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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/259/2021

ATAS/892/2021 du 31.08.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/259/2021 ATAS/892/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 août 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à ONEX

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée) a indiqué avoir été employée par la société B______ SA, dont le but était l’importation, l’exportation, la vente et la distribution de vins, spiritueux, bières, produits alimentaires et autres, du 1er février 2019 au 14 mars 2020, que son salaire était de CHF 10'000.- par mois et qu’elle l’avait perçu jusqu’au 31 octobre 2019.

b. À teneur du registre du commerce (accessible en ligne à partir de www.C______.admin.ch, ci-après : RC), l’époux de l’intéressée, Monsieur D______, était administrateur de cette société, avec signature individuelle, depuis le 19 mars 2018. L’actionnaire unique de la société B______ SA est le beau-père de l’intéressée, soit Monsieur E______. L’époux de l’intéressée était également gérant d’une autre société, B______ II Sàrl, dont le but était identique mais le siège à Neuchâtel, et dont l’associée était F______SA (en liquidation depuis le 6 février 2019), laquelle avait également pour administrateur M. D______.

B.       a. Le 9 septembre 2020, l’intéressée a déposé une demande de prestations en cas d’insolvabilité de l’employeur (ci-après : prestations en cas d’ICI) auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), en raison de la faillite de B______ SA prononcée le 31 août 2020.

b. Par décision du 7 octobre 2020, la caisse a nié le droit de l’intéressée à des prestations en cas d’ICI conformément à l’art. 51 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), dans la mesure où son époux était l’administrateur de la société qui avait fait faillite.

c. Par acte du 18 octobre 2020, l’intéressée a formé opposition contre la décision précitée.

d. Par décision sur opposition du 21 janvier 2021, la caisse a confirmé le prononcé initial.

C.       a. Par acte du 25 janvier 2021, l’intéressée a formé recours à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre la décision sur opposition précitée, concluant implicitement à son annulation et à la reconnaissance de son droit à des prestations en cas d’ICI. Elle n’avait pas occupé de poste avec une fonction décisionnaire au sein de la société B______ SA. Son patron était son beau-père avec lequel elle ne s’entendait pas. Elle ne pouvait pas influencer les décisions de ce dernier. Son époux ne travaillait pas dans la société B______ SA en 2019 mais était à Neuchâtel où il gérait la liquidation de la société de son propre père F______SA, dont la faillite avait été prononcée le 6 février 2019. Son époux avait été nommé administrateur de cette dernière société par l’office des faillites de Neuchâtel. Seul son père gérait la société B______ SA à Genève. Son époux n’était ni salarié, ni employé ni actionnaire de cette dernière, dont il avait été nommé administrateur. Il avait démissionné de sa fonction d’administrateur le 28 mars 2019 et demandé sa radiation du RC sans succès. En raison de la fin de l’activité de la société en mars 2019, il n’avait pas considéré utile de poursuivre les démarches pour être radié en tant qu’administrateur. La recourante prétendait à des prestations en cas d’ICI. Son époux avait perçu des indemnités de chômage en tant qu’administrateur de la société neuchâteloise. B______ SA était déjà en commination de faillite en décembre 2019 mais les démarches avaient été ralenties ensuite en raison du Covid, de sorte que plutôt que d’être déclarée en faillite en mars 2020 la société l’avait été en août 2020. Son époux n’avait pas pu trouver un successeur et le tribunal lui avait dit qu’il était le seul à pouvoir déposer le bilan en sa qualité d’administrateur.

b. Dans son mémoire de réponse du 23 février 2021, la caisse a conclu au rejet du recours. Dans la mesure où la recourante était l’épouse de l’administrateur de la société ayant fait faillite en août 2020, elle ne pouvait pas prétendre à des prestations en cas d’ICI.

c. Par envoi du 2 mars 2021, la recourante a rappelé sa volonté de recourir contre la décision du 23 [recte : 21] janvier 2021. Elle a joint des pièces dont un courrier à la réponse de l’intimée du 23 février 2021. Elle avait envoyé toutes les pièces nécessaires à la révision de son dossier tel que cela avait été requis par la caisse de chômage.

d. Par pli du 12 mars 2021, l’intimée a rappelé que la réponse du 23 février 2021 dans la présente procédure portait sur l’indemnité en cas d’insolvabilité alors que dans son envoi du 2 mars 2021, la recourante se référait à une procédure alors en instruction relative à sa demande d’indemnités de chômage après la faillite de son employeur. Il ne s’agissait pas des mêmes procédures.

e. Le 22 mars 2021, la recourante a adressé à la chambre de céans une copie de son courrier du même jour à la caisse de chômage, dans lequel elle affirmait ne pas confondre les deux procédures en cours. Elle avait produit dans la faillite de la société ses créances de salaire de CHF 10'000.- pour les mois de novembre 2019 à mars 2020, mois durant lequel elle avait démissionné d’un commun accord avec son employeur qui ne l’avait pas payé depuis novembre 2019.

f. Par pli du 12 avril 2021, la recourante a transmis à la chambre de céans une décision du 22 mars 2021 lui refusant toute indemnité de chômage au motif qu’elle n’avait pas justifié d’une année de cotisations mais de neuf mois uniquement. Elle avait formé opposition à cette décision du 22 mars 2021.

g. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        En vertu de l’art. 1er al. 1 et 2 LACI, les dispositions de la LPGA, à l’exclusion de ses art. 21 et 24 al. 1, s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité.

Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 38 et art. 56 ss LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations en cas d’insolvabilité de l’employeur.

4.        4.1 Selon l'art. 51 al. 1 LACI (RS 837.0), les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité notamment lorsqu'une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a). N'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, lorsqu'ils sont occupés dans la même entreprise (art. 51 al. 2 LACI).

4.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 31 al. 3 let. c LACI - lequel, dans une teneur identique, exclut du droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail le même cercle de personnes que celui visé par l'art. 51 al. 2 LACI et auquel on peut se référer par analogie (arrêt 8C_865/2015 du 6 juillet 2016 consid. 4.2 et la référence) - il n'est pas admissible de refuser, de façon générale, le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils peuvent engager l'entreprise par leur signature et qu'ils sont inscrits au registre du commerce (ATF 122 V 270 consid. 3 p. 272 ss ; 120 V 521, voir aussi THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR, vol. 14, 3ème éd., 2016, n° 465, p. 2405).

On ne saurait se fonder de façon stricte sur la position formelle de l'organe à considérer mais il faut bien plutôt établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. C'est donc la notion matérielle de l'organe dirigeant qui est déterminante, car c'est la seule façon de garantir que l'art. 31 al. 3 let. c LACI, qui vise à combattre les abus, remplisse son objectif (arrêts 8C_84/2008 du 3 mars 2009, in DTA 2009 p. 177 ; C 102/96 du 26 mars 1997 consid. 5d, in SVR 1997 ALV n° 101 p. 309 ; 8C_1044/2008 du 13 février 2009 consid. 3.2.1).

5.        En particulier, lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 no 41 p. 227 s., consid. 1b et 2 ; SVR 1997 ALV no 101 p. 311 consid. 5c). La seule exception à ce principe que reconnaît le Tribunal fédéral des assurances concerne les membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO), d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 no 41 p. 226 consid. 1b et les références). Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 273 consid. 3).

6.        En édictant l'alinéa 2 de l'art. 51 LACI, le législateur a voulu exclure d'une protection particulière les personnes qui exercent aussi bien une influence sur la conduite des affaires et sur la politique de l'entreprise qu'un droit de regard sur les pièces comptables et ne sont, de ce fait, pas surprises par la faillite subite de l'employeur (FF 1994 I p. 362). Cette disposition n'exige donc pas que l'on puisse imputer aux intéressés une responsabilité effective dans l'insolvabilité de ce dernier. Preuve en soit que les conjoints des personnes visées par l'art. 51 al. 2 LACI, lorsqu'ils sont occupés dans la même entreprise, sont également exclus du cercle des ayants droit. 

7.        En l’espèce, la recourante était l’épouse de l’administrateur de la société B______ SA, lors de la faillite de cette société prononcée le 31 août 2020.

En raison des difficultés financières que cette société connaissait, l’époux de la recourante avait adressé un « dépôt de bilan - déclaration de faillite » au Tribunal civil le 5 mars 2020. L’époux de la recourante avait été nommé administrateur des deux autres sociétés dont son père était actionnaire soit B______ II Sàrl et F______ SA en raison de problèmes de santé de ce dernier.

Le fait que l’époux de la recourante n’était pas propriétaire de la société, laquelle appartenait à son père, mais uniquement l’administrateur inscrit au registre du commerce n’y change rien. L’époux de la recourante avait précisément été nommé administrateur de la société puis avait été chargé de la liquider. Il était le réel gestionnaire et le seul à pouvoir influencer les décisions de la société.

En sa qualité d’administrateur, il disposait du pouvoir de gestion de par la loi s’agissant de B______ SA. La situation a perduré dans la mesure où la faillite n’a été prononcée que le 31 août 2020, soit plus de cinq mois après la fin du contrat de travail.

En effet, bien que l’époux de la recourante ait indiqué dans un courrier du 28 mars 2019 au directeur de la société, soit son propre père, sa volonté de démissionner de sa fonction d’administrateur au 1er avril 2019, il a continué à être l’administrateur de la société jusqu'au moment du prononcé de la faillite. Personne n’a repris son poste d’administrateur. Il a informé le RC de sa volonté de faire radier son statut d’administrateur par courriel du 16 juillet 2019, puis par pli du 27 février 2020, pli auquel le RC a répondu en l’informant de la nécessité de convoquer une assemblée générale et de faire dresser un procès-verbal constatant sa démission et l’éventuelle élection de son successeur. Faute de successeur, il devait faire dresser un procès-verbal de carence. Sur la base d’un procès-verbal de l’assemblée générale, le RC pourrait procéder à la radiation.

L’époux de la recourante n’a cependant pas procédé à ces démarches. Il a en outre en tant qu’administrateur déposé le bilan de la société le 5 mars 2020 et était toujours administrateur de la société lors de la fin du contrat de travail de son épouse et du prononcé de la faillite de la société. Si la situation sanitaire a prolongé les démarches pour le prononcé de la faillite, il n’en demeure pas moins que l’époux de la recourante était l’administrateur de la société et possédait de par la loi les pouvoirs d’administration y relatifs.

Pour ces motifs, en tant qu’épouse de l’administrateur de la société, la recourante est exclue des personnes pouvant faire valoir un droit à des prestations d’ICI.

8.        Infondé, le recours sera rejeté.

9.        La procédure est gratuite.

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le