette spécialiste a relevé que la recourante n’avait pas présenté de trouble de l'état de conscience et ne s’était pas plainte de symptôme neurologique ou cognitif lors de l’accident. Lorsqu'elle était sortie du coma après sa grave embolie, elle présentait notamment une fatigue et une faiblesse importantes, et un tremblement des membres supérieurs. L'examen neurologique révélait un tremblement intermittent, postural, faisant suspecter un syndrome cérébelleux, plutôt d'allure fonctionnelle qu'organique, au niveau des membres supérieurs. La suspicion d'une encéphalopathie post-anoxique ne pouvait être totalement écartée, mais l'IRM cérébrale effectuée en 2014 ne donnait pas d'argument en faveur d'une telle atteinte, et la présentation clinique n’était pas typique d'un syndrome post-anoxique cérébral, dans lequel les patients présentaient plutôt des myoclonies. Il n'était cependant pas possible cliniquement de trancher entre une origine post-anoxique ou psychogène du tremblement. Du point de vue strictement neurologique, sans tenir compte de l'atteinte neuropsychologique, la capacité de travail était complète en dehors des périodes d'hospitalisation.

36.    Par duplique du 23 novembre 2020, l'intimée a persisté dans ses conclusions. Après avoir rappelé les différences ressortant des expertises réalisées, elle a allégué qu'au regard du rapport du Dr M______ et de l'expertise du Dr H______, les troubles neuropsychologiques n'étaient en relation de causalité naturelle que possible avec l'accident de mai 2013. L'expertise du CEMEDEX ne contredisait pas cette appréciation. L'intimée ne prenait en charge que les troubles en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'accident survenu le 23 mai 2013, et la recourante avait subi deux nouveaux accidents depuis le 1er janvier 2015, date dès laquelle l'intimée n'était plus son assureur-accidents.

L'intimée est en outre revenue sur les détails du calcul d'invalidité et les griefs de la recourante à ce sujet.

37.    Cette écriture a été transmise à la recourante le 24 novembre 2020.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le recours était pendant devant la chambre de céans à cette date, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

L’accident étant survenu avant le 1er janvier 2017, la modification du 25 septembre 2015 de la LAA entrée en vigueur à cette date n’est pas applicable (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).

3.        Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

4.        Le litige porte sur le droit aux prestations pour accident de la recourante dès le 1er août 2019.

5.        La notion d'invalidité définie à l'art. 8 LPGA est en principe identique dans l'assurance-accidents, l'assurance militaire et l'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 853/05 du 28 décembre 2006 consid. 4.1.1). Si le Tribunal fédéral a confirmé le caractère uniforme de la notion d'invalidité dans les différentes branches d’assurance, il a renoncé à la pratique consistant à accorder en principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par l'un des assureurs sociaux, indépendamment des instruments dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il en a fait dans un cas concret. Certes, il faut éviter que des assureurs procèdent à des évaluations divergentes dans un même cas. Mais même si un assureur ne peut en aucune manière se contenter de reprendre, sans plus ample examen, le taux d'invalidité fixé par un autre assureur, une évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. À ces motifs de divergence, il faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité. Enfin, un assureur social ne saurait être contraint, par le biais des règles de coordination de l'évaluation de l'invalidité, de répondre de risques qu'il n'assure pas, notamment, pour un assureur-accidents, une invalidité d'origine maladive non professionnelle. Le principe d'uniformité de la notion d'invalidité n'a cependant pas pour conséquence de libérer les assureurs sociaux de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux d'invalidité fixé par l'autre assureur, car un effet obligatoire aussi étendu ne se justifierait pas (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 323/04 du 30 août 2005 consid. 4.1).

6.        L’assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel en vertu de l’art. 6 al. 1 LAA. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (art. 4 LPGA).

7.        a. Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2). En vertu de l’art. 17 al. 1 LAA, l’indemnité journalière correspond, en cas d’incapacité totale de travail (art. 6 LPGA), à 80 % du gain assuré. Si l’incapacité de travail n’est que partielle, l’indemnité journalière est réduite en conséquence.

b. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu’est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

À teneur de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se déterminera notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2).

c. Conformément à l'art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui, par suite de l’accident, souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (art. 25 al. 1 et 2 LAA).

8.        La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1). Un rapport de causalité naturelle doit être admis si le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière sans l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.2).

L'art. 6 al. 3 LAA prévoit que l'assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l'assuré victime d'un accident lors du traitement médical au sens de l'art. 10 LAA. Selon cette disposition légale, l'assurance ne doit toutefois prendre en charge que les lésions qui sont dans un rapport de causalité naturelle et adéquat avec le traitement entraîné par l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_707/2013 du 19 juin 2014 consid. 5.2.1).

9.        En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_204/2019 du 12 mai 2020 consid. 6.1). Il faut que les troubles à la nuque ou à la colonne cervicale se manifestent dans la période de 72 heures suivant l'accident, mais il n'est en revanche pas nécessaire que les autres troubles caractéristiques du tableau clinique apparaissent dans ce laps de temps (arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2007 du 17 janvier 2008 consid. 6).

Sont considérés comme objectivables les résultats de l'investigation médicale susceptibles d'être confirmés en cas de répétition de l'examen, lorsqu'ils sont indépendants de la personne de l'examinateur ainsi que des indications données par le patient. On ne peut ainsi parler de lésions traumatiques objectivables d'un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d'appareils diagnostiques ou d'imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1). Selon la jurisprudence, la seule constatation de troubles neuropsychologiques ne suffit pas pour établir la présence d'une atteinte organique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 5.2).

10.    Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte la santé. Il faut que d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, l'accident soit propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2007 du 22 octobre 2008 consid. 5.1), au point que le dommage puisse encore équitablement être mis à la charge de l'assurance-accidents, eu égard aux objectifs poursuivis par la LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2008 du 5 décembre 2008 consid. 3.1).

Dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, en cas d'atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu'elle ne joue pratiquement pas de rôle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 3.2). En tant que principe répondant à la nécessité de fixer une limite raisonnable à la responsabilité de l'assureur-accidents social, la causalité adéquate n'a ainsi pratiquement aucune incidence en présence d'une atteinte à la santé physique en relation de causalité naturelle avec l'accident, du moment que dans ce cas l'assureur répond aussi des atteintes qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale. En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement. En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques, tandis qu'en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou d'un traumatisme cranio-cérébral, on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_339/2007 du 6 mai 2008 consid. 2.1 et les références). Lorsque des troubles neuropsychologiques apparaissent en l'absence de traumatisme cranio-cérébral, la notion de causalité adéquate s'analyse selon la jurisprudence applicable aux troubles psychiques (Irène HOFER in Basler Kommentar zum UVG, 2019, n. 84 ad art. 6 LAA; cf. pour exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_705/2020 du 28 avril 2021).  

11.    En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :  

-          les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; 

-       la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques; 

-       la durée anormalement longue du traitement médical; 

-       les douleurs physiques persistantes; 

-       les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident; 

-       les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes; 

-       le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. 

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsque l'on se trouve en présence d'un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_729/2016 du 31 mars 2017 consid. 5.2 et les références). 

12.    Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1). En revanche, l’existence d’un rapport de causalité adéquate entre l'événement assuré et l'atteinte à la santé est une question de droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 6.1.3).

13.    Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1). En revanche, le juge ne peut reconnaître un rapport de causalité adéquate avant que les questions de fait relatives à la nature des troubles psychiques en cause et à leur causalité naturelle soient élucidées. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de dire qu'il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante. D'une part, un tel procédé est contraire à la logique du système. En effet, le droit à des prestations découlant d'un accident suppose tout d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Ainsi, on ne peut pas retenir qu'un accident est propre, sous l'angle juridique, à provoquer des troubles psychiques éventuellement incapacitants sans disposer de renseignements médicaux fiables sur l'existence de tels troubles, leurs répercussions sur la capacité de travail et leur lien de causalité avec cet accident. D'autre part, la reconnaissance préalable d'un lien de causalité adéquate est un élément de nature à influencer, consciemment ou non, le médecin psychiatre dans son appréciation du cas, et donc le résultat d'une expertise psychiatrique réalisée après coup s'en trouverait biaisé (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).  

14.    a. Pour pouvoir examiner le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

c. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

d. S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

15.    En l'espèce, il convient en préambule de relever qu'au plan orthopédique, l'expertise du Dr L______ – à laquelle la Dresse K______ s'était largement ralliée – correspond aux réquisits jurisprudentiels précités, et doit ainsi se voir reconnaître valeur probante. La survenance de douleurs dans un délai inférieur à deux heures signalée par la généraliste de la recourante ne suffit pas à s'écarter des conclusions du Dr L______, dès lors que la diminution de rendement qu'il a admise permet à la recourante d'aménager des pauses supplémentaires afin d'éviter de devoir maintenir une position de manière prolongée. Le volet orthopédique de l'expertise du CEMEDEX conclut à une capacité de travail de 50 %, légèrement inférieure aux cinq heures admises par le Dr L______, les deux experts se rejoignant toutefois sur la diminution de rendement de 10 %. On s'en tiendra dans la présente cause à l'appréciation du Dr L______, dès lors que ce dernier a établi son avis en fonction des seules suites de l'accident dont répond l'intimée, tandis que le rapport du CEMEDEX rédigé à l'attention de l'OAI évalue la situation de manière globale, en intégrant également à son appréciation les conséquences de l'accident de 2016, que l'intimée n'assure pas.

Le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité fixé par le Dr L______ ne prête par ailleurs pas flanc à la critique, et la recourante ne le conteste pas. Il doit ainsi également être confirmé.

16.    En ce qui concerne les troubles de la sphère neuropsychologique, dont la prise en charge est litigieuse, la chambre de céans relève ce qui suit.

L'intimée se fonde notamment sur le rapport du Dr H______ pour exclure un lien de causalité naturelle entre l'accident et les troubles neuropsychologiques, dès lors que cet expert ne retient aucun diagnostic psychique qui expliquerait de tels troubles. Or, cette expertise ne peut pas se voir reconnaître valeur probante – sans même qu'il soit besoin d'examiner si elle correspond aux nouvelles exigences développées par le Tribunal fédéral pour déterminer le caractère invalidant de troubles psychiques (cf. ATF 141 V 281 consid. 3.6 et ATF 143 V 409 consid. 4.5). Elle n'est en effet guère motivée, et pour le moins lacunaire. On s'étonne en particulier qu'elle écarte tout signe d’agoraphobie ou de phobie sociale, alors même que la recourante a signalé la peur éprouvée dans la foule. Le Dr I______, avec lequel l'expert psychiatre était pourtant censé poser ses conclusions à l'issue d'un consilium, a du reste également mentionné de tels éléments. Le Dr H______ ne discute par ailleurs aucunement les motifs qui lui permettent de réfuter les diagnostics retenus par la Dresse F______ et par plusieurs autres médecins et spécialistes, et ne décrit pas l’évolution de l’état de santé psychique de la recourante depuis l’accident. Compte tenu de la persistance des cauchemars rapportés par la recourante, il aurait à tout le moins dû exposer pourquoi il écartait un syndrome de stress post-traumatique. Enfin, il conclut à l'absence d'atteinte à la santé psychique en raison des ressources et de l'intelligence de la recourante. À l’évidence, ces attributs ne sont pas incompatibles avec la survenance d'une telle pathologie, quand bien même ils peuvent en atténuer l’incidence sur les capacités fonctionnelles d’un assuré. Enfin, le Dr H______ a admis une anxiété exacerbée, de sorte qu'on comprend mal l'exclusion de tout trouble psychique.

S'agissant de l'expertise réalisée par les spécialistes du CEMEDEX, elle paraît a priori contenir tous les éléments formels permettant selon la jurisprudence de se voir reconnaître une pleine valeur probante, malgré la réserve en lien avec les conclusions orthopédiques, liée à la couverture d'assurance. La chambre de céans observe néanmoins que ses conclusions quant à la capacité de travail devront être clarifiées, dès lors que la diminution de rendement admise pour motifs neuropsychologiques est tour à tour fixée à 20 % et à 10 %, de même que la limitation induite par les troubles psychiques. Malgré cette palinodie, l’expertise établit de manière convaincante que la capacité de travail de la recourante reste limitée par des troubles neuropsychologiques après le 1er juillet 2019.

Cela étant, aucun élément médical au dossier ne se prononce de manière concluante sur le lien de causalité naturelle entre ces troubles et l'accident. Le Dr D______ a uniquement émis certaines hypothèses sur ce point, à l'instar de la Dresse E______. M. J______ a quant à lui qualifié ce lien de vraisemblable, tout en évoquant plusieurs causes possibles pour l'origine des troubles, sans indiquer laquelle paraissait prépondérante, de sorte que son rapport n'atteint pas le degré probatoire requis en assurances sociales. Le Dr M______, qui a exclu un tel lien en raison du caractère normal de l'IRM et du rapport du Dr H______, ne peut pas non plus être suivi, eu égard à l'absence de valeur probante de cette première expertise psychiatrique et du caractère par trop succinct de son avis. On soulignera en outre que ce médecin est généraliste et non neurologue, et prend position sur des questions qui ne relèvent pas de son domaine de compétence. Quant à la Dresse Q______ et à M. R______, ils ne se sont pas prononcés sur ce point, dès lors qu'il est sans pertinence pour l'assurance-invalidité. La Dresse F______ a pour sa part préconisé la mise en œuvre d’une expertise pour résoudre cette question.

Ainsi, l'existence de ce lien de causalité naturelle n'est ni démontrée ni infirmée au degré de la vraisemblance prépondérante. Or, le cas d'espèce ne souffre pas de laisser cette question ouverte, dès lors qu'on ne peut d'emblée nier un rapport de causalité adéquate entre l'accident et les troubles psychiques et neuropsychologiques. Partant, la chambre de céans n'est pas en mesure de trancher le degré d'invalidité et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité de la recourante.

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand elle n'a pas du tout instruit une question, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Tel est le cas en l'espèce, l'intimée n'ayant pas investigué la question de la causalité naturelle entre les troubles neuropsychologiques et l'accident. On relèvera de plus que la question d'un tel lien entre l'accident et les troubles psychiques – auxquels pourraient être imputés les troubles neuropsychologiques – n'a pas non plus fait l'objet d'une conclusion formelle. Il y aura également lieu de répondre à cette seconde question si l’instruction à venir établit que les troubles neuropsychologiques sont en lien avec les atteintes psychiques.

Il y a ainsi lieu de renvoyer la cause à l'intimée pour mise en œuvre d'une expertise à cet effet, dans le respect des exigences jurisprudentielles en matière de droit d'être entendu (ATF 137 V 210 consid. 3.2.4.6 et 3.2.4.9). Au vu des circonstances, il convient de préciser que cette question pourrait faire l'objet d'un complément d'expertise auprès des experts du CEMEDEX, sous réserve d’un consensus des parties sur leur désignation. Ceux-ci devront alors également être invités à corriger les imprécisions relevées plus haut au sujet de la capacité de travail de la recourante.

À l'issue de l'instruction, l'intimée devra rendre une nouvelle décision sur le degré d'invalidité de la recourante et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

17.    S'agissant de la prise en charge du traitement postérieurement au 1er août 2019, à laquelle conclut la recourante, on rappellera que l'intimée a admis le remboursement des séances de physiothérapie pendant encore une année après cette date. Or, l'état de la recourante était au plan physique stabilisé au plus tard au 1er août 2020. En effet, le traitement était à cette époque conservateur et ne permettait pas d'escompter une amélioration sensible de son état de santé. La pose d'une prothèse du genou évoquée par les experts du CEMEDEX ne paraît pour l'heure pas être une option thérapeutique concrètement envisagée, si bien que la possibilité qu'une telle intervention soit pratiquée dans le futur ne suffit pas à nier la stabilisation actuelle de l'état de santé au plan orthopédique.

Au plan psychique, aucun rapport médical n'expose en quoi la poursuite de la psychothérapie serait susceptible d'entraîner des progrès notables de l'état de santé de la recourante, a fortiori si l’on se réfère à la conclusion de l’expert du CEMEDEX, qui ne retient aucune incapacité de travail sur ce plan depuis avril 2018. Du point de vue neuropsychologique, M. J______ a indiqué que l'état de la recourante n'était guère susceptible d'amélioration en août 2017 déjà, et M. R______ n'a pas proposé de traitement particulier.

Partant, les conditions de la prise en charge de ce traitement – qui prend en principe fin lorsque naît le droit à la rente, comme on l'a vu – ne sont pas remplies.

La décision de l'intimée doit ainsi être confirmée en tant qu'elle met un terme à la prise en charge du traitement médical au 31 juillet 2019 et à la physiothérapie au 31 juillet 2020.

18.    La recourante obtenant partiellement gain de cause, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 18 février 2020 en tant qu'elle porte sur le degré d'invalidité de la recourante.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la recourante a droit à une indemnité de dépens de CHF 2'500.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le