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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2471/2021

ATA/1343/2021 du 07.12.2021 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2471/2021-FORMA ATA/1343/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 décembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant pour son fils mineur, B______
représentée par Me Constansa Derpich, avocate

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SECRÉTARIAT À LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE



EN FAIT

1) B______, fils de Madame A______,est né le______ 2014.Il suivait sa scolarité à Genève, jusqu’à la rentrée scolaire d’août 2021.

2) Il est domicilié en France avec sa mère et son frère aîné, C______, né le ______ 2010.

3) Une procédure d’évaluation standardisée (ci-après : PES) a été ouverte le 30 janvier 2020 à l’initiative du directeur de l’établissement du D______. Outre ce dernier, huit professionnels ont participé à l’évaluation, soit la titulaire de classe de l’enfant, l’éducatrice, la logopédiste, l’infirmière, la psychologue, la personne en charge du suivi de l’élève, une stagiaire de l’université l’ayant accompagné et l’enseignante de soutien. La mère avait participé à trois entretiens, dont un en présence du père de l’enfant.

L’enfant était en 2ème primaire harmos.

Sous « synthèse de la problématique », la PES mentionnait « B______ est un élève qui rencontre de la difficulté à s’adapter à la vie en collectivité et à en respecter le cadre. À ce jour, il n’est pas encore capable de respecter aucune des sept premières règles de la classe établies (marcher dans les couloirs, ranger le matériel, parler doucement, respecter ses camarades, soigner le matériel, lever la main, se tenir correctement sur les bancs lors des temps de réunion). Les règles d’école posent également problème pour lui (respect des limites du préau, déplacements en cortège, etc ). B______ n’arrive pas à assister aux temps collectifs : réunion sur les bancs, leçons en groupe ou collectives, écoute des consignes, etc. Il quitte physiquement sa place de réunion ou de bureau. B______ a besoin de la présence d’un adulte pour réaliser la plupart de ses activités individuelles. B______ est envahi par ses émotions, échec, conflit, transitions, proximité, relations à autrui, et cela se traduit par de l’agression physique, des grossièretés et des vulgarités envers les adultes (ce qu’il ne faisait pas l’an dernier). Il désire qu’on le laisse tranquille et qu’il puisse faire ce qu’il veut. Quand l’adulte vient vers lui pour lui indiquer ce qu’il doit faire, il réagit car il ne supporte pas qu’on ait des exigences à son égard. ».

La famille était suivie par différents intervenants notamment en France. Son frère aîné et lui avaient été placés brièvement dans un foyer en 2018 par le Service de protection des mineurs de Genève. Les parents s’y étaient opposés et avaient repris les enfants assez rapidement. L’année précédente, l’école avait demandé un bilan psychologique qui n’avait pas encore été réalisé.

La PES faisait notamment mention de menaces de mort régulières de l’enfant à l’égard de ses camarades, en faisant le signe de leur trancher la gorge ou en menaçant leurs parents « je vais aller tuer ta mère ». De l’insistance, des coups, des étranglements étaient mentionnés. Des comportements provoquant et en opposition avec les adultes étaient cités tels que « ______ la chiasse » pour sa maitresse ou « tu pues, t’es moche, tu as de grosses fesses » pour la stagiaire.

Des mesures avaient déjà été mises en place, sous forme notamment de la collaboration d’une stagiaire de l’université, présente dans la classe, une partie de ses interventions étant ciblée sur l’encadrement individuel de l’enfant (huit périodes par semaine).

L’enfant avait accès à des jeux video inadaptés pour son âge. À la question de l’origine d’un bleu, il avait répondu « on m’a tapé contre un mur, c’est mon frère, je crois ».

Les intervenants préconisaient que B______ intègre une structure de pédagogie spécialisée. Il avait besoin d’un soutien personnalisé dans une petite structure. La division régulière avait montré ses limites par rapport à un enfant qui était en retrait quant à ce qui était attendu tant au niveau du comportement que des apprentissages. Cette prise en charge ne pourrait probablement pas être mise en place en Suisse puisqu’il était résident français. Une structure en France devrait être proposée.

4)La PES a été reçue le 15 décembre 2020 par le SPS. Le directeur de l’établissement mentionnait l’urgence de la traiter. Une PES avait aussi été effectuée pour le frèreaîné.

5) Mme A______ a refusé de signer la PES par courriel du 15 décembre 2020. Il était nécessaire de laisser plus de temps à son fils pour observer son évolution. Elle détaillait les discussions qu’elle avait eues avec les enseignants de son fils depuis la rentrée.

6) Lors de sa séance du 26 mai 2021, la cellule pluridisciplinaire de recommandation a confirmé que les besoins de B______ relevaient de la pédagogie spécialisée.

Au préalable, une actualisation des informations relatives à la famille avait été sollicitée de l’établissement scolaire. Selon un compte-rendu, détaillé, du 15 avril 2021, la situation des deux frères s’était dégradée en même temps. Selon leur mère, cela coïncidait avec l’arrivée des accompagnateurs. Elle n’entendait pas que l’école fasse appel à eux, dès lors qu’il y avait déjà des problèmes.

7) Un projet de décision du SPS a été envoyé aux parents le14 juin 2021.

8) Le 21 juin 2021, la mère de B______ a fait valoir ses observations. Elle s’opposait au projet.

9) Par décision du 1er juillet 2021, exécutoire nonobstant recours, le SPS a refusé la prestation d’enseignement spécialisée pour B______.

La situation de B______ avait été examinée par la cellule pluridisciplinaire de recommandation sur la base d’une PES, suite au constat des difficultés qu’il rencontrait. Des aménagements et mesures de soutien avaient été mises en place en classe, depuis son entrée en 1P, pour accompagner B______ dans ses apprentissages et l’aider à atteindre les objectifs de la 2P, mais celui-ci se montrait peu preneur de ces soutiens. B______ progressait peu dans les apprentissages relevant de la vie scolaire. À ce stade de sa scolarité, il lui était, par exemple, encore difficile de comprendre et de respecter les règles assurant le bon fonctionnement de sa classe. Malgré des compétences que tous les intervenants auprès de B______ reconnaissaient, il parvenait difficilement à mettre en valeur son potentiel, étant trop souvent envahi par des émotions qu’il peinait à réguler. B______ se confrontait à des situations d’échec qui ne favorisaient pas une bonne estime de soi. Les troubles du comportement manifestés par B______ réclamaient la mobilisation d’une attention toute particulière de la part de tous les adultes qui prenaient part à l’encadrement des élèves. Avec le temps, ces troubles ne s’étaient pas atténués, en termes de fréquence, tout comme en termes d’intensité et cela était inquiétant. Les apprentissages scolaires de B______ étaient souvent freinés par son fonctionnement qui traduisait une situation de souffrance sur laquelle il convenait d’agir en apportant à l’enfant une aide et un environnement adaptés. Les personnes qui intervenaient à l’école pour soutenir B______ dans ses apprentissages constataient qu’il montrait des signes de grande fatigue et semblait découragé, avec un risque de désinvestissement, même en situation très individualisée. Les aménagements et soutiens mis en place par l’école atteignaient leurs limites et ne permettaient pas à B______ de s’inscrire dans une dynamique de progression.Les difficultés devenaient globales et confrontaient l’école à des situations qui réclameraient des ressources dont l’enseignement régulier ne disposait pas. La scolarisation de B______ dans une structure de l’enseignement spécialisé s’avérait, en conséquence, indispensable. Les conclusions émises par la cellule pluridisciplinaire de la recommandation, lors de sa séance du 26 mai 2021, sur la base d’informations actualisées et transmises par l’école le 18 mai 2021, confirmaient les éléments précités et le fait que les besoins de l’enfant relevaient de la pédagogie spécialisée.

B______ ne remplissant pas les critères tels que définis par l’art. 30 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) à savoir celui d’un domicile dans le canton pour avoir droit à des prestations de pédagogie spécialisée, la prestation était refusée.

10) Le 2 juillet 2021, Mme A______ s’est opposée à cette décision. Aucun bilan n’avait été établi pour l’enfant. Il était en liste d’attente au CMP France, pour un bilan psychologique depuis plus d’un an. Il présentait peut-être les mêmes troubles DYS que son frère aîné. Il convenait de faire un bilan orthophonique. Par ailleurs d’après son carnet, durant ces derniers mois, son comportement s’était grandement amélioré d’après sa maitresse. Il était prématuré d’envoyer un enfant de six ans en école spécialisée, sans bilan préalable.

11) Le 12 juillet 2021, le directeur de l’établissement du D______ a encouragé les parents de B______ à entamer immédiatement les démarches nécessaires afin de scolariser l’enfant dans un environnement adapté à ses besoins et conforme à ses intérêts. Référence était faite à deux intervenantes professionnelles à ______.

12) Par acte du 19 juillet 2021, Mme A______ a interjeté recours contre la décision du 1er juillet 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu implicitement à l’annulation de la décision et à la réintégration de l’enfant dans l’école publique. B______ était probablement désavantagé en raison du comportement de son frère aîné, lequel souffrait de troubles DYS diagnostiqués en juin 2021. Aucune différenciation n’avait été faite entre les frères. Leur comportement s’était dégradé dès l’arrivée d’un adulte à leurs côtés. Les aides mises à leur disposition étaient ainsi peut-être inadaptées.

13) Invité par la juge déléguée à préciser les conséquences pratiques de la décision sur la scolarisation de B______, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a indiqué que B______ ne pouvait plus étudier à Genève et qu’une solution adaptée à ses besoins devait être trouvée par ses parents en France. Un soutien dans cette démarche avait d’ores et déjà été offert par le direction de l’établissement de l’école primaire du D______.

14) Le 20 août 2021, le DIP a conclu au rejet du recours.

15) Dans le délai fixé pour éventuelle réplique, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de la recourante et a sollicité des délais afin de pouvoir prendre connaissance de l’entier du dossier.

16) Par réplique du 1er novembre 2021, la recourante a conclu, préalablement, à son audition ainsi qu’à l’octroi d’un délai pour la production d’une liste de témoins, aux fins d’entendre notamment les différents intervenants actuels auprès de B______, lesquels s’étonnaient de l’amalgame fait dans la situation entre les deux frères.

Le directeur de l’établissement avait envoyé les deux PES en même temps, manifestant ainsi une volonté de traiter la fratrie. Par ailleurs, la PES faisait état de troubles de comportement non diagnostiqués. Or, la conséquence de la décision était grave et disproportionnée.

B______ était déscolarisé. Il n’était intégré ni en Suisse ni en France dans l’instruction publique. Il était instruit par sa mère, ce dont la direction des services départementaux de l’éducation nationale de Haute-Savoie et la mairie de ______ en France étaient informées. Plusieurs professionnels de l’enfance et de l’éducation intervenaient autour de l’enfant et de sa mère, soit une éducatrice à raison d’une à deux heures toutes les semaines pour un appui éducatif sur une base volontaire de la part de la recourante, unpsychologue en équipe mobile qui se déplaçait à domicile, un psychologue au centre médico-pédagogique de ______. Une demande de réalisation de bilan était en cours auprès de l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) de ______. Enfin, vu le jeune âge de l’enfant, aucun bilan n’était possible. La voie de la scolarisation spécialisée lui était fermée en l’absence de bilan.

La décision litigieuse du 1er juillet 2021 fondait l’exclusion de B______ du système scolaire genevois sur la base du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du 21 septembre 2011 (RIJBEP - C 1 12.01) et de la LIP. Or, celui-là avait été abrogé le 30 juin 2021. Dès lors que la décision se fondait sur un règlement inexistant au moment de son prononcé le 1er juillet 2021 et qu’a contrario il ne se basait sur aucune disposition du nouveau règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 (RPSpéc – C 1 12.05) alors applicable, elle devait être annulée.

Même à considérer que le RPSpéc s’applique par analogie, la décision devait être annulée pour défaut de motivation et violation du droit d’être entendu. La recourante n’avait jusqu’à présent pas pu se prononcer sur la base d’une décision fondée sur les dispositions règlementaires en vigueur.

Au fond, la décision reposait sur une analyse légère de la situation, en l’absence de tout diagnostic médical.

17) Dans le délai imparti pour une éventuelle duplique, le département a persisté dans ses conclusions.

En l’absence de dispositions transitoires, la législation applicable restait celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui devait être apprécié juridiquement ou qui avait des conséquences juridiques. En l’espèce, bien que la décision du SPS ait été rendue le 1er juillet 2021, la procédure ayant mené à la décision se basait sur les dispositions du RIJBEP, lequel s’appliquait au présent litige.

La PES permettait d’allouer des moyens spécifiques à tout enfant évalué. Celle établie en faveur de B______ relevait que certains développements n’avaient peut-être pas pu être diagnostiqués en raison de l’absence de suivi thérapeutique, mais cela n’entachait en rien la pertinence de la PES basée sur l’examen attentif de professionnels de la pédagogie spécialisée et qui, à l’issue de leurs analyses croisées, avaient identifié la nécessité pour B______ d’être pris en charge en enseignement spécialisé afin de répondre à ses besoins de façon adaptée. Ces professionnels avaient en leur possession suffisamment d’éléments pour rendre leur évaluation et constater que B______ n’était pas en mesure d’entrer dans les apprentissages qui étaient proposés dans le cadre scolaire de la 2P. Malgré toutes les aides et les accompagnements déployés, il n’entrait pas dans les apprentissages. La doctoresse E______, du service de santé de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : SSEJ), qui avait participé à la dernière réunion du 15 avril 2021, préconisait également un suivi thérapeutique de B______ et une orientation scolaire adaptée, dans une école de pédagogie spécialisée ou son équivalent en France.

18) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

19) Le contenu des pièces produites sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la décision du SPS du 1er juillet 2021 de refuser à B______ une prestation de scolarisation en enseignement spécialisé, compte tenu de son domicile en France.

3) La recourante conclut préalablement à son audition ainsi qu’à l’octroi d’un délai pour la production d’une liste de témoins, aux fins d’entendre notamment les différents intervenants actuels auprès de B______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer dans ses écritures et de produire toutes les pièces qu’elle jugeait utiles. Elle a pu bénéficier des services d’un avocat, lequel a sollicité des délais, qui lui ont été accordés, afin de pouvoir utilement défendre sa cliente. On ne voit pas ce que les déclarations orales de la recourante apporteraient de plus à la compréhension de la situation. Le dossier produit est complet. Il comporte deux PES détaillées comprenant l’avis des professionnels entourant l’enfant et a encore fait l’objet de compléments utiles à la demande de la cellule de recommandation.

L’objet du litige se limite au bien-fondé de la décision du 1er juillet 2021. L’évolution actuelle, voire le suivi dont il bénéficie aujourd’hui, ne font pas l’objet du présent litige et seraient sans effet sur son issue, comme il sera vu plus loin. Enfin, la chambre de céans est en possession de deux dossiers distincts, comprenant des pièces différentes et propres à chaque situation. Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

4) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

5) a. Aux termes de l'art. 62 al. 3 Cst., les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

b. Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie. Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

c. En référence aux principes de l’école inclusive mentionnés à l’art. 10
al. 2 LIP et dans l’AICPS, le DIP met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d’études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l’école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 al. 1 et
2 LIP).

De la naissance à l’âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s’il est établi qu’ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu’ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l’enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu’un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d'une PES, confiée par l'autorité compétente à des structures d'évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

L'art. 34 LIP prévoit qu'afin de garantir les meilleures chances d’autonomie à la majorité : toutes les personnes responsables de la prise en charge d’un enfant ou d’un jeune, quel que soit son âge, sont tenues d’informer les parents du handicap qu’elles observent dans le cadre de leur fonction (let. a) ; les parents d’un enfant ou d’un jeune à besoins éducatifs particuliers ou handicapé le signalent à l’autorité compétente le plus rapidement possible, afin qu’une évaluation des besoins de l’enfant ou du jeune puisse être effectuée et que des mesures d’intégration préscolaire, scolaire ou professionnelle puissent être mises en place (let. b) ; en l’absence de signalement précoce, il incombe aux autorités scolaires d’informer l’autorité compétente et de décider des mesures transitoires (let. c) ; lorsque l’enfant atteint l’âge de scolarité obligatoire, les parents l’inscrivent à l’école conformément aux dispositions de la présente loi (let. d).

Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.

Les critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues sont détaillés par règlement (art. 29 al. 3 LIP), à savoir l'Annexe II (ci-après : annexe II) du RIJBEP, en vigueur au moment de la décision litigieuse du 11 mai 2021, le RPSpéc étant entré en vigueur le 30 juin 2021.

d. Aux termes de l’art. 10 RIJBEP, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l’enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou le logement (al. 8), les transports des enfants et des jeunes (al. 9 et 10).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 10 al. 5 RIJBEP comprend l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Il est dispensé dans les classes spécialisées au sein des établissements scolaires ordinaires, dans les écoles spécialisées publiques ou privées accréditées ou dans les institutions à caractère résidentiel accréditées (ci-après : structures d'enseignement spécialisé de jour ou à caractère résidentiel). La prestation d'enseignement spécialisé comprend également l'encadrement éducatif et les mesures pédago-thérapeutiques nécessaires (logopédie, psychomotricité, éducation précoce spécialisée).

e. Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l'office de l’enfance et de la jeunesse (art. 5 RIJBEP).

Lorsque l'école pressent chez un élève ou un jeune un besoin susceptible de faire l’objet d’une mesure individuelle renforcée en pédagogie spécialisée, elle le signale aux représentants légaux et leur propose sa collaboration pour le dépôt de la demande (art. 19 al. 3 RIJBEP).

À défaut de dépôt de demande relative à une mesure d'enseignement spécialisé par les représentants légaux, la direction de l'établissement scolaire signale la situation à l’OMP et en informe par écrit les représentants légaux. Sur la base de l'évaluation scolaire de l'élève et si nécessaire, l’OMP signale la situation au SPS et décide des mesures de scolarisation transitoires nécessaires (art. 19 al. 5 RIJBEP).

f. Selon l’art. 20 RIJBEP, conformément à l'art. 13 RIJBEP, le SPS s'appuie sur la PES pour l'évaluation initiale des besoins de l'enfant ou du jeune. Il confie cette évaluation aux structures reconnues définies à l'art. 6 al. 1 RIJBEP (al. 1). Dans le cadre de cette évaluation et avec l'accord des représentants légaux ou du jeune majeur, le SPS est habilité à se procurer auprès des autorités, des médecins traitants, des thérapeutes ou de tout autre service spécialisé les documents, les renseignements et les données personnelles nécessaires. De même, il peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle les enfants et les jeunes concernés sont tenus de se soumettre (al. 2).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (sur le site de la CDIP consulté le 19 août 2021 : https://www.cdip.ch/fr/themes/pedagogie-specialisee). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (site de la CDIP, op. cit ; concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, élaboré par le DIP, version adoptée par le Conseil d'État le 7 février 2018 et en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse, pp. 8-9, https://www.csps.ch/fr/themes-de-la-pedagogie-specialisee/cadre-legal-et-financier/concepts-cantonaux ; depuis le 30 juin 2021, le concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève de février 2018 est remplacé par le RPSpéc : https://www.ge.ch/document/concept-cantonal-pedagogie-specialisee-geneve ).

g. Les représentants légaux et le mineur capable de discernement sont associés aux étapes de la procédure de décision. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 22 al. 1 RIJBEP). Ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit. Leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (art. 22 al. 2 RIJBEP).

L'appréciation de professionnels extérieurs à la structure scolaire ou préscolaire doit être également pris en compte s'ils sont impliqués dans le suivi de l'enfant (Concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, op. cit.).

h. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6) La recourante soutient que la décision se fonde sur un règlement inexistant au moment de son prononcé le 1er juillet 2021 et, a contrario, sur aucune disposition du RPSpéc, ce qui serait un motif d’annulation. Par ailleurs, selon elle, même à considérer que le RPSpéc s’appliquerait par analogie, la décision devrait être annulée pour défaut de motivation et de violation du droit d’être entendu, la recourante n’ayant pas pu se prononcer sur la base d’une décision fondée sur les dispositions règlementaires en vigueur.

a. Le 30 juin 2021 est entré en vigueur le RPSpec, abrogeant et remplaçant le RIJBEP.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l’absence de dispositions transitoires, s’il s’agit de tirer les conséquences juridiques d’un événement passé constituant le fondement de la naissance d’un droit ou d’une obligation, le droit applicable est en principe celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2011, n. 403 ss).

b. La décision litigieuse, en tant qu’elle se fonde sur un état de fait antérieur au 30 juin 2021, sera donc examinée au regard des dispositions du RIJBEP et le grief de violation du droit d’être entendue sera écarté.

7) a. En l'espèce, l'enfant a manifestement des besoins éducatifs particuliers au sens de la loi. Depuis plus d’une année, il présente des difficultés, notamment comportementales, dans sa scolarisation. Il ressort ainsi des bulletins scolaires versés à la procédure que dès le deuxième trimestre de sa première année de scolarisation les évaluations étaient insuffisantes dans deux des trois apprentissages évalués, soit dans la prise en charge de son travail personnel et dans le respect des règles de vie commune. À la fin du premier trimestre de 2P, les trois apprentissages évalués étaient peu satisfaisants, soit la moins bonne appréciation sur les trois proposées (très satisfaisant, satisfaisant, peu satisfaisant).

Il ressort par ailleurs du dossier une fiche de signalement de la situation de B______ au SSE. Le formulaire est détaillé. Il qualifie la situation de grave. Les sujets : acte grave de violence sur mineur, dégradation de matériel, situation complexe en classe, liens famille-école, et autres, avec la précision : « orientation spécialisée nécessaire mais pas possible » sont cochés. La situation de B______ est décrite sur deux pages. La situation du frère ainé est mentionnée. Elle n’influence toutefois, contrairement à ce que soutient la mère, la situation du cadet qu’en tant qu’elle fait partie de son contexte familial. La situation du cadet est toutefois abordée et traitée de façon distincte. Les actes qui sont décrits ne concernent que le cadet. L’évolution de ses apprentissages et les difficultés qu’il rencontre sont décrites, en détail, et lui sont propres.

Le grief d’amalgame entre les deux situations n’est pas fondé.

La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle invoque l’absence de diagnostic et de bilan. Aucune disposition légale ou règlementaire n’impose de telles conditions. Le processus de la PES a été correctement mené, de façon extrêmement fouillée par le directeur de l’établissement, pendant près d’une année. La décision de placer l’enfant en éducation spécialisée a été prise sur la base de l’avis de nombreux professionnels, sociaux, pédagogiques ou médicaux. Leurs avis sont détaillés et fouillés. Ils se fondent sur des éléments récents et tiennent compte de l’évolution préoccupante de l’enfant. La PES a été validée par la commission pluridisciplinaire qui a sollicité l’apport de documents complémentaires, prouvant le soin attaché au dossier avant la prise de décision. Ladite commission a confirmé les conclusions de la PES. Les intervenants insistent sur le bien de l’enfant et son nécessaire épanouissement, lesquels seraient mieux garantis dans des petites structures d’apprentissage.

La poursuite du cursus scolaire ordinaire ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant dans les circonstances du cas d'espèce. Compte tenu du résultat de la PES et des pièces au dossier, une orientation en classe spécialisée répond mieux à ses besoins.

b. Toutefois, en application de l’art. 30 LIP, seuls les enfants qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée.

Dans ces conditions la décision de refus de la prestation par le département est fondée.

Cette décision implique que l’enfant ne soit plus scolarisé à Genève. Elle est conforme à la législation genevoise et la jurisprudence du Tribunal fédéral ainsi qu’aux accords internationaux. Le Tribunal fédéral a ainsi rappelé récemment, notamment dans le cadre d’une problématique d’enseignement spécialisé, que le but de l'art. 3 par. 6 Annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) est l'intégration de la famille, en l’occurrence de l’enfant, du travailleur dans l'État membre d'accueil. En effet, l'intégration de la famille dans le milieu du pays d'accueil présuppose, dans le cas de l'enfant d'un travailleur étranger, que cet enfant puisse bénéficier, dans les mêmes conditions que ses homologues nationaux, des avantages prévus par la législation du pays d'accueil dont les mesures éducatives prévues (arrêt du Tribunal fédéral 2C_820/2018 du 11 juin 2019 consid. 4.1 ; ATA/524/2020 du 26 mai 2020 consid. 5 et les références citées).

De surcroît, dans le cas d’espèce, l’enfant bénéficie déjà d’un suivi, principalement en France. Ainsi, selon les écritures de la recourante, la direction des services départementaux de l’éducation nationale de Haute-Savoie et la mairie de ______ en France sont au courant qu’il est instruit par sa mère. Plusieurs professionnels de l’enfance et de l’éducation interviennent autour de l’enfant et de sa mère, soit une éducatrice à raison d’une à deux heures toutes les semaines pour un appui éducatif sur une base volontaire de la part de la recourante, un psychologue en équipe mobile qui se déplace à domicile, un psychologue au centre médico-pédagogique de ______.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

8) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juillet 2021 par Madame
A______, agissant pour son enfant mineur B______, contre la décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée du 1er juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Constansa Derpich, avocate de la recourante ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :