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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4128/2020

ATAS/385/2021 du 27.04.2021 ( AI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4128/2020 ATAS/385/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 avril 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à MEYRIN

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le père) et Madame B______(ci-après : l'assurée ou la mère) se sont mariés en 1994.

2.        Deux enfants sont issus de cette union : C______, né le ______ 1997, et D______, née le ______ 2000.

3.        Les époux se sont séparés en 2009. Par jugement du 21 décembre 2015, l'autorité parentale conjointe a été maintenue sur la mineure D______.

4.        Le 3 mai 2019, l'assurée a déposé une demande de rente auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

5.        Par décision du 12 novembre 2020, l'OAI a octroyé à l'assurée une rente entière de l'assurance-invalidité dès novembre 2019.

6.        Par décision du même jour, notifiée au père des enfants, l'OAI a assorti la rente principale de l'assurée de deux rentes complémentaires en faveur des enfants. En application de l'art. 71ter RAVS la caisse a ordonné le versement des rentes des enfants en mains de leur père, vu qu'il en assumait la garde. Toutefois, l'OAI a retenu la somme de CHF 17'424.-, correspondant aux prestations échues des enfants de novembre 2019 à novembre 2020, dans l'attente de l'instruction complémentaire concernant les pensions alimentaires versées par son ex-épouse durant la période précitée.

7.        Par courriel du 1er décembre 2020 adressé à l'OAI, le père des enfants s'est opposé à cette décision, faisant valoir en substance que les rentes étaient destinées aux enfants et non à leur mère. Or, si cette dernière venait à percevoir ces montants, les enfants ne pourraient pas en bénéficier.

8.        Le 4 décembre 2020, l'OAI a transmis cette écriture à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), comme objet de sa compétence.

9.        Le 4 janvier 2021, l'intéressé a fait parvenir à la chambre de céans une copie signée de son courriel du 1er décembre 2020 ainsi qu'un complément de recours. Dans la mesure où son ex-épouse avait touché son plein salaire pendant une partie de la période litigieuse, elle ne pouvait prétendre à ce que la contribution d'entretien versée jusqu'alors soit réduite en conséquence du versement d'une rente complémentaire. Il a ainsi conclu à ce que les mensualités rétroactives de rentes complémentaires ne soient pas versées à son ex-épouse pour les mois où son revenu, cumulé avec sa rente, avait atteint ou dépassé son salaire habituel. Ces revenus devaient être versés directement aux enfants, « par son intermédiaire ou non ». Pour les mois où la différence entre le salaire habituel de l'assurée et son revenu, cumulé avec la rente, était inférieure à la mensualité rétroactive de la rente complémentaire pour enfant, il demandait à ce qu'uniquement une fraction du salaire lui soit versée. Dans ce cas, le solde de la rente complémentaire devait être versé à ses enfants.

10.    Le 2 mars 2021, l'OAI a produit la réponse de la caisse du 19 février 2021, invitant l'intimé à conclure au rejet du recours et à ce que la chambre de céans confirme que la somme de CHF 17'424.- devait être versée à l'assurée. La caisse a relevé que l'assurée avait été condamnée à verser en mains de leur père une contribution d'entretien de CHF 750.- par mois et par enfant jusqu'à 16 ans, puis de CHF 850.- jusqu'à la fin de leur formation. Or, à l'examen des justificatifs de paiement, produits en annexe, force était de constater que l'assurée s'était acquittée sans discontinuer de son obligation d'entretien de novembre 2019 à novembre 2020. En application de l'art. 71ter al. 2 RAVS, la somme de CHF 17'424.- lui était dès lors intégralement due.

L'OAI a également transmis l'ordonnance de preuve du Tribunal de première instance du 22 février 2021 l'invitant à informer le Tribunal sur la mesure de blocage visant les rentes rétroactives.

11.    Le même jour, l'OAI a transmis l'écriture de la caisse du 2 mars 2021, indiquant que la somme de CHF 17'424.- ne pourrait être libérée qu'à l'issue de la procédure devant la chambre de céans.

12.    Invité à se déterminer sur ces écritures, l'intéressé n'a pas réagi dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

3.        Le litige porte sur les rentes complémentaires pour enfants, en particulier sur la question de savoir si le paiement rétroactif desdites rentes peut être versé à la mère.

4.        a. Aux termes de l'art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).

b. En l'occurrence, en tant que le litige porte sur la détermination de celui des parents auquel le paiement rétroactif des rentes pour enfant devra être versé, la mère des enfants est intéressée à l'issue de la présente procédure. Il sera toutefois renoncé à procéder à son appel en cause au vu de l'issue du présent litige.

5.        Selon l'art. 49 LPGA, l'assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l'intéressé n'est pas d'accord (al. 1). Si le requérant rend vraisemblable un intérêt digne d'être protégé, l'assureur rend une décision en constatation (al. 2).

La décision n'est pas définie dans la LPGA. Elle correspond cependant à la notion de décision au sens de l'art. 5 de la loi sur la procédure administrative (PA - RS 172.021) (ATF 131 V 42 consid. 2.4). Selon cette disposition, sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Cette définition correspond presque exactement à celle prévue en droit cantonal, contenue à l'art. 4 al. 1 LPA, dont la teneur est la suivante : sont considérées comme des décisions au sens de l'article 1, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

6.        a. Aux termes de l'art. 35 al. 1 LAI, les hommes et les femmes qui peuvent prétendre une rente d'invalidité ont droit à une rente pour chacun des enfants qui, au décès de ces personnes, auraient droit à la rente d'orphelin de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS).

Les rentes de l'assurance-invalidité n'ont pas pour but d'assurer l'entretien de leurs seuls bénéficiaires, mais aussi de subvenir à celui de leur famille. Si le rentier de l'assurance-invalidité est certes le créancier de ces prestations, il n'en demeure pas moins que les rentes complémentaires pour le conjoint et les enfants sont destinées uniquement à permettre l'entretien de ces derniers, ainsi que l'éducation des enfants (ATF 119 V 425 consid. 4a). La rente complémentaire est ainsi destinée à l'entretien de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_339/2009 du 1er février 2010 consid. 1.1).

L'art. 35 al. 4 LAI et l'art. 22ter al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) ont une formulation identique. Ils prévoient que les rentes pour enfants sont versées comme la rente à laquelle elles se rapportent. Les dispositions relatives à un emploi de la rente conforme à son but (art. 20 LPGA) ainsi que les décisions contraires du juge civil sont réservées. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions spéciales sur le versement de la rente, en dérogation à l'art. 20 LPGA, notamment pour les enfants de parents séparés ou divorcés.

b. L'art. 71ter RAVS prévoit que lorsque les parents de l'enfant ne sont pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la rente pour enfant est versée sur demande au parent qui n'est pas titulaire de la rente principale si celui-ci détient l'autorité parentale sur l'enfant avec lequel il vit. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée (al. 1). L'al. 1 est également applicable au paiement rétroactif des rentes pour enfant. Si le parent titulaire de la rente principale s'est acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de son enfant, il a droit au paiement rétroactif des rentes jusqu'à concurrence des contributions mensuelles qu'il a fournies (al. 2). La majorité de l'enfant ne modifie pas le mode de versement appliqué jusque-là, sauf si l'enfant majeur demande que la rente pour enfant lui soit versée directement. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée (al. 3).

La règle prévue à l'art. 71ter al. 2, 2ème phrase, RAVS vise à éviter que lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est effectivement acquitté, les arriérés de la rente pour enfant soient versés à l'enfant. Ceci conduirait en effet à une surindemnisation discutable au regard du but de la rente complémentaire pour enfant, qui tend à alléger le devoir d'entretien du débiteur devenu invalide et à compenser la diminution du revenu de son activité, et non à enrichir le bénéficiaire de l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 840/04 du 28 décembre 2005 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a interprété l'art. 71ter al. 2 1ère phr. RAVS en ce sens qu'il autorise également le paiement rétroactif des rentes pour enfants en mains du parent non bénéficiaire de la rente principale, lorsqu'il est établi que les enfants ont vécu de manière durable et stable chez ce parent et que celui-ci a assumé effectivement leur entretien et leur éducation durant cette période (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 364/05 du 19 juin 2006 consid. 4.2).

L'application de la règle prévue à l'art. 71ter al. 2, 2ème phrase, RAVS (en lien avec l'art. 285a al. 2 CC) suppose qu'une contribution d'entretien ait été fixée par le juge (ATF 145 V 154 consid. 3.2 et 4.3).

7.        En l'occurrence, la décision entreprise statue sur le droit de l'assurée à des rentes complémentaires simples pour enfants et en fixe le montant, ainsi que la date à partir de laquelle celles-ci sont dues. La décision prévoit également que les rentes pour enfants doivent être versées sur le compte bancaire de leur père, étant précisé que le sort du montant rétroactif de CHF 17'424.-, correspondant aux prestations échues des enfants de novembre 2019 à novembre 2020, sera décidé ultérieurement, après instruction complémentaire concernant les pensions alimentaires versées par l'ex-épouse du recourant.

En cela, la décision renvoie l'examen du versement du montant rétroactif des rentes pour enfants à une décision ultérieure. Dans ces conditions, force est de retenir que l'intimé n'a pas rendu de décision définitive sur la détermination de celui des parents auquel le paiement rétroactif devra être versé, se limitant à signifier au recourant qu'une instruction complémentaire serait menée. Partant, en tant qu'il porte uniquement sur le paiement rétroactif des rentes pour enfants à leur mère, le recours - prématuré - est irrecevable.

La chambre de céans observe, à toutes fins utiles, que si, comme le prétend la caisse dans son écriture du 19 février 2021, la mère des enfants a effectivement été condamnée à verser une contribution d'entretien vis-à-vis de ses enfants par décision du juge et que lesdites contributions ont été acquittées pendant la période déterminante, elle remplirait alors les conditions posées par l'art. 71ter al. 2 RAVS relatives au paiement rétroactif des rentes pour enfants. Elle aurait donc droit au versement des arriérés des rentes allouées du novembre 2019 à novembre 2020 jusqu'à concurrence des contributions mensuelles qu'elle a fournies. Si celles-ci s'avéraient plus élevées que les rentes complémentaires mensuelles, son droit porterait alors sur la totalité des arriérés pour la période en cause. Quoi qu'en dise le recourant, le but de l'art. 71ter al. 2, 2ème phrase, RAVS est d'éviter que lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est effectivement acquitté, les arriérés de la rente pour enfant soient versés à l'enfant. La rente complémentaire pour enfant vise, en effet, à alléger le devoir d'entretien du débiteur devenu invalide et non à enrichir le bénéficiaire de l'entretien.

8.        Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du recours.

Limitée à la question du mode de paiement des rentes pour enfants, la procédure ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations (ATF 129 V 362 consid. 2 et 7), de sorte qu'elle est gratuite (cf. art. 69 al. 1bis LAI a contrario).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le

 

 

 

 

 

 

 

Copie pour information à Madame Maria CAPOCETTI.