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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1414/2021

ATAS/874/2021 du 31.08.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1414/2021 ATAS/874/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 août 2021

1ère Chambre

 

En la cause

A______ SÀRL, sise ______, à VERNIER, représentée par C______ SA

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. La société A______ Sàrl (ci-après : l’employeur), a déposé le 21 octobre 2019 une demande d’allocation de retour en emploi (ci-après : ARE) en faveur de Monsieur B______(ci-après : l’assuré) en tant que responsable des ventes pour une activité à 100% dès le 1er novembre 2019.

b. Par décision du 5 décembre 2019, l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a admis la demande pour une durée de vingt-quatre mois, soit du 25 novembre 2019 au 24 novembre 2021.

c. Par courrier du 22 juin 2020, l’employeur a informé l’assuré qu’il résiliait son contrat de travail à compter du 1er août 2020, « au vu de la conjoncture actuelle et à venir ».

B.       a. Par décision du 13 novembre 2020, le service d’aide de retour à l’emploi
(ci-après : le SARE) a réclamé à l’employeur le remboursement de la somme de CHF 15'283.80, représentant l’allocation ARE versée à tort, celui-ci ayant licencié l’assuré sans invoquer de motifs sérieux et justifiés.

b. L’employeur a formé opposition le 14 décembre 2020 expliquant que lorsqu’il avait engagé l’assuré en 2019, il ne s’attendait pas à ce qu’une crise sanitaire et économique sans précédent intervienne. Il rappelle que la principale activité de l’assuré portait sur la prospection de nouveaux clients, ce que celui-ci ne pouvait plus continuer à faire. Il ajoute que son propre salaire est de CHF 4'150.- brut/mois, qu’il est le seul employé de la société et qu’il n’était plus possible de supporter financièrement une charge supplémentaire. Il fait par ailleurs valoir que s’il a licencié l’assuré, c’est également parce que celui-ci « ne s’est absolument pas donné les moyens de faire en sorte de développer son poste afin de financer son salaire, je dois le reconnaître exorbitant, au vu des résultats. Ses attitudes négatives et prétentieuses n’ont pas permis de développer le fichier clients, c’est-à-dire qu’il n’a pas apporté de nouveaux clients à ceux qui existaient déjà. Il m’a vendu du rêve pour au final me donner des cauchemars par divers mensonges (par exemple : financement fantôme avec pseudo possibilité de prendre du matériel auprès d’un fournisseur clé et de ne le payer qu’une fois le matériel vendu), etc. ».

c. Par décision du 26 mars 2021, l’OCE a rejeté l’opposition. Il rappelle en effet qu’il était expressément mentionné dans la décision du 13 novembre 2019 que les ARE devaient être remboursées en cas de résiliation du contrat pendant la mesure ou dans les trois mois suivant celle-ci. Il constate que l’employeur n’a pas démontré que le licenciement était dû à des motifs économiques avérés. Il relève enfin que l’employeur s’est vu octroyer des indemnités en cas de RHT du 20 mars au 19 juin 2020 précisément dans le but d’éviter le licenciement de ses collaborateurs.

C.       a. L’employeur, représenté par la société fiduciaire C______ SA, a interjeté recours le 23 avril 2021 contre ladite décision sur opposition. Il conclut à l’annulation de la décision litigieuse, laquelle est fondée sur un licenciement pour raison économique alors qu’en réalité il s’agit d’un licenciement pour faute grave.

b. Dans sa réponse du 21 mai 2021, l’OCE a conclu au rejet du recours. Ce courrier a été transmis à l’employeur. Celui-ci ne s’est pas manifesté.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit de l'OCE de révoquer les ARE accordées à l’employeur et de réclamer à celui-ci le remboursement de la totalité des prestations versées.

4.        La loi genevoise en matière de chômage vise à favoriser le placement rapide et durable des chômeurs dans le marché de l'emploi, et à renforcer leurs compétences par l'octroi de mesures d'emploi, de formation et de soutien à la réinsertion. Elle institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale.

Les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales peuvent ainsi bénéficier d'une ARE, s'ils retrouvent un travail salarié auprès d'une entreprise active en Suisse (art. 30 LMC). La mesure se déroule en priorité au sein d'une entreprise privée, laquelle doit offrir des conditions d'engagement conformes aux usages professionnels de la branche, subsidiairement, au sein de l'État et autre collectivité et entité publique (art. 34 LMC).

Aux termes de l’art. 32 al. 1 et 2 LMC,

« 1 L’octroi de la mesure est subordonné à la production, avant la prise d'emploi, d’un contrat de travail à durée indéterminée.

2 Si l'employeur met un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'article 35, il est tenu de restituer à l'État la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'article 337 du code des obligations ».

L'allocation de retour en emploi est versée pendant une durée de douze mois consécutifs au maximum pour les chômeurs de moins de 50 ans au moment du dépôt de la demande, et de vingt-quatre mois consécutifs au maximum pour les chômeurs de 50 ans et plus au moment du dépôt de la demande (art. 35 LMC).

Selon l'art. 36 LMC,

« 1 L’autorité compétente verse l’allocation de retour en emploi sous forme d’une participation au salaire.

2 Le salaire déterminant pour le versement de l’allocation est plafonné au montant maximum du gain mensuel assuré dans l’assurance-accidents obligatoire.

3 L’allocation est versée par l’intermédiaire de l’employeur, lequel doit payer les cotisations usuelles aux assurances sociales sur l’intégralité du salaire et prélever la part du travailleur.

4 Le Conseil d’État détermine le montant de la participation au salaire. Celle-ci correspond en moyenne à 50% du salaire brut et est versée de manière dégressive pendant 12 mois maximum, respectivement 24 mois maximum ».

L'allocation de retour en emploi est versée de manière dégressive. Elle correspond à 80% du salaire mensuel brut pendant le premier quart de la mesure, puis est réduite de 20% par quart suivant (art. 27 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC ; RS J 2 20.01)).

5.        Selon l'art. 337 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande (al. 1). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tels le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).

L'art. 337 al. 1 CO est une mesure exceptionnelle. La résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382). Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). À cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354; arrêt du Tribunal fédéral A4_137/2014 du 10 juin 2014).

Les justes motifs doivent être invoqués sans tarder sous peine de forclusion (ATF 112 II 41; ATF 123 III 86).

Dans la mesure où le droit des assurances sociales fait référence à des notions du droit civil, celles-ci doivent en principe être comprises en fonction de ce droit (cf. ATF 121 V 127 consid. 2c/aa et les arrêts cités). Sauf disposition contraire, on présume que, lorsqu’il fixe des règles relatives, par exemple, aux effets du mariage, de la filiation ou aux droits réels, le législateur, en matière d’assurances sociales, a en vue des institutions organisées par les divers domaines du droit civil à considérer (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 41/9 du 25 avril 2002 consid. 2).

6.        L'art. 48B LMC, enfin, autorise l'autorité compétente à révoquer sa décision d'octroi et à exiger la restitution des prestations touchées indûment, en cas de violation de la loi, du règlement ou des obligations contractuelles mises à charge du bénéficiaire de la mesure, de l'entité utilisatrice ou de l'employeur.

L’art. 48B al. 2 LMC précise que

« L’autorité compétente peut renoncer à exiger la restitution sur demande de l’intéressé, lorsque celui-ci est de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation financière difficile ».

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

8.        En l’espèce, l’employeur s’est vu reconnaître le droit à une ARE en faveur de l’assuré engagé en qualité de responsable des ventes, pour une période allant du 25 novembre 2019 au 24 novembre 2021.

Il appert de la partie en fait qui précède que le contrat de travail a été résilié le 22 juin 2020 avec effet au 1er août 2020, soit avant la fin de l’ARE.

9.        Il y a préalablement lieu de constater que dans le formulaire de demande d’ARE signé par la société, il est expressément stipulé que l’employeur s’engage à « rembourser l’allocation de retour en emploi, si le licenciement est notifié après la période d’essai, mais avant la fin de la durée totale de la mesure, ou dans les trois mois suivant le terme de celle-ci ».

Les conséquences d’une résiliation prématurée ont également été mentionnées dans la décision d’octroi du 5 décembre 2019.

L’employeur a ainsi été dûment informé des conditions auxquelles l'octroi de l'ARE est subordonné, par la communication des dispositions légales applicables. Aussi ne pouvait-il manquer de savoir que s’il ne gardait pas son employé jusqu’au 24 novembre 2021, il perdrait le droit à l'ARE.

10.    L’employeur fait valoir des difficultés économiques liées à la crise sanitaire, étant rappelé que l’assuré était principalement chargé de la prospection de nouveaux clients.

La loi ne prévoit toutefois aucune exception au principe susmentionné, même lorsque l'employeur doit renoncer au service d'un employé pour des raisons économiques (ATAS/1268/2009).

11.    Selon l’art. 32 LMC, le contrat de travail peut en revanche être résilié pendant la période de l’ARE s’il y a justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

Il convient dès lors d’examiner si l’employeur, qui a résilié le contrat de travail prématurément, peut se prévaloir de justes motifs, étant rappelé que la résiliation immédiate pour justes motifs, mesure exceptionnelle, doit être admise de manière restrictive et que seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat.

Dans le cas particulier, l’employeur allègue avoir licencié l’assuré, au motif que celui-ci n’avait pas su développer son poste et ne lui avait pas apporté de nouveaux clients. Il fait valoir que l’assuré n’a fourni aucun certificat médical, alors qu’il a été absent, prétextant des ennuis de santé, qu’il a délibérément contacté les clients et fournisseurs et fait des offres sans lui en parler, qu’il a détourné et effacé des informations lui appartenant, qu’il a refusé de lui remettre les codes d’accès, carte de visite et matériel professionnel. L’employeur considère avoir eu en conséquence de justes motifs pour résilier le contrat de travail de l’assuré.

Force est toutefois de constater qu’il n’a concrètement pas licencié l’assuré sur la base de l’art. 337 CO. Il a ainsi renoncé à se prévaloir d’un licenciement pour justes motifs, de sorte qu’il y a lieu de conclure qu’il a mis fin au contrat de travail avant l’échéance de la mesure expressément indiquée sur le formulaire, sans qu’il y ait justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

12.    Dans un arrêt ATF 126 V 42, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'administration peut revenir sur sa décision d'octroi des allocations d'initiation au travail avec effet ex tunc en cas de violation des obligations contractuelles par l'employeur lorsque le versement est soumis à la condition résolutoire du respect du contrat de travail et ce, même si ladite décision ne mentionne pas la restitution des prestations en cas de violation des obligations contractuelles.

L’OCE est en droit, partant, de réclamer à la société la restitution des prestations touchées indûment conformément à l’art. 48B LMC.

13.    Le montant de CHF 15'283.80, représentant les ARE versées depuis novembre 2019, n’est pas contesté.

14.    Aussi le recours est-il rejeté.

15.    La chambre de céans attire l’attention de l’employeur sur le fait qu’il a la possibilité de déposer une demande de remise de l’obligation de rembourser la somme réclamée auprès de l’OCE - lequel examinera si les conditions de l’art. 48B al. 2 LMC sont réalisées -, dans les trente jours à compter de l’entrée en force du présent jugement.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le