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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3800/2020

ATA/196/2021 du 23.02.2021 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3800/2020-LOGMT ATA/196/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Karin Etter, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE



EN FAIT

1) Le 14 décembre 2012, Madame A______ et Monsieur  B______ ont conclu un bail à loyer de cinq ans indexé pour un appartement au C______, renouvelable de cinq ans en cinq ans pour un loyer mensuel de CHF 1'980.- charges comprises. Le contrat de bail commençait le 21 décembre 2012 et se terminait le 31 décembre 2013. Selon les clauses particulières faisant partie intégrante du bail, celui-ci était conclu pour une durée de cinq ans indexé. Le locataire pouvait, dès la deuxième année de location à compter de l'entrée en vigueur du bail initial, restituer le logement en tout temps, moyennant un préavis écrit de quatre mois pour la fin d'un mois.

2) M. B______ a annoncé son départ du territoire genevois le 31 janvier 2017 pour la France.

3) L'appartement sis C_______ a été sous-loué, selon des modalités aujourd'hui litigieuses, à Madame  D______ et Monsieur E______.

4) Par courrier du 15 avril 2019, Mme A______ et M. B______ ont résilié le bail de l'appartement sis C______.

L'adresse du couple, expéditeur de l'envoi, était au F______.

5) Le 16 avril 2019, Mme A______ a signé un contrat de bail à loyer pour un appartement de deux pièces, plus chambrette, au deuxième étage au G______, à compter du 1er mai 2019, pour un loyer mensuel de CHF 1'205.- charges comprises.

6) Le 20 mai 2019, Mme A______ a résilié le bail des
sous-locataires de l'appartement sis C______. Le congé était motivé par le non-paiement du loyer des mois de février et mars 2019 pour un total de CHF 4'200.-.

7) Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL) a déclaré irrecevable la requête de protection en cas clair et évacuation pour fin de bail formée par Mme A______ à l'encontre de Mme D______ et M. E______. L'état de faits était litigieux.

8) Le 19 février 2020, Mme A______ a, une nouvelle fois, résilié le bail des sous-locataires de l'appartement sis C______. L'arriéré s'élevait à CHF 7'140.35, représentant divers loyers et charges depuis février 2019.

9) Par jugement du 19 juin 2020, le TBL a déclaré irrecevable la requête en cas clair déposée par Mme A______ le 17 avril 2020. L'appartement sis C______ avait été sous-loué à Mme D______ et M. E______ depuis août 2018. Le 4 avril 2019, les sous-locataires avaient demandé de pouvoir obtenir une quittance lorsqu'ils effectuaient le paiement du sous-loyer de la main à la main. Le 9 avril 2019, ils avaient été mis en demeure de s'acquitter de CHF 2'100.- par mois pour les mois de février, mars et avril 2019, sous menace de résiliation du bail. Ils avaient répondu qu'un loyer de CHF 2'500.- avait été payé jusqu'au 31 mars 2019. Ils sollicitaient le remboursement du trop-perçu et avaient précisé qu'ils paieraient dorénavant chaque mois la somme de CHF 2'100.- en échange d'une quittance.

Le cas n'était pas clair. Les parties au contrat de sous-location, qui semblait avoir été conclu par oral, n'étaient pas clairement déterminées, Mme D______ et M. E______ ayant rendu vraisemblable que le contrat liait également M. B______. Le montant convenu du sous-loyer n'était pas clairement défini non plus. En outre, Mme A______ n'apportait aucune pièce ou explication supplémentaire par rapport à sa requête en cas clair du 8 août 2019. Le fait que les sous-locataires étaient réellement en demeure de payer les sous-loyers de février et mars 2019 lors de l'envoi du congé alors qu'ils alléguaient s'en être acquittés en mains des sous-bailleurs nécessitait de plus amples investigations. Enfin, trois autres procédures étaient en cours, deux en contestation de congé et une en fixation du loyer initial, au cours desquelles il serait répondu aux questions précitées.

10) Selon une correspondance de la régie H______ du 22 juin 2020, suite à sa séparation avec M. B______, Mme A______ avait obtenu un nouvel appartement auprès de leur agence. Une fois le nouveau bail signé, elle leur avait annoncé sous-louer, sans leur accord, le logement situé C______ et vouloir résilier le contrat de bail. L'agence lui avait alors expliqué oralement que, préalablement, elle devait entreprendre, à ses frais, les démarches nécessaires pour que le logement soit libre de tout occupant. Après quoi, la résiliation pourrait être enregistrée pour l'échéance du contrat, soit le 31 décembre 2022. Une résiliation anticipée restait envisageable, les locataires pouvant présenter des candidats solvables en remplissant toutes les garanties requises pour la signature d'un nouveau contrat.

11) Mme A______ a sollicité une allocation logement le 23 juin 2020 pour son logement sis à G______.

12) Par décision du 4 août 2020, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a rejeté cette demande. L'intéressée était titulaire de deux baux depuis le 1er mai 2019.

13) Par courriel du 17 août 2020, Mme A______ a contesté la décision du 4 août 2020. Elle était séparée de son conjoint et sa situation financière en avait été ébranlée. Elle avait vécu précédemment avec son ex-conjoint au C______ dans un appartement de cinq pièces. Elle avait proposé momentanément cet appartement à des amis qui cherchaient à se loger temporairement. Cela lui permettait de rendre l'appartement en respectant le délai de congé. Elle avait souhaité restituer le logement pour en obtenir un autre moins cher. Les sous-locataires avaient refusé de partir et qu'elle les propose à la régie en qualité de locataires de remplacement. Un conflit était survenu. Elle vivait avec son fils au G______ car la régie l'avait autorisée à se loger à cette nouvelle adresse, quand bien même le loyer restait trop onéreux par rapport à sa situation.

14) Par décision du 23 octobre 2020, l'OCLPF a rejeté la réclamation du 17 août 2020. L'art. 7 al. 6 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) était clair et n'autorisait pas qu'une allocation logement soit allouée à quelqu'un titulaire d'un second bail ou logement situé dans le canton. Les motifs ayant conduit Mme A______ à signer l'un ou l'autre bail n'étaient pas pertinents à l'instar des modalités d'occupation des objets considérés.

15) Par acte du 22 novembre 2020, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l'annulation de la décision sur réclamation et, cela fait, à ce qu'une allocation logement lui soit accordée.

Elle n'avait pas réussi à restituer l'appartement du C______ en raison de l'occupation par les sous-locataires. Elle ne l'occupait plus depuis de nombreuses années et ne retirait aucun bénéfice de cette sous-location, les personnes qui y logeaient ne payant que l'équivalent du loyer principal, mais ne prenant pas en charge les autres frais tels que l'électricité, l'assurance, internet et le téléphone. Par ailleurs, le paiement, tardif, des loyers induisait des frais de rappel à sa charge. Ce n'était donc pas par convenance personnelle ou par choix qu'elle disposait de deux contrats de bail dans le canton de Genève. Elle avait été trompée par les personnes à qui elle avait sous-loué l'appartement. Dans la mesure où elle n'avait aucun contrôle sur elles, elle ne devait pas être empêchée de pouvoir bénéficier de l'allocation logement.

16) L'OCLPF a conclu au rejet du recours. Le TBL avait retenu que la
sous-location avait commencé durant le mois d'août 2018. La séparation de la recourante d'avec son conjoint était intervenue le 31 octobre 2017. D'une durée de cinq ans et commençant le 21 décembre 2012, avec un premier terme échéant au 31 décembre 2013, le contrat de bail pouvait faire l'objet d'une résiliation bien avant celle manifestée par les locataires dans leur courrier du 15 avril 2019, dont aucune preuve d'acheminement n'avait au demeurant été produite. Si la situation de la recourante avait été si difficile, elle aurait pu donner son congé pour la première échéance du contrat, soit au 31 décembre 2017, respectivement en tout temps moyennant un préavis de quatre mois. Par ailleurs, elle aurait été en droit de restituer son précédent appartement sans observer le délai ou terme de congé en présentant au moins un locataire solvable et disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions, moyennant le respect d'un préavis minimum d'un mois pour le 15 ou la fin d'un mois. Les circonstances auraient dû inciter la recourante à restituer au plus vite son précédent appartement et à ne pas le mettre en sous-location. Elle n'indiquait par ailleurs nullement avoir conclu un contrat de bail de sous-location de durée déterminée avec l'indication d'une échéance explicite, ni ne précisait où elle avait résidé entre août 2018 et le 16 avril 2019, date de la prise d'effet du second bail. Il lui appartenait d'assumer les conséquences de son choix de sous-location.

17) La recourante n'a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

18) Sur ce, les parties ont été informées, le 9 février 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05). Le locataire d'un immeuble non soumis à la présente loi peut également être mis au bénéfice d'une allocation de logement dans les mêmes conditions, pour autant que le logement qu'il occupe réponde aux normes fixées à l'art. 39B LGL.

b. Selon l'art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d'État détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

Aux termes de l'art. 22 al. 1 let. b RGL, l'allocation de logement ne peut pas être accordée, entre autres, aux locataires qui ne respectent pas les conditions d'occupation du logement telles que fixées à l'art. 31B LGL, notamment ne respectent pas le taux d'occupation de leur logement fixé à l'art. 7 al. 2 RGL (sous-occupation) ou qui sous-louent tout ou partie de leur logement (conformément à l'art. 5 al. 3 RGL).

L'art. 7 RGL définit l'occupation des logements. L'art. 7 al. 6 RGL prévoit notamment que le locataire et toute autre personne occupant le logement ne doivent être titulaires d'aucun bail pour un logement situé dans le canton autre que celui de leur domicile principal.

L'art. 22 RGL fait expressément mention du respect des conditions d'occupation du logement. Il renvoie en conséquence à l'art. 7 RGL. Ainsi, la mention de l'al. 2 de l'art. 7 RGL est exemplative et n'exclut pas l'application de l'al. 6 (ATA/355/2017 du 28 mars 2017 consid. 3).

c. Le Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative, a déjà jugé de longue date qu'il n'était pas admissible qu'une personne bénéficie d'une allocation de logement alors qu'elle disposait d'un deuxième appartement pour des motifs de pure convenance personnelle (ATA/786/2001 du 27 novembre 2001 consid. 3 ; ATA M. du 1er décembre 1998).

Il a toutefois admis l'occupation d'un deuxième appartement lorsqu'il constituait une extension du domicile principal, le premier logement étant manifestement trop petit compte tenu du nombre de personnes qui l'occupaient (ATA/9/2001 du 9 janvier 2001) ou lorsque le locataire se trouvait très provisoirement titulaire de deux baux dans le but de procéder à un échange pour se rendre dans un logement moins onéreux (ATA V. du 8 juin 1999 ; ATA S. du 19 février 1997).

Depuis lors, la chambre administrative a récemment encore confirmé une décision de l'OCLPF condamnant une locataire au remboursement de l'allocation de logement perçue, au motif que cette dernière était titulaire d'un deuxième bail à loyer. Le fait que le second appartement ait pas été laissé à disposition d'un ami pour lui rendre service était sans incidence (ATA/355/2017 précité).

3) En l'espèce, au moment du dépôt de sa requête auprès de l'OCLPF, la recourante était titulaire de deux baux à loyer, ce qu'elle ne conteste pas. Elle invoque avoir essayé, en vain, de se départir du bail à loyer sis C______. Il ressort certes des pièces produites que, depuis février 2019, elle a résilié, sans y parvenir, le bail litigieux. À cette date, elle n'était pas encore titulaire du bail à G______. Elle logeait toutefois dans un autre lieu, dont elle n'a pas donné les coordonnées, une correspondance laissant toutefois penser qu'elle se trouvait au F______ La recourante a ainsi fait le choix, dès le départ de son conjoint le 31 janvier 2017, de ne pas résilier son bail principal au C______, ni de façon anticipée, ni à son échéance en décembre 2017, ni même de le résilier ultérieurement, notamment pour août 2018, date à laquelle elle a décidé de le sous-louer. Elle a poursuivi la sous-location jusqu'aux problèmes avec les sous-locataires, laissant passer volontairement tant l'échéance de décembre 2018 que la possibilité de le résilier de façon anticipée avec un préavis de quatre mois. Aucune pièce au dossier ne vient étayer ses allégations selon lesquelles elle aurait proposé les sous-locataires en qualité de repreneurs du bail et que ceux-ci auraient refusé, la régie ayant par ailleurs confirmé ne pas avoir été informée de la sous-location, contrairement aux obligations légales et contractuelles de la recourante (art. 262 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220] et art. 8 du bail à loyer type pour appartements).

Comme l'a mentionné le TBL, le litige avec les sous-locataires porte tout à la fois sur l'identité du ou des sous-bailleurs, le montant du loyer convenu et les modalités de paiement. Trois procédures sont actuellement en cours après que deux requêtes en évacuation par la voie du cas clair ont été déclarées irrecevables.

Dans ces conditions, si certes, la situation de la recourante est devenue inconfortable, notamment financièrement, les conditions, strictes, pour pouvoir bénéficier d'une allocation logement ne sont pas remplies, la recourante n'étant pas dans la situation d'une titularité provisoire des deux contrats de bail.

Partant, la décision de l'intimé de refuser l'octroi d'une allocation logement à la recourante est fondée.

Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

4) Vu l'issu du litige, un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 23 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Karin Etter, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :