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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1058/2003

ATA/684/2004 du 31.08.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : QUALITE POUR RECOURIR; VOISIN; CHANGEMENT D'AFFECTATION; ZONE; RESTAURANT; BRUIT; EMISSION; IMMISSION; INSTALLATION
Normes : OPNS.3; LPE.7 al.7; LPE.11; OPB.2 al.2; OPB.8; OPB.13; LPA.60 litt.b; LCI.149; LCI.1 al.1 litt.a; LCI.14 al.1; LALAT.19 al.1; RPBV.3 al.1
Résumé : Changement d'affectation d'un café-restaurant en " café-restaurant avec musique forte ". Opposition du voisin, copropriétaire de l'immeuble, au motif que ce changement conduit à une sollicitation accrue de la ventilation (en copropriété) de l'immeuble, causant un niveau d'émission plus important qu'auparavant. Le voisin copropriétaire a qualité pour agir contre l'octroi de l'autorisation. Porté de l'art. 14 LCI en matière de bruit. Le système de ventilation de l'immeuble est une installation fixe au sens de l'art. 7 al. 7 LPE et 2 al. 1 OPB. Il ne peut dépasser les valeurs limites d'immissions fixées par les directives en matière de bruit et les normes SIA. Lorsque l'installation à l'origine du bruit est en copropriété, on ne peut subordonner l'autorisation à la condition que l'assainissement soit effectivement réalisé, le requérant n'ayant pas la libre disposition de la chose. Il suffit, du point de vue du droit public, que cet assainissement soit techniquement réalisable sur le plan de la technique et économiquement supportable. Les modalités de réalisation relèvent du droit privé.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1058/2003-TPE ATA/684/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2004

dans la cause

F. A. B. I. SARL
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

et

DEPARTEMENT DE L’AMENAGEMENT, DE L’EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

et

M. C. M. D. B. S.
représentée par Me Soli Pardo, avocat


 


1. La société F.B.I. Sàrl (ci-après : FBI) exploite depuis novembre 2000, un café-restaurant nommé l’« O.H. », sis 2, rue de C. à Genève, à l’emplacement de l’ancienne brasserie « L.L. ».

2. Le bâtiment abritant cet établissement se trouve en zone de construction 2.

3. FBI n’est que locataire des locaux qu’elle exploite.

4. L’O.H. se situe dans un immeuble en co-propriété (PPE), muni d’un ancien système de ventilation qui a été construit avec le bâtiment, en 1969. Ce système de ventilation se compose de huit mono-blocs installés sous la toiture, dans un local technique se trouvant au 8ème étage de l’immeuble. Ce local est adjacent à la salle de séjour d’un appartement situé en attique, appartenant à M. C. D. B. S., qui l’occupe. Parmi les huit mono-blocs existants, six assurent la ventilation du restaurant, un autre assure la ventilation de l’appartement de M. D. B. S., et le dernier celle des parties communes de l’immeuble.

5. Au mois de novembre 2000, le département de justice, police et sécurité (ci-après : DJPS) a autorisé temporairement FBI à exploiter son café-restaurant, au rez-de-chaussée et au sous-sol, sous la forme d’une discothèque avec l’installation d’un disc-jockey, de 21h00 à 02h00.

6. M. D. B. S. s’étant plainte auprès dudit département de l’intensité du bruit produit par l’exploitation, cette autorisation a été limitée à l’espace sous-sol.

7. Malgré cette mesure, M. D. B. S. a continué à souffrir du bruit. Le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : DAEL), de même que l’office cantonal de l’inspection et du travail (ci-après : OCIRT ) et le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SPBR) ont alors été interpellés.

8. Il s’est avéré, lors de l’instruction de ces plaintes, que la source essentielle des nuisances provenait du système de ventilation décrit ci-dessus.

9. FBI a alors mandaté un bureau d’architectes-acousticiens pour prendre des mesures acoustiques et déterminer la provenance et l’intensité exactes du bruit. Il est apparu, lors de ces mesures, que les mono-blocs 3, 5 et 6, rattachés au restaurant, ainsi que les mono-blocs 7 et 8, ventilant respectivement l’immeuble et l’appartement de M. D. B. S., étaient les plus bruyants. Le bruit produit par l’ensemble de la ventilation dépassait les exigences fixées par la norme SIA 181, de jour comme de nuit.

10. Pour remédier à ce problème, FBI a procédé, en janvier 2001, à des travaux de restauration de la centrale de ventilation de l’immeuble, pour un montant de CHF 15'000.- environ. Les installations étant couplées, les interventions ont porté sur l’intégralité des mono-blocs – y compris sur ceux de M. D. B. S. –, aux seuls frais de FBI.

11 Suite à ces travaux, M. D. B. S. s’est à nouveau plainte du bruit.

12. Dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 août 2001, entre minuit et 01h30, elle a fait procéder, pour étayer ses dires et sous contrôle d’huissier, à de nouvelles mesures acoustiques du bruit perceptible depuis son appartement.

13. Un constat d’huissier, ainsi qu’un rapport d’architecte ont été dressés suite à cette visite, le 27 août 2001.

Le bruit mesuré était de 32-33 dB dans le séjour, de 34-35 dB dans le hall d’entrée, de 27-28,5 dB dans les chambres et de 32-33 dB dans le passage entre les deux chambres. A l’intérieur du local technique abritant la ventilation, le bruit était de 62-63 dB. Le bruit n’étant pas neutre, mais à composante tonale, il convenait d’ajouter 4 dB à chacune de ces mesures. Ce bruit provenait uniquement de la ventilation, à l’exclusion de la musique produite par l’établissement qui, bien que forte au point d’empêcher une conversation normale à l’intérieur de l’établissement, n’était pas audible depuis l’appartement.

14. Le 28 août, un inspecteur du service de l’inspection de la construction a procédé à une visite des lieux. A cette occasion, il a invité FBI à déposer auprès du DAEL une requête en changement d’affectation, compte tenu de l’animation musicale déployée.

15. FBI a donné suite à cette invitation en déposant auprès du DAEL une requête en changement d’affectation du café-restaurant en « café-restaurant avec musique forte ».

Dans le cadre de l’instruction de cette demande, la résistance de l’immeuble aux émissions a été testée. Les mesures acoustiques effectuées ont toutes conclu qu’à la limite de 93 dB, la musique projetée n’était pas audible depuis l’appartement de l’intimée.

16. En août 2001, FBI a proposé, par l’entremise d’un bureau d’architectes, de procéder à des mesures acoustiques dans l’appartement de M. D. B. S. en présence des parties et de toutes les entreprises et autorités concernées, soit, notamment, le DAEL, l’OCIRT, le SPBR, l’entreprise et les architectes ayant fait les travaux sur la centrale de ventilation et M. D. B. S.. Les appareils de mesures ont été posés en présence de toutes les parties le 29 août 2001 entre 22 et 23h30.

17. Un rapport de ces mesures a été dressé le 24 septembre 2001 par le bureau d’acoustique mandaté.

Les niveaux de bruit produits par la ventilation, enregistrés à cette occasion, atteignaient 28 dB la nuit en semaine et 31 dB la nuit en week-end. A ces niveaux, il convenait d’ajouter un facteur de correction de + 4 dB, du fait de la composante tonale du bruit.

Selon toute vraisemblance, le bruit provenait de la gaine de ventilation accolée au mur de l’appartement. La seule possibilité pour assainir ce bruit consistait à démolir, dans l’appartement de M. D. B. S., le galandage séparant cette gaine de l’appartement et de le remplacer par un mur en plots, d’environ 10 cm d’épaisseur. Ces travaux concernaient la PPE et non exclusivement FBI. En attendant ces travaux, il convenait de régler la ventilation sur le régime de nuit de semaine, mais cette situation n’était pas satisfaisante à long terme, tant pour la qualité de la ventilation du restaurant que pour les nuisances sonores occasionnées, qui demeuraient importantes.

Enfin, aucun bruit de clientèle ou de musique n’était audible depuis l’appartement lors de ces mesures.

18. Sur la base de ce rapport, l’OCIRT a pris, le 4 octobre 2001, une décision imposant à FBI de procéder aux assainissements nécessaires de façon à ce que le bruit induit par la ventilation ne dépasse pas 30 dB dans l’appartement de M. D. B. S..

19. Cette décision n’a pas été contestée par FBI.

20. Dans le cadre de l’instruction relative à la requête de changement d’affectation, la Ville de Genève, le SPBR, ainsi que le service sécurité et salubrité du DAEL, ont préavisé favorablement, sous réserve notamment, du respect des normes de protection contre le bruit.

21. Par décision datée du 14 février 2002, l’OCIRT a approuvé les plans d’aménagement à condition que seul le sous-sol soit destiné à la danse, à l’exclusion du rez-de-chaussée, et sous réserve qu’un limiteur de bruit équipé d’un sonomètre permettant de conserver l’historique de son fonctionnement soit installé et que le bruit induit dans le voisinage par les activités de l’établissement (ventilation, musique, clientèle), ne dépasse pas 35 dB de 06h00 à 22h00 et 30 dB de 22h00 à 06h00.

22. Par autorisation de construire datée du même jour, le DAEL a autorisé le changement d’affectation du café-restaurant  en café-restaurant avec musique forte et danse, ainsi que l’adaptation du mobilier, en se référant expressément aux préavis du service de sécurité et salubrité du DAEL, limitant à 100 au maximum le nombre de personnes admis dans le sous-sol de l’établissement et à 200 le nombre admis au rez-de-chaussée. Ladite autorisation a été publiée dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève (ci-après : F.A.O.) du 20 février 2002.

A teneur du chiffre 6 de cette autorisation « toutes les mesures devront être prises pour la protection des voisins contre le bruit de l’établissement et de la clientèle entrante et sortante ». Selon le chiffre 8,  les conditions du préavis du SPBR du 17 janvier, invitant au respect des normes LPE et OPB, doivent être « strictement respectées ».

23. La décision de l’OCIRT du 14 février 2002 n’a pas été contestée par FBI.

24. Le changement d’affectation autorisé par le DAEL a été contesté devant la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) par M. D. B. S., le 22 mars 2002.

25. Lors d’un transport sur place effectué le 14 mars 2003, dans le cadre de l’instruction de ce recours, de nouvelles mesures acoustiques ont été effectuées dans l’appartement de M. D. B. S.. Ces mesures ont abouti à la conclusion que, malgré les travaux effectués par FBI, la ventilation de l’immeuble causait encore un dépassement par rapport à la norme SIA 181, de l’ordre de 2 dB, le bruit perçu étant de 32 dB environ, et le niveau de bruit fixé par cette norme de 30dB.

26. Par décision du 9 mai 2003, la commission a admis le recours, annulé l’autorisation accordée et renvoyé la cause au DAEL pour nouvelle décision.

A teneur de l’article 11 LPE, les émissions devaient être limitées à titre préventif. Les travaux effectués sur la ventilation n’avaient pas donné entière satisfaction, les valeurs prescrites par la norme SIA 181 n’étant pas encore atteintes. Dès lors qu’il paraissait possible de réduire les nuisances par la démolition et la construction d’un galandage dans l’appartement de M. D. B. S., l’assainissement devait être poursuivi avant la délivrance de l’autorisation.

27. Le 23 juin 2003, FBI a recouru contre cette décision auprès du tribunal de céans. Elle a conclu à son annulation.

L’autorisation litigieuse ne concernait que la transformation d’un café-restaurant en  café-restaurant avec musique forte et danse. Ainsi, seules les nuisances en rapport avec le changement d’affectation devaient être prises en compte. Concernant les prétendues nuisances produites par la musique et la danse, il avait été démontré qu’elles étaient inexistantes. Quant à celles produites par la ventilation, elles étaient anciennes et préexistaient à la requête faisant l’objet du litige. A ce titre, elles ne pouvaient être prises en compte.

28. M. D. B. S. a répondu au recours le 20 août 2003.

Les nuisances produites par la ventilation étaient des « inconvénients graves » pour le voisinage, au sens de l’article 14 LCI, qui empêchaient le changement d’affectation demandé. Il fallait, pour déterminer le niveau de bruit admissible, se référer à la norme SIA 181, laquelle prévoyait une valeur limite de 30 dB de 22h00 à 06h00. Les mesures acoustiques effectuées avaient toutes démontré que ces valeurs étaient dépassées, de sorte que le changement d’affectation ne pouvait être autorisé.

Enfin, la nouvelle affectation occasionnait d’autres troubles (comportement de la clientèle à la sortie de l’établissement, portière de voitures, etc.), que l’autorité n’avait pas pris en compte.

29. Le DAEL a transmis ses observations au recours le 17 juillet 2003. Il a conclu à l’annulation de la décision attaquée et à la confirmation de sa propre décision.

La décision de la commission était arbitraire, car elle annulait l’autorisation délivrée pour un motif étranger à l’objet du litige. En effet, le problème de la ventilation ne concernait pas directement le changement d’affectation, seul objet de l’autorisation litigieuse. En l’espèce, la ventilation avait toujours existé et il était abusif de la part de l’intimée de profiter de l’occasion du changement d’affectation pour remettre en cause un problème inhérent à l’immeuble. A tout le moins, M. D. B. S. aurait dû contester la décision de l’OCIRT du 14 février 2002 statuant sur les mesures à prendre en rapport avec la ventilation. En ne le faisant pas, elle avait perdu le droit de soulever ce moyen.

Pour le surplus, l’immeuble avait démontré une résistance suffisante aux émissions. En effet, selon l’ordonnance fédérale du 24 janvier 1996 sur la protection contre les nuisances sonores et les rayons laser lors de manifestations (ordonnance son et laser ; RS 814.49), la limite admissible était de 93dB. Les mesures acoustiques effectuées avaient toutes conclu qu’à cette limite, la musique projetée n’était pas audible depuis l’appartement.

30. Le 23 décembre 2003, la société S. S.A., mandatée par la société propriétaire de l’immeuble, a pris contact avec M. D. B. S. pour lui proposer la construction d’un doublage des galandages séparant son appartement de l’installation litigieuse.

M. D. B. S. ne s’est pas clairement prononcée sur cette proposition.

31. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 16 janvier 2004 et sont restées sur leurs positions.

32. Invitées à répliquer et à dupliquer, elles n’ont pas amené d’arguments supplémentaires par rapport à leurs premières écritures.

33. Le 15 juillet 2004, FBI a envoyé, par l’entremise de son conseil, un courrier au tribunal de céans.

Elle l’informait que la société propriétaire du restaurant avait mandaté un bureau d’ingénieurs pour procéder à l’assainissement de la ventilation.

Les travaux devaient débuter le 15 juillet et s’achever le 15 août 2004.

M. D. B. S. avait été une nouvelle fois sollicitée, sans résultat, pour connaître sa position quant à la possibilité d’effectuer des travaux d’assainissement à l’intérieur de son appartement (pose d’une cloison).

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 149 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05 ; 63 alinéa 1, lettre a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Il n’est pas contesté ni contestable que M. D. B. S., en tant que voisine et copropriétaire de l’immeuble d’où proviennent les émissions, a qualité pour recourir contre l’autorisation en cause au sens de l’article 60 lettre b LPA (ATF 95 I 193 consid. 1 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004).

3. Selon l’article 1 alinéa 1 lettre a LCI nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier, même partiellement, la destination d’une construction ou d’une installation.

Ainsi que l’admettent les parties, la transformation de l’affectation du restaurant en « restaurant avec musique forte et danse », est un changement d’affectation dont la conformité aux droits de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de la construction doit être vérifiée par le DAEL, indépendamment de l’autorisation requise auprès du DJPS, fondée sur la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21).

4. Il n’est pas douteux non plus que l’affectation projetée est conforme à la zone. En effet, selon l'article 19 alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), les trois premières zones de construction sont destinées aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire. L’activité d’un restaurant avec musique forte est compatible avec cette affectation.

5. La question des nuisances sonores provoquées par la clientèle à l’extérieur de l’établissement et par la musique du restaurant dans le cadre de la nouvelle affectation n’a pas été examinée par la commission, qui a annulé l’autorisation pour un autre motif.

A cet égard, il convient de préciser que les procédures de recours prévues aux articles 145 et 149 LCI permettent uniquement de contrôler si les autorisations de construire sollicitées ou délivrées ne sont pas en contradiction avec les dispositions de lois administratives, telles par exemple la LAT ou la LCI (ATA/129/2003 du 11 mars 2003).

En l’espèce, la recourante ne dit pas en quoi ces nuisances violeraient les normes précitées. Au contraire, s’agissant de la musique produite par l’établissement, il ressort de toutes les mesures acoustiques prises lors de l’instruction de la demande et du recours devant la commission que le bâtiment démontre une résistance aux émissions conforme à l’article 3 de l’ordonnance son et laser  (soit 93 dB) et qu’aucun bruit de musique n’est audible depuis l’appartement. Quant aux bruits de portières et au comportement des personnes en dehors de l’établissement, ils ne sont étayés par aucun élément. La recourante est la seule à s’en plaindre et les rapports acoustiques n’en font aucunement état. Ils ne sauraient, dans cette mesure, constituer un inconvénient grave au sens de l’article 14 LCI. Ce grief sera donc écarté, dans la mesure où il est recevable.

6. Autre est la question de savoir si le bruit produit par la ventilation de l’immeuble justifie, ainsi qu’en a jugé la commission, l’annulation de l’autorisation délivrée par le DAEL.

La protection des personnes contre le bruit est réglée par la législation fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et par ses ordonnances d’exécution fédérales et cantonales (ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 [OBP - RS 814.41], ordonnance sur la protection contre les nuisances sonores et les rayons laser lors de manifestations du 24 janvier 1996 [OPNS - RS 814.49], règlement genevois sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 [RPBV - K 1 70.10]).

Les équipements des bâtiments et les installations non mobiles dont l’exploitation produit du bruit extérieur se définissent comme des installations fixes, au sens des articles 7 alinéa 7 LPE, 2 alinéa 1 OPB et 3 alinéa 1 RPBV. Ils sont par là assujettis aux règles susmentionnées (art. 1 al. 2 let. a OPB).

Sont applicables également les directives du 10 mars 1999 que le groupement des responsables cantonaux de la protection contre le bruit ont émises en application de la LPE (ATA/781/2001 du 27 novembre 2001), qui fixent les valeurs limites d’immissions des établissements publics, dont les dancings et les restaurants font partie (ATF 130 II 39, consid. 2.1 et arrêts cités ; A.-C. FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l'environnement, Zurich 2002, p. 101 et 296 ; F. BELLANGER, La loi sur la protection de l'environnement. Jurisprudence de 1995 à 1999, DEP 2001, p. 36). La norme SIA 181 est également applicable (ATA/781/2001 du 27 novembre 2001).

De son côté, l’article 14 alinéa 1 lettre a LCI prévoit que le département peut refuser un changement d’affectation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour le voisinage. Dans la mesure où cette disposition vise à limiter les nuisances faisant l’objet de la réglementation fédérale, elle n'a plus de portée propre par rapport au droit fédéral et est devenue, dans une large mesure, sans objet (art. 49 al. 1 Cst ; ATF 117 Ib 179 ; ATF 114 Ib 220 ; ATA/694/1999 du 23 novembre 1999).

7. Selon l’article 11 LPE, les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions ; al. 1). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (al. 2).

8. Concrétisant cette disposition, l’article 8 OPB prévoit que lorsqu’une installation fixe déjà existante au moment de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance est modifiée, les émissions de bruit des éléments d’installation nouveaux ou modifiés devront, conformément aux dispositions de l’autorité d’exécution, être limitées dans la mesure où cela est réalisable sur le plan de la technique et de l’exploitation, et économiquement supportable (al. 1). Lorsque l’installation est notablement modifiée, les émissions de bruit de l’ensemble de l’installation devront au moins être limitées de façon à ne pas dépasser les valeurs limites d’immission (al. 2).

Aux termes de l’alinéa 3 de cette disposition, les transformations, agrandissements et modifications d’exploitation provoqués par le détenteur de l’installation sont considérés comme des modifications notables d’une installation fixe lorsqu’il y a lieu de s’attendre à ce que l’installation même entraînera la perception d’immissions de bruit plus élevées.

En l’espèce, le système de ventilation a été construit en 1969, soit avant l’entrée en vigueur de l’OPB. Il n’a pas été initialement prévu pour assurer la ventilation d’un espace en sous-sol réservé à la danse, mais pour le ventilation d’un restaurant. Le changement d’affectation envisagé accroît sensiblement les besoins de ventilation du sous-sol, causant une sollicitation accrue de l’installation et un niveau d’émission plus important. Dès lors qu’il entraîne une modification de l’exploitation des infrastructures existantes causant la perception d’immissions plus élevées, le changement d’affectation considéré est une modification d’une installation fixe au sens de l’article 8 OPB (art. 8 al. 3 OPB).

En conséquence, les émissions devront être limitées de façon à ne pas dépasser les valeurs limites d’immission (art. 8 al. 2 OPB).

9. Ces valeurs sont fixées par les directives susmentionnées, ainsi que par la norme SIA 181. Selon ces dernières, les immissions, soit le bruit perçu depuis l’appartement, ne doivent pas dépasser 35 dB(A) le jour (de 06h00 à 22h00) et 30 dB(A) la nuit (de 22h00 à 06h00).

En l’espèce, si les différentes mesures acoustiques n’ont pas toujours été concordantes, elles ont toutes démontré un dépassement des valeurs limites la nuit en week-end. Ce dépassement oscille entre deux et cinq dB, selon les rapports effectués. Si l’on suit les rapports acoustiques du 27 août et du 24 septembre 2001, ce dépassement serait même supérieur, car le bruit étant à composante tonale, il faudrait tenir compte d’un facteur de correction de + 4 dB environ.

Il découle de ce qui précède que le bruit produit par la ventilation dans le cadre de la nouvelle affectation dépasse de manière non négligeable les valeurs d’immissions prescrites par la LPE. Le changement d’affectation ne peut ainsi être autorisé en l’état. Un assainissement permettant de réduire les immissions à un niveau supportable pour les voisins doit être exigé, conformément à l’article 13 OPB.

10. En effet, selon cette dernière disposition, l’autorité d’exécution ordonne l’assainissement des installations fixes qui contribuent de manière notable au dépassement des valeurs limites d’immission, après avoir entendu le détenteur de l’installation (art. 13 al. 1 OPB). Les installations seront assainies dans la mesure où cela est réalisable sur le plan de la technique et de l’exploitation et économiquement supportable (art. 13 al. 2 let. a OPB), de telle façon que les valeurs limites d’immission ne soient plus dépassées (art. 13 al. 2 let. b OPB).

En l’espèce, ainsi qu’en a jugé la commission, les possibilités d’assainissement n’ont pas été établies à satisfaction de droit. En particulier, il n’a pas été élucidé si la structure du bâtiment permettrait la construction du galandage préconisé par les acousticiens ou si une autre mesure, économiquement supportable, serait apte à mettre le projet en conformité avec les exigences de la LPE.

A cet égard, le courrier de FBI du 15 juillet 2004 n’est pas suffisant. Il ne fait mention d’aucune autorisation obtenue, ni n’emporte la conviction que les travaux envisagés seront à même d’assurer le respect des valeurs prescrites par la loi. En effet, selon le rapport précité du bureau d’acoustique du 24 septembre 2001, la seule possibilité d’assainir le bruit serait de démolir, dans l’appartement de M. D. B. S., le galandage séparant la gaine de ventilation de l’appartement et de le remplacer par un mur en plot. Il doit donc être préalablement établi par le DAEL que les travaux envisagés sont autorisables et aptes à réduire les immissions de manière suffisante.

Le département ne pouvait en conséquence se borner à renvoyer, dans son autorisation, aux valeurs fixées par la LPE et l’OPB. Il devait s’assurer, à tout le moins, que l’assainissement imposé par ces normes était techniquement réalisable et économiquement supportable.

11. Certes, la centrale de ventilation et l’appartement de M. D. B. S. dans lequel il faudrait, le cas échéant, faire des travaux, sont en copropriété (PPE). Il n’est donc pas possible d’assortir l’autorisation de la condition que cet assainissement soit effectivement réalisé, le propriétaire des lieux n’ayant pas, à lui seul, la disposition de la chose. En effet, les modalités de réalisation de cet assainissement (droits d’intervention, répartition des frais, détermination du dommage, responsabilité, etc.) relèvent du droit de la copropriété (art. 646 ss et 712a ss du Code civil suisse du 10 décembre l907 [CCS - RS 210]) et des droits de voisinage (art. 684 ss CCS ; ATF 95 I 193 ; 88 II 10 ; 87 I 362). L’application de ces dispositions est de la compétence du juge civil et non du juge administratif.

Il suffit donc, du strict point de vue du droit public, que l’assainissement soit techniquement réalisable et économiquement supportable pour que l’autorisation puisse être octroyée. En l’espèce, il n’est ainsi pas nécessaire que l’assainissement soit effectivement réalisé avant la délivrance de l’autorisation.

Cette solution est conforme au principe de proportionnalité, qui exige qu’il existe un rapport raisonnable entre la mesure imposée et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; 348 consid. 2a p. 353 ; 374 consid. 3c p. 377). Elle protége les droits du voisin, qui peut, sur cette base, agir en cessation du trouble devant le juge civil et se plaindre auprès de l’autorité administrative si le titulaire de l’autorisation ne s’exécute pas. Elle protège également le titulaire de l’autorisation, dont le projet de construction ou d’affectation n’est pas, du point de vue du droit public, subordonné à l’accord des copropriétaires, mais examiné du seul point de vue de sa conformité avec les lois administratives.

Au vu des éléments précités, le recours sera rejeté, la décision du 9 mai 2003 de la commission confirmée et la cause renvoyée au DAEL pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

12. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de FBI. Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée à M. D. B. S., à la charge de FBI (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 juin 2003 par F.B.I. Sàrl contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 9 mai 2003 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’500.- et une indemnité de CHF 1000.- en faveur de M. D. B. S. ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matières de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu'à Me Soli Pardo, avocat de M. C. M. D. B. S..

Siégeants :

Mme Bovy, présidente, M. Schucani, Mme Hurni, M. Thélin, M. Paychère, juges.

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste :

 

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :