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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1918/2020

ATAS/391/2021 du 28.04.2021 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1918/2020 ATAS/391/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 avril 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), ressortissant suisse né le ______ 1963 en Colombie, marié et père de deux enfants majeurs, a vécu en Colombie jusqu'en 1996, avant de s'installer à Miami, aux États-Unis. Il est arrivé en Suisse le 9 juillet 2016, en provenance de Miami.

2.        Le 27 mai 2019, l'assuré a déposé auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) une demande de prestations d'invalidité, dans laquelle il a invoqué un trouble dépressif sévère, un éthylisme chronique, un emphysème pulmonaire et une stéatose hépatique. À la question de savoir depuis quand ces atteintes existaient, il a répondu « > 40 ans ». Il a précisé qu'il était suivi par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, et la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Il a également indiqué être assisté par l'Hospice général.

3.        À la demande de l'OAI, le Dr B______ a complété un rapport le 14 juin 2019, dans lequel a indiqué suivre l'assuré depuis le 10 août 2016. L'intéressé était connu pour un trouble anxio-dépressif sévère chronique et une dépendance à l'alcool. S'agissant des antécédents médicaux, il existait un éthylotabagisme, un trouble anxio-dépressif sévère, un emphysème pulmonaire et une stéatose hépatique. Les diagnostics avaient été posés de nombreuses années auparavant. S'agissant des constatations cliniques, l'assuré présentait une apathie, une anhédonie sévère, un fort trouble anxieux, une sédation et de forts troubles de la concentration. La capacité de travail était nulle depuis le 10 août 2016, ceci pour une durée indéterminée. À son avis, le patient ne pourrait jamais reprendre d'activité professionnelle, vu la sévérité des psychopathologies.

4.        Invitée à répondre à un questionnaire de l'OAI, la Dresse C______ a également rédigé un rapport le 4 juillet 2019. Elle a retenu les diagnostics d'état dépressif récurrent (F33) et de dépendance à l'alcool (F10.23). D'un point de vue strictement psychiatrique, l'atteinte se répercutant sur la capacité de travail était la dépendance à l'alcool, étant précisé que l'assuré était abstinent depuis trois mois. S'agissant de l'anamnèse, l'assuré était né en Colombie, dans une fratrie de trois enfants. À l'âge de 6 ans, ses parents s'étaient séparés et il avait dû travailler pour aider sa mère, qui s'occupait seule des quatre enfants. L'assuré avait pu terminer le cycle primaire et secondaire, tout en travaillant. Deux de ses frères étaient décédés, l'un s'étant suicidé en Suisse, l'autre ayant succombé des suites d'un lupus érythémateux non traité. L'assuré avait été dépendant à un opiacé (Percoctan) pendant plusieurs années. Il était père de deux enfants, et sa première fille était restée vivre avec sa mère. À l'âge de 32 ans, l'assuré était parti aux États-Unis avec son frère et sa mère, où il avait acheté une maison. À plusieurs reprises, il avait subi des épisodes de dépression, avec hospitalisations en Colombie. Après être resté aux États-Unis pendant 19 ans, l'assuré avait décidé de venir en Suisse, lorsqu'un diagnostic d'Alzheimer avait été posé chez sa mère, en 2016. S'agissant du status psychiatrique, l'assuré avait une thymie triste, des difficultés à sa projeter dans l'avenir, ainsi que des préoccupations (maladie grave de sa mère, difficultés économiques, difficultés d'intégration sociale, solitude). En outre, il se plaignait de troubles de l'attention et de la concentration. L'assuré ne parvenait pas à avoir une activité régulière, mais il pouvait s'occuper de son ménage et prenait soin de sa mère, malade. Il gérait les tâches administratives de la famille et participait à un atelier de bois en guise de loisir. S'agissant des limitations fonctionnelles, l'assuré présentait des fluctuations de l'humeur, des douleurs articulaires, et était limité dans ses efforts, en raison de problèmes cardiaques et respiratoires (l'assuré avait repris le tabac en arrivant à Genève et fumait dix cigarettes par jour). À la question de savoir quelle était la capacité de travail de l'assuré dans une activité strictement adaptée à ses limitations, la Dresse C______ a répondu qu'elle était de 20%, dans un atelier protégé. S'agissant de l'histoire de la consommation de toxiques, la psychiatre a indiqué qu'elle était problématique depuis la jeunesse. L'assuré avait subi une première hospitalisation pour un problème d'alcool, puis eu une période d'abstinence durant ses années à Miami, avant de subir une rechute en arrivant en Suisse. Il avait été dépendant au Percoctan durant 9 ans en Colombie. Sa dépendance aux toxiques avait entraîné des troubles de la mémoire, de l'attention et de la concentration.

5.        Le 24 juin 2019, une collaboratrice de l'Hospice général a rempli un questionnaire destiné à l'OAI. L'assuré était suivi par l'Hospice général depuis le 1er août 2016. La dernière activité rémunérée était celle de propriétaire d'une société de décoration d'intérieur et de nettoyage, à Miami, à un taux de 100%. L'assuré avait cessé cette activité en 2016. En effet, la société était déclarée aux États-Unis, mais l'assuré n'avait pas obtenu de permis de séjour lui permettant de rester sur place. La capacité de travail de l'assuré paraissait nulle, depuis son arrivée à l'Hospice général.

6.        Dans un bref rapport intermédiaire daté du 29 octobre 2019, le Dr B______ a confirmé le diagnostic avec effet sur la capacité de travail de trouble dépressif sévère, existant depuis le début du suivi en 2016 et « présent depuis de nombreuses années ». L'état de santé de l'assuré était stationnaire et sa capacité de travail dans une activité adaptée restait nulle. Les limitations constatées étaient des troubles de la concentration et une fatigabilité, notamment. Le Dr B______ a joint à son rapport une liste détaillant les médicaments prescrits à l'assuré.

7.        Dans un rapport intermédiaire daté du 6 novembre 2019, la Dre C______ a indiqué que l'état de santé s'était aggravé. L'assuré ne travaillait plus depuis le mois de janvier 2016. La situation s'était aggravée davantage depuis le décès de sa mère, le 13 août 2019. La problématique liée à la consommation d'alcool restait d'actualité. Actuellement, l'assuré suivait une psychothérapie et un traitement médicamenteux. La capacité de travail était nulle dans le poste de travail occupé en tant qu'« employé de la construction ». À la question de savoir depuis quand l'aggravation était devenue manifeste et avait influencé négativement la capacité de travail, la Dre C______ a répondu que la capacité de travail était déjà compromise en 2016. Actuellement, il n'existait pas de possibilité de retour au travail.

8.        Dans un rapport final daté du 22 février 2020, la docteure D______, du service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a retenu les diagnostics avec effet sur la capacité de travail d'état dépressif récurrent (F33) et de dépendance à l'alcool (F102.3) avec séquelles (troubles de la mémoire, de l'attention et de la concentration). Elle a également mentionné un emphysème pulmonaire, une coronaropathie et une stéatose hépatique, sans effet sur la capacité de travail. Elle a rappelé que, selon le rapport de la Dre C______, l'assuré avait été hospitalisé par le passé à plusieurs reprises en milieu psychiatrique. L'assuré était parti avec sa mère et son frère aux États-Unis à l'âge de 32 ans, où il était resté pendant 19 ans. Par la suite, il avait décidé de venir en Suisse. Il n'avait pas d'activités régulières. Selon sa psychiatre, sa capacité de travail était de 20%, dans un atelier protégé. Sa consommation d'alcool était secondaire à sa souffrance psychique, elle-même due à des difficultés personnelles. Toujours selon sa psychiatre, sa dernière rechute était survenue lorsqu'il était arrivé en Suisse, en 2016. De son côté, le Dr B______ avait indiqué dans son rapport de juin 2019 que la situation n'avait pas changé, depuis la prise en charge de l'assuré en 2016 ; ce médecin avait par ailleurs estimé que la capacité de travail était nulle. S'agissant des atteintes somatiques, son médecin avait indiqué lors d'un entretien téléphonique qu'elles n'étaient pas incapacitantes. Le problème principal était lié à une consommation d'alcool (OH) de longue date, avec des séquelles irréversibles. S'agissant du début de l'incapacité de travail durable, la Dre D______ a indiqué qu'elle remontait à « avant 2016 ».

9.        Selon un extrait de compte individuel AVS daté du 26 mars 2020, l'assuré a cotisé auprès de l'AVS/AI en tant que personne sans activité lucrative depuis le mois de juillet 2016, soit depuis son arrivée en Suisse.

10.    Par décision du 2 juin 2020, confirmant un préavis daté du 3 avril 2020, l'OAI a refusé d'accorder à l'assuré une rente d'invalidité et des mesures d'ordre professionnel. Il ressortait de l'instruction que l'intéressé était totalement incapable d'exercer la moindre activité professionnelle « depuis avant 2016 ». Compte tenu de cette totale incapacité de travail, le droit aux mesures d'ordre professionnel n'était pas reconnu. S'agissant de la rente, elle ne pouvait être accordée que si les conditions d'assurance étaient réunies, c'est-à-dire si, au moment de la survenance de l'invalidité, l'assuré comptait au moins trois années de cotisations. En l'occurrence, l'assuré présentait un degré d'invalidité de 100% à l'issue du délai de carence d'un an, en 2016. Toutefois, au moment de la survenance de l'invalidité, en janvier 2016, il n'avait pas cotisé pendant au moins trois ans et ne pouvait donc prétendre à une rente. Par ailleurs, une rente extraordinaire d'invalidité destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces n'entrait pas en ligne de compte dans sa situation.

11.    Par acte du 30 juin 2020, complété le 23 juillet 2020, l'assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d'un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l'OAI pour instruction complémentaire.

En premier lieu, il a fait valoir que l'OAI avait fixé le point de départ du délai de carence d'un an de manière imprécise en estimant qu'il avait débuté « avant 2016 ». Le SMR s'était fondé sur deux brefs rapports du Dr B______, qui indiquaient simplement que, depuis que le recourant avait été pris en charge, le 10 août 2016, il présentait une incapacité de travail. Le Dr B______ avait précisé que l'atteinte était présente depuis de nombreuses années, sans pour autant pouvoir se prononcer sur le taux de l'incapacité de travail et sur son début ainsi que sa fin. Or, le recourant soulignait qu'il avait travaillé dans son entreprise jusqu'à son départ pour la Suisse et que cet élément de fait contredisait l'incapacité de travail retenue par le SMR.

En deuxième lieu, il a reproché à l'OAI de ne pas avoir tenu compte du fait qu'il avait travaillé aux États-Unis avant son arrivée en Suisse. Or, la Suisse était liée aux États-Unis par une convention de sécurité sociale, qui s'appliquait dans son cas. Cette convention prescrivait que, lorsque les périodes d'assurances accomplies par une personne selon la législation suisse ne permettaient pas, à elles seules, de remplir les conditions requises pour avoir droit à une rente ordinaire de l'assurance-invalidité suisse, l'institution d'assurance tenait compte, afin de déterminer la naissance du droit aux prestations, des périodes accomplies selon la législation des États-Unis, pour autant qu'elles ne se superposent pas aux périodes d'assurance accomplies selon la législation suisse. En l'occurrence, l'office avait omis de vérifier si les périodes d'assurance accomplies selon la législation américaine permettaient d'atteindre les trois années de cotisations nécessaires et donc d'ouvrir droit à une rente. Comme l'OAI n'avait pas instruit cet aspect, la décision se révélait erronée pour ce motif également.

Enfin, le recourant relevait que, selon la convention, le cumul des périodes d'assurance américaines avec les périodes suisses n'était possible que si celles accomplies selon la législation suisse étaient d'au moins un an. Or, il avait travaillé aux États-Unis jusqu'en juillet 2016 et son incapacité de travail avait été médicalement constatée, pour la première fois, en août 2016, de sorte qu'à l'échéance du délai d'attente d'un an, en août 2017, il était obligatoirement assuré auprès de l'assurance-invalidité depuis plus d'une année. Le recourant en concluait qu'il avait droit à une rente d'invalidité, dont le montant restait à déterminer, de sorte qu'il se justifiait de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il complète l'instruction.

12.    Dans sa réponse du 24 août 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours. Le recourant avait déposé sa demande en mai 2018, en indiquant souffrir d'un trouble dépressif sévère, d'un éthylisme chronique, d'un emphysème pulmonaire et d'une stéatose hépatique, tout en précisant que l'atteinte existait depuis plus de 40 ans. Dans son rapport de juin 2019, puis dans un rapport subséquent rendu en octobre 2019, le Dr B______ avait indiqué que le recourant - suivi depuis le 10 août 2016 - était connu pour un trouble anxio-dépressif sévère chronique et une dépendance à l'alcool. Le Dr B______ avait précisé que les diagnostics avec effet sur la capacité de travail étaient présents depuis de nombreuses années. De son côté, la Dre C______ avait fait état de problèmes de dépendance durables ainsi que de plusieurs épisodes de dépression, avec hospitalisations en Colombie. Dans son rapport de novembre 2019, cette psychiatre avait précisé que le recourant ne travaillait plus depuis janvier 2016 et que sa capacité de travail était déjà compromise en 2016. Par ailleurs l'Hospice général avait indiqué que le recourant avait dû mettre fin à son activité indépendante à Miami, faute d'avoir obtenu un permis de séjour lui permettant de rester sur le territoire. Le SMR avait jugé qu'au vu des indications données par les médecins du recourant, l'incapacité de travail était totale, dans toute profession. Le SMR avait fixé le début de l'incapacité de travail durable à « avant 2016 ». Sur la base de ces éléments, l'office avait considéré, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les atteintes incapacitantes étaient antérieures à l'arrivée en Suisse du recourant. Selon les médecins traitants, les troubles dépressifs et les problèmes de dépendance étaient présents depuis plusieurs années, ce que confirmaient les données anamnestiques. L'office maintenait que les conditions d'assurance n'étaient pas remplies.

13.    Le recourant a répliqué le 16 septembre 2020, persistant dans ses conclusions. Selon la jurisprudence, le cas d'assurance survenait au moment où l'assuré avait présenté une incapacité de travail d'au moins 40% en moyenne depuis une année sans interruption notable et où une incapacité de gain d'au moins 40% perdurait à l'issue du délai d'attente. En l'occurrence, les seuls éléments sur lesquels l'office s'appuyait étaient les déclarations de ses médecins traitants, qui avaient estimé que ses atteintes étaient antérieures à son arrivée en Suisse. Cela ne démontrait pas encore la survenance d'une invalidité. En outre, l'office intimé n'avait pas rendu vraisemblable qu'avant le 10 août 2016, il avait présenté une incapacité de travail d'au moins 40% pendant une année. L'intimé n'avait pas démontré non plus qu'une incapacité de gain aurait existé avant 2016. Au demeurant, l'office intimé n'avait recueilli aucun renseignement sur sa situation médicale, respectivement financière avant l'année 2016. Il paraissait surprenant que l'intimé affirme, de manière péremptoire, que l'invalidité était antérieure à son arrivée en Suisse. Enfin, le recourant précisait qu'il était dans l'attente de documents comptables des États-Unis et qu'il les transmettrait à la juridiction cantonale dès qu'il les aurait reçus.

14.    Par pli du 15 février 2021, la CJCAS a invité le recourant à produire des pièces démontrant l'exercice, jusqu'en 2016, d'une activité lucrative soumise à cotisations aux États-Unis.

15.    Le 19 mars 2021, le recourant a transmis à la CJCAS les documents suivants :

-            Un document intitulé « certificate of election to be exempt from Florida worker's compensation law », qui lui a été délivré le 26 novembre 2010 en lien avec l'entreprise « E______» ;

-            un rappel de paiement daté du 7 décembre 2015, qui lui a été adressé par le département du Trésor des États-Unis et concernait un arriéré d'impôt pour l'année 2006 (« reminder of overdue tax for 2006 ») ;

-            la copie d'une carte VISA « business debit card », émise par la banque Chase et valable jusqu'au mois d'octobre 2014.

16.    Invitée par la CJCAS à répondre à un questionnaire, la Dresse C______ a rédigé un rapport le 26 mars 2021, après s'être entretenue avec l'assuré le 12 mars 2021.

À la question de savoir sur quels éléments elle s'était fondée pour conclure que la capacité de travail du recourant était déjà compromise en 2016, la psychiatre a répondu qu'en 2016, l'intéressé travaillait dans une entreprise avec son frère et avait donc une activité régulière, même si celle-ci était diminuée, dans la mesure où des problèmes familiaux étaient apparus, notamment le fait qu'une maladie d'Alzheimer avait été diagnostiquée chez sa mère, dont il s'occupait. Le patient affirmait avoir été abstinent à ce moment-là, même s'il poursuivait un traitement anxiolytique, neuroleptique et antidépresseur, qui lui avait été prescrit dans un dispensaire sanitaire pour les personnes sans papiers.

Répondant à la question de savoir si le recourant souffrait déjà d'un état dépressif récurrent et d'une dépendance à l'alcool réduisant sa capacité de travail à l'époque où il vivait aux États-Unis, la Dresse C______ a exposé que l'intéressé souffrait d'un état dépressif récurrent de longue date et que la symptomatologie liée à cette atteinte pouvait disparaître et réapparaître à différentes périodes de la vie. La problématique de dépendance à l'alcool avait également été présente à différentes époques de sa vie, y compris actuellement. Elle ne pouvait se fonder que sur les dires du patient, qui affirmait qu'en 2016, il était abstinent.

À la question de savoir quels motifs avaient conduit à la cessation d'une activité lucrative aux États-Unis, la psychiatre a répondu que son patient avait cessé de travailler dès les premiers mois de 2016 en raison de la situation économique du pays, de la situation d'inégalité, des exigences du gouvernement américain concernant la régularisation des sans-papiers et de l'aggravation de la maladie de sa mère. Son frère et lui-même avaient décidé de liquider leur entreprise de ménage et de restauration de bâtiments en Floride, et ils avaient réuni l'argent nécessaire pour payer les billets d'avion, afin que la famille puisse venir en Suisse où sa mère pourrait être suivie.

Répondant à la question de savoir quelle était la capacité de travail du recourant avant son départ pour la Suisse, en juin-juillet 2016, la psychiatre a indiqué qu'en juillet 2016, soit lors des premiers entretiens à sa consultation, le patient était totalement incapable de travailler, en raison d'une symptomatologie dépressive et de la consommation d'alcool qu'il présentait à ce moment.

À la question de savoir si le taux de la capacité de travail du recourant avait évolué depuis son arrivée en Suisse, la Dresse C______ a répondu que sa capacité de travail n'avait pas évolué, puisque la problématique de l'alcool demeurait présente, malgré différentes tentatives de sevrage. En outre, le patient se plaignait d'une symptomatologie douloureuse au niveau dorso-lombaire, qui l'empêchait d'intégrer des programmes de réinsertion (par exemple auprès de PRO, entreprise sociale privée, ou de la fondation Trajets). Enfin, comme la patient ne parlait pas le français mais l'espagnol - sa langue maternelle -, cela empêchait son intégration dans des programmes de prévention des rechutes ou dans des établissements de soins pour sa dépendance à l'alcool.

Répondant à la question de savoir si elle était d'accord avec le point de vue du SMR - selon lequel l'incapacité de travail du recourant avait débuté « avant 2016 » - la Dresse C______ a indiqué que, compte tenu du fait que le recourant souffrait de deux problématiques psychiques chroniques (épisode dépressif récurrent et consommation d'alcool), l'incapacité de travail aurait pu être présente avant 2016. Il n'y avait cependant pas de document ou de rapport médical des États-Unis permettant de confirmer ou d'infirmer cette supposition. En effet, lorsqu'il vivait aux États-Unis, le patient n'avait pas de médecin de famille, mais recevait des soins dans des dispensaires pour les migrants en situation irrégulière.

17.    Le rapport rédigé par la Dresse C______ et les pièces fournies par le recourant ont été transmises aux parties, pour information, le 1er avril 2021.

18.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.        Le litige porte sur le droit de l'assuré à une rente d'invalidité, plus particulièrement sur le point de savoir à quand remonte la survenance de son invalidité.

4.        L'art. 36 LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008, prescrit que le droit à une rente ordinaire naît seulement si l'assuré compte au moins trois années de cotisation au moment de la survenance de l'invalidité. Jusqu'au 31 décembre 2007, seule une année de cotisation était exigée. La durée minimale de cotisations de trois années vaut pour toutes les nouvelles rentes d'invalidité pour lesquelles la réalisation du cas d'assurance (survenance de l'invalidité) est intervenue à compter de l'entrée en vigueur de la 5ème révision de l'AI. Ce n'est à cet égard pas la date du prononcé de l'office AI ou de la décision qui est déterminante (Office fédéral des assurances sociales, Directives concernant les rentes de l'assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale [ci-après : DR], état au 1er janvier 2021, ch. 3004).

En application des principes figurant aux art. 29 al. 1 LAVS et 50 RAVS, la condition de durée minimale de cotisations de trois années est réalisée lorsque la personne a été assurée obligatoirement ou facultativement pendant plus de deux années et onze mois au total. Cette condition est considérée comme étant réalisée lorsque durant cette période : elle a versé la cotisation minimale, ou en tant que personne sans activité lucrative, elle était mariée ou vivait sous le régime du partenariat enregistré avec une personne qui a versé au moins le double de la cotisation minimale, ou encore elle a droit à la prise en compte de bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance.

La condition de la durée minimale de cotisations doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité. Les périodes accomplies après ce terme n'entrent pas en ligne de compte (RCC 1959, p. 449). La continuité de la durée minimale de cotisations ne constitue pas une nécessité. Les diverses périodes de cotisations sont additionnées. Lorsqu'au regard de l'extrait de compte individuel AVS, la caisse de compensation ne peut établir la présomption selon laquelle la personne requérante satisfait à la condition de durée minimale de cotisations, elle devra vérifier si cette dernière est remplie au moyen des documents en sa possession (dossier, attestations de l'employeur, pièces officielles, etc). La personne ayant droit la prestation est tenue d'apporter elle-même la preuve qu'elle satisfait à cette condition, en produisant les certificats et attestations nécessaires, notamment en ce qui concerne sa durée de domicile et d'activité en Suisse (ch. 4204 ss DR).

L'art. 39 LAI réserve le droit à une rente extraordinaire aux citoyens suisses et aux étrangers qui remplissaient déjà les conditions de l'art. 9 al. 3 LAI lorsqu'ils étaient enfants.

5.        Aux termes de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l'invalidité doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance. La LAI ne repose pas sur une notion uniforme du cas d'assurance. Celui-ci doit être envisagé et déterminé par rapport à chaque prestation entrant concrètement en ligne de compte (« System des leistungsspezifischen Versicherungsfalles ») : il convient d'examiner pour chaque prestation pouvant entrer en considération selon les circonstances, au sens de l'art. 4 al. 2 LAI, quand l'atteinte à la santé est susceptible, de par sa nature et sa gravité, de fonder le droit à la prestation particulière (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités ; MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenver-sicherung, 3ème éd. 2014, n. 140 ad art. 4). S'agissant du droit à une rente, la survenance de l'invalidité correspond au moment où celui-ci prend naissance, en application de l'art. 29 al. 1 LAI, soit dès que l'assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins ou dès qu'il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable, mais au plus tôt le 1er jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de l'assuré (art. 29 al. 2 LAI ; ATF 126 V 59 consid. 2b et références citées).

Lorsque l'invalidité, qui est préexistante à l'arrivée de l'assuré en Suisse ou au moment où il remplit les conditions relatives aux cotisations ou à la résidence pour bénéficier des prestations de l'assurance-invalidité, a été interrompue ultérieurement de façon notable, il y a lieu d'admettre un nouveau cas d'assurance. Le Tribunal fédéral a expliqué dans un arrêt du 27 juillet 1966 qu'une seule et même cause médicale peut entraîner au cours du temps plusieurs survenances d'invalidité. Le principe de l'unité ne saurait être absolu : il cesse manifestement d'être applicable lorsque l'invalidité subit des interruptions notables ou que l'évolution de l'état ne permet plus d'admettre l'existence d'un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveaux de survenance de l'invalidité (ATFA 1966 p. 175 ss, p. 179 consid. 4). Un nouveau cas d'assurance a été nié pour une assurée qui avait certes repris une activité lucrative pendant sept mois environ, mais qui était fréquemment absente en raison de maladie ou pour un assuré qui n'avait jamais réellement pu se réinsérer dans la vie professionnelle, car sa maladie (asthme) se décompensait à chaque fois qu'il débutait une activité (cf. ATF 126 V 10 consid. 2c ; ATFA non publié du 13 janvier 2004 I 54/03 consid. 3).

6.        La Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique (ci-après: la convention ; RS 0.831.109.336.1) entrée en vigueur le 1er août 2014, s'applique en Suisse à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) et à la LAI (art. 2 par. 1 let. a). À titre de disposition transitoire, la convention prévoit son application également aux évènements concernant des droits relevant de la LAVS et de la LAI, survenus avant son entrée en vigueur. Elle institue notamment, sous réserve de dispositions contraires intrinsèques, l'égalité de traitement entre ressortissants des deux Etats (art. 4), ainsi que le principe de totalisation à son art.14, qui est rédigé en ces termes :

1 Lorsque les périodes d'assurance accomplies par une personne selon la législation suisse ne permettent pas, à elles seules, de remplir les conditions requises pour avoir droit à une rente ordinaire de l'assurance-invalidité suisse, l'institution d'assurance tient compte, afin de déterminer la naissance du droit aux prestations, des périodes d'assurance accomplies selon la législation des États-Unis, pour autant qu'elles ne se superposent pas aux périodes d'assurance accomplies selon la législation suisse.

2 Si les périodes d'assurance accomplies selon la législation suisse sont inférieures à un an, le par. 1 ne s'applique pas.

3 Le montant des prestations est déterminé uniquement sur la base des périodes d'assurance accomplies selon la législation suisse. Le calcul s'effectue en vertu de la législation suisse.

En vertu de la convention, une personne qui a cotisé en Suisse au moins un an (seuil minimal) et qui remplit les conditions pour avoir droit à une rente de l'assurance-invalidité, mais n'a pas trois années d'assurance en Suisse, peut faire valoir des périodes d'assurance américaines pour ouvrir le droit à la rente suisse (Message du Conseil fédéral concernant l'approbation de la convention de sécurité sociale révisée entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique, FF 2013 2970).

L'entraide administrative est prévue à l'art. 20 de la convention. Selon cette norme, les autorités compétentes, ainsi que les organismes des Etats contractants, se prêtent réciproquement leurs bons offices pour l'application de la présente convention, dans les limites de leur compétence.

L'arrangement administratif concernant les modalités d'application de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique (RS 0.831.109.336.11), entré en vigueur le 1er août 2014, précise à son art. 6 al. 1 que l'organisme d'un Etat contractant transmet, sur demande de l'organisme de l'autre Etat contractant, toute information disponible concernant la requête d'un intéressé nécessaire à l'application de la convention [...]. L'art. 8 al. 3 de l'arrangement administratif stipule que sur demande, l'organisme de l'un des Etats contractants doit fournir gratuitement à l'organisme de liaison de l'autre Etat contractant toute information de nature médicale et tout document en sa possession en rapport avec l'invalidité du requérant ou du bénéficiaire. Enfin, selon l'art. 2 de l'arrangement administratif, les organismes de liaison sont : a. pour les Etats-Unis, l'Administration de la Sécurité sociale (« Social Security Administration ») ; et b. pour la Suisse, la Caisse suisse de compensation et l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger.

7.        En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 352 ss consid. 3).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

8.        En l'espèce, l'intimé a estimé que l'atteinte à la santé entraînant l'incapacité de travail du recourant était antérieure à l'entrée en Suisse de celui-ci, en juillet 2016, de sorte qu'au moment de la survenance de l'invalidité, l'intéressé ne totalisait pas trois ans de cotisations, comme l'exigeait l'art. 36 al. 1 LAI. Il ne pouvait donc prétendre à une rente ordinaire d'invalidité. Il ne pouvait pas non plus prétendre à une rente extraordinaire d'invalidité, destinée aux personnes handicapées de naissance.

De son côté, le recourant reproche à l'OAI d'avoir situé le début de son incapacité de travail - et donc le point de départ du délai de carence d'un an - de manière imprécise en estimant que cette incapacité avait débuté « avant 2016 ». Il allègue avoir travaillé dans son entreprise aux États-Unis jusqu'à son départ pour la Suisse, en juillet 2016, ce qui contredirait les constatations de l'OAI et du SMR relatives au début de son incapacité de travail. Il ajoute que son incapacité de travail a été constatée médicalement, pour la première fois, par le Dr B______ en août 2016, de sorte qu'à l'échéance du délai d'attente d'un an, en août 2017, il était assuré auprès de l'assurance-invalidité depuis plus d'une année. Enfin, il reproche à l'OAI de ne pas avoir tenu compte, dans le calcul de la durée de cotisation nécessaire, des périodes d'assurances qu'il a accomplies aux États-Unis, conformément à ce que prévoit l'art. 14 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les États-Unis (cf. supra consid. 6).

9.        Dans la mesure où le recourant se prévaut, sur la base de la convention précitée, de périodes d'assurance accomplies aux États-Unis, la chambre de céans relève d'emblée que celles-ci ne pourraient être cumulées aux périodes d'assurance accomplies en Suisse que pour autant que l'intéressé ait cotisé en Suisse pendant au moins une année au moment de la survenance de l'invalidité (art. 14 par. 2 de la convention ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois AI 337/15 du 26 avril 2016 consid. 3d ; Message du Conseil fédéral concernant l'approbation de la convention de sécurité sociale révisée entre la Confédération suisse et les États-Unis d'Amérique, FF 2013 2970). Cela signifie que la prise en considération de périodes d'assurances accomplies aux États-Unis ne pourrait intervenir que si l'incapacité de travail du recourant avait débuté postérieurement à son arrivée en Suisse, le 9 juillet 2016, et donc au moment où il a commencé à cotiser en Suisse. En effet, ce n'est que dans cette hypothèse-là que l'intéressé pourrait avoir cotisé en Suisse pendant au moins une année au moment de la survenance de l'invalidité.

L'issue du litige dépend donc du point de savoir depuis quand les atteintes à la santé du recourant ont entraîné une incapacité de travail de 40 % au moins pendant une année sans interruption notable. Une fois déterminée la date de la survenance de l'invalidité, il convient encore d'examiner si la condition de la durée de cotisations de trois ans est réalisée.

10.    a. Le médecin du SMR a déduit des rapports des médecins traitants et d'un entretien téléphonique avec le Dr B______ (dont il est apparemment ressorti que le recourant consommait de l'alcool « de longue date »), que l'incapacité de travail du recourant était survenue « avant 2016 », c'est-à-dire avant son arrivée en Suisse.

b. Toutefois, la chambre de céans constate que cette opinion ne correspond pas aux appréciations émises par les médecins traitants dans cette affaire. En ce qui concerne tout d'abord le Dr B______, il a certifié une capacité de travail nulle depuis le début de son suivi, c'est-à-dire depuis le 10 août 2016 - donc postérieurement à l'arrivée en Suisse du recourant -, mais sans s'exprimer sur la période antérieure au début de sa prise en charge (cf. rapport du 14 juin 2019). Certes, le Dr B______ a indiqué, dans de brefs rapports ne satisfaisant de toute évidence pas aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3), que les diagnostics (trouble anxio-dépressif sévère, éthylotabagisme, emphysème pulmonaire et stéatose hépatique) avaient été posés depuis « de nombreuses années » et que le recourant consommait de l'alcool « de longue date », mais cela ne permet pas encore de situer la survenance de l'invalidité au sens de l'art. 4 al. 2 LAI, qui ne saurait être assimilée à celle des atteintes à la santé, mais correspond au moment où l'assuré a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable (cf. supra consid. 6). Autrement dit, le constat que les atteintes du recourant remontent à une période antérieure à son arrivée en Suisse ne dit encore rien sur le point de savoir quand ces atteintes auraient entraîné une incapacité de travail déterminante sous l'angle du droit à la rente et, partant, quand serait survenue l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral 9C_756/2013 du 6 juin 2014 consid. 6.3 et 9C_422/2009 du 12 novembre 2009 consid. 2.3).

c. Quant à la Dresse C______, elle a indiqué dans son rapport du 4 juillet 2019, après avoir résumé brièvement (sur quelques lignes) l'anamnèse du recourant, que la capacité de travail était « déjà compromise en 2016 », conclusion qui n'est toutefois pas suffisamment précise pour déterminer si l'incapacité de travail a débuté avant ou après l'arrivée en Suisse du recourant, le 9 juillet 2016. Interrogée par la CJCAS sur le point de savoir si elle se ralliait à l'avis du SMR - selon lequel l'incapacité de travail avait débuté « avant 2016 » - cette psychiatre a répondu que, compte tenu du fait que le recourant souffrait de deux problématiques psychiques chroniques (épisode dépressif récurrent et consommation d'alcool), l'incapacité de travail « aurait pu être présente avant 2016 », mais qu'il n'y avait pas de document ou de rapport médical des États-Unis permettant de confirmer ou d'infirmer cette supposition. Cette psychiatre n'a pas non plus pu répondre clairement à la question de savoir si l'état dépressif récurrent et la dépendance à l'alcool se répercutaient déjà sur la capacité de travail à l'époque où le recourant vivait aux États-Unis. À cet égard, elle s'est en effet limitée à indiquer que la symptomatologie liée à l'état dépressif récurrent pouvait disparaître et réapparaître à « différentes périodes de la vie, » tout comme la problématique de la dépendance à l'alcool dont le recourant souffrait actuellement, précisant que ce dernier disait avoir été abstinent en 2016.

d. De son côté, le recourant a produit en cours de procédure trois documents visant à démontrer l'exercice d'une activité lucrative aux États-Unis, avant son départ pour la Suisse, en juillet 2016. La chambre de céans observe toutefois que ces pièces, si elles suggèrent l'exercice d'une activité indépendante entre 2010 et 2014, ne permettent pas de déterminer si l'intéressé a cotisé auprès de la sécurité sociale américaine, a fortiori jusqu'en 2016, comme ce dernier le soutient dans ses écritures.

e. Au regard de de ce qui précède, il appert que les médecins traitants n'ont pas certifié que l'incapacité de travail du recourant était antérieure à son arrivée en Suisse, de sorte que l'intimé ne pouvait retenir, en se fondant sur leurs rapports, que cette incapacité avait débuté « avant 2016 ». Étant donné que les médecins traitants, en particulier la Dresse C______, n'ont pas non plus écarté une telle hypothèse, la cause doit être renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_230/2012 du 5 septembre 2012 consid. 3.2 et 9C_795/2008 du 6 août 2009 consid. 3.2), laquelle comprendra une expertise psychiatrique et portera également, si nécessaire, sur l'existence de périodes d'assurance aux États-Unis (moyennant une éventuelle demande de renseignements aux autorités américaines via la Caisse suisse de compensation, comme le permet l'art. 20 de la convention, en lien avec l'art. 8 de l'arrangement administratif du 1er août 2014). Afin de situer aussi précisément que possible le moment à partir duquel les atteintes à la santé ont entraîné une incapacité de travail de 40% environ sur une année, l'intimé veillera, en particulier, à déterminer jusqu'à quand le recourant a exercé son activité indépendante aux États-Unis et si, au moment de la cessation d'activité, ses troubles limitaient déjà sensiblement sa capacité de travail.

11.    Il se justifie en conséquence d'admettre le recours, d'annuler la décision du 2 juin 2020 et de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il complète l'instruction dans le sens qui précède, puis rende une nouvelle décision.

12.    Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03), à charge de l'intimé.

13.    La procédure de recours en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 200.- est mis à charge de l'intimé (art. 69 al. 1 bis LAI).

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet et annule la décision du 2 juin 2020.

3.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

4.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le