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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3878/2020

ATAS/767/2021 du 20.07.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3878/2020 ATAS/767/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 juillet 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Urs PORTMANN

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), avocat inscrit au registre des avocats du canton de Genève, est associé au sein de l’étude B______, sise à Vésenaz. Il a quatre employés : Madame C______, assistante administrative, Monsieur D______, avocat collaborateur, Madame E______, aide administrative, et Madame F______, secrétaire à 50 %.

B.       a. Le 23 mars 2020, l’assuré a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) annonçant une perte de travail de 50 % pour toute l’entreprise (quatre employés) pour la période du 23 mars au 30 juin 2020.

Par décision du 30 mars 2020, l’OCE ne s’est pas opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT du 23 mars 2020 au 22 juin 2020.

b. Par courriel du 1er juillet 2020, l’assuré a transmis à l’OCE un nouveau formulaire de préavis de RHT annonçant une perte de travail de 50 % pour toute l’entreprise (trois employés) pour la période du 23 juin au 31 août 2020.

Par décision du 17 août 2020, l’OCE ne s’est pas opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT du 23 juin 2020 au 31 août 2020.

c. Le 21 août 2020, l’assuré a transmis à l’OCE un nouveau formulaire de préavis de RHT annonçant une perte de travail de 50 % pour toute l’entreprise (trois employés concernés) pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2020.

Par décision du 31 août 2020, l’OCE a refusé la demande de RHT.

C.       a. Le 15 septembre 2020, l’assuré a à nouveau transmis à l’OCE un formulaire de préavis de RHT annonçant une perte de travail de 50 % pour toute l’entreprise (trois employés concernés) pour la période du 15 septembre au 31 décembre 2020. L’assuré a précisé que l’activité principale de l’étude consistait dans le conseil à une clientèle internationale et genevoise, essentiellement dans les domaines de l’horlogerie, de la bijouterie et de l’industrie de luxe. En raison de l’annulation des foires horlogères, les clients de l’étude avaient fermé leurs usines et magasins et les affaires avaient ralenti, voire cessé. Par ailleurs, avec le confinement en Amérique latine, toutes les activités de l’étude, notamment au Mexique, avaient cessé et les clients ne faisaient plus appel à leur service pour négocier des nouveaux contrats, notamment dans la distribution horlogère. Enfin, les clients fabricants, distributeurs, horlogers et bijoutiers avaient annulé leurs déplacements. Avec les annulations des vols, les restrictions de voyager, la fermeture des frontières et les interdictions de tenir des réunions et des évènements, les clients internationaux ne se déplaçaient plus à Genève et le commerce horloger et de biens de luxe s’était arrêté. L’évolution de l’activité de l’étude était étroitement liée à la situation du marché de luxe international et à l’évolution du marché horloger dans son ensemble. Les honoraires encaissés de mars à juillet 2018 et 2019 étaient quatre fois plus élevés que les honoraires encaissés de mars à juillet 2020, étant précisé que les chiffres présentaient un léger décalage de deux mois qui s’expliquait par le fait que la facturation des prestations aux clients se faisait deux à trois mois après que la prestation ait été effectuée. Les perspectives pour les mois qui suivaient étaient tout aussi moroses.

À l’appui de sa demande de préavis, l’assuré a produit des extraits de timesheet de ses collaborateurs, lesquels attestaient d’une perte de travail effective entre 47 % et 77 % pour les mois de mai, juin et juillet 2020, en comparaison avec les mois de mai, juin et juillet 2019.

b. Par décision du 16 septembre 2020, l’OCE a refusé la demande de RHT, au motif que la perte de travail n’était pas été avérée. La demande n’avait par ailleurs pas été envoyée dix jours avant le début de la période d’indemnisation requise.

c. Le 7 octobre 2020, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, en reprenant en substance la motivation contenue dans sa demande de préavis du 15 septembre 2020.

d. Par décision sur opposition du 19 octobre 2020, l’OCE a confirmé sa décision du 16 septembre 2020. Il était établi que les activités judiciaires avaient repris et que beaucoup d’audiences étaient à rattraper, ce qui engendrait un travail plus conséquent pour les études. La crise sanitaire avait créé de très nouveaux problèmes dans plusieurs domaines du droit, notamment en droit commercial, ce qui avait pour conséquence une augmentation des demandes de conseils juridiques auprès d’avocats. Les abondantes et nouvelles questions juridiques que posaient la crise sanitaire nécessitaient un suivi particulièrement régulier de la part des avocats de l’évolution législative suisse et internationale quasi quotidienne et donc un travail de recherches encore plus approfondi qu’à l’accoutumée. Il appartenait au demeurant à l’employeur d’adapter ses domaines d’activités juridiques et d’élargir ses secteurs de spécialisation s’il constatait une baisse de ceux dans lesquels il avait exercé jusqu’à présent, aux besoins du marché, ce que l’assuré n’avait pas allégué avoir fait. Partant, en plus de ne pas être avérée, la perte de travail n’était pas inévitable étant donné que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures possibles pour l’empêcher.

D.      a. Le 19 novembre 2020, l’assuré, par l’intermédiaire de son représentant, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) d’un recours à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à l’octroi de l’indemnité RHT du 26 septembre 2020 au 26 décembre 2020 et subsidiairement à l’annulation de la décision entreprise. Depuis plus de trente ans, l’assuré avait organisé la structure administrative de l’étude, ses activités et celles de son étude sur le conseil dans l’industrie horlogère et ses spécificités. La reprise des audiences n’avait aucune influence sur l’activité de l’étude étant donné qu’elle n’exerçait qu’une activité très résiduelle devant les tribunaux. La crise sanitaire avait engendré une insécurité au niveau mondial quant à l’avenir, gelant ainsi les négociations en vue de conclure de nouveaux contrats. Or, les activités de l’étude concernaient principalement les conseils et négociations précontractuels. Les clients attendaient la sortie de nouvelles collections de montres en 2021 avant d’investir et de se projeter dans une relation contractuelle. Enfin, il n’était pas admissible de s’attendre à ce qu’une étude d’avocats, qui ne pratiquait pas certains domaines du droit et qui n’exerçait pas une activité devant les tribunaux se réorganise, se spécialise et trouve de nouveaux clients dans un si bref délai. Il convenait également de tenir compte du fait que le droit évolue rapidement et qu’un avocat spécialisé dans un domaine n’avait pas à se tenir informé des nouveautés dans des domaines qu’il n’exerçait pas. Si l’assuré devait se familiariser avec des nouveaux domaines du droit qu’il ne pratiquait pas, cela impliquerait, d’une part, qu’il investisse tout son temps dans de nouvelles formations et, d’autre part, qu’il licencie les collaborateurs spécialisés dans le conseil. L’assuré a également relevé qu’il y avait beaucoup de concurrence entre avocats, étant précisé que l’ordre des avocats de Genève comptait plus de 1'800 membres.

b. Le 15 décembre 2020, l’OCE a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont persisté dans leurs conclusions par écritures des 20 janvier 2021 et 11 février 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l’ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à une indemnité RHT pour la période du 26 septembre 2020 au 26 décembre 2020.

5.        a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

b. Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

c. Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; Rubin, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit, n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tels que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1 p. 292).

6.        a. En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a arrêté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RS 818.101.24 ; RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; RO 2020 773) qui interdisait les manifestations publiques ou privées accueillant simultanément cent personnes (art. 6 al. 1) et qui limitait l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins, des marchés, des restaurants, des bars, des discothèques, des boîtes de nuit et des salons érotiques (art. 6 al. 1 et 2). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783).

Les magasins et marchés ont pu rouvrir dès le 11 mai 2020 (RO 2020 1401).

b. Sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté, le 1er novembre 2020, l'arrêté d'application de l'ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020, qui, à son art. 11 al. 1 let. e a ordonné la fermeture des commerces de vente au détail et les marchés. Cet arrêté est entré en vigueur le 2 novembre 2020.

Par arrêté du 25 novembre 2020, publié dans la FAO du même jour et entré en vigueur le 28 novembre 2020, le Conseil d'État a abrogé l'art. 11 al. 1 let. e de l'arrêté COVID-19 avec effet au 28 novembre 2020 à 00h01 (art. 2 de l'arrêté du Conseil d'État du 25 novembre 2020).

c. S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu’il avait l’intention de requérir l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102). D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la réduction de l’horaire de travail. Le préavis doit être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une réduction de l’horaire de travail pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L’al. 1, 1ère phr., supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la réduction de l’horaire de travail pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la réduction de l’horaire de travail autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L’al. 1, 2ème phr., de l’art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l’autorisation de réduction de l’horaire de travail émise par l’autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l’entreprise ne devra renouveler le préavis que si la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. Cette réglementation allègera la charge administrative des entreprises et des organes d’exécution (FF 2021 285, p. 29s.).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

7.        Dans la décision entreprise, l’intimé s’est opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que la perte de travail, en plus de ne pas être avérée, n’était pas inévitable. Il a considéré que le recourant aurait dû adapter ses domaines d’activités juridiques et élargir ses secteurs de spécialisation, ce qu’il n’avait pas fait. Il a ajouté que les activités judiciaires avaient repris, ce qui engendrait un travail plus conséquent pour les études. La crise sanitaire avait créé de nouveaux problèmes dans plusieurs domaines du droit, notamment en droit commercial, ce qui avait pour conséquence une augmentation des demandes de conseils juridiques auprès d’avocats.

8.        a. Il convient en premier lieu d’examiner si le recourant a subi une perte de travail, ce que l’intimé conteste. En l’occurrence, dans le cadre de son opposition du 7 octobre 2020, le recourant a démontré, pièces à l’appui, que le temps de travail réalisé par les collaborateurs de l’étude avait diminué de 47 % pour le mois de mai 2020, en comparaison avec le mois de mai 2019, de 77 % pour le mois de juin 2020, en comparaison avec le mois de juin 2019 et de 38 % pour le mois de juillet 2020, en comparaison avec le mois de juillet 2019. Il a expliqué que les féries judiciaires avaient un impact sur l’activité de l’étude, raison pour laquelle les chiffres étaient moins révélateurs s’agissant du mois de juillet. Les pourcentages de perte de travail allégués par le recourant résultent des relevés d’activités de l’étude (« timesheet ») versés au dossier. Il en ressort notamment que les collaborateurs de l’étude avaient consacré près de 155 heures (9'275 minutes) aux activités de l’étude en mai 2019, alors qu’en mai 2020, les heures travaillées ne s’élevaient qu’à 82 heures (4'935 minutes). S’agissant du mois de juin, les heures travaillées avaient baissé de 150 heures (9'005 minutes) en 2019 à près de 50 heures (2'975 minutes) en 2020. L’existence d’une perte de travail doit partant être admise dans le cas du recourant, à l’instar de ce qui avait été retenu dans les décisions de l’intimé des 30 mars et 17 août 2020.

b. Il convient ensuite d’admettre que les pertes de travail sont consécutives à des mesures prises par les autorités. Il n’est en effet pas contesté que l’activité principale de l’étude consiste à fournir des conseils juridiques à une clientèle genevoise et internationale exclusivement dans le domaine de l’horlogerie, de la bijouterie et de l’industrie du luxe. Or, il est notoire que ces domaines ont connu des reculs de ventes en raison notamment de la fermeture des commerces, de la suppression des vols internationaux et de l’annulation des salons et autres événements de masse. Le ralentissement des affaires dans ces domaines a ainsi entraîné des conséquences directes sur l’activité du recourant, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, dont la liste n’est pas exhaustive, doivent être considérées comme étant réalisées. Or, même dans un tel cas de figure, l’indemnisation est exclue si la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, en particulier en présence d’un risque normal d’exploitation (al. 1 let. a). Par ailleurs, les pertes de travail ne peuvent être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il peut faire répondre un tiers dommage. Comme exposé, cette dernière condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail.

c. S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté, ni contestable, que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle dépassant le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur (cf. Kurt Pärtli, Corona-Verordnungen des Bundesrates zur Arbeitslosenversicherung und zum Erwerbsausfall, in SZS 2020, p. 125). Il convient en effet d’admettre la présence de circonstances exceptionnelles non liées aux risques d’exploitation d’une entreprise.

d. Reste à examiner si, comme le prétend l’intimé, l’employeur aurait pu éviter les pertes de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

En l’occurrence, dans sa demande de préavis du 15 septembre 2020, le recourant a expliqué que, dès le mois de mars 2020, les agendas de l’étude s’étaient vidés rapidement. En raison de l’annulation des foires horlogères, les clients de l’étude avaient fermé leurs usines et magasins et les affaires avaient ralenti, voire cessé. Par ailleurs, avec le confinement en Amérique latine, toutes les activités de l’étude, notamment au Mexique, avaient cessé et les clients ne faisaient plus appel à leur service pour négocier des nouveaux contrats, notamment dans la distribution horlogère. Enfin, les clients fabricants, distributeurs, horlogers et bijoutiers avaient annulé leurs déplacements. Avec les annulations des vols, les restrictions de voyager, la fermeture des frontières et les interdictions de tenir des réunions et des évènements, les clients internationaux ne se déplaçaient plus à Genève et le commerce horloger et de biens de luxe s’était arrêté. L’évolution de l’activité de l’étude était étroitement liée à la situation du marché de luxe international et à l’évolution du marché horloger dans son ensemble.

L’intimé estime pour sa part que le recourant aurait dû essayer d’adapter ses domaines d’activités juridiques et d’élargir ses secteurs de spécialisation aux besoins du marché. Or, contrairement à l’intimé, la chambre de céans ne voit pas quelles mesures appropriées et économiquement supportables l’employeur aurait pu prendre pour éviter la perte de travail. On peut certes attendre d’une étude d’avocats, confrontée à une baisse de son chiffre d’affaires due aux mesures prises par les autorités, qu’elle fasse preuve d’inventivité et redouble d’efforts pour entretenir ses relations avec la clientèle, en proposant, cas échéant, des nouveaux services en lien avec les problématiques soulevées par la crise sanitaire. Or, lorsqu’une étude d’avocats, organisée en petite structure, est spécialisée depuis de nombreuses années dans un domaine très particulier, considérer qu’elle puisse se doter de nouvelles spécialisations n’apparaît pas réaliste. Ce serait perdre de vue que le but de l’indemnité en cas de RHT est principalement de maintenir des emplois en cas de baisse temporaire de l’activité et non d’indemniser les pertes de travail durables. Or, ainsi que le fait valoir le recourant, dès que les mesures des autorités seront assouplies, entraînant ainsi la reprise des vols internationaux, du tourisme et des événements horlogers, les affaires des clients pourront reprendre. Le recourant compte ainsi sur un retour à la normale dès 2021. C’est donc bien une baisse temporaire de l’activité qui est en jeu ici. Le recourant ne se trouve donc pas dans la situation d’une entreprise structurellement inadaptée pour laquelle l’indemnité en cas de RHT n’aurait que pour effet de retarder les adaptations nécessaires. Il fait face à une baisse temporaire de son activité liée à la situation du marché de luxe international et à l’évolution du marché horloger. C’est le lieu de préciser que le recourant, qui pratique très peu la représentation en justice, n’a pas été impacté par la reprise de l’activité judiciaire durant l’été 2020. Dans ces conditions, un changement d’orientation, dont les bénéfices se sentent généralement sur la durée, n’apparaît pas approprié. Outre la concurrence à laquelle elle serait livrée par rapport à d’autres études déjà actives dans les nouveaux domaines de spécialisation, l’étude serait amenée à restructurer son organisation, sa clientèle et ses employés. Or, une adaptation d’une telle ampleur ne saurait être considérée comme une mesure appropriée et économiquement supportable. Les conditions posées par la loi pour lui accorder des indemnités en cas de RHT sont ainsi réunies.

9.        Il convient encore de déterminer la date à partir de laquelle les indemnités peuvent être octroyées, étant précisé que le formulaire de préavis a été transmis le 15 septembre 2020.

Selon l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19 (cf. supra consid. 6b), entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Cette disposition institue ainsi une rétroactivité au sens propre en ce sens que les faits juridiquement déterminants se sont produits avant l’adoption du nouveau droit. Dès lors qu’elle est prévue par une loi fédérale (art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] et qu’elle vise à conférer de nouveaux avantages aux administrés (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., n. 421), il convient de l’appliquer à la situation du recourant (cf. ATAS/364/2021 du 20 avril 2021 consid 7a). Ainsi, dans la mesure où la demande RHT a été formée le 15 septembre 2020, pour des indemnités en cas de RHT à compter du 1er septembre 2020, l’indemnité en cas de RHT doit être accordée dès la date de dépôt de la demande de RHT, soit le 15 septembre 2020. Conformément à l’art. 17b al. 1 de loi COVID-19, l’autorisation est valable pendant six mois. Ainsi, en admettant le recours dans le sens que le principe à une indemnité en cas de RHT est ouvert dès le 15 septembre 2020, il résulte de par la loi applicable que la période couverte par le préavis durait jusqu’au 14 mars 2021.

10.    Le recours sera donc admis et la décision litigieuse modifiée en ce sens que le recourant a droit à l’indemnité en cas de RHT, pour une durée de six mois, à partir du 15 septembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

11.    Le recourant, représenté par un conseil, obtient ainsi gain de cause, de sorte qu’il a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence - en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 19 octobre 2020.

4.        Dit que le recourant a droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, pour une durée de six mois, à partir du 15 septembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

5.        Alloue au recourant, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le