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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3673/2020

ATAS/1009/2021 du 30.09.2021 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3673/2020 ATAS/1009/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 septembre 2021

3ème Chambre

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GenÈve, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

 

recourant

 

contre

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, Service juridique, rue des Cèdres 5, Martigny

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1964, est directeur de la B______SA (ci-après : l’employeur) depuis novembre 1986. À ce titre, il bénéficie depuis janvier 2011 d’une assurance facultative d’indemnités journalières en cas de maladie par le biais d’un contrat collectif souscrit par son employeur auprès de MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : l’assureur).

b. Par déclaration de maladie du 18 mars 2020, l’employeur a annoncé une incapacité de travail de 50% depuis le 27 février 2020.

c. Dans un rapport du 13 mai 2020, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a conclu à un état dépressif depuis février 2020 et à un surmenage au travail depuis 2019.

d. Suivant les recommandations de son médecin-conseil, par pli du 3 juin 2020, l’assureur a demandé à l’assuré de se soumettre à l'expertise du docteur D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, fixée le 17 juin à 15h30. Le surlendemain, l’assuré a demandé à l’assureur de bien vouloir modifier la date et l’heure de l’examen, car il avait une audience à 16h30 au Tribunal des prud’hommes, où il officie en qualité de président.

e. L’expert a examiné l’assuré le 1er juillet 2020. Dans son rapport du 3 juillet 2020, il n’a retenu aucun diagnostic incapacitant. L'expert concluait à l'existence d’un conflit chronique au travail avec exacerbation aiguë. Selon lui, la capacité de travail était entière dans l'activité habituelle depuis le 1er août 2020, moyennant la résolution du conflit professionnel; à défaut, le risque d’une décompensation dépressive dans les mois à venir était palpable. Un suivi psychothérapeutique était recommandé.

f. Le 9 juillet 2020, le Dr C______ a émis un certificat d’arrêt de travail à 100% du 9 au 31 juillet 2020.

B.       a. Par décision du 17 juillet 2020, l’assureur, se fondant sur le rapport d’expertise et un avis de son médecin-conseil du 14 juillet 2020, a mis un terme au versement des indemnités journalières au 31 juillet 2020. L’assuré était invité à reprendre son travail dans un environnement professionnel convenable, cas échéant, auprès d’un autre employeur, ou à faire valoir sa capacité de travail dans le cadre de l’assurance-chômage.

b. Le 30 juillet 2020, le Dr C______ a établi un certificat d’arrêt de travail à 100% du 1er au 31 août 2020. Dans un rapport du 31 juillet 2020, la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué un trouble de l’adaptation avec réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22) en voie de chronicisation, motivant une incapacité de travail totale du 1er au 31 août 2020.

c. Consulté, le médecin-conseil de l’assureur a considéré que ces documents n’apportaient pas de nouveaux éléments.

d. Par décision du 15 octobre 2020, l’assureur a rejeté l’opposition de l’assuré formée le 9 septembre écoulé.

C.       a. Par acte du 13 novembre 2020, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l’audition des Drs C______ et E______, et à la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, principalement, à l’octroi d’indemnités journalières à 100% du 1er au 31 août 2020, puis à 50% jusqu’au 31 octobre 2020, ce qui représentait la somme nette de CHF 63'932.-, assortie d’intérêts à 5% l’an dès la date moyenne.

Le recourant a produit en particulier :

          les certificats d’arrêt de travail à 50% émis les 31 août et 24 septembre 2020 par la Dresse E______ pour la période du 1er septembre au 31 octobre 2020 ;

          un certificat de ce médecin du 2 novembre 2020 attestant d’une capacité de travail entière dès le 1er novembre 2020 ;

          un rapport du 29 octobre 2020 du Dr C______, ainsi qu'un autre, daté du 6 novembre 2020, de la Dresse E______ ;

          le décompte de prestations du 20 juillet 2020, dont il ressort que l’indemnité journalière s’élève à CHF 1'039.54.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Par la suite, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Le recourant a versé au dossier sa fiche de salaire pour l’année 2020, relative à l'activité déployée auprès du Tribunal des prud’hommes, ainsi que les décomptes de prestations établis entre le 7 août 2020 et le 15 janvier 2021 par INTRAS, auprès duquel il est affilié pour l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie.

d. Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 16 septembre 2021, au cours de laquelle les Drs C______ et E______ ont été entendus. A son issue, les parties ont campé sur leurs positions.

EN DROIT

 

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

b. En l’occurrence, la police d’assurance d’indemnité journalière en cas de maladie (n°1______-SI), ainsi que les conditions générales de l’assurance collective d’une indemnité journalière (ci-après : CGA), auxquelles le recourant est soumis depuis le 1er janvier 2011, renvoient expressément à la LAMal. Il s’agit par conséquent d’une assurance facultative d’indemnités journalières au sens des art. 67 ss LAMal, pour laquelle la Cour de céans est compétente.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597; erratum de la Commission de rédaction de l’Assemblée fédérale du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.        Le litige porte sur la question de savoir si le recourant peut prétendre à des indemnités journalières au-delà du 31 juillet 2020, date à laquelle l’intimée a mis fin au versement desdites indemnités. Il s’agit plus particulièrement de déterminer si le recourant présentait (encore) une incapacité de travail pour cause de maladie postérieurement à cette date.

6.        a. Toute personne domiciliée en Suisse ou qui y exerce une activité lucrative, âgée de quinze ans révolus, mais qui n'a pas atteint 65 ans, peut conclure une assurance d'indemnités journalières avec un assureur au sens de l'art. 68 LAMal (art. 67 al. 1 LAMal dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015). L'assurance d'indemnités journalières peut être conclue sous la forme d'une assurance collective (al. 3, 1ère phrase).

L’assureur convient avec le preneur d’assurance du montant des indemnités journalières assurées. Ils peuvent limiter la couverture aux risques de la maladie et de la maternité (art. 72 al. 1 LAMal).

b. Le droit aux indemnités journalières prend naissance lorsque l’assuré a une capacité de travail réduite au moins de moitié (art. 6 LPGA). À défaut d’accord contraire, le droit prend naissance le troisième jour qui suit le début de la maladie. Le versement des prestations peut être différé moyennant une réduction correspondante du montant de la prime. Lorsque la naissance du droit à l’indemnité journalière est subordonnée à un délai d’attente convenu entre les parties, durant lequel l’employeur est tenu de verser le salaire, ce délai peut être déduit de la durée minimale du versement de l’indemnité journalière (art. 72 al. 2 LAMal).

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité (art. 6 LPGA).

c. Selon la jurisprudence, est considéré comme incapable de travailler l'assuré qui, à la suite d'une atteinte à la santé, ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l'exercer que d'une manière limitée ou encore avec le risque d'aggraver son état (ATF 129 V 53 consid. 1.1; ATF 114 V 283 consid. 1c; ATF 111 V 239 consid. 1b). Pour déterminer le taux de l'incapacité de travail, il faut établir dans quelle mesure l'assuré ne peut plus, en raison de l'atteinte à la santé, exercer son activité antérieure, compte tenu de sa productivité effective et de l'effort que l'on peut raisonnablement exiger de lui (RAMA 2005 KV n°342 p. 356; ATF 114 V 281 consid. 1 c).

Par ailleurs, le fait de s'être assuré pour une indemnité journalière d'un montant donné et d'avoir payé les primes correspondantes n'ouvre pas forcément le droit au versement de la somme assurée; l'assuré doit encore prouver l'existence d'une incapacité de travail et d'une perte de salaire ou de gain consécutive à la maladie (ATF 110 V 318 consid. 5; RAMA 1990 n° K 829 p. 8 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.129/00 du 20 juin 2001 consid. 2b).

d. Selon l’art. 1 CGA, l’assureur accorde sa garantie pour les conséquences économiques d’une incapacité de travail résultant de la maladie, de la maternité et de l’accident pour autant que ce risque soit inclus dans le contrat. L’indemnité journalière est allouée proportionnellement au degré d’incapacité qui doit être d’au moins 25 % (art. 12 al. 1 CGA). L’indemnité journalière – qui s’élève à 90 % du salaire est versée pour une ou plusieurs incapacités durant 730 jours dans une période de 900 jours (art. 6 al. 3 CGA), après l’expiration du délai d’attente de trente jours (art. 12 al. 6 let. a CGA et police d’assurance d’indemnité journalière n°1______-SI).

7.        a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore raisonnablement exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

b. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

c. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

d. En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        a. En l’espèce, l’intimée, se fondant sur le rapport d’expertise psychiatrique du Dr D______ du 3 juillet 2020, nie le droit du recourant à une indemnité journalière de l’assurance-maladie à partir du 1er août 2020. Pour sa part, l'intéressé fait grief à l’intimée de ne pas avoir suivi l’avis de ses médecins traitants.

b. Certes, le rapport d’expertise précité répond aux critères jurisprudentiels permettant de lui accorder une pleine valeur probante (ATF 122 V 157 consid. 1c et les références). Il a en effet été rendu à la suite d’un entretien et examen clinique du 1er juillet 2020, le dossier médical a été étudié, l’anamnèse (familiale, personnelle, médicale et professionnelle) est fouillée, les plaintes ont été prises en compte et les constatations objectives sont clairement exposées.

En particulier, le Dr D______ n’a retenu aucune pathologie psychiatrique incapacitante. Il explique que si l’arrêt de travail initial à 50 % était en lien avec l’apparition d’une hyperémotivité, d’une irritabilité et d’un vécu d’humiliation dans le contexte d’un conflit professionnel avec l’employeur et de traits de personnalité narcissique (rapport d’expertise p. 7), en revanche, l’examen clinique n’a pas mis en évidence de troubles cognitifs, de troubles anxieux ou somatoforme (p. 6). Le recourant s’exprimait avec facilité (p. 5), son discours était de bonne qualité (p. 6). Il ne présentait ni aboulie ni anhédonie (p. 6). Le score de dépression de 10 sur l’échelle d’Hamilton et le score de l’anxiété de 6 sur cette même échelle traduisaient un état dépressif léger et l’absence d’un trouble anxieux (p. 7).

Cela étant, postérieurement à cette expertise, tant le Dr C______, médecin généraliste, que la Dresse E______, psychiatre traitante, ont attesté une aggravation de l’état de santé de leur patient, remontant au plus tôt au 9 juillet 2020 d’après le Dr C______, date à laquelle ce dernier a jugé nécessaire un suivi auprès de sa consœur, spécialiste en psychiatrie (procès-verbal d’enquêtes du 16 septembre 2021). Bien que le médecin-conseil de l’intimée ne soit pas d’accord avec le diagnostic de trouble de l’adaptation retenu par la Dresse E______ (avis du 12 août 2020), il n’en demeure pas moins que cette dernière, qui a vu le recourant pour la première fois le 27 juillet 2020, a constaté à ce moment-là un état anxio-dépressif de degré moyen à sévère, avec troubles de la concentration et signes physiques (fébrilité, débit de parole, discours décousu) corroborant les troubles anxieux (procès-verbal d’enquêtes du 16 septembre 2021), soit des éléments médicaux objectifs nouveaux, ayant de surcroît nécessité un traitement antidépresseur (voir également le rapport du 6 novembre 2020 qui se réfère à des faits antérieurs à la décision attaquée du 15 octobre 2020 et peut donc être pris en considération [ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités]).

Par ailleurs, lors de l’audience d’enquêtes, la Dresse E______ a expliqué que, du point de vue médical, le recourant ne pouvait exercer son activité de directeur de la brasserie, raison pour laquelle elle avait émis un arrêt de travail total pour le mois d’août 2020. Un arrêt de travail à 50% s’était ensuite révélé indispensable jusqu’à fin octobre 2020 afin de ne pas exposer intensément le recourant aux facteurs de stress sur son lieu de travail, source de ses troubles, et de lui permettre de renforcer ses ressources (voir également le rapport du 31 juillet 2020 et les certificats d’arrêt de travail des 31 août et 24 septembre 2020 antérieurs à la décision querellée relatifs à la période litigieuse du 1er août au 31 octobre 2020).

Les conclusions de la Dresse E______, étayées et fondées sur ses observations cliniques, emportent la conviction, d’autant plus qu'à l’époque, le Dr D______ n’avait pas exclu le risque prochain d’une décompensation dépressive incapacitante si le conflit professionnel n’était pas résolu, lequel, comme on vient de le voir, a eu des répercussions objectives sur l’état de santé du recourant. Le fait que ce dernier ait demandé le report de l’expertise psychiatrique, agendée au 17 juin 2020, en raison d’une audience au Tribunal des prud’hommes où le recourant occupe la fonction de président (courriel du 5 juin 2020), n’est pas propre à discréditer l’avis de la Dresse E______, puisqu’il ressort de la fiche de salaire pour l’année 2020 relative à l’activité déployée auprès de cette juridiction que le recourant n’a pas reçu de jetons de présence en juin 2020. Ceux perçus durant la période litigieuse, d’août à octobre 2020, correspondent seulement à la rémunération pour la relecture de décisions prises avant l’arrêt de travail (procès-verbal de comparution personnelle du 16 septembre 2021).

Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre que l’état de santé du recourant a justifié une incapacité de travail de 100% du 1er au 31 août 2020 et de 50% du 1er septembre au 31 octobre 2020.

c. Partant, durant la première période, le recourant a droit aux indemnités journalières à 100%, soit de CHF 1'039.54 pendant 31 jours, ce qui conduit à un total de CHF 32'225.74. Durant la seconde période, il peut prétendre des indemnités journalières à 50%, de CHF 519.77 (1'039.54 / 2) pendant 61 jours, soit un total de CHF 31'705.97.

Le total des indemnités journalières dues s’élève par conséquent à CHF 63'931.70.

10.    Reste à déterminer si le recourant a droit à des intérêts moratoires à 5% l'an sur cette somme.

a. Selon l'art. 26 al. 2 LPGA, des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d'assurances sociales à l'échéance d'un délai de vingt-quatre mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l'assuré fait valoir ce droit, pour autant qu'il se soit entièrement conformé à l'obligation de collaborer qui lui incombe.

Le point de départ du délai de vingt-quatre mois correspond au moment de la naissance du droit. Pour chaque prestation, il faut consulter la loi spéciale applicable pour déterminer à quel moment naît le droit à cette prestation (Sylvie PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurance sociales, 2018, n. 36 ad art. 26 LPGA).

L'obligation de payer des intérêts moratoires commence vingt-quatre mois après la naissance du droit en tant que tel pour l'ensemble des prestations courues jusque-là, et non pas seulement deux ans après l'exigibilité de chaque prestation (ATF 133 V 9, consid. 3.6 ; ATAS/559/2019 du 24 juin 2019 consid. 11a).

L'art. 7 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que le taux de l'intérêt moratoire est de 5% par an (al. 1). L'intérêt moratoire est calculé par mois sur les prestations dont le droit est échu jusqu'à la fin du mois précédent. Il est dû dès le premier jour du mois durant lequel le droit à l'intérêt moratoire a pris naissance et jusqu'à la fin du mois durant lequel l'ordre de paiement est donné (al. 2).

b. En l’occurrence, le droit aux indemnités journalières en tant que tel est né le 28 mars 2020, soit à l’échéance du délai d'attente de trente jours pour l’incapacité de travail de 50% ayant débuté le 27 février 2020 (art. 12 al. 6 let. a CGA et police d’assurance d’indemnité journalière n°1______-SI). Le recourant peut donc prétendre en principe un intérêt moratoire de 5% l’an dès le 1er mars 2022 pour l'ensemble des indemnités journalières courues entre le 28 mars 2020 et le 28 février 2022. Force est de constater que le délai de vingt-quatre mois à compter de la naissance du droit aux indemnités journalières n’a pas encore expiré.

En conséquence, des intérêts moratoires ne peuvent être ajoutés aux indemnités journalières dues.

11.    Le recours est partiellement admis et l'intimée condamnée à verser au recourant la somme de CHF 63'931.70, correspondant aux indemnités journalières dues du 1er août au 31 octobre 2020.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l'espèce à CHF 2’000.-.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 15 octobre 2020.

4.        Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 63'931.70 à titre d’indemnités journalières pour la période du 1er août au 31 octobre 2020.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 2’000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le