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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2715/2006

ATA/799/2010 du 16.11.2010 sur DCCR/592/2010 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2715/2006-ICCIFD ATA/799/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 novembre 2010

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

Madame et Monsieur L______
représentés par Me Michel Lambelet, avocat

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 avril 2010 (DCCR/592/2010)


EN FAIT

1. Monsieur L______, contribuable à Genève, a travaillé au sein de la Z______ banque S.A. à Genève du 1er janvier au 30 novembre 2002. Dès le 1er décembre 2002, il a été engagé par le C______ S.A. (ci-après : C______) dont les actifs et passifs ont été repris depuis lors par le X______ S.A (ci-après : X______).

2. Le 5 décembre 2000, C______ avait informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) qu’elle avait décidé de mettre en place pour la première fois un plan d’intéressement destiné aux cadres. Celui-là consistait à attribuer à ceux-ci des options portant sur les actions de la banque. Le règlement du plan d’options (ci-après : le règlement) ainsi que les fiches de valorisations des actions d’une part et des options d’autre part étaient joints à ce courrier.

Le 8 février 2001, l’AFC-GE a donné son accord au principe d’imposition, à la méthode et aux paramètres d’évaluation du plan d’intéressement proposé par la banque dans le courrier du 5 décembre 2000 précité.

3. Le 11 décembre 2002, le conseil d’administration de la banque a attribué à M. L______ trois cent septante sept options d’achat d’actions au C______, options qui donneraient, chacune, le droit à l’issue de la période minimum de trois ans et dans un délai maximum de cinq ans d’acquérir une action de la banque au prix de CHF 2'652.- puis d’en disposer, conformément au règlement.

De ce règlement, l’on retiendra les éléments suivant :

Le plan permet l’attribution à ses bénéficiaires d’un nombre d’options de souscriptions d’actions ordinaires C______. L’exercice d’une option donne droit à l’acquisition d’une action. Les options sont accordées aux bénéficiaires à titre strictement personnel. Elles ne peuvent faire l’objet d’une cession, mise en gage, ou être grevées de toute autre manière. Demeure réservé le transfert par voie successorale (art. 3).

Chaque bénéficiaire peut exercer les options à partir d’un délai de trois ans courant à compter de la date d’octroi (date d’entrée en jouissance) et au plus tard, avant cinq ans à compter de la date d’octroi (période d’exercice). Chaque bénéficiaire peut exercer ses options en une ou plusieurs fois, étant précisé cependant que les options faisant partie d’une même tranche ne peuvent être levées qu’en tout ou partie, mais en une seule fois seulement. L’exercice des options est toujours facultatif pour le bénéficiaire. Au cas où les options n’auraient pas été exercées par le bénéficiaire au cours de la période d’exercice, elles deviennent automatiquement caduques (art. 6.1).

Ces options étaient assorties à de nombreuses conditions à caractère personnel (caducité des options en cas de congé (art. 6.3.2), de conditions particulières d’exercice en cas de départ à la retraite, d’invalidité ou de décès (art. 6.3.3 à 6.3.5)) ainsi qu’à des restrictions (par exemple : suspension unilatérale du droit d’exercer ses options) (art. 6.2).

4. Dans leur déclaration fiscale 2002, Madame et Monsieur L______ (ci-après : le/les contribuable(s)) ont fait état de trois cent septante sept actions octroyées par le C______ le 13 décembre 2002, au montant total de CHF 144'598,35.

5. L’AFC-GE a demandé aux contribuables divers renseignements complémentaires qu’elle a reçus.

6. Le 12 août 2005, l’AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau de taxation ICC 2002 d’un montant de CHF 183'247,80, calculé sur la base d’un revenu imposable de CHF 631'036.- et d’une fortune imposable de CHF 132'390.-. Elle leur a également notifié un bordereau de taxation IFD 2002 d’un montant de CHF 71'868.- calculé sur la base d’un revenu imposable de CHF 643'800.-.

7. Les contribuables ont élevé réclamation par acte du 19 août 2005 en demandant que les options versées par la banque soient imposables à l’exercice et non à l’octroi. Les options ne pouvaient plus être exercées à la fin du délai de blocage dès lors que le C______ devait disparaître en 2005, absorbé par le X______. Il avait été convenu de dédommager les titulaires d’options dont l’exercice ne pouvait intervenir qu’en 2005 ou ultérieurement, comme c’était le cas du contribuable.

Dans ce contexte, ce dernier avait accepté le 13 décembre 2004 la proposition du C______ de lui racheter ses trois cent septante sept options de la tranche 2002, moyennant une somme de CHF 310.- par option pour solde de tout compte.

La réclamation portait également sur un autre point qui n’est actuellement plus litigieux.

8. Par deux décisions distinctes du 22 juin 2006 concernant d’une part l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et d’autre part l’impôt cantonal (ci-après : ICC) l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le traitement fiscal du plan d’investissement duquel étaient issues les options attribuées en 2002 avait fait l’objet d’un accord fiscal validé par l’AFC-GE le 8 février 2001. Ce dernier reposait sur l’application de la circulaire no 5 du 30 avril 1997 de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH). Conformément à l’application de ladite circulaire, les options qualifient pour une imposition lors de leur octroi aux collaborateurs. De plus, dans le cadre de l’application de cette circulaire, il est admis que l’évaluation de l’option retenue pour l’impôt sur le revenu soit reportée en tant que telle pour la détermination de l’impôt sur la fortune. Par conséquent, c’était à juste titre que le montant de CHF 144'598.- devait être retenu au titre de fortune mobilière imposable.

9. Les époux L______ ont protesté contre les décisions susmentionnées en saisissant d’une part la commission cantonale de recours en matière d’impôts cantonaux et communaux et d’autre part, la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct, toutes deux commissions remplacées dès le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission).

Le contribuable n’avait jamais pu exercer ses options avant l’échéance du délai de blocage du fait de la disparition du C______ en 2005. Ce dernier avait racheté ces options pour un montant total de CHF 116'870.- le 13 décembre 2004. Ce revenu ne saurait concerner l’année fiscale 2002 et avait été porté dans la déclaration fiscale 2004.

Il conclut à l’annulation du bordereau du 12 août 2005 et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour nouveau bordereau qui ne tienne pas compte d’une valeur d’actions des options tant du point de vue des revenus que de la fortune.

10. Le 20 juillet 2007, l’AFC-GE a conclu au rejet des recours en se référant à sa précédente argumentation.

11. Par décision du 26 avril 2010, la commission a admis les recours après les avoir joints.

L’examen du règlement démontrait qu’il n’était pas possible de déterminer à l’avance, soit au moment de l’octroi des options, au vu des nombreuses incombances dont celles-ci étaient assorties, si le contribuable acquérait un droit ferme. Celles-ci devaient donc être qualifiées de simples droits d’expectative. Dès lors, le montant de CHF 144'598.- ne constituait pas un revenu pour les contribuables en 2002.

12. Le 2 juin 2010, l’AFC-GE a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée.

Les options de collaborateurs qui conféraient le droit formateur d’acheter - à un prix de faveur - des actions d’une société, entraient précisément dans le cadre des art. 17 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 18 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14). S’agissant de la taxation proprement dite des options de collaborateurs, il y avait lieu de se référer à la circulaire fédérale no 5 du 30 avril 1997, intitulée « imposition des actions et options de collaborateurs » dont l’application avait été confirmée à réitérées reprises par la jurisprudence. Selon cette circulaire, en acquérant des actions ou des options de collaborateurs, les employés réalisaient un revenu imposable découlant de l’activité lucrative à caractère dépendant. Les options de collaborateurs étaient imposables au moment de leur attribution lorsqu’elles étaient librement transférables, assorties d’un délai de blocage de cinq ans ou plus et n’étaient pas assorties de nombreuses conditions personnelles. Les clauses liées au décès, à l’invalidité et au départ de la société ne représentaient pas des conditions personnelles.

En l’espèce, les trois cent septante sept options octroyées le 11 décembre 2002 au contribuable pouvaient être exercées de la manière suivante : 100 % des options devenaient librement exerçables trois ans à compter de la date de l’octroi et, au plus tard, cinq ans à compter de la date de l’octroi. Dès lors, l’imposition à l’octroi des options attribuées au contribuable se justifiait dans la mesure où il était possible de procéder à une évaluation objective de l’option sur la base des conditions prévalant au moment de l’octroi, notamment la durée de blocage, la durée de vie de l’option, le prix de l’exercice et l’évaluation du sous-jacent.

Le plan ne prévoyant pas de clauses de vesting, la lettre circulaire fédérale du 6 mai 2003 ne s’appliquait pas en l’espèce.

L’AFC-GE conclut à l’annulation de la décision querellée et à la confirmation de sa propre décision.

13. Le 25 juin 2010, la commission a déposé son dossier sans observations.

14. Dans leur réponse datée du 15 avril 2010, mais réceptionnée par le Tribunal administratif le 15 juillet 2010, les contribuables ont conclu au rejet du recours avec suite de frais et dépens.

Compte tenu des faits de la cause, et notamment de l’examen du règlement qui démontrait qu’il n’était pas possible de déterminer à l’avance - soit au moment de l’octroi des options - au vu des nombreuses contraintes dont celles-ci étaient assorties, si le contribuable bénéficiait d’un droit ferme, celles-ci devaient être qualifiées de simple droit d’expectative et partant, faire l’objet d’une imposition à l’exercice et en aucun cas à l’octroi.

15. Dûment invitée le 4 juin 2010 à présenter ses observations, l’AFC-CH y a renoncé.

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17) ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la date d’imposition des options octroyées au contribuable le 11 décembre 2002.

3. En tant qu’il concerne l’ICC 2002, le litige est soumis aux dispositions des lois sur l’imposition des personnes physiques du 31 août 2000 (aLIPP-II), sur la aLIPP-IV, sur l’imposition des personnes physiques - détermination du revenu net - calcul de l’impôt et rabais d’impôt - compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V) ainsi que sur le règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 19 décembre 2001 (aRIPP-V), toutes dispositions remplacés le 1er janvier 2010 par la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

4. A teneur de l’art. 1er aLIPP-IV, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions. Sont imposables, en particulier, tous les revenus et autres avantages appréciables en argent provenant d’une activité exercée dans le cadre d’un rapport de travail (art. 2 aLIPP-IV).

5. Aux termes de l’art. 17 al. 1 LIFD son imposables tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre d’un rapport de travail, qu’elle soit régie par le droit privé ou par le droit public, y compris les revenus accessoires, tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les gratifications, les pourboires, les tantièmes et les autres avantages appréciables en argent.

6. Dans deux arrêts récents, le Tribunal administratif a rappelé que la question de l’imposition des options reçues par un collaborateur était réglée par la circulaire du 30 avril 1997 de l’AFC-CH, elle-même précisée par la lettre circulaire adressée par l’administration fédérale le 6 mai 2003 aux administrations cantonales de l’IFD. En application des circulaires précitées, dans la mesure où le contribuable ne peut acquérir un droit ferme avant une certaine date sur la propriété des options, l’imposition à l’exercice est justifiée (ATA/87/2010 du 9 février 2010 et ATA/439/2009 du 8 septembre 2009).

L’ATA/87/2010 précité a été très récemment confirmé par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 14 octobre 2010 (2C_236/2010), qui a validé le principe de l’imposition des options de collaborateurs au jour de leur réalisation, la date de l’acquisition irrévocable de l’option de collaborateurs, et partant celle de son imposition, devant faire l’objet d’un examen de circonstances concrètes du cas d’espèce et être déterminé en fonction des règles générales sur la réalisation du revenu.

En l’espèce, l’art. 6.1 du règlement prévoit que le bénéficiaire peut exercer les options à partir d’un délai de trois ans courant à compter de la date d’octroi (date d’entrée en jouissance) et au plus tard, avant cinq ans à compter de la date d’octroi (période d’exercice). En d’autres termes, le bénéficiaire ne peut acquérir un droit ferme à l’achat des actions avant une certaine date. Ainsi, selon la jurisprudence susvisée, de telles options ne doivent pas être imposées au moment de leur attribution mais bien au jour de leur réalisation. C’est donc à tort que l’AFC-GE les a imposées dans le cadre de la période fiscale concernée, soit 2002.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision de la commission confirmée.

8. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, en application de l’art. 11 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03).

Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux époux L______, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2010 par l’administration fiscale cantonale contre la décision du 26 avril 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Madame et Monsieur L______ à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, à Me Michel Lambelet, avocat de Madame et Monsieur L______ ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :