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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3628/2019

ATA/151/2020 du 11.02.2020 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3628/2019-FPUBL ATA/151/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 février 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Charles Fragnière, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE



EN FAIT

1) Madame A______ a été placée au service B______ (ci-après : B______) en qualité de stagiaire, par l'Hospice général, du 1er mars 2016 au 30 avril 2016, puis engagée avec un taux d'activité à 50 % et un contrat d'auxiliaire, le 1er mai 2016, pour une durée maximale de huit mois. Ce contrat a été prolongé de quatre mois au plus, avec un taux d'activité de 100 %, jusqu'au 30 avril 2017.

L'intéressée a été placée en stage par l'office cantonal de l'emploi, toujours au B______, du 29 mai 2017 au 22 août 2017.

Elle a été engagée en tant qu'employée, dès le 1er septembre 2017, avec un contrat de travail fixe en qualité de préposée gestionnaire administrative.

2) Des entretiens d'évaluation des prestations et de développement (ci-après : EEDP) ont eu lieu :

-          le 1er février 2017 (période du 1er mai 2016 au 31 janvier 2017 ; en période probatoire 9 mois en vue de l'échéance des 12 mois) ;

-          le 20 février 2018 (période du 1er septembre au 20 février 2018 ; en période probatoire, 3 mois) ;

-          le 6 juin 2018 (période du 20 février 2018 au 6 juin 2018 ; en période probatoire 9 mois en vue de l'échéance des 12 mois) ;

-          le 26 février 2019 (période du 6 juin 2018 au 26 février 2019 ; en période probatoire 18 mois en vue d'une nomination à deux ans).

De plus, un entretien « managérial » a eu lieu le 29 mars 2019, au cours duquel les insuffisances de prestations de Mme A______ ont été mises en exergue, impliquant qu'une procédure de licenciement soit lancée.

3) Depuis le 2 avril 2019, Mme A______ est totalement incapable de travailler en raison d'une maladie.

4) Le 30 avril 2019, la police a établi un certificat intermédiaire de travail à Mme A______, indiquant notamment que l'intéressée

« travaille au sein de la direction du support et de la logistique depuis le 1er mai 2016. Elle a partagé ses activités en deux secteurs, l'enregistrement à 50 % et les contentieux 50 %. Depuis le 1er septembre 2017, elle a été nommée en qualité de préposée gestionnaire administrative ».

5) Le 25 juillet 2019, la direction des ressources humaines de la police a informé Mme A______ qu'une prolongation de six mois de sa période probatoire était envisagée, afin de finaliser les démarches liées à l'éventuelle résiliation des rapports de travail. Un délai, échéant au 2 août 2019, lui était octroyé pour transmettre d'éventuelles remarques.

6) Après avoir obtenu une prolongation du délai qui lui était octroyé, Mme A______ s'est déterminée par courrier électronique du 8 août 2019. Après réflexion, elle n'avait pas de remarques particulières à formuler. Elle avait pris note qu'une nouvelle période probatoire de six mois lui était accordée.

7) Le 28 août 2019, la Commandante de la police a décidé de prolonger la période probatoire de l'intéressée pour une période de six mois.

8) Le 30 septembre 2019, Mme A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la décision précitée.

La décision de prolonger la période probatoire, prise tardivement, soit après l'échéance de la période probatoire d'une durée maximale de deux ans, était nulle.

L'intéressée avait été auxiliaire au B______ du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, puis avait bénéficié du statut d'employée dès le 1er septembre 2017. En conséquence, sa période probatoire était échue le 1er septembre 2018.

9) Le 1er novembre 2019, la Commandante de la police a conclu au rejet du recours.

L'intéressée avait été informée par sa hiérarchie du fait que ses prestations demeuraient insuffisantes et que la poursuite de la collaboration était remise en question lors de l'entretien du 29 mars 2019.

La période probatoire avait été prolongée le 28 août 2019, soit avant la fin de la période probatoire, le 31 août 2019.

Mme A______ avait préalablement été informée de ce projet de décision et avait même indiqué, dans un courrier électronique du 8 août 2019, qu'elle n'avait pas de remarques à formuler à ce sujet.

Une application analogique de la fiche 01.03.02 du mémento des instructions de l'office du personnel de l'État (ci-après : MIOPE) permettait d'admettre que tout auxiliaire dont les rapports de service avaient été interrompus ne pouvait bénéficier de la durée de ses anciens rapports service pour réduire la durée de la période probatoire dans le cadre des nouveaux rapports de service.

10) Le 14 novembre 2019, Mme A______ a exercé son droit à la réplique, maintenant ses conclusions initiales. Le rapport de service n'avait pas été interrompu pendant qu'elle était employée en qualité de stagiaire au B______, avec la même fonction et le même cahier des charges. Les différents procès-verbaux d'entretien d'évaluation mentionnaient toujours une date d'engagement au 1er mai 2016.

Le certificat de travail intermédiaire qui lui avait été remis n'indiquait pas le contraire.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 19 novembre 2019.

12) Par courrier du 17 janvier 2020, la chambre administrative a demandé aux parties de produire leur dossier, ce qu'elles ont fait les 29 janvier et 3 février 2020.

13) Par acte mis à la poste le 3 février 2020 et reçu par la chambre administrative le lendemain, Mme A______ a recouru contre la décision de résiliation des rapports de service prise par l'autorité le 23 décembre 2019. Cette procédure, ouverte sous le numéro A/438/2020, est en cours d'instruction.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans le cadre du recours qu'elle a interjeté contre la décision résiliant ses rapports de service, la recourante conclu à ce que la procédure en question soit jointe avec la présente cause.

Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). Toutefois, la jonction n'est pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugé alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).

Tel est précisément la situation : la présente cause est en état d'être jugée alors que l'instruction du nouveau recours vient de commencer.

Il ressort de ce qui précède que les procédures ne seront pas jointes.

3) a. Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employée, d'auxiliaire, d'agences spécialisées et de personnel en formation (art. 4 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05).

b. Les fonctionnaires sont les personnes qui ont été engagées pour une durée indéterminée et qui ont accompli une période probatoire en qualité d'employé (art. 5 LPAC), les employés étant des membres du personnel régulier accomplissant la période probatoire (art. 6 LPAC).

c. L'art. 7 LPAC indique que les auxiliaires sont les membres du personnel engagé en cette qualité, pour une durée déterminée ou indéterminée, aux fins d'assurer des travaux temporaires (al. 1). La relation de service ne peut excéder une durée maximale de trois ans, sous réserve de situation sans pertinence en l'espèce (al. 2). La durée d'engagement en qualité d'auxiliaire est prise en compte comme période probatoire lorsque la personne en question accède au statut d'employé (al. 3).

d. Le personnel en formation comprend notamment les stagiaires, soit les personnes engagées en cette qualité pour, notamment, acquérir ou compléter une formation professionnelle (art. 9 al. 2 LPAC).

e. Au terme d'une période probatoire de deux ans, et sous réserve d'une prolongation de cette dernière, les employés sont nommés fonctionnaires (art. 47 al. 1 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Les personnes ayant un statut d'auxiliaire et ayant occupé un poste sans interruption depuis trois ans peuvent également l'être (art. 47 al. 3 RPAC).

4) Dans la présente affaire, les parties s'opposent sur le fait de savoir si la période au cours de laquelle la recourante a travaillé en qualité d'auxiliaire doit être prise en compte dans le décompte de la période probatoire, dès lors que, après avoir été auxiliaire, elle a été stagiaire pendant quelques mois avant d'être engagée comme employée.

a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ; ATA/1821/2019 du 17 décembre 2019 consid. 6a).

b. L'interprétation littérale n'apporte que peu de lumière à la question posée. L'utilisation du substantif « accès » dans l'art. 7 al. 3 LPAC peut laisser penser qu'il doit avoir un lien entre la période où la personne en question était auxiliaire et celle où elle est devenue employée, sans qu'une interruption temporelle ne soit totalement exclue.

c. Historiquement, les travaux législatifs permettent d'apprendre que les termes « la durée d'engagement est prise en compte comme période probatoire en cas d'accès au statut d'employé » ont été introduits dans le projet de loi à la demande du « groupe paritaire » (MGC 1997 55/IX 9648). La question que le législateur entendait résoudre était celle des personnes travaillant avec un statut d'auxiliaire pendant de très longues période, lesquelles devaient être mises au bénéfice du statut d'employé après trois ans.

d. La fiche du MIOPE à laquelle l'autorité intimée fait référence règle la question de l'engagement d'un collaborateur ou d'une collaboratrice ayant déjà travaillé à l'État de Genève ou dans un établissement soumis à la LPAC. Dans toutes les hypothèses évoquées, la personne en question perd son statut de fonctionnaire.

5) En l'espèce, il ressort des pièces figurant à la procédure que la recourante, même si elle a bénéficié successivement d'un statut d'auxiliaire, de stagiaire puis d'employée, a toujours oeuvré au sein du même service en réalisant des tâches similaires, si ce n'est identiques. Les divers EEDP figurant au dossier démontrent que cette unité de tâches et d'appréciations est admise par les personnes ayant procédé à ces évaluations. Cette situation est encore confirmée par le certificat de travail intermédiaire établi par l'employeur, qui ne dit pas autre chose.

Dans ces conditions, la chambre administrative retiendra que, dans les circonstances très particulières du cas d'espèce, la période durant laquelle la recourante a travaillé en qualité d'auxiliaire doit être prise en compte dans la période probatoire en application de l'art. 7 al. 3 LPAC.

En conséquence, la décision de prolongation de cette période, intervenue le 28 août 2019, a en tout cas été prononcée tardivement et, par conséquent, doit être annulée. Le recours sera donc admis.

6) Au vu de cette issue, la chambre administrative ne percevra pas d'émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l'État de Genève.

 

* * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2019 par Madame A______ contre la décision de la Commandante de la police du 28 août 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la Commandante de la police du 28 août 2019 prolongeant la période probatoire de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles Fragnière, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Commandante de la police.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :