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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3162/2021

ATA/403/2022 du 12.04.2022 ( TAXE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.01.2023, rendu le 17.07.2023, ADMIS, 9C_677/2022, 2C_435/2022
Recours TF déposé le 25.05.2022, rendu le 01.01.2023, SANS OBJET, 9C_677/2022, 2C_435/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3162/2021-TAXE ATA/403/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été naturalisé en 2018. Il était domicilié à Genève jusqu’au 15 juin 2019, date de son départ pour la Jordanie.

2) Le 19 juillet 2019, M. A______ a demandé aux autorités militaires un congé pour l’étranger.

3) Par courrier du 8 août 2019, le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO) a envoyé à l’intéressé des factures provisoires relatives à la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : taxe) pour les années 2019 et 2020.

4) Le 25 septembre 2019, le STEO a fixé un dernier délai de dix jours pour le paiement des taxes provisoires.

5) Les autorités militaires ont accordé le congé par décision du 18 octobre 2019.

6) Par décisions du 25 juin 2021, le STEO a établi le solde de la taxe 2019 à CHF 156.- et celui de 2020 à CHF 1'459.90.

7) Statuant le 25 août 2021, le STEO a rejeté la réclamation formée par M. A______. La taxe n’étant pas un impôt, elle ne bénéficiait pas de l’exonération des impôts fédéraux et cantonaux, dont bénéficiaient les traitements des organisations internationales.

8) Par recours formé devant la chambre administrative de la Cour de justice le 14 septembre 2021, M. A______ a contesté cette décision.

Il avait été engagé le 15 juin 2019 par l’Organisation des Nations Unies (ci-après : ONU) et avait déménagé en Jordanie pour y travailler pour l’office de secours et travaux de l’ONU pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (ci-après : UNRWA). La Convention sur les privilèges et immunités de l’ONU du 14 décembre 1946 prévoyait, à sa section 18, que les fonctionnaires de l’ONU étaient exonérés de tout impôt sur les traitements ainsi que de l’obligation d’accomplir le service militaire. Soutenir que cette disposition ne concernait pas la taxe revenait à la priver de toute portée.

Il sollicitait donc l’annulation de cette décision, la restitution des paiements opérés et un dédommagement pour le travail lié au recours, étant lui-même docteur en droit sans brevet d’avocat.

9) Le STEO a conclu au rejet du recours.

Pendant la durée de son congé, le recourant demeurait soumis à l’obligation de verser la taxe. La Convention invoquée par le recourant était postérieure à l’Accord sur les privilèges et immunités de l’ONU et n’abrogeait pas celui-ci.

10) L’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a également conclu au rejet du recours.

L’astreinte au service militaire était inscrite dans la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Les obligations militaires pouvaient être accomplies en effectuant un service civil ou, subsidiairement, en s’acquittant de onze taxes. Le recourant ne remplissait aucune condition permettant de l’exempter de la taxe.

11) Dans sa réplique, M. A______ a relevé que l’exemption des fonctionnaires de l’ONU de toute obligation de service national emportait celle de devoir s’acquitter de la taxe. La loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire du 3 février 1995 (Loi sur l’armée ; LAAM – RS 510.10) aurait dû être mise à jour après l’adhésion de la Suisse à la Convention. Par ailleurs, le siège de l’UNRWA était à Amman et Jérusalem.

12) Dans sa duplique, l’AFC-CH a rappelé le fondement constitutionnel de la taxe. Seuls les art. 4 et 4a de la loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO – RS 661) permettaient une exemption. Les conditions de l’art. 4a al.1 let. a ou al. 2 LTEO n’étaient pas remplies, car le recourant n’était, au moment de l’année d’assujettissement, pas encore citoyen suisse ayant résidé plus de trois ans à l’étranger. La LTEO ne prévoyait aucune exemption pour les fonctionnaires internationaux. Par ailleurs, l’Accord sur les privilèges et immunités de l’Organisation des Nations Unies conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (RS 0.192.120.1) était antérieur à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (RS 0.192.110.02) et plus particulier. La Convention prévoyait d’ailleurs que les accords additionnels aménageaient les dispositions de celle-ci et étaient soumis pour approbation à l’Assemblée générale.

L’AFC-CH laissait à la chambre administrative le soin d’apprécier la pertinence du lieu du siège de l’agence des Nations Unies employant le recourant.

13) L’AFC-GE a souligné que la nationalité suisse du recourant déterminait son assujettissement à la taxe. Le fait qu’il vive ou soit domicilié à l’étranger n’y changeait rien ; ainsi, le lieu du siège de l’UNRWA n’était pas déterminant.

14) Le recourant n’ayant pas formé de nouvelle réplique, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le refus d’exonération de la taxe.

a. La taxe militaire trouve son fondement à l'art. 59 Cst. Selon cette disposition, tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire ou au service civil de remplacement (art. 59 al. 1 Cst.; art. 2 al. 1 LAAM). L'art. 2 LAAM définit des obligations militaires, qui comprennent notamment l'obligation de payer une taxe d'exemption (al. 2 let. d). Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s'acquitte d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.), laquelle est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et par l'ordonnance du 30 août 1995 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (OTEO - RS 661.1).

Aux termes de l'art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile, ne sont pas, pendant plus de six mois, incorporés dans une formation de l'armée et ne sont pas astreints au service civil. Cette taxe constitue une contribution de remplacement et a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l'obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_955/2014 du 12 octobre 2016 consid. 4.1; 2C_924/2012 du 29 avril 2013 consid. 5.3). Sont par ailleurs assujettis à la taxe les hommes astreints au service militaire ou au service civil qui sont libérés de l’obligation de servir sans avoir accompli la totalité des jours de service obligatoires (art. 2 al. 1bis LTEO).

Aux termes de l’art. 25 al. 1 LTEO, la taxe est fixée chaque année pour les assujettis domiciliés en Suisse (let. a) et pour les hommes astreints à l’obligation de servir qui sont domiciliés à l’étranger, mais qui doivent s’annoncer au service militaire ou civil en Suisse et y accomplir leurs obligations afférentes (let. b). La taxe que doivent acquitter les hommes astreints à l’obligation de servir qui souhaitent se rendre à l’étranger est fixée et recouvrée avant le début dudit congé (art. 25 al. 3 LTEO).

L'art. 4 LTEO a pour objet l'exonération de la taxe et l'art. 4a LTEO vise l'exonération de la taxe militaire des Suisses de l'étranger. Les fonctionnaires internationaux ne figurent pas dans la liste des personnes exemptées. L'art. 18 LAAM énumère les personnes exerçant une activité indispensable et exemptées du service. Les fonctionnaires internationaux ne figurent pas dans cette liste.

b. La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, conclue à New York le 13 février 1946 et entrée en vigueur pour la Suisse le 25 septembre 2012 (RS 0.192.110.02 ; ci-après : Convention), prévoit à son Art. V, Section 17, que le Secrétaire général des Nations Unies déterminera les catégories des fonctionnaires auxquels s’appliquent les dispositions du présent article – qui prévoit l’exemption de toute obligation relative au service national (section 18 let. c) –, en soumettra la liste à l’Assemblée générale et en donnera ensuite communication aux Gouvernements de tous les Membres. Les noms des fonctionnaires compris dans ces catégories seront communiqués périodiquement aux Gouvernements des Membres.

Selon l’art. 18 al. 1 de l’Accord sur les privilèges et immunités de l’Organisation des Nations Unies conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l’ONU du 1er juillet 1946 (RS 0.192.120.1 ; ci-après : Accord), le Secrétaire général communiquera au Conseil fédéral suisse périodiquement et de la même manière qu’aux gouvernements des États membres les noms des fonctionnaires auxquels les dispositions du présent article et de l’art. VII sont applicables. Ces fonctionnaires seront exempts de toute obligation relative au service national, sous réserve des dispositions spéciales concernant les fonctionnaires de nationalité suisse prévues dans l’annexe au présent Accord (art. 18 al. 2 let. c).

Selon cette annexe, chiffre 1, le Secrétaire général de l’ONU communiquera au Conseil fédéral suisse la liste des fonctionnaires de nationalité suisse astreints à des obligations de caractère militaire. Le ch. 2. de l’annexe prévoit que le Secrétaire général de l’ONU et le Conseil fédéral suisse établiront, d’un commun accord, une liste restreinte de fonctionnaires de nationalité suisse qui, en raison de leurs fonctions, bénéficieront de dispenses et (ch. 3) en cas de mobilisation d’autres fonctionnaires de nationalité suisse, le Secrétariat de l’ONU aura la possibilité de solliciter, par l’entremise du Département politique fédéral, un sursis d’appel ou toutes autres mesures appropriées.

Selon la note interne, produite par le STEO, du département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports du 16 octobre 2019, le concept de liste avait été élaboré pour tenir compte des besoins au moment de l’adoption de la Convention et de l’Accord en 1946. Toutefois, depuis longtemps, les organisations internationales ne présentent plus de listes. En revanche, elles forment des demandes ponctuelles, nominatives et motivées. Cette manière de faire se retrouve d’ailleurs dans les accords de siège plus récents.

c. En droit interne, la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte du 22 juin 2007 (Loi sur l’État hôte, LEH) prévoit que les personnes jouissant d’une immunité sont exemptes de toute prestation personnelle, de tout service public, ainsi que de toute charge et obligation militaires (art. 3 al. 1 let. j). Le Message du Conseil fédéral du 13 septembre 2006 précise que « cette exemption de tout service public ou de toute charge militaire n’est pas applicable aux ressortissants suisses qui sont appelés en qualité officielle auprès d’un organisme international établi en Suisse, de sorte qu’ils restent entièrement astreints aux obligations prévues par la législation suisse. Il est de pratique constante d’inclure dans les accords de siège conclus par le Conseil fédéral une clause prévoyant cette obligation. Toutefois, l’organisation employeur peut présenter des demandes de congé pour l’étranger ou des demandes de permutation du service d’instruction si elles sont dûment motivées par les besoins de l’organisation ».

d. En l'espèce, le recourant se prévaut de son activité auprès de l’UNRWA en Jordanie, faisant valoir que n’étant pas domicilié en Suisse et ne travaillant pas pour une agence de l’ONU avec siège à Genève, l’Accord et la LEH ne trouveraient pas application.

Or, comme cela vient d’être exposé, les obligations militaires du recourant découlent de sa citoyenneté suisse. La taxe est due indépendamment du domicile de la personne assujettie, dès lors que, selon l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile, ne sont pas, pendant plus de six mois, incorporés dans une formation de l'armée et ne sont pas astreints au service civil. Compte tenu de son domicile étranger, le recourant a obtenu un congé de l’obligation d’effectuer son service militaire. Il demeurait cependant tenu de fournir une compensation financière (art. 1 LTEO).

Contrairement à ce qu’il soutient, il n’entre pas dans la catégorie des fonctionnaires exemptés de toute obligation relative au service national, prévue à la section 18 let. c de la Convention. En effet, son employeur n’a pas fait de demande spécifique le concernant visant à ce qu’il bénéficie d’une dispense de tout service national. En outre, si, certes, la LEH n’est pas directement applicable, il en ressort néanmoins que seules les personnes jouissant d’une immunité sont exemptées de toute charge militaire (art. 3 al. 1 let. j LEH). Le recourant ne jouit cependant pas d’une telle immunité. Le Message relatif à la LEH rappelait d’ailleurs expressément que l’exemption de tout service public ou de toute charge militaire n’était pas applicable aux ressortissants suisses appelés en qualité officielle auprès d’un organisme international établi en Suisse ; ils restaient entièrement astreints aux obligations prévues par la législation suisse.

Le fait que le siège de l’UNRWA ne soit pas situé en Suisse n’y change rien. Dans la mesure où l’obligation de servir est rattaché à la nationalité suisse du recourant et où il ne peut se prévaloir d’une immunité le dispensant de tout service national, il demeure soumis à l’obligation de verser une taxe en compensation du congé qui lui a été accordé le 18 octobre 2019.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l’administration fiscale cantonale du 25 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :