Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/254/2021

ATAS/1025/2021 du 05.10.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/254/2021 ATAS/1025/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 octobre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

FONDATION A______, sise à DARDAGNY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. La Fondation A______ (ci-après : la fondation), avec siège à Dardagny, a pour but social de gérer et assurer la pérennité de l'immeuble appartenant à l'Église nationale protestante de Genève situé à A______, Saint-Cergue (canton de Vaud).

La fondation loue deux maisons en gestion libre, soit « A______ I » qui peut loger 49 personnes en chambres d’un à onze lits et qui dispose de locaux pour activités et réunions et « B______ II » qui offre 50 places dans des chambres d’un à dix lits et qui comporte aussi des salles de réunion. Madame C______ est l'unique employée de la fondation.

Les recettes de la fondation proviennent des produits issus de la location des locaux (A______ I, B______ II et la salle de fête) ou des dons de particuliers.

b. Par décision du 31 mars 2020, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a octroyé à la fondation la réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour toute l'entreprise, du 1er avril 2020 au 30 septembre 2020.

B.       a. Le 26 octobre 2020, la fondation, soit pour elle Madame C______, a transmis à l’OCE un formulaire de préavis de RHT, annonçant une perte de travail de 50 % pour toute l’entreprise, soit une employée, du 1er octobre au 31 décembre 2020.

b. Par décision du 13 novembre 2020, l'OCE a refusé la demande de RHT, au motif que le risque de disparition d'emplois concernait uniquement les entreprises qui finançaient la fourniture de prestations exclusivement avec des revenus perçus ou des fonds privés, étant rappelé pour le surplus que les personnes ayant une position assimilable à celle d'un employeur n'avaient pas droit à la RHT.

C.       a. Parallèlement, le 5 novembre 2020, la fondation a transmis à l’OCE un nouveau formulaire de préavis de RHT, annonçant une perte de travail de 90 % pour toute l’entreprise, soit une employée, du 15 novembre 2020 au 30 janvier 2021.

Dans sa demande, la fondation a précisé que suite aux restrictions cantonales (Vaud et Genève), toutes les réservations pour les mois de novembre et décembre 2020 avaient été annulées. Le conseil de fondation avait décidé, avec effet immédiat, la fermeture des maisons jusqu'au mois de février 2021 afin de limiter les charges fixes au maximum. Il n'y avait pas de nouvelles réservations pour l'année prochaine.

b. Par décision du 10 novembre 2020, l'OCE a refusé la demande de RHT pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans la décision du 13 novembre 2020.

D.      a. Par courriel du 11 novembre 2020, la fondation a fait opposition à la décision du 10 novembre 2020, en faisant valoir que son activité était similaire au secteur de l'hôtellerie. Ses maisons étaient louées en gestion libre. Ses utilisateurs provenaient de paroisses, de mouvements de jeunesse, d'écoles, d'associations sportives, culturelles, sociales, d'entreprises et de personnes se réunissant pour un mariage, une fête de famille, une réception ou un anniversaire. À la suite des nouvelles mesures imposées par les cantons de Vaud et de Genève depuis fin octobre 2020, toutes les réservations pour les mois de novembre et décembre 2020 avaient été annulées. La fondation prévoyait une perte de son chiffre d'affaires de 70 % pour 2020. Le cahier de réservations était toutefois bien rempli pour l'année prochaine.

b. Par complément d'opposition du 27 novembre 2020, la fondation a précisé qu'elle contestait les deux décisions des 10 novembre et 13 novembre 2020. Elle a relevé qu'elle avait été privée d'une grande partie de ses recettes en raison de l'annulation des réservations et de l'interdiction des sorties scolaires, des rassemblements et des événements d'affaires, sportifs et culturels. En comparaison avec l'année précédente, la fondation présentait une nette diminution de ses bénéfices. En raison des mesures prises par les autorités, la fondation avait été contrainte de réduire ses activités, ce qui s'était traduit par une perte de travail inévitable pour son employée, étant précisé que cette dernière était subordonnée au conseil de fondation, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme une personne ayant une position assimilable à celle d'un employeur.

À l'appui de son opposition, la fondation a produit son compte de résultat pour l'année 2019.

c. Par décision sur opposition du 7 décembre 2020, l'OCE a confirmé sa décision du 10 novembre 2020. L'employeuse n'avait pas valablement justifié la perte de travail subie par ses collaborateurs touchés par la RHT. En plus de ne pas être avérée, la perte de travail n'était pas inévitable car l'employeuse n'avait pas pris les mesures possibles pour l'empêcher. Elle avait du reste reconnu avoir décidé, avec effet immédiat, la fermeture de ses maisons jusqu'au mois de février 2021, ce qui augmentait le dommage subi puisqu'elle ne pouvait accueillir aucun client dans son établissement. La question de l'éventuelle position assimilable à celle d'un employeur pouvait dès lors rester ouverte.

E.       a. Par acte du 21 janvier 2021, la fondation a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) d'un recours à l'encontre de la décision précitée, concluant à son annulation et à l'octroi de l'indemnité en cas de RHT pour la période du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020 et du 15 novembre 2020 au 30 janvier 2021. L'intéressée a expliqué que les produits d'exploitation provenaient essentiellement des rentrées des différentes locations aux groupes qui fréquentaient les sites de la fondation. Typiquement, un groupe réservait l'entier d'un bâtiment pour un ou plusieurs jours. Les dons privés servaient uniquement à financer l'entretien des bâtiments et ne couvraient pas les frais d'exploitation courante. La fondation recevait des groupes qui dormaient en dortoirs ; la promiscuité était grande dans une configuration qui ne permettait pas de garantir les distances sociales préconisées. Les responsables des groupes avaient souvent eux-mêmes annulé les réservations comprenant qu'ils ne pouvaient pas assumer leur responsabilité sanitaire vis-à-vis des participants. Le chiffre d'affaires avait baissé de 55 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années et s'établissait à seulement CHF 82'739.95 pour 2020. La fondation n'avait pas les moyens financiers pour modifier les lieux et permettre la distance sociale réglementaire afin de continuer l'exploitation pendant le confinement. Compte tenu des restrictions sanitaires visant à limiter les réunions privées, l'exploitation des sites de la fondation devenait vide de sens. Les lieux communs étaient multiples, notamment les sanitaires, les dortoirs, les réfectoires et les cuisines. À la veille de l'hiver, la fondation avait décidé de fermer temporairement les lieux pour limiter les frais importants liés au chauffage.

À l'appui de son recours, la fondation a notamment produit :

- l'évolution de son chiffre d'affaires mensuel en 2020 ;

- une décision du 7 janvier 2021 par laquelle l'OCE a accepté la demande de RHT formée par la fondation le 22 décembre 2020. Pour autant que toutes les autres conditions du droit étaient remplies, la caisse pouvait octroyer l'indemnité en cas de RHT pour la période du 1er janvier 2021 au 31 mars 2021.

b. Par réponse du 16 février 2021, l'OCE a persisté dans les termes de sa décision.

c. La fondation n'a pas formé d'observations dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Il convient en premier lieu de déterminer l'objet du litige.

a. L’objet du litige dans la procédure administrative est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées). En outre, dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_195/2013 du 15 novembre 2013 consid. 3.1).

Tant que le délai de recours (ou d'opposition) ouvert contre une décision n'est pas encore échu, la décision n'est pas entrée en force. Sa modification peut donc en principe intervenir, d'office ou sur requête, pour des motifs d'erreur de fait, de droit ou d'opportunité dans la décision initiale, sans conditions particulières. La modification pourra être le fait de l'autorité qui a pris la décision, de l'autorité hiérarchique supérieure, voire de l'autorité de surveillance (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., p. 328 et les références citées).

b. En l'occurrence, la décision entreprise confirme, sur opposition, les décisions des 10 et 13 novembre 2020, par lesquelles l'intimé a refusé le droit aux indemnités en cas de RHT pour les périodes du 1er octobre au 31 décembre 2020 et du 15 novembre 2020 au 31 janvier 2021. Dans le délai de recours contre sa décision sur opposition du 7 décembre 2020, l'intimé a modifié sa décision en ce sens que l'indemnité en cas de RHT pouvait être accordée à la recourante du 1er janvier 2021 au 31 mars 2021 (cf. décision de l'OCE du 7 janvier 2021). La décision du 7 janvier 2021 remplace ainsi la décision attaquée sur ce point. Le litige ne porte donc plus que sur le droit de la recourante à l’indemnité en cas de RHT pour la période du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020.

4.        Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale de travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la RHT est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance chômage, OACI – RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de Coronavirus).

Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 consid. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération des pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises [let. a] ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles [let. b] ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès [let. c] ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie [let. d] ; dégâts causés par les forces de la nature [let. e]). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit., n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de RHT. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit., n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

5.        a. En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773) qui limitait notamment l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en ordonnant la fermeture des restaurants (art. 6 al. 2 let. b). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783). Elle a été abrogée avec effet au 11 mai 2020 (RO 2020 1499). Dès cette date, les restaurants ont pu rouvrir à condition de disposer d’un plan de protection (art. 6 al. 3 let. bbis) et pour autant que les consommations soient prises assises, que le nombre de clients soit limité à quatre personnes à table et que les établissements restent fermés entre 00h00 et 06h00 (art. 6 al. 3bis). L’ordonnance 2 COVID-19 a été abrogée le 22 juin 2020 (RO 2020 773).

Le 19 juin 2020, à la suite d’une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la situation extraordinaire en situation particulière et restructuré ses mesures notamment en édictant l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière – RS 818.101.26). Selon cette ordonnance, chaque personne était tenue de respecter les recommandations de l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de COVID-19 (art. 3). Ces recommandations comprenaient notamment le maintien des distances, le port du masque et le respect du nombre maximum de personnes. Si possible, les personnes devaient se rencontrer à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur. L'ordonnance contenait également des dispositions sur les mesures visant les installations, les établissements et les manifestations accessibles au public, notamment la mise en œuvre d'un plan de protection (art. 4) et la collecte de coordonnées (art. 5).

Le 19 octobre 2020, le Conseil fédéral a adopté des dispositions particulières concernant les manifestations dans le cercle de la famille ou des amis (manifestations privées), auxquelles plus de quinze et cent personnes au plus participaient sur invitation. Il était notamment prévu que l'organisateur devait collecter les coordonnées des participants et garantir le respect des mesures sanitaires (consommation en place assise et port du masque facial ; art. 6 al. 2 ; RO 2020 4159).

Le 29 octobre 2020, le Conseil fédéral a interdit l'organisation de manifestations de plus de cinquante personnes (art. 6 al. 1) et limité à dix personnes les manifestations organisées dans le cercle familial et entre amis (manifestations privées) qui n'avaient pas lieu dans des installations et des établissements accessibles au public (art. 6 al. 2). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 octobre 2020 (RO 2020 4503).

b. Sur le plan cantonal, le Conseil d’État vaudois a interdit, le 4 novembre 2020, les manifestations publiques ou privées, y compris politiques, de plus de cinq personnes (arrêté modifiant celui du 1er juillet 2020 d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière et sur certaines mesures cantonales complémentaires).

6.        S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que la société n’était pas tenue de respecter un délai de préavis, lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité en cas de RHT en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 2020 3569).

Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 – RS 818.102). D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la réduction de l’horaire de travail. Le préavis doit être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une réduction de l’horaire de travail pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

7.        Dans la décision entreprise, l'intimé s'est opposé au paiement de l'indemnité en cas de RHT, au motif que la perte de travail, en plus de ne pas être avérée, n’était pas inévitable. L'employeuse avait en effet reconnu avoir décidé, avec effet immédiat, la fermeture de ses maisons jusqu'au mois de février 2021, ce qui augmentait le dommage subi puisqu'elle ne pouvait accueillir aucun client dans son établissement.

a. Il convient en premier lieu d’examiner si la recourante a subi une perte de travail, ce que l’intimé conteste. Devant la chambre de céans, la recourante a expliqué qu'elle employait de manière permanente une unique employée, qui se chargeait de toute l'administration courante. La gestion des réservations représentait environ 90 % de la charge de travail, soit la partie la plus importante. Dès le mois de mai 2020, les commandes étaient quasi inexistantes et la charge de travail avait baissé d'au moins 50 %. L'employée s'était donc trouvée sans travail pour une grande partie de son temps. Dès octobre 2020, les restrictions liées à la pandémie et l'impossibilité de compartimenter les lieux ont maintenu les réservations à un niveau très bas, de sorte qu'une deuxième demande d'indemnités en cas de RHT avait été formée pour perte de travail prévisible de 50 %. À partir du 15 novembre 2020, les réservations avaient encore chuté en raison de l'interdiction des réunions de plus de dix personnes, ce qui avait conduit le conseil de fondation à fermer temporairement ses sites de location.

En l'occurrence, il ressort du dossier que la recourante met en location deux maisons, permettant, chacune, de loger une cinquantaine de personnes. Ainsi que le fait valoir l'intéressée, depuis le début de la pandémie, le respect des recommandations de l'OFSP, en particulier l'application des mesures de distance sociale, le port du masque et la préférence donnée aux rencontres extérieures, ont logiquement eu un impact sur la location des hébergements de groupes. Il ressort d'ailleurs du planning d'occupation des bâtiments pour le mois d'octobre 2020 (pièce 9 recourante) que plus de la moitié des réservations ont été annulées en raison des mesures sanitaires. Le chiffre d'affaires réalisé durant cette période est du reste en-deçà de la moyenne mensuelle enregistrée pour les années précédentes (pièces 2, 3 et 7 recourante). À partir du mois de novembre 2020, la situation est devenue critique en raison de la limitation des manifestations privées à dix personnes sur le plan fédéral (dès le 29 octobre 2020) et à cinq personnes sur le plan cantonal vaudois (dès le 4 novembre 2020). Les réservations pour le mois de novembre 2020 ont toutes été annulées (cf. planning d'occupation des bâtiments pour le mois de novembre 2020, pièce 9 recourante). Compte tenu des circonstances, et dans la mesure où il n'est pas contesté que le 90 % de la charge de travail de l'employée consiste à gérer les réservations des deux bâtiments de la recourante, l'existence d'une perte de travail consécutive à des mesures prises par les autorités doit être admise. Conformément aux demandes de préavis formées par l'intéressée, la perte de travail doit être prise en compte à hauteur de 50 % jusqu'au 14 novembre 2020, puis de 90 % dès le 15 novembre 2020. Les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, dont la liste n’est pas exhaustive, doivent partant être considérées comme étant réalisées.

S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté, ni contestable, que la pandémie du Coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle dépassant le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur (cf. directive SECO 2020/15 du 30 octobre 2020). Il convient en effet d’admettre la présence de circonstances exceptionnelles non liées aux risques d’exploitation d’une entreprise.

b. Reste à examiner si, comme le prétend l’intimé, l’employeuse aurait pu éviter les pertes de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

L'intimé s'est opposé au paiement de l'indemnité en cas de RHT, au motif notamment que la recourante aurait dû, en principe de l'obligation de diminuer le dommage, maintenir la mise en location des bâtiments à partir du mois de novembre 2020.

Il convient de relever à cet égard que la recourante avait déjà fermé les deux bâtiments en avril et en mai 2020, ce qui ne l'avait pas empêchée de bénéficier de l'indemnité en cas de RHT. Par ailleurs, elle a rouvert les bâtiments, pendant la saison d’été, ce qui démontre qu’elle a saisi l’occasion de diminuer la perte de travail dès que cela avait été possible (cf. ATAS/980/2021 du 10 septembre 2021 consid. 5.4). Dès novembre 2020, compte tenu des nouvelles mesures sanitaires, la recourante a décidé de refermer les deux bâtiments.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, maintenir les bâtiments ouverts à la location alors que les autorités avaient limité les manifestations privées - d'abord à dix puis à cinq personnes - n'apparaît pas comme étant une mesure appropriée. Ainsi que le fait valoir la recourante, les limites de réunions imposées par les autorités rendaient l'utilisation des hébergements de groupes de facto inutilisable. Les deux sites loués par la recourante, dont l'effectif peut atteindre les cinquante personnes chacun, sont destinés à accueillir des grands groupes à l'occasion de fêtes de famille, mariages ou séminaires de formation. La recourante a par ailleurs expliqué qu'elle n'avait pas les moyens physiques et financiers pour modifier les lieux et permettre la distance sociale réglementaire afin de continuer l'exploitation dans le respect des mesures sanitaires. Le compartimentage des lieux n'était soit physiquement pas possible, soit économiquement hors de proportion, étant précisé que les lieux communs étaient multiples, notamment les sanitaires, les dortoirs, les réfectoires et les cuisines. Les limitations imposées par les autorités avaient d'ailleurs conduit à l'annulation de l'ensemble des réservations prévues en novembre 2020. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la recourante d'avoir fermé les deux bâtiments, limitant par la même occasion des frais d'exploitation importants (notamment les frais de chauffage). L'intimé l'a du reste admis dans sa décision du 7 janvier 2021 puisqu'il ne s'est pas opposé au paiement des indemnités en cas de RHT à compter du 1er janvier 2021, étant précisé que la demande de préavis du 22 décembre 2020 avait été formée en raison des mesures limitant les manifestations privées.

Il en résulte que l'intimé ne pouvait exiger de la recourante qu'elle maintienne ses deux sites ouverts à la location pour réduire la perte de travail. C'est donc à tort qu'il a refusé les demandes de préavis des 26 octobre 2020 et 5 novembre 2020.

c. Il convient encore de déterminer la date à partir de laquelle les indemnités peuvent être octroyées, étant précisé que le premier formulaire de préavis a été transmis le 26 octobre 2020 pour des indemnités en cas de RHT du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020 et le deuxième préavis a été transmis le 5 novembre 2020 pour des indemnités en cas de RHT du 15 novembre 2020 au 30 janvier 2021.

Conformément à l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19, entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Cette disposition institue ainsi une rétroactivité au sens propre en ce sens que les faits juridiquement déterminants se sont produits avant l’adoption du nouveau droit. Dès lors qu’elle est prévue par une loi fédérale (art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] et qu’elle vise à conférer de nouveaux avantages aux administrés (cf. Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 421), il convient de l’appliquer à la situation de la recourante (cf. ATAS/364/2021 du 20 avril 2021 consid 7a). Ainsi, dans la mesure où la première demande de RHT a été formée le 26 octobre 2020, pour des indemnités en cas de RHT à compter du 1er octobre 2020, l’indemnité en cas de RHT doit être accordée dès la date de dépôt de la demande de RHT, soit le 26 octobre 2020, et cela jusqu’au 31 décembre 2020 (cf. supra consid. 3b). Il sera à cet égard précisé que la recourante a annoncé une perte de travail prévisible de 50 % jusqu'au 14 novembre 2020 et de 90 % dès le 15 novembre 2020.

8.        Au vu de ce qui précède, la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT du 26 octobre 2020 au 31 décembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI. La caisse examinera en particulier la question, en l'occurrence litigieuse, de savoir si l'employée de la recourante doit être considérée comme une personne qui fixe les décisions que prend l'employeur au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (cf. art. 39 al. 1 LACI).

9.        Le recours sera donc partiellement admis et la décision litigieuse modifiée en ce sens que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT, du 26 octobre 2020 au 31 décembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

Bien qu’obtenant partiellement gain de cause, la recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 7 décembre 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail du 26 octobre 2020 au 31 décembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le