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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3666/2023

ATA/427/2024 du 26.03.2024 ( LIPAD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3666/2023-LIPAD ATA/427/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante


contre

 

FONDATION OFFICIELLE DE LA JEUNESSE

représentée par Me Nicolas CAPT, avocat

 

et

PRÉPOSÉ CANTONAL À LA PROTECTION DES DONNÉES ET À LA TRANSPARENCE intimés



EN FAIT

A. a. Le 22 mai 2023, A______ a formé auprès de la FONDATION OFFICIELLE DE LA JEUNESSE (ci-après : FOJ) une demande de consultation de l’intégralité du dossier concernant sa fille B______, âgé de 15 ans, résidant alors chez elle et qui lui avait signé une procuration dans ce sens.

b. À la suite de la transmission de cette demande par la FOJ au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé cantonal), ce dernier a émis une recommandation du 25 septembre 2023 d’un accès non caviardé à l’intégralité du dossier concernant B______, à l’exception des données personnelles de tiers.

Le contexte familial apparaissait tendu. A______ et C______ étaient les parents de B______ et de D______, âgée de 10 ans. Celle-ci vivait avec son père. Des contacts réguliers étaient organisés au Point Rencontre entre D______ et sa mère, respectivement B______ et son père, afin que les deux parents puissent entretenir des relations personnelles avec leurs deux filles.

A______ s’était vu remettre par la FOJ une copie non caviardée du dossier concernant ses droits de visite sur sa fille D______. Elle sollicitait également la transmission du dossier concernant les droits de visite que C______ exerçait sur leur fille B______. La FOJ avait refusé de donner suite à cette requête dès lors qu’un intérêt privé prépondérant le justifiait. Certaines pièces du dossier de B______ pourraient porter une atteinte grave et irrémédiable à la personnalité de tiers, en particulier des éducateurs l’encadrant, car elles comportaient des remarques et commentaires empreints de subjectivité et dont la lecture visait uniquement à éclairer le contexte socio-parental dans lequel elle évoluait. L’objectif poursuivi par la FOJ était de favoriser le développement psychosocial des enfants, adolescents et jeunes en difficulté, en collaboration avec les parents et les institutions partenaires.

La FOJ avait par la suite transmis à A______ une version caviardée du dossier concernant les droits de visite du père sur B______. Toutes les données personnelles de tiers avaient été caviardées, ce qui apparaissait conforme à la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08). Un passage de quelques lignes avait de même été caviardé. La FOJ avait expliqué qu’il était susceptible de porter une atteinte grave et irrémédiable à la personnalité de tiers, en particulier des éducateurs, puisque ce passage contenait des remarques et commentaires subjectifs. Il en allait aussi du bon fonctionnement de l’institution, le passage en question étant dédié exclusivement aux collaborateurs de la FOJ. Le préposé relevait que ces lignes renfermaient effectivement des remarques subjectives, portant tant sur la mère que sur le père de l’enfant. Il était d’avis qu’il conviendrait d’éviter de rédiger de telles opinions, précisément pour éviter d’attenter au bon fonctionnement de l’institution, quand bien même les collaborateurs devaient pouvoir échanger librement sur les personnes dont ils devaient s’occuper.

Il rappelait que l’accès aux données personnelles incluait toute information qui se rapportait à la personne qui le sollicitait, qu’il s’agisse de faits ou de jugements de valeur, de données matérielles ou factuelles permettant de remonter à une personne par la création ou la combinaison de données. Les appréciations subjectives constituaient ainsi une information dont l’accès pouvait être sollicité. A______ devait donc avoir accès « au passage non caviardé » qui la concernait, quand bien même des jugements de valeur y étaient émis. En revanche, les appréciations personnelles ayant trait à son mari, à l’instar des données personnelles de tiers, devaient rester caviardées.

c. Par décision du 9 octobre 2023, la FOJ, faisant suite à cette recommandation, a accordé à A______ un accès non caviardé à l’intégralité du dossier concernant sa fille B______, à l’exception des données personnelles de tiers.

B. a. A______ a formé recours contre cette décision par acte déposé le 8 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu principalement à «  prendre acte et notifier que le dossier est incomplet et que les caviardages effectués sont abusifs, ordonner à la FOJ de mettre à disposition l’intégralité du dossier et ce sans caviardage, se positionner sur les véritables tierces personnes du dossier, faire respecter le protocole de collaboration entre le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) et le Point Rencontre (FOJ) et des articles y afférents, rappeler à la FOJ leur responsabilité institutionnelle et individuelle lors de dysfonctionnements à l’interne, ainsi que lors de comportements inadéquats d’éducateurs de la FOJ, et d’apporter une sanction correspondante ».

Dans le dossier qu’elle avait pu consulter à la FOJ le 21 août 2023, après trois mois d’attente et des relances, il manquait la période du 31 janvier au 21 août 2023. La FOJ avait retiré intentionnellement de sa plateforme 22 pages qu’elle référençait, soit notamment celles concernant sa fille aînée. Les parties caviardées étaient inexplicables et injustifiées, comme le caviardage des noms des éducateurs tant de la FOJ que du SPMi, qui n’étaient pas des tierces personnes au sens de la loi. À la suite de la recommandation du préposé cantonal du 25 septembre 2023, elle avait reçu, le 11 octobre suivant, une nouvelle copie du dossier, toujours incomplet, voire identique à celui du 21 août 2023, exceptés quelques données visibles où le caviardage avait été retiré de certains passages. Elle reprenait « certains passages » qui la conduisaient à conclure que le caviardage effectué n’avait aucun sens et mettait en évidence une non-conformité flagrante, ce qui n’était pas acceptable. De plus, « des tierces personnes [n’étaient] pas respectées, avec l’apparition du nom de M. E______ (médiateur cantonal) tout comme Mme F______ (psychologue FSP), ce qui questionn[ait] à nouveau sur leur conformité ».

Elle constatait de plus « avec effroi » que plusieurs articles du protocole entre le SPMi et la FOJ n’avaient pas été respectés, notamment l’art. 9 en lien avec les interruptions des visites, exemple à l’appui.

Après avoir cité l’art. 9 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00) et diverses dispositions de la LIPAD, A______ a conclu son recours en persistant intégralement dans les conclusions prises en tête et « au vu des préjudices subis, je demande des dommages et intérêts (frais de procédure et d’indemnité) ».

b. Le préposé cantonal a maintenu la position exprimée dans sa recommandation du 25 septembre 2023 que la FOJ avait suivi dans la décision querellée.

c. La FOJ a conclu au rejet du recours.

Le dossier qu’il avait transmis à la recourante le 9 octobre 2023 respectait en tous points la recommandation du préposé cantonal. Il n’aurait fait aucun sens de caviarder l’identité de deux personnes évoquées par la recourante, puisque celle-ci disposait de copies des courriels électroniques comportant ces noms.

Elle avait procédé conformément à la LIPAD, de manière diligente et en application de son devoir de protéger la personnalité de tiers, en particulier des éducateurs encadrant B______.

d. Dans sa réplique, A______ a repris ses conclusions principales auxquelles elle a ajouté « établir l’illicéité de la transmission sournoise par la FOJ, fondation distincte, à des tierces personnes externes notamment au SPMi sans accord préalable de son émetteur, d’un ou de plusieurs courriels adressés exclusivement et confidentiellement à la FOJ ; ordonner l’accès à tous les commentaires y compris subjectifs et manifestement déplacés ainsi que confirmer le droit à la suppression ou à la rectifications desdits commentaires, sur demande écrite de [sa] part ».

Elle est revenue sur les circonstances dans lesquelles elle avait finalement obtenu la consultation du dossier de B______.

Le caviardage n’avait pas lieu d’être et devait le cas échéant être en principe limité aux données liées éventuellement à l’identité et/ou aux données relatives à la vie personnelle et professionnelle « (non indispensables à connaître et devant être protégés pour un motif précis) et non sur des jugements de valeur désobligeants, des ressentis potentiellement malveillants, des opinions subjectives, des commentaires apparemment déplacés et interprétations pouvant porter à conséquence émis par des éducateurs négligents, dysfonctionnels et/ou désinvoltes, après une seule et unique visite avec chacun, du fait du véritable défilé, de l’invraisemblable rotation du personnel à la FOJ ». En substance, la FOJ cherchait à détourner à son avantage les buts de la LIPAD pour tenter de couvrir ses dérives. Elle se plaignait d’une interruption du droit de visite le 5 décembre 2022, brusquement, soit depuis bientôt un an et demi. L’impossibilité de pouvoir en amont rectifier les données préjudiciables relevant de surcroît d’opinions subjectives aurait un effet potentiellement extrême comme un éventuel retrait de garde à un parent, ou l’autorité parentale, ou un placement forcé en foyer en cas de décision ultérieure du « TPI et/ou le TPAE ».

Elle évoquait ensuite des dysfonctionnements du département de l’instruction publique, du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant et des autres « partenaires » comme la FOJ, auteurs de maltraitances institutionnelles « toutes confondues », de représailles mais aussi d’indifférence généralisée, ce qui n’était plus tolérable. Dès le premier pied mis dans cette « broyeuse infernale », les droits des enfants ainsi que des parents étaient constamment bafoués, y compris sur « des volets LIPAD » et les projetait dans un véritable « traquenard qui était tout sauf dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».

e. Faisant suite à une demande de la juge déléguée, la FOJ lui a transmis, le 4 mars 2024, le dossier de B______, exempt des passages caviardés.

f. La recourante en a été informée par courrier du 6 mars 2024 avec, conformément à l’art. 45 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’indication selon laquelle il lui était confirmé que le contenu de ce dossier était celui qui avait été soumis au préposé cantonal et que les notions caviardées par la FOJ correspondaient bien à ce que le préposé cantonal en avait dit dans sa recommandation du 20 septembre 2023. Ainsi, seules des données personnelles de tiers étaient caviardées ainsi qu’un passage de quelques lignes retenant qu’elles renfermaient des remarques subjectives portant sur la recourante ainsi que sur le père de B______. Un délai lui était imparti pour s’exprimer à ce sujet voire proposer des contre‑preuves.

g. La recourante en a pris note le 13 mars 2024.

Elle a demandé à ce qu’il soit évité que la chambre administrative, induite en erreur par la confusion apportée par la FOJ et indirectement reprise par le préposé, se contente de ne consulter que le 43% du dossier interne de la famille, c’est-à-dire uniquement 17 pages sur les 39 pages qui représentaient ledit dossier, puisque 22 pages en avaient été retirées par l’ancien secrétaire général de la FOJ qui avait été licencié avec effet immédiat en janvier 2024, lors de la première consultation du 21 août 2023. Les remarques subjectives retranscrites figuraient dans le dossier interne de la FOJ et étaient ainsi consultables par l’ensemble de ses intervenants, de sorte qu’il était totalement « abject » et contraire aux recommandations du préposé cantonal de ne pas en laisser l’accès aux personnes concernées.

Elle remerciait la chambre administrative de faire le nécessaire pour qu’elle puisse accéder à l’intégralité du dossier, c’est-à-dire les 39 pages du dossier.

h. Les parties ont été informées, le 14 mars 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             L’objet du litige est la décision du 9 octobre 2023 de la FOJ donnant à la recourante un accès non caviardé à l’intégralité du dossier concernant sa fille aînée, à l’exception des données personnelles de tiers.

Ainsi, les conclusions articulées par la recourante dans son acte de recours et sa réplique, tendant à autre chose qu’à l’annulation de ladite décision et à ce que lui soit donné l’accès à l’intégralité du dossier non caviardé de sa fille aînée auprès de la FOJ sont irrecevables, car sans rapport avec l’objet du litige. Il en est de même de ses dernières conclusions s’agissant de 22 pages du dossier familial qui auraient été manquantes et sur lesquelles le préposé cantonal ne s’est pas prononcé et qui ne font pas l’objet de la décision attaquée.

3.             3.1 À Genève, l'activité publique s'exerce de manière transparente, conformément aux règles de la bonne foi, dans le respect du droit fédéral et du droit international (art. 9 al. 3 Cst‑GE). Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d’accéder aux documents officiels, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Il a déjà été jugé que cette disposition n’avait pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.4).

3.2 La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique ainsi que, d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD).

La LIPAD comporte deux volets. Le premier concerne l’information du public et l’accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).

3.3 La LIPAD s’applique, sous réserve de son art. 3 al. 3 et 5, non pertinent en l'occurrence, notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD). Selon l'art. 3 al. 1 du règlement d'application de la LIPAD du 29 décembre 2011 (RIPAD - A 2 08.01), les institutions publiques auxquelles s'applique la LIPAD – dont la FOJ, une fondation de droit public dotée de la personnalité juridique (art. 1 al. 1 de la loi sur la Fondation officielle de la jeunesse du 3 juin 2016 (LFOJ - J 6 15) – font l'objet d'une liste établie et publiée par le pouvoir dont elles dépendent. (art. 3 al. 1 let. a LIPAD).

3.4 L’art. 24 al. 1 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi.

3.5 Dans le cadre d'une procédure d'accès à des documents au sens de la LIPAD, le préposé cantonal est saisi par une requête écrite de médiation sommairement motivée notamment lorsque la demande d'accès d'un requérant n'est pas satisfaite (art. 30 al. 1 let. a LIPAD). Le préposé cantonal recueille de manière informelle l’avis des institutions et personnes concernées. La consultation sur place des documents faisant l’objet d’une requête de médiation ne peut lui être refusée, à charge pour lui de veiller à leur absolue confidentialité (art. 30 al. 3 LIPAD). Si la médiation aboutit, l’affaire est classée (art. 30 al. 4 LIPAD). À défaut, le préposé cantonal formule, à l’adresse du requérant ainsi que de l’institution ou des institutions concernées, une recommandation écrite sur la communication du document considéré. L’institution concernée rend alors dans les dix jours une décision sur la communication du document considéré (al. 5).

3.6 Selon l’art. 4 let. a et b LIPAD, dans cette loi et ses règlements d’application, on entend par données personnelles (ou données), toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable et par données personnelles sensibles, les données personnelles sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales ou culturelles (ch. 1), la santé, la sphère intime ou l'appartenance ethnique (ch. 2), des mesures d'aide sociale (ch. 3), des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (ch. 4).

3.7 L’art. 35 LIPAD prévoit que les institutions publiques ne peuvent traiter des données personnelles que si, et dans la mesure où, l'accomplissement de leurs tâches légales le rend nécessaire (al. 1). Des données personnelles sensibles ne peuvent être traitées que si une loi définit clairement la tâche considérée et si le traitement en question est absolument indispensable à l’accomplissement de cette tâche ou s’il est nécessaire et intervient avec le consentement explicite, libre et éclairé de la personne concernée (al. 2).

3.8 Il ressort de l’art. 38 LIPAD que la collecte de données personnelles doit être faite de manière reconnaissable pour la personne concernée (al. 1). Sont réservés les cas dans lesquels le caractère reconnaissable de la collecte compromettrait l'engagement, le déroulement ou l'aboutissement d'enquêtes menées légalement sur le respect de conditions ou d'obligations légales (al. 2).

3.9 À teneur de l'art. 44 LIPAD, inséré dans le titre III afférent à la « protection des données personnelles », toute personne physique ou morale de droit privé justifiant de son identité peut demander par écrit aux responsables désignés en vertu de l'art. 50 al. 1 LIPAD, si des données personnelles la concernant sont traitées par des organes placés sous leur responsabilité (al. 1). Sous réserve de l'art. 46 LIPAD, le responsable doit lui communiquer : toutes les données la concernant contenues dans un fichier, y compris les informations disponibles sur l'origine des données (let. a) ; sur demande, les informations relatives au fichier considéré contenues dans le catalogue des fichiers (let. b ; al. 2).

3.10 Il ressort de l’art. 46 al. 1 LIPAD que l’accès aux données personnelles ne peut être refusé que si notamment un intérêt public ou privé prépondérant le justifie, en particulier lorsqu’il rendrait inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (let. a) ou si la protection de données personnelles sensibles de tiers l’exige impérativement (let. b).

3.11 L’art. 47 LIPAD énumère l’ensemble des prétentions que la personne concernée peut élever à propos des données la concernant.

Selon l’al. 2 de cette disposition, sauf disposition légale contraire, elle est en particulier en droit d’obtenir des institutions publiques, à propos des données la concernant, qu’elles détruisent celles qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires (let. a), rectifient, complètent ou mettent à jour celles qui sont respectivement inexactes, incomplètes ou dépassées (let. b), fassent figurer, en regard de celles dont ni l’exactitude ni l’inexactitude ne peuvent être prouvées, une mention appropriée, à transmettre également lors de leur communication éventuelle (let. c).

4.             En l’espèce, la recourante, sur procuration de sa fille mineure, a, suite à sa demande, eu accès à l’intégralité du dossier concernant celle-ci ouvert auprès de l’institution publique intimée, à l’exception de quelques données caviardées, à savoir l’identité des éducateurs intervenus dans le cadre de l’exercice des droits de visite, soit des données personnelles de tiers, et quelques lignes comportant des remarques et commentaires subjectifs d’éducateurs. Le préposé cantonal, qui a eu accès à l’intégralité du dossier non caviardé de B______ tel que remis par l’intimée à la recourante, a retenu, dans sa recommandation du 25 septembre 2023, que ces quelques lignes renfermaient des remarques subjectives portant tant sur la recourante que sur le père de leur fille aînée et visant à éclairer le contexte socio-parental dans lequel évoluait cette adolescente. L’intimée a suivi cette recommandation du préposé cantonal, à savoir, aux termes de la décision querellée, donné à la recourante l’accès au dossier concernant l’exercice des droits de visite par le père sur leur fille aînée, à l’exception des données personnelles de tiers, à savoir l’identité des éducateurs concernés ainsi que les appréciations personnelles précitées.

Certes, le préposé cantonal a observé que les collaborateurs de l’intimée devaient pouvoir échanger librement sur les personnes dont ils devaient s’occuper, tout en recommandant qu’il conviendrait à l’avenir d’éviter de rédiger des opinions telles celles caviardées, précisément pour éviter d’attenter au bon fonctionnement de l’institution en question. Il a rappelé que « l’accès aux données personnelles inclu[ai]t toute information qui se rapportait à la personne qui la sollicitait, qu’il s’agisse de fait ou de jugements de valeur, de données matérielles ou factuelles permettant de remonter à une personne par l’agrégation ou la combinaison de données. Des appréciations subjectives constitu[ai]ent ainsi une information dont l’accès pouvait être sollicité ».

Cette mise en garde pour l’avenir ne permet pas de ne pas suivre la recommandation du préposé cantonal. La recourante n’amène en effet aucun élément qui permettrait de remettre en cause que, dans la situation conflictuelle des droits de visite exercés par les deux parents au Point Rencontre sur chacune des filles ne vivant pas auprès de leur mère, respectivement de leur père, il est de l’intérêt de l’intimée et de ses éducateurs de pouvoir poursuivre leur mission de permettre l’exercice de relations personnelles entre parents et enfants, soit un intérêt public, mais également privé, dans le sens où les intervenants ne sauraient être personnellement pris à partie en raison de la mission qu’ils accomplissent. À l’inverse, la recourante ne démontre pas quel intérêt pratique elle retirerait à connaître ceux dont l’identité a été caviardée ni la remarque à laquelle l’accès lui a été refusé. À cet égard, il ne suffit pas d’alléguer des « dérives » que l’intimée chercherait à « couvrir » ou la seule hypothèse du retrait de garde à un parent, ou de l’autorité parentale, ou encore le placement « forcé » en foyer sur la base « d’opinions subjectives » par une autorité judiciaire.

On comprend de ses écritures qu’elle souffre d’une interruption du droit de visite depuis le 5 décembre 2022, ce qui ne justifie toutefois pas un accès plus élargi au dossier de sa fille aînée qui réside chez elle, à celui accepté par l’autorité intimée en conformité avec la recommandation du préposé cantonal.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- est allouée à l'intimée qui y a conclu et a bénéficié des conseils d'un mandataire, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2023 par A______ contre la décision de la FONDATION OFFICIELLE DE LA JEUNESSE du 9 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à la FONDATION OFFICIELLE DE LA JEUNESSE, à la charge d’A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à Me Nicolas CAPT, avocat de la FONDATION OFFICIELLE DE LA JEUNESSE, ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :