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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2587/2020

ATAS/914/2021 du 01.09.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2587/2020 ATAS/914/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er septembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

PAROISSE A______, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe NEYROUD

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Par formulaire daté du 16 mars 2020 et réceptionné le même jour, la Paroisse A______ (ci-après : la paroisse ou la recourante) a déposé un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé), pour toute l’entreprise, au total douze travailleurs, pour une durée probable du 16 mars au 16 juin 2020 à 100%.

Elle a transmis à l’appui de son préavis une pièce dont il ressort que son chiffre d’affaires s’est élevé à CHF 418'456.- en 2018 et à CHF 452’579.- en 2019. Pour l’année 2019, il avait été principalement constitué de :

-      dons des paroissiens : CHF 95'129.-

-      collectes : CHF 4'850.-

-      vente de cierges et prosphores : CHF 236'230.-

-      collectes pour l’église : CHF 8'014.-

-      recettes des touristes : CHF 31'402.-

-      vente œufs de Pâques : CHF 947.-

La paroisse a également transmis ses statuts dont il résulte qu’elle est constituée sous forme d’une association.

b. Par décision du 19 mars 2020, l’OCE a accepté que la caisse octroie à la paroisse l’indemnité en cas de RHT du 19 mars au 15 juin 2020 pour toute l’entreprise.

c. Par décision annulant et remplaçant la décision du 19 mars 2020, l’OCE a formé opposition au préavis du 16 mars 2020. Seule une perte de travail en tant que telle, qui n’était nullement alléguée, permettait de fonder un droit à l’indemnité en cas de RHT. Pendant une pandémie, les représentants des églises devaient prendre contact avec les membres en situation de fragilité par téléphone et il leur appartenait d’inventer de nouvelles manières de communiquer à distance, même si les réunions n’avaient plus lieu en présentiel. Les conditions du droit à l’indemnité n’étaient dès lors pas réunies pour la paroisse.

B. a. La paroisse a formé opposition à la décision précitée, faisant valoir que si les membres du clergé pouvaient prendre contact par téléphone ou d’autres manières avec les membres de la paroisse, ce n’était pas le cas de ses employés chargés de guider les fidèles et les visiteurs, de récolter leurs oboles et d’assurer la vente des cierges et des pains bénis. Elle sollicitait en conséquence une nouvelle décision à partir du 16 mars, pour une durée indéterminée, en ce qui concernait :

-      son évêque, qui était domicilié à Genève et faisait partie des personnes vulnérables, dont le taux d’activité était de 80%, qui n’avait pas pu se rendre à l’église de Vevey dont il avait la charge, faute de moyens adéquats de transport, ce qui avait entraîné une perte de travail de 32 heures en mars et de 57 heures en avril ;

-      son diacre, qui était domicilié à Genève, dont le taux d’activité était de 35%, qui n’avait pas pu se rendre à Zurich faute de moyens de transport adéquats, ce qui avait entraîné une perte de travail de 24 heures en mars et de 51 heures en avril ;

-      une employée chargée d’accueillir et de guider les fidèles et les visiteurs, dont le taux d’activité était de 60%, et qui n’avait pas pu travailler du 19 mars à la fin du mois d’avril du fait de la fermeture de l’église de Genève, ce qui avait entraîné une perte de travail de 42 heures en mars et de 84 heures en avril ;

-      une autre employée chargée des mêmes tâches que la précédente, dont le taux d’activité était de 30%, ce qui avait entraîné une perte de travail de 18 heures en mars et de 60 heures en avril ;

-      une troisième employée chargée des mêmes activités que les précédentes, au taux d’activité de 22%, ce qui avait entraîné une perte de travail de 18 heures en mars et de 36 heures en avril ;

-      un gardien, dont le taux d’activité de 15%, qui n’avait pas pu travailler à compter du 19 mars jusqu’à la fin du mois d’avril du fait de la fermeture de l’église, ce qui avait entraîné une perte de travail de 12 heures en mars et de 20 heures en avril ;

-      un lecteur, dont le travail consistait à lire des textes lors des cérémonies, dont le taux d’activité était de 12%, qui n’avait pas pu travailler en raison de la fermeture de l’église, ce qui avait entraîné une perte de 5 heures de travail en mars et de 25 heures en avril.

À ces pertes de travail s’étaient ajoutées d’importantes pertes de recettes. La paroisse ne recevait pas de contributions ecclésiastiques de l’État et ne fonctionnait que grâce aux cotisations de ses paroissiens, au produit de la vente des cierges et des pains bénis, aux collectes versées durant les cérémonies et aux dons des touristes. Les membres du clergé avaient continué leur travail pastoral, assurant la célébration des services malgré la clôture des portes avec un très petit nombre de fidèles à l’intérieur et en rendant visite aux malades hospitalisés ainsi qu’en célébrant les services funèbres et d’une manière générale en entourant les paroissiens de leur soutien accru durant cette période difficile pour beaucoup. L’archiprêtre et l’archidiacre avaient ainsi travaillé à plus de 100%. Au mois de mai, la situation n’avait pas changé, raison pour laquelle la demande de RHT devait également être admise pour le mois en cours.

b. Par décision sur opposition du 29 juin 2020, l’OCE a rejeté l’opposition de la paroisse, considérant que celle-ci ne produisait pas de biens ni n’offrait de services en contact avec le marché et qu’elle n’encourt en conséquence aucun risque entrepreneurial, ni de faillite.

C. a. Le 28 août 2020, la paroisse a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice concluant à l’octroi des indemnités en cas de RHT sollicitées du 16 mars 2020 au 30 avril 2020 pour sept personnes à 100% ainsi que pour une personne à 100% du 1er au 15 mai 2020.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours considérant que la recourante n’apportait pas d’élément nouveau lui permettant de revoir sa décision.

c. Sur demande de la chambre de céans, la paroisse a produit les comptes de l’association pour les années 2019 et 2020, précisant que les fonds lui permettant de rémunérer son personnel provenaient, par ordre d’importance, de la vente de cierges et de pains bénis, des collectes durant les services religieux, des cotisations et des dons des visiteurs.

Il résulte des pièces produites que :

-      en 2020, les charges de la recourante se sont élevées à CHF 468’707.43 au total et ses produits à CHF 462’549.15, soit une perte de CHF 6’158.20.- ;

-      en 2019, ses charges se sont élevées à CHF 560’525.67 et les recettes à CHF 529’213.05, soit une perte de CHF 31’312.62 ;

-      en 2018, ses charges se sont élevées à CHF 594'142.- et les recettes à CHF 517'765.-, soit une perte de CHF 76’377.- ;

-      en 2020, le produit de la vente des cierges s’est élevé à CHF 147'545.50.

d. L’intimé a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une indemnité en cas de RHT pour sept personnes à 100% du 16 mars au 30 avril 2020 et pour une personne du 1er au 15 mai 2020.

4.        4.1. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L'indemnité s'élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). Elle doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), moyennant un délai d'attente de trois jours au maximum (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02]).

Cette prestation permet aux employeurs de faire des économies sur les frais salariaux (RUBIN, op cit., ibidem).

Le but de l'indemnité en cas de RHT consiste, d'une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D'autre part, l'indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l'intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Selon l'art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité idoine lorsque : 

-      ils sont tenus de cotiser à l'assurance ou qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge minimum de l'assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ;

-      la perte de travail doit être prise en considération (let. b) ;

-      le congé n'a pas été donné (let. c) ; 

-      la réduction de l'horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d). 

Aux termes de l'art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail est prise en considération lorsqu'elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable (let. a) et qu'elle est d'au moins 10% de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise (let. b). En revanche, la perte de travail n'est pas prise en considération lorsqu'elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI). 

Les deux conditions de l’art. 32 al. 1 let. a LACI (perte de travail due à des facteurs économiques et inévitable) sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a).

La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d'ordre économique ». Ces facteurs d'ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 127 consid. 1.3 p. 128; 2000 p. 53 consid. 4a p. 56 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 (RUBIN, op. cit. n. 6 ad art. 31 et les références citées). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l'entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l'existence d'un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

L'art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d'autres circonstances non imputables à l'employeur.

L’al. 3 de l'art. 32 LACI permet ainsi d'accorder l'indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu'économiques, dans certaines situations appelées : « cas de rigueur ». Cet alinéa s'écarte en conséquence de la logique du système d'indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d'exploitation suffisamment inhabituels pour qu'ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 31).

L'art. 51 OACI concrétise l'art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d'autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d'importer ou d'exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d'exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d'accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l'approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L'art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n'est pas prise en considération tant qu'elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l'art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l'employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s'il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l'expression de l'obligation de diminuer le dommage voulant que l'employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l'indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s'il existe des mesures que l'employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : le SECO), état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d'un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n'est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l'un des motifs de l'art. 33 LACI, l'indemnisation est exclue, même quand il existe un cas de rigueur. Ainsi, lorsqu'en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l'employeur au sens de l'art. 51 al. 1 OACI, l'une des conditions de l'art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d'un risque normal d'exploitation, l'indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

La qualité de travailleur selon l'art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l'AVS, et non pas du statut de l'employeur (communauté et établissement public d'une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d'autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2). 

L'indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d'éviter le chômage complet des travailleurs - soit leur congé ou leur licenciement -, d'une part, de maintenir simultanément les emplois dans l'intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d'autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l'employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d'assumer un risque propre d'exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n'existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d'être déplacés dans d'autres secteurs. 

En revanche, compte tenu des formes multiples de l'action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c'est de savoir si, par l'allocation de l'indemnité, un licenciement - respectivement une non-réélection - peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références). 

C'est à brève échéance que le versement de l'indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s'agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI). 

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l'allocation de l'indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d'un statut de fonctionnaire ou d'un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme - éventuellement à moyen terme - à la suppression d'emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). 

L'exigence d'un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l'entreprise. En effet, à la différence de l'ancien régime, où les travailleurs touchés par une RHT percevaient des indemnités parce qu'étant au chômage partiel, l'entreprise, depuis l'entrée en vigueur de la LACI, est au centre des conditions à remplir pour que la perte de travail résultant de la RHT soit prise en considération. Cela ressort notamment de l'art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n'est prise en considération que si elle est due à des facteurs d'ordre économique et qu'elle est inévitable. À l'évidence, cette condition ne saurait être remplie si l'entreprise ne court aucun risque propre d'exploitation, à savoir un risque économique où l'existence même de l'entreprise est en jeu, p.ex. le risque de faillite ou le risque de fermeture de l'exploitation. Or, si l'entreprise privée risque l'exécution forcée, il n'en va pas de même du service public, dont l'existence n'est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). 

Dans un arrêt du 27 mai 2021 (ATAS/531/2021) relatif à une paroisse protestante, la chambre de céans a jugé que même si celle-ci fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois, dès lors qu’elle ne percevait pas de subvention, que les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé et qu’elle ne pouvait dès lors être assimilée à une entreprise publique. En outre, elle était en contact avec le marché, offrant des services (location de locaux, ventes paroissiales, vente d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. À cet égard, il convenait de relever que les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Ainsi bien qu’elle fût organisée en association en partie financée par des dons, la paroisse pouvait subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT, si les autres conditions sont remplies.

4.2. Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, il a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment, en date du 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2) et autorisé les inhumations dans le cercle familial restreint (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux m les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars, permettant à certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, à rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de 30 personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

4.3. Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprise (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6). Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

4.4. Le SECO a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

Le 10 mars 2020, il a adopté la directive 2020/01. Il y a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n'est pas un risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur, au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LACI, même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/01 du SECO du 10 mars 2020 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie, p. 3).

Le 9 avril 2020, le SECO a adopté la directive 2020/06, applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020. Il y a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception, si l'entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (directive 2020/06, p. 8). Il y a également apporté des précisions au sujet des demandes émanant d’entreprises de droit public (directive 2020/06, pp. 5-6).

Le SECO a rappelé que contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu'ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l'activité de l'entreprise sont couverts par des moyens publics, qu'il s'agisse de subventions ou d'autres moyens financiers. Il n'existe pas dans ces cas de risque de disparition d'emplois. 

En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l'objectif visé par l'indemnité en cas de RHT, les prestataires n'ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l'assurance-chômage sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré. Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord.

La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d'un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d'exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d'affaires (p. ex. bus touristiques), et un secteur d'exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n'existe (exploitation subventionnée d'un bus local).

On considère qu'un risque immédiat et concret de disparition d'emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l'offre chez le mandataire, il n'existe pas de garantie que les coûts d'exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l'objectif de faire baisser les coûts d'exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’autorité cantonale est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (service public) de justifier de manière plausible à l’autorité cantonale qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la RHT doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit (directive 2020/08 précitée, p. 7).

5.        En l’espèce, durant la période litigieuse courant du 16 mars au 15 mai 2020, la recourante s’est retrouvée contrainte de cesser toutes ses activités ou de les réduire drastiquement en raison de l’interdiction de manifestations publiques ou privées à compter du 17 mars 2020, hormis les inhumations dans le cercle familial restreint, puis de l’interdiction de rassemblements de plus de cinq personnes dès le 20 mars 2020. La recourante n’a en conséquence pas pu exercer ses activités habituelles pendant toute cette période, étant rappelé que ce n’est qu’au mois de juin 2020, que les mesures ont été en partie levées.

La recourante a justifié d’une perte de travail de 151 heures sur 359 en mars 2020, soit 42%, et de 333 heures sur 359 en avril, soit 92,75% (pièces 6 et 7). Selon la jurisprudence de la chambre de céans rendue dans le cas d’une paroisse protestante similaire à celui de la recourante, même si celle-ci fournit principalement des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle peut se voir octroyer l’indemnité en cas de RHT, car elle encourt un risque immédiat et concret de disparition d’emplois. Elle ne perçoit pas de subvention, les contrats de travail de ses employés sont soumis au droit privé et elle ne peut dès lors être assimilée à une entreprise publique. Elle est en contact avec le marché, puisqu’elle offre des services rémunérés, en particulier en vendant des cierges et des prosphores qui représentent une partie importante de ses revenus (en 2019 CHF 236'230.- + CHF 31'402.- sur un chiffre d’affaires total de CHF 452’579.-) grâce auxquels elle se finance et couvre ses charges d’exploitation.

Ainsi, en raison des mesures prises par les autorités, la recourante a été empêchée d’exercer une activité économique, étant précisé qu’elle n’a vendu des cierges en 2020 que pour CHF 147'545.- alors qu’en 2019, cette activité lui avait rapporté. CHF 236'230.-. Les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, dont la liste n’est pas exhaustive, doivent dès lors être considérées comme réalisées.

S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur.

Il reste à déterminer si, comme le prétend l’intimé, la recourante aurait pu continuer à exercer certaines activités afin de limiter la perte de travail.

Au vu des fermetures ordonnées par les autorités et de l’interdiction de rassemblements, de services religieux, de mariages et d’enterrements en grand nombre, on ne saurait reprocher à la recourante de n’avoir pas pris de mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter ces pertes de travail. Elle n’avait d’autre choix que de fermer la paroisse.

Les conditions posées par la loi pour accorder des indemnités en cas de RHT sont ainsi réunies, de sorte que la recourante y a droit, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

6.        Reste à déterminer depuis quand la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT. Elle a conclu à son octroi du 16 mars 2020 au 30 avril 2020 pour sept personnes et du 1er au 15 mai 2020 pour une personne.

Dès lors que la recourante a déposé son préavis le 16 mars 2020, elle a droit à l’indemnité dès ce jour, en application de l’art. 9 de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage.

7.        Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT dans la mesure précitée, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

8.        La recourante, représentée par un conseil, obtient ainsi gain de cause, de sorte qu’elle a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2’000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

9.        Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 29 juin 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT du 16 mars 2020 au 30 avril pour sept personnes à 100% et du 1er au 15 mai 2020 pour une personne à 100%, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

5.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le