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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1653/2020

ATAS/887/2021 du 31.08.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1653/2020 ATAS/887/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 août 2021

9ème Chambre

 

En la cause

SECRÉTARIAT D'ÉTAT À L'ÉCONOMIE, sis Holzikofenweg 36, BERNE

 

 

recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE


ÉGLISE A______ GENÈVE, sise ______, à GENÈVE

 

 

intimé



intimée

 


EN FAIT

A.      L’Église A______ (ci-après : l’église) est une communauté chrétienne, sise à Genève, desservie par trois pasteurs et une secrétaire.

B.       a. Le 26 mars 2020, l’église a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) annonçant une perte de travail de 25 % pour toute l’entreprise, soit quatre collaborateurs, du 20 mars 2020 au 30 juin 2020.

b. Par décision du 31 mars 2020, l’OCE a fait partiellement opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT. Pour autant que toutes les autres conditions du droit étaient remplies, l’indemnité pouvait être octroyée pour la période du 26 mars 2020 au 25 septembre 2020.

c. Par décision du 9 avril 2020, annulant et remplaçant celle du « 26 mars 2020 » (sic), l’OCE a formé opposition au préavis du 26 mars 2020. Seule une perte de travail, en tant que telle, qui n’était nullement alléguée en l’espèce, permettait de fonder un droit à l’indemnité en cas de RHT. Pendant la pandémie, les représentants des églises devaient prendre contact avec les membres en situation de fragilité, par téléphone. Il leur appartenait d’inventer de nouvelles manières de communiquer à distance, même si les réunions n’avaient plus lieu en présentiel. Les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT n’étaient dès lors pas réunies.

d. Le 30 avril 2020, l’église a fait opposition à la décision précitée, concluant à l’octroi des indemnités en cas de RHT. Elle a fait valoir que l’une des activités des pasteurs était d’organiser des réunions, qui étaient toutes annulées, expliquant la baisse du pourcentage de travail. À la suite de la fermeture des églises, plusieurs actions avaient été prises. Le secrétariat avait été complètement fermé et un seul culte par semaine était donné. Le travail de prendre et garder le contact avec les membres en situation de fragilité incombait à toute la communauté et non aux seuls pasteurs. Ils avaient au demeurant diffusé leurs cultes par visioconférence.

e. Le 5 mai 2020, l’église a complété son opposition, en alléguant que les pasteurs s’étaient montrés inventifs face à la situation en organisant des cultes par visioconférence. Plus d’une dizaine de réunions hebdomadaires avaient été annulées, entraînant ainsi une baisse de travail. Les pasteurs avaient d’ailleurs continué leur travail, raison pour laquelle l’église ne sollicitait qu’une indemnité en cas de RHT de 25 %. Le secrétariat était quant à lui complètement fermé depuis le 16 mars 2020.

f. Par courriel du 22 mai 2020 adressé à l’OCE, l’église a précisé que la demande d’indemnités en cas de RHT concernait trois pasteurs et une secrétaire.

g. Par décision sur opposition du 25 mai 2020, l’OCE a partiellement admis l’opposition, annulé la décision du 9 avril 2020 et accordé les indemnités en cas de RHT du 26 mars 2020 au 27 mai 2020 pour la secrétaire de l’église.

C.       a. Par « opposition » du 9 juin 2020, le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : le SECO) a conclu à l’annulation de la décision du 25 mai 2020. L’église devait être qualifiée d’entreprise publique, d’administration ou d’entreprise qui fournit des services publics au sens de la jurisprudence. Or, il n’était pas possible de déterminer dans quelle mesure l’employeuse concernée avait fourni la preuve qu’il existait un risque imminent pour ses collaborateurs de perdre leur emploi. Elle n’avait dès lors pas droit aux indemnités en cas de RHT.

Le 10 juin 2020, cette écriture a été transmise pour raison de compétence à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), qui l'a enregistrée comme recours.

b. Par réponse du 9 juillet 2020, l’OCE a indiqué qu’il était favorable à une annulation de la décision, en ce sens que l’église n’avait pas droit à l’indemnité. Il laissait toutefois le soin à la chambre de céans de statuer sur ce point. Il a rappelé que l’église ne produisait pas de biens ou n’offrait pas des services qui étaient en contact avec le marché, de sorte qu’elle n’encourait aucun risque entrepreneurial, ni de risque de faillite.

c. Le 27 juillet 2020, l’église a informé la chambre de céans qu’elle « acceptait le recours du SECO et retirait sa demande de recours ».

d. Le 24 août 2020, le SECO a conclu à ce que l’OCE réexamine le dossier de l’église afin de déterminer si l’employeuse perçoit des subventions permettant de couvrir les éventuelles pertes d’exploitation et s’il existe un risque immédiat et concret de disparition d’emplois.

e. Le 8 septembre 2020, l’OCE a indiqué qu’il n’était pas opportun de renvoyer le dossier à l’OCE pour réexamen, dès lors qu’il était hautement vraisemblable que l’église ne percevait aucune subvention étatique permettant de couvrir les éventuelles pertes d’exploitation. Si un doute subsistait sur ce point, l’employeuse pouvait produire les documents permettant de justifier la perte d’emploi pour sa secrétaire et les éventuelles subventions. L’OCE a rappelé enfin que l’église ne produisait pas de biens et n’offrait pas des services qui étaient en contact avec le marché, de sorte qu’elle n’encourait aucun risque entrepreneurial, ni de risque de faillite.

f. Par pli du 6 juillet 2021, la chambre de céans a invité l'église à lui faire parvenir ses comptes 2019 et 2020, ses statuts, le contrat de travail et le certificat de salaire de la secrétaire, ainsi que tout document attestant de l'existence de subventions, dons ou aides financières.

g. Le 3 août 2021, l'église a produit les documents sollicités. Il ressort notamment de ses comptes de résultat que les produits s'élèvent à CHF 786'275.- pour 2019 (dont CHF 707'575.- de cotisations des membres et CHF 72'000.- de recettes de régie) et à CHF 780'119.- pour 2020 (dont CHF 704'539.- de cotisations des membres et CHF 72'000.- de recettes de régie).

La chambre de céans a transmis ces pièces aux parties.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 102 al. 1 LACI, le SECO a qualité pour recourir devant les tribunaux cantonaux des assurances contre les décisions des autorités cantonales, des offices régionaux de placement et des caisses.

Le 9 juin 2020, le SECO a adressé par erreur à l'OCE une « opposition » à sa décision du 25 mai 2020. Cette écriture a été transmise pour raison de compétence à la chambre de céans, qui l'a enregistrée comme recours.

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, auprès d'une autorité incompétente qui l'a transmis à la chambre de céans, le recours est recevable (art. 39 al. 2, 56 à 61 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a et art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.        Le litige porte sur le droit de l'intimée à une indemnité en cas de RHT du 26 mars 2020 au 27 mai 2020 pour une employée.

4.        a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

b. Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

c. Selon l'Aide-mémoire Pandémie / Coronavirus (assurance chômage) du 28 mars 2020, édictée par le SECO, l'indemnité en cas de RHT a été instituée pour les entreprises qui produisent des biens, offrent des services, qui sont directement en contact avec le marché et assument un risque propre d'exploitation, c'est-à-dire de liquidation en cas de difficultés économiques. La notion d'entreprise n'est pas la même que la notion d'employeur. Or le simple fait d'être employeur n'est pas suffisant pour pouvoir bénéficier de l'indemnité en cas de RHT. Encore faut-il être une entreprise au contact direct avec un marché économique. 

Dans un arrêt du 16 novembre 2020, le Tribunal administratif du canton de Berne, interprétant la notion d'employeur au sens des dispositions, a retenu que le législateur a voulu compenser les pertes de travail qui entraînaient un manque à gagner pour l'employeur qui avait besoin de ce gain notamment pour payer les salaires de ses employés. Le travail du personnel domestique, par exemple, ne visait pas l'obtention d'un tel gain. L'employeur rétribuait ses employés de maison avec d'autres sources de revenus (ou fortune) que le travail qu'ils fournissaient. Ainsi, en matière de personnel de maison, la condition d'une perte de travail due à des facteurs d'ordre économique n'était pas remplie puisque dans ce secteur, aucune fluctuation conjoncturelle ou structurelle impliquant un manque à gagner n'était susceptible de se produire. La condition du cas de rigueur au sens de l'art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI n'était pas non plus remplie car l'employeur n'était pas empêché d'exercer une activité économique et, par conséquent, pas soumis en raison d'une telle entrave, à des risques d'exploitation inhabituels qu'il ne pouvait assumer seul. Il n'était pas exposé à une perte de gain. Le salaire du personnel domestique était payé à partir d'autres sources que le travail qui n'avait pas pu être fourni. Le seul risque encouru par l'employeur était celui de devoir payer le personnel, selon la législation sur le contrat de travail, sans que le travail puisse être effectué (arrêt 200.2020.611.AC du Tribunal administratif du canton de Berne du 16 novembre 2020).

d. Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; Rubin, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

5.        Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment, en date du 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2), les inhumations dans le cercle familial restreint étant autorisées (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars. À compter de cette date, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de trente personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de trois cents personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

6.        Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprises (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août 2020, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

7.        Le SECO a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

a. Dans la directive du 10 mars 2020 (directive 2020/01 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie), le SECO a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n'est pas un risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur, au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LACI même si, dans certaines circonstances, elle est susceptible de toucher tout employeur (p. 3 ; cf. Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in NewsletterDroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14).

b. Dans la directive 1er juin 2020 (directive 2020/08, remplaçant la directive 2020/06 du 9 avril 2020, et applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 août 2020), le SECO a précisé, s’agissant des demandes émanant des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.), que le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois. L’objectif était d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (ATF 121 V 362 consid. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concernait uniquement les entreprises qui finançaient la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés (p. 6).

c. Dans la directive du 30 octobre 2020 (directive 2020/15, applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020), le SECO a apporté des précisions relatives au préavis des organisations n’exerçant pas d’activité économique : en règle générale, les personnes et donc les organisations (quelle que soit leur forme juridique) auprès desquelles elles sont employées n'ont pas droit à l'indemnité en cas de RHT s'il n'y a pas des pertes d’heures dues à des raisons économiques et si l'indemnité en cas de RHT ne sert pas à maintenir les places du travail (chiffre 2.6 a, p. 14).

Une organisation, par exemple une association ou une coopérative dont le but est le bien-être de ses membres et qui est financée par les cotisations des membres, ne subit aucune perte économique et les emplois ne sont pas menacés. Il n'y a donc pas de droit à l'indemnité en cas de RHT, même si le travail des employés doit être temporairement suspendu en raison de mesures officielles (p. 14).

Toutefois, une association qui fournit des services et se finance grâce aux droits qu'elle reçoit en retour (par exemple, le produit des ventes, les droits d'entrée) peut subir des pertes économiques en raison de mesures officielles et des emplois peuvent être menacés. Par conséquent, le droit à l'indemnité en cas de RHT peut être rempli si les autres conditions sont remplies (perte de travail inévitable, qui ne peut être évitée par des mesures économiquement raisonnables, au moins 10 %, temporaire, type de contrat de travail).

Dans le cas des organisations qui représentent un mélange de ces deux cas extrêmes, par exemple celles qui cofinancent la dotation en personnel par le biais de contrats ou de mandats de moindre importance, une pondération des intérêts doit être effectuée au cas par cas (pp. 14-15).

Deux exemples sont cités par le SECO :

1)      une association musicale locale qui se produit occasionnellement lors de fêtes de village, mais dont les revenus sont toutefois constitués pour l’essentiel de cotisations des membres, de dons, etc., ne subit aucune perte de travail due à l'annulation d'une fête de village et le poste de directeur général employé à un faible taux d’occupation n'est pas menacé. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être rejetée.

2)      un orchestre de musique, également organisé sous forme d'association, qui paie les salaires des musiciens et autres employés à partir des revenus de ses représentations, subit une perte d'heures de travail en raison de l'annulation de représentations et de l'interdiction des répétitions. Les emplois sont donc menacés. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être acceptée si les autres conditions sont remplies.

8.        Dans un arrêt de principe du 27 mai 2021 portant sur la question de l’octroi d’indemnités en cas de RHT à une église, la chambre de céans a retenu que même si la recourante fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois. Il ressortait en effet de ses comptes qu’elle ne recevait aucune subvention et les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé. L’église était, en outre, en contact avec le marché, offrant des services (location de bureaux, ventes paroissiales, ventes d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. Les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Quant aux offrandes, versées à l’occasion des cultes, la question pouvait demeurer ouverte de savoir si elles devaient être qualifiées de rémunération effectuée en contrepartie d’une prestation de la paroisse, car la recourante tirait la majeure partie de ses revenus des services qu’elle fournissait aux paroissiens ou à des tiers, à savoir la location de locaux, les services religieux, les ventes paroissiales et les ventes d’habits de seconde main. Elle pouvait ainsi subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT (ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 16).

9.        En l'espèce, il n'est pas contesté que durant la période litigieuse courant du 26 mars 2020 au 27 mai 2020, l'intimée s'est retrouvée contrainte de cesser toutes ses activités ou de les réduire drastiquement en raison de l'interdiction de manifestations publiques ou privées à compter du 17 mars 2020, hormis les inhumations dans le cercle familial restreint, puis de l'interdiction de rassemblement de plus de cinq personnes dès le 20 mars 2020. L'intimée n'a en conséquence pas pu exercer ses activités habituelles pendant toute cette période, étant rappelé que ce n’est qu'à la fin du mois de mai 2020 que les mesures ont été en partie levées.

Il n'est pas non plus contesté que la secrétaire de l'intimée remplit les conditions de l'art. 31 al. 1 let. a et c LACI. La question se pose en revanche de savoir si une perte de travail peut être prise en considération au sens des art. 31 al. 1 let. b et 32 LACI. En l'occurrence, il ressort des comptes de résultat produits par l'intimée que ses produits sont composés essentiellement des cotisations de ses membres et des recettes de régie. En 2020, ces montants ont très peu varié par rapport à 2019 (alors que les recettes de régie sont restées les mêmes [CHF 72'000.-], les cotisations des membres ont subi une légère diminution de près de CHF 3'000.-). Il suit de là que les recettes principales de l'intimée ne proviennent pas d'une activité économique susceptible de lui procurer un gain. L'église rétribue ses employés avec d'autres sources de revenus que le travail qu'ils fournissent. Dans la présente procédure, l'intimée n'allègue du reste nullement avoir été confrontée à des difficultés économiques ou avoir rencontré des obstacles à l'exercice d'une activité économique. Elle fait uniquement valoir, dans son opposition du 30 avril 2020, que ses employés ont subi une baisse de pourcentage de leur travail. Le secrétariat avait été complètement fermé et un seul culte par semaine était donné. Or, ainsi qu'il a été exposé, cette perte de travail n'a entraîné aucun manque à gagner pour l'intimée, de sorte que la condition d'une perte de travail due à des facteurs d'ordre économique n'est pas remplie.

La condition du cas de cas de rigueur au sens de l'art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI n'est pas non plus remplie car l'église n'est pas empêchée d'exercer une activité économique et, par conséquent, pas soumise en raison d'une telle entrave, à des risques d'exploitation inhabituels qu'elle ne peut assumer seule. Certes, la chambre de céans a récemment admis qu'une église pouvait se voir octroyer l'indemnité en cas de RHT quand bien même elle fournissait principalement des services d'ordre spirituel et social et non économique (cf. ATAS/531/2021 du 27 mai 2021). Encore faut-il, toutefois, que l'église encourt un risque immédiat et concret de disparition d'emplois, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Or, in casu, le seul risque encouru par l'intimée est celui de devoir payer le personnel, selon la législation sur le contrat de travail, sans que le travail puisse être effectué.

Il s'ensuit que les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies, ce que l'OCE admet du reste (cf. réponse à la chambre de céans du 9 juillet 2020).

Les considérations qui précèdent conduisent à l'admission du recours. La décision sur opposition du 25 mai 2020 est annulée et il sera dit que l'intimée n'a pas droit à l'indemnité en cas de RHT pour la période du 26 mars 2020 au 27 mai 2020.

Le recourant, qui agit en qualité d'organisme chargé de tâches de droit public, n'a pas droit à des dépens (cf. ATF 128 V 124). On ne se trouve en effet ni dans l'hypothèse où la partie adverse a agi de manière légère ou téméraire (ATF 128 V 142 consid. 5b ; ATF 126 V 143 consid. 4b), ni dans celle où la spécificité ou la difficulté de la cause rend nécessaire le recours à un avocat (ATF 128 V 124 consid. 5b).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l'occurrence – en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, en lien avec l'art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 25 mai 2020.

4.        Dit que l'intimée n'a pas droit à l'indemnité en cas de RHT pour la période du 26 mars 2020 au 27 mai 2020.

5.        Dit que le recourant n'a pas droit à des dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le