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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1428/2020

ATAS/988/2021 du 23.09.2021 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1428/2020 ATAS/988/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 septembre 2021

 

 

En la cause

A______, domicilié à VESSY, représenté par ses parents, Monsieur et Madame B______ et C______, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Serge PATEK

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        L’enfant A______ (ci-après l’assuré ou le recourant) est né le ______ 2017.

2.        Le 1er juin 2018, l’assuré, soit pour lui ses parents, a déposé une demande d’allocation pour impotent auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l’OAI ou l’intimé) en raison d’une surdité bilatérale profonde. Dans les actes ordinaires de la vie, l’assuré était entravé pour se déplacer et entretenir des contacts sociaux en raison de son atteinte. Il avait besoin d’une nourrice spécialisée, de logopédie, ainsi que d’une aide durable pour apprendre le fonctionnement des implants cochléaires.

3.        Dans un formulaire rempli le 14 juin 2018, l’assuré a précisé que ses contacts sociaux étaient très limités. En l’état, l’audition et l’apprentissage de la parole n’étaient pas envisageables.

4.        Le 25 juin 2018, l’assuré a déposé une demande auprès de l’OAI tendant à l’octroi d'implants cochléaires. Il a précisé que sa surdité avait été constatée dans les semaines suivant sa naissance.

5.        Dans un rapport du 26 juin 2018, la doctoresse D______, médecin adjointe au Service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève, a indiqué à l’OAI que l’assuré était atteint d’une infirmité congénitale, soit une surdité profonde bilatérale, correspondant au code 445 de la liste de ces infirmités. L’otoscopie était normale des deux côtés. Les oto-émissions acoustiques (OEA) étaient absentes des deux côtés. Il n’y avait pas de réaction auditive à l’audiométrie comportementale. Les potentiels évoqués auditifs (PEA) précoces et semi-précoces étaient absents à 100 dB des deux côtés. Une IRM de l’oreille interne et un scanner des rochers avaient révélé une cochlée et un conduit auditif interne normaux des deux côtés. Il y avait une opacification au niveau du canal semi-circulaire supérieur à droite et une structure kystique cortico-sous- corticale dans le gyrus frontal moyen gauche. L’assuré était un excellent candidat à une implantation cochléaire bilatérale. La prise en charge des interventions nécessaires, des stimulateurs, des processeurs externes, ainsi que de la réhabilitation auditive et des contrôles médico-techniques, était requise.

6.        Le 5 juillet 2018, l’OAI a communiqué à l’assuré qu’il prenait en charge deux aides acoustiques Nucleus 7 (CP1000) Paediatric, le contrôle et l'adaptation du processeur vocal, ainsi que l'entraînement auditif et de la parole.

7.        Dans deux communications du 6 juillet 2018, l’OAI a octroyé à l'assuré l’implantation d’aides auditives ainsi que le traitement dans les six mois après l’hospitalisation, en lien avec l’infirmité congénitale. Il prendrait également en charge le traitement de la surdité du 27 juin 2018 au 31 mars 2037.

8.        Dans son rapport du 28 juin 2018 relatif à l’allocation pour impotent, la Dresse D______ a rappelé le diagnostic de surdité bilatérale profonde, confirmé le 1er juin 2018 par les PEA. Elle a indiqué que les indications relatives au besoin d’aide dans les déplacements et les contacts sociaux données par l’assuré correspondaient à ses constatations. Les parents de l’assuré lui prodiguaient l’aide nécessaire. Son impotence pouvait être améliorée par des implants cochléaires. Le pronostic était stationnaire. Les prestations nécessaires pour que l’assuré puisse entretenir des contacts sociaux consistaient en logopédie, suivi ORL, psychomotricité et intégration en crèche. Le langage parlé complété (LPC) et des services éducatifs itinérants (SEI) étaient en discussion. Un soutien scolaire serait certainement à prévoir.

9.        L’implantation cochléaire à gauche a été pratiquée le 13 juillet 2018.

10.    Le 18 juillet 2018, la Dresse D______ a précisé à l’OAI qu’au vu du jeune âge de l’assuré, elle ne pouvait se prononcer sur le degré de déficience auditive et le seuil d’audibilité avec l’appareillage. L’assuré était sourd profond et n’aurait jamais le confort auditif d’un enfant normo-entendant, quel que soit le moyen de réhabilitation.

11.    Le 9 novembre 2018, l’assuré a bénéficié d'une implantation cochléaire à droite.

12.    Le 14 janvier 2019, l’OAI a invité la Dresse D______ à se prononcer sur le seuil d'audibilité de l'assuré dans certaines plages de fréquence, sur son besoin d'aide pour établir des contacts, et sur les mesures pédago-thérapeutiques destinées à stimuler sa capacité de communication.

13.    La Dresse D______ a répondu à l’OAI le 22 janvier 2019, répétant que l’âge de l’assuré ne permettait pas de test précis sur le seuil d'audibilité dans les plages de fréquences comprises entre 500 et 4000 Hz. Elle a confirmé que l’assuré avait besoin d’une aide importante de tiers pour établir le contact avec son environnement. Les prestations nécessaires à cette fin consistaient en logopédie, crèche, assistance à la crèche, LPC et lecture labiale, et entraînaient des dépenses correspondantes depuis le diagnostic.

14.    La Dresse D______ ayant une nouvelle fois été invitée par l’OAI à répondre aux questions ayant fait l’objet de sa correspondance du 14 janvier 2019, elle a, dans un formulaire rempli le 7 novembre 2019, pour l’essentiel repris les informations déjà données, mentionnant également à titre de mesure destinée à stimuler la capacité de communication de l’assuré un suivi par le centre universitaire romand d’implants cochléaires (CURIC).

15.    Le 22 novembre 2019, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision niant le droit à une allocation pour impotent. Il a indiqué que le droit à cette prestation était ouvert pour les enfants présentant un degré de déficience auditive corrigée de 60 % ou un seuil d'audibilité corrigée de 55 dB dans les fréquences comprises entre 500 et 4000 Hz, et ayant besoin d'une aide importante de tiers pour établir le contact avec leur environnement. En l’espèce, en raison du jeune âge de l’assuré, la Dresse D______ n’était pas en mesure d'effectuer les tests nécessaires permettant d'établir le degré de déficience auditive corrigé ou le seuil d'audibilité, de sorte que l’OAI ne pouvait donner une suite favorable à sa demande.

16.    Le 19 décembre 2019, l’assuré, par son mandataire, a contesté le projet de décision. Il était particulièrement injuste de lui refuser une allocation pour impotent au motif que le corps médical ne pouvait pas encore établir son degré de déficience auditive corrigée ou son seuil d'audibilité. Il devait porter deux appareils pour corriger son audition, sans lesquels il était totalement sourd. Il ne portait ces appareils que douze heures par jour, et il était ainsi totalement handicapé pendant la moitié de la journée. Son handicap était donc établi. Une étude plus approfondie de son degré de surdité corrigée n'apparaissait donc pas nécessaire. L’OAI ne citait aucune directive ou jurisprudence à l’appui des seuils évoqués dans son projet de décision et l’assuré sollicitait des précisions à ce sujet. Le projet de décision devait être revu, afin de lui octroyer la rente (sic) à laquelle il avait indéniablement droit.

17.    Par décision du 21 avril 2020, l’OAI a confirmé les termes de son projet. Il a précisé que les conditions d'octroi de l'allocation pour impotent invoquées à l’appui dudit projet étaient prévues par une directive de l’OFAS. En l'espèce, en raison de l’impossibilité de réaliser les tests nécessaires à établir le degré de déficience auditive corrigée ou le seuil d'audibilité, l'OAI ne disposait pas des éléments nécessaires pour se prononcer sur le droit à l'allocation pour impotent, et devait refuser d'entrer en matière sur la demande de prestations. Il invitait l’assuré à déposer une nouvelle demande de prestations dès que les tests requis seraient réalisables.

18.    Par écriture du 20 mai 2020, l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI auprès de la chambre de céans. Il a conclu, sous suite de dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimé afin qu’il entre en matière sur sa demande d’allocation pour impotent.

Le recourant a donné plusieurs précisions sur l’utilisation des implants et leurs limitations, notamment dans les environnements bruyants ou l'exposant au contact de l'eau. Il avait besoin d'une aide permanente et d'une surveillance constante pour s'assurer du placement correct des appareils auditifs, qu’il ne pouvait poser lui-même en raison de son âge. Cette surveillance dépassait largement la surveillance habituelle d'un enfant de son âge. Il devait en outre suivre deux cours de logopédie par semaine.

Bien que la Dresse D______ n’ait pas pu réaliser les tests auditifs, il était établi que sa surdité n'avait pas été définitivement corrigée, puisque cette correction dépendait de la bonne utilisation de ses appareils. Son handicap était établi, et l'intimé ne contestait pas son existence. L’estimation de son degré de déficience auditive n'était manifestement pas nécessaire pour établir son droit à une allocation pour impotent. Il fallait tenir compte des particularités de la situation, notamment de la surveillance accrue constante nécessaire, et du fait que l'apprentissage du langage serait un travail de très longue haleine. L’intimé avait violé le droit fédéral en lui refusant une allocation pour impotent. Il était particulièrement choquant de requérir le dépôt d’une nouvelle demande d'allocation pour impotent, qui ne serait alors versée que six mois après cette demande. L’intimé le privait ainsi de plusieurs mois ou années de rente (sic) jusqu'à ce qu'un diagnostic puisse être posé. Sa décision dénaturait le but de l’allocation pour impotent, laquelle visait à aider toute personne dans l'incapacité d'accomplir les actes de la vie courante. L’intimé agissait de manière arbitraire. En outre, une telle différence de traitement avec une personne plus âgée et non sourde de naissance, qui pourrait bénéficier d’un diagnostic immédiat, était inacceptable et ne reposait sur aucune justification valable.

19.    Dans sa réponse du 18 juin 2020, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a précisé que sa décision était un refus d’entrer en matière. Il n’était pas contesté que le recourant souffrait d'un handicap de l'ouïe. Selon la pratique administrative, un grave handicap de l'ouïe était admis chez les enfants à partir d'un degré de déficience auditive corrigée de 60 % ou à partir d'un seuil d'audibilité corrigée de 55 dB dans les fréquences entre 500 et 4000 Hz. Les enfants avaient droit à une allocation pour impotent de degré faible lorsqu'ils atteignaient ces valeurs et avaient besoin en plus d'une aide importante pour établir le contact avec leur environnement. En l'état du dossier, faute de disposer des tests nécessaires à établir le degré de déficience auditive corrigée ou le seuil d'audibilité, c’était à juste titre que l’intimé avait refusé d'entrer en matière sur la demande du recourant.

20.    Par réplique du 6 juillet 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a soutenu que les pièces du dossier contredisaient les dires de l’intimé, selon lesquels sa déficience et son besoin de soutien et de mesures supplémentaires n’étaient pas avérés. En effet, la Dresse D______ avait indiqué qu’il avait besoin d'une aide importante de tiers et d’une assistance particulière afin de l'aider à communiquer au quotidien et faire l'apprentissage du langage, et qu’il n’aurait jamais la même capacité auditive qu'un enfant ne présentant pas un tel handicap, quel que soit le moyen de réhabilitation envisagé.

21.    Répondant aux questions de la chambre de céans du 17 décembre 2020, la Dresse D______ a indiqué dans son courrier du 18 janvier 2021 que la déficience auditive du recourant correspondait bien à un handicap grave de l'ouïe tel que défini par les directives invoquées par l'intimé. S'agissant des tests nécessaires pour mesurer les seuils de déficience auditive et d'audibilité corrigées, elle a exposé qu'un audiogramme tonal en champ libre était possible vers l'âge de 3 ans. Un audiogramme vocal, en champ libre avec répétition de mots, était possible vers l'âge de 5 ans. L'absence d'OEA dans de bonnes conditions de test signifiait une probable déficience auditive neurosensorielle avec des seuils supérieurs à 30 dB pour les fréquences de 1000 à 6000 Hz. L'absence de réponse à 100 dB aux PEA permettait de poser un diagnostic de déficience auditive neurosensorielle de degré sévère à profond pour les fréquences comprises entre 2 et 4000 Hz. Le bilan auditif avait été complété par une audiométrie comportementale permettant de tester un plus large spectre fréquentiel à l'aide de jouets sonores (basse, moyenne et haute fréquences). Ce bilan avait montré une absence de réponse aux jouets sonores les plus forts (100 dB pour toutes les fréquences). Cela avait conduit au diagnostic de surdité profonde bilatérale, correspondant au code 445 de la liste des infirmités congénitales. Les mesures pédago-thérapeutiques mises en place pour le recourant dès juin 2018, date du diagnostic, consistaient en un suivi médico-technique dans le cadre de l'implantation cochléaire, une rééducation auditive et logopédique, des mesures d'accompagnement en crèche ainsi que des mesures visant l'acquisition de la langue, notamment le LPC (langage parlé complété) ainsi que des exercices de lecture labiale. Les aménagements du quotidien étaient régulièrement reprécisés lors du suivi logopédique.

22.    Interpellé par la chambre de céans sur les prestations allouées au recourant, l'intimé a rappelé par courrier du 27 janvier 2021 les prestations allouées selon ses communications des 5 et 6 juillet 2018. Aucune autre demande ne lui avait été adressée.

Il a confirmé par courrier du 10 février 2021 qu'aucune mesure pédago-thérapeutique n'avait été requise pour le recourant.

23.    Par courrier du 8 mars 2021, la chambre de céans a invité le recourant à se déterminer sur les contradictions entre les indications de la Dresse D______ et de l'intimé au sujet des mesures pédago-thérapeutiques mises en œuvre, notamment au vu de la jurisprudence faisant dépendre le début du droit à une allocation pour impotent de la date d’introduction de telles mesures.

24.    Par déterminations du 19 mars 2021, le recourant a confirmé l'exactitude des informations transmises par la Dresse D______. L'intimé n'était pas au courant des mesures pédago-thérapeutiques mises en place, car elles étaient prises en charge par d'autres organismes. La mère du recourant avait cessé de travailler à sa naissance et n'avait repris une activité à temps partiel qu'en février 2021. Une aide de maison avait été engagée à plein temps à sa naissance.

Il a produit les pièces suivantes:

a.       deux décisions du 25 juillet 2018 et du 10 juin 2020 du Secrétariat à la pédagogie spécialisée octroyant deux séances hebdomadaires de logopédie de juin 2018 à juin 2021 ;

b.      deux projets d'accueil individualisé pour le recourant au jardin d'enfant pour les années scolaires 2019-2019 et 2020-2021, énumérant ses besoins spécifiques ;

c.       une convention entre le recourant et la Fondation A Capella, réglant les interventions en LPC durant l'année scolaire.

25.    L'intimé s'est déterminé le 5 mai 2021 en persistant dans ses conclusions. Prenant acte des documents transmis, il a allégué que les conditions d'octroi d'une allocation pour impotent n'étaient néanmoins pas remplies. Il s'est pour le surplus référé à un avis du SMR du 21 avril 2021, produit à l'appui de son écriture, dans lequel la doctoresse E______ a relevé que la Dresse D______ n'avait pas précisé si les tests évoqués avaient été réalisés et ne s'était pas prononcée sur la capacité auditive du recourant.

26.    Par écriture du 17 mai 2021, le recourant a produit une décision rendue en juin 2018 par l'office d'assurance-invalidité du canton de Vaud, octroyant à un assuré né en 2016 et atteint d'une surdité congénitale profonde bilatérale une allocation pour impotent de degré faible dès le 22 avril 2018, soit un an après le début des mesures pédago-thérapeutiques.

27.    La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l'intimé le 20 mai 2021.

28.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dès lors que le présent recours était pendant devant la chambre de céans à cette date, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.        Déposé dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.        L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où, d'après les conclusions du recours, il est remis en question par la partie recourante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.2.1). Lorsqu’une décision consiste en un refus d'entrer en matière sur la nouvelle demande de l'assuré, ce refus constitue l’objet du litige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.2). 

En l’espèce, on ne peut suivre l’intimé lorsqu’il qualifie sa décision de refus d’entrer en matière. Sa décision est en réalité bien un refus d’allouer une allocation pour impotent au recourant à la suite d’un examen sur le fond. En effet, il a instruit la demande du recourant et a notamment interpellé à plusieurs reprises son médecin à cet effet. On ne se trouve ainsi pas dans le cas de figure visé à l’art. 43 al. 3 LPGA, dans lequel l’assureur clôt l’instruction et décide de ne pas entrer en matière en raison d’un défaut de collaboration inexcusable de l’assuré.

En réalité, la décision de l’intimé doit être considérée comme une décision sur le fond consistant en un refus de prester au motif que la réalisation des conditions ouvrant le droit à une allocation pour impotent ne serait pas démontrée en l'espèce.

Le litige porte ainsi sur le point de savoir si c'est à bon droit que l'intimé a nié le droit du recourant à une telle prestation.

5.        L'art. 13 LAI prévoit que les assurés ont droit aux mesures médicales nécessaires au traitement des infirmités congénitales (art. 3 al. 2 LPGA) jusqu’à l’âge de 20 ans révolus (al. 1). Le Conseil fédéral établira une liste des infirmités pour lesquelles ces mesures sont accordées. Il pourra exclure la prise en charge du traitement d’infirmités peu importantes (al. 2).

Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence législative en édictant l'ordonnance concernant les infirmités congénitales (OIC – RS 831.232.21), qui comprend une annexe énumérant lesdites infirmités, parmi lesquelles figure au chiffre 445 la surdité congénitale totale des deux oreilles.

6.        Aux termes de l’art. 9 LPGA, est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne.

Selon l’art. 42 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent. L’art. 42bis est réservé (al. 1er). L’impotence peut être grave, moyenne ou faible (al. 2). Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie. Si une personne souffre uniquement d’une atteinte à sa santé psychique, elle doit, pour être considérée comme impotente, avoir droit au moins à un quart de rente. Si une personne n’a durablement besoin que d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l’impotence est réputée faible. L’art. 42bis al. 5 est réservé (al. 3). L’allocation pour impotent est octroyée au plus tôt à la naissance et au plus tard à la fin du mois au cours duquel l’assuré a fait usage de son droit de percevoir une rente anticipée, conformément à l’art. 40 al. 1 LAVS, ou du mois au cours duquel il a atteint l’âge de la retraite. La naissance du droit est régie, à partir de l’âge d’un an, par l’art. 29 al. 1 (al. 4) .

L’art. 42bis LAI dispose que pour les assurés âgés de moins d’un an, le droit à l’allocation pour impotent prend naissance dès qu’il existe une impotence d’une durée probable de plus de douze mois (al. 3). Les mineurs n’ont pas droit à l’allocation pour impotent s’ils ont uniquement besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (al. 5).

7.        L’art. 37 al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) précise que l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle. L’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a), d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b), ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 (let. c) (al. 2). L’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a), d’une surveillance personnelle permanente (let. b), de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c), de services considérables et réguliers de tiers lorsqu’en raison d’une grave atteinte des organes sensoriels ou d’une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d), ou d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 (al. 3). Dans le cas des mineurs, seul est pris en considération le surcroît d'aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé (al. 4).

Selon la jurisprudence, les six actes ordinaires suivants sont déterminants pour définir le degré d’impotence: se vêtir et se dévêtir ; se lever, s'asseoir, se coucher; manger; faire sa toilette (soins du corps); aller aux toilettes; se déplacer à l'intérieur ou à l'extérieur, établir des contacts (arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2014 du 16 octobre 2015 consid. 3.3).

Quant à la notion de soins ou de surveillance, elle est interprétée de manière restrictive par la jurisprudence. Ainsi, les soins et la surveillance prévus à l’art. 37 RAI ne se rapportent pas aux actes ordinaires de la vie ; il s’agit bien plutôt d’une sorte d’aide médicale ou sanitaire qui est nécessitée par l’état physique ou psychique de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 43/02 du 30 septembre 2002 consid. 3).

8.        La circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité (CIIAI) dans son état au 1er janvier 2017 indique à son chiffre 8065.1 qu’on admet un grave handicap de l’ouïe (déficience auditive sévère, très sévère, approchant de la surdité, surdité) à partir d’un degré de déficience auditive de 60 % ou à partir d’un seuil d’audibilité de 55 dB dans la plage de fréquences comprise entre 500 et 4000 Hz.

Selon le chiffre 8067 CIIAI, les enfants atteints d’un grave handicap de l’ouïe ont droit à une allocation pour une impotence de faible degré lorsqu’ils ont besoin d’une aide importante de tiers pour pouvoir établir le contact avec leur environnement. C’est le cas lorsque des prestations régulières et importantes des parents ou de tiers sont nécessaires pour que l’enfant concerné puisse entretenir des contacts sociaux. Entrent dans cette catégorie toutes les dépenses destinées à stimuler la capacité de communication de l’enfant handicapé (par exemple mesures scolaires et pédago-thérapeutiques comme l’exécution à domicile d’exercices appris et recommandés par des spécialistes, aide découlant de l’invalidité pour l’apprentissage de l’écriture, l’acquisition de la langue ou la lecture labiale). Le droit prend naissance, en règle générale, à l’issue du délai d’attente d’une année à partir de l’introduction de la mesure pédago-thérapeutique et il prend fin au moment où l’assuré n’a plus besoin d’aide pour l’entretien de ses contacts, généralement déjà avant la fin de l’école obligatoire. Dans les cas où les mesures en question commencent dès la première année de vie, la loi n’impose pas de délai de carence (art. 42bis al. 3 LAI).

9.        La circulaire précitée constitue une ordonnance administrative. Une telle ordonnance ne crée pas de nouvelles règles de droit et donne le point de vue de l'administration sur l'application d'une disposition, et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Le juge des assurances sociales n'est pas lié par les ordonnances administratives. Il ne doit en tenir compte que dans la mesure où elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (ATF 129 V 200 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 174/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.4). De plus, l'administré ne peut se voir imposer d'obligations sur la seule base d'une ordonnance administrative interprétative et ne saurait non plus en tirer un droit (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif vol. I, 3ème éd. 2012, p. 428).

10.    Le Tribunal fédéral a considéré que le ch. 8067 CIIAI ne sort pas du cadre fixé par les art. 42 et 42bis LAI en tant qu'il précise que le droit à une allocation pour une impotence de faible degré des enfants atteints de surdité grave naît en règle générale à l'issue du délai d'attente d'une année à partir de l'introduction des mesures pédago-thérapeutiques, sauf lorsque celles-ci débutent dès la première année de vie (ATF 140 V 343 consid. 6.1). On soulignera que dans cet arrêt, l'objet du litige était la date de début du droit à une allocation pour impotent en raison des difficultés de l'assuré, mineur, pour créer des contacts sociaux en raison de sa surdité. Il ressort de l'arrêt cantonal rendu la Cour des assurances sociales du canton de Vaud déféré au Tribunal fédéral (cause AI 28/13 - 292/2013 ZD13.003471) que l'assuré, né en février 2010, s'était vu reconnaître une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er avril 2012.

11.    Dans le cas d'espèce, l'intimé a refusé une allocation pour impotent au recourant au motif que les valeurs délimitant le grave handicap de l'ouïe définies au chiffre 8065.1 CIIAI n'ont pu être testées. La Dresse D______ a exposé que les tests nécessaires à déterminer si ces seuils étaient atteints – soit un audiogramme tonal ou un audiogramme vocal – n'étaient réalisables qu'aux âges respectifs de 3 et 5 ans. L'intimé ne remet pas en cause pas les explications de cette spécialiste quant à l'âge minimal pour procéder à ces tests. Du reste, s'il considérait que ces tests pouvaient être effectués malgré le jeune âge du recourant, il lui aurait alors appartenu de les mettre en œuvre, conformément à son obligation d'instruire la cause d'office (art. 43 LPGA).

Ainsi, il apparaît que les seuils arrêtés par la directive de l'OFAS, eu égard aux modalités probatoires qu'ils impliquent, ont en pratique pour effet de rendre impossible l'octroi d'une allocation pour impotent en tout cas avant les trois ans d’un assuré, puisque c'est au plus tôt à cet âge que les tests nécessaires peuvent être réalisés. En d'autres termes, l'exigence de l'établissement de ces seuils – lesquels ne sont pas prévus par la loi – revient à introduire une condition supplémentaire d'âge minimal au droit à l'allocation pour impotent. Cela ne correspond pas à la volonté du législateur, qui n'a pas prévu une telle condition pour les enfants présentant une déficience auditive et remplissant les autres conditions du droit à l'allocation pour impotent. Il faut donc admettre que le chiffre 8065.1 de la directive n'est pas conforme au droit, en tant que les mesures qu'il exige excluent de facto l'allocation d'une telle prestation à des enfants de moins de trois ans.

Par ailleurs, les autres tests réalisés par la Dresse D______ – dont les otoémissions acoustiques, que notre Haute Cour, se référant à la littérature médicale, a qualifiées d'examen fiable pour mettre en évidence une surdité bilatérale profonde (ATF 140 V 343 consid. 6.2.2) – ont révélé une déficience auditive qui paraît atteindre les seuils fixés par la circulaire, selon les explications du 18 janvier 2021 de ce médecin à la chambre de céans. L'intimé ne conteste du reste pas que le recourant présente une surdité bilatérale profonde, puisqu'il a pris en charge son traitement à titre d'infirmité congénitale. Dans ces conditions, il paraît contradictoire de retenir que la surdité profonde n'est pas démontrée lorsqu'il s'agit de trancher le droit à l'allocation pour impotent.

Par surabondance, il faut souligner que dans la cause ayant donné lieu à l'arrêt de principe du Tribunal fédéral cité plus haut, une allocation pour impotent avait été allouée avant l'âge auquel les mesures précises prévues par la directive sont techniquement possibles selon la Dresse D______, et il ne ressort pas de l'état de fait établi par la juridiction cantonale que ces mesures auraient été réalisées dans ce cas. Le recourant a également produit une décision rendue par l'office vaudois de l'assurance-invalidité, octroyant à un assuré de moins de trois ans une allocation pour impotent de degré faible en raison d'une surdité congénitale. Compte tenu des âges minimaux pour mesurer les seuils d'audibilité et de déficience auditive corrigés, il est vraisemblable que ces mesures n'ont pas été réalisées dans le cas ayant donné lieu à cette décision. Or, l'intimé ne démontre ni même n'allègue qu'il s'agirait là de décisions isolées qui ne correspondraient pas à la pratique de l'assurance-invalidité.

Le principe de la légalité de l'activité étatique, ancré à l'art. 5 al. 1 de la Constitution (Cst. - RS 101), prévaut sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité de traitement, lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas du tout dans d'autres cas semblables. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question; le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Si l'autorité ne s'exprime pas sur ses intentions futures, le Tribunal fédéral présumera qu'elle se conformera au jugement qu'il aura rendu. Encore faut-il qu'il n'existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l'égalité de traitement. La jurisprudence a également précisé qu'il était nécessaire que l'autorité n'ait pas respecté la loi, non pas dans un cas isolé, ni même dans plusieurs cas, mais selon une pratique constante. C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1 et les références).

Eu égard à ce qui précède, même s'il fallait considérer que le chiffre 8065.1 CIIAI est conforme au droit, force serait alors de reconnaître, compte tenu de la pratique qu’esquissent la jurisprudence et la décision produite par le recourant, que l'égalité de traitement impose d'allouer une telle prestation au recourant malgré l'absence des tests prévus audit chiffre. En particulier, on ne distingue pas d’intérêt public prépondérant justifiant que l’on s’en tienne aux conditions strictes prévues par la directive.

Au vu des pièces produites par le recourant, il apparaît en outre que les autres conditions du droit aux prestations – soit pour l'essentiel la mise en œuvre de mesures pédago-thérapeutiques pour lui permettre d'établir des contacts – sont réalisées.

Le recourant a ainsi droit à une allocation pour impotent de degré faible. Les mesures pédago-thérapeutiques ayant été mises en place en juin 2018, soit après son premier anniversaire, le délai de carence d'une année prévu par la loi est applicable. Le droit à l'allocation pour impotent naît ainsi le 1er juin 2019.

12.    Le recours est admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d'octroi de prestations d'invalidité n'étant pas gratuite (cf. art. 69 al. 1bis LAI), l'intimé supporte l'émolument de procédure de CHF 200.-.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimé du 21 avril 2020.

4.        Dit que le recourant a droit à une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er juin 2019.

5.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le