Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/815/2001 du 04.12.2001 ( HG ) , ADMIS
du 4 décembre 2001
dans la cause
Monsieur J. K.-K.
représenté par Me Catherine Gavin, avocate
contre
CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'HOSPICE GÉNÉRAL
EN FAIT
1. Monsieur J. K.-K., né en 1965, est Congolais. Il a vécu plusieurs années en Allemagne avant d'arriver en Suisse en janvier 2001.
2. Il avait rencontré une Suissesse, Mlle P. S., née en 1964, célibataire et sous tutelle. Tous deux souhaitaient se marier.
3. M. K.-K. a donc présenté une demande d'autorisation de séjour auprès de l'office cantonal de la population du canton de Genève pour une durée indéterminée. Cette demande a été refusée par décision du 29 mars 2001 et un délai au 29 mai 2001 a été imparti à l'intéressé pour quitter la Suisse.
4. a. M. K.-K. a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers.
b. Le président de cette commission a autorisé l'intéressé, par mesures provisionnelles du 9 mai 2001, à séjourner dans le canton de Genève jusqu'à droit jugé sur le recours.
5. Depuis le 1er mai 2001, M. K.-K. est aidé financièrement par l'Hospice général à raison de CHF 521.- par mois plus des frais complémentaires.
6. Par décision du 11 juin 2001, notifiée le 20 juin 2001, l'Hospice général a informé M. K.-K. qu'il mettait un terme à cette aide financière au 30 juin 2001. En effet, selon l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 2 mai 2001, relatif à l'aide financière aux étrangers non titulaires d'une autorisation de séjour régulière (ci-après : l'arrêté) "lorsque l'intéressé a recouru contre la décision négative de l'OCP auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers et que celle-ci l'a autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit jugé sur le recours, l'Hospice général peut poursuivre l'aide jusqu'à décision exécutoire de ladite commission mais au plus durant 45 jours, en application de l'article 17 A du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers (F 2 10.03)". Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant réclamation.
7. En temps utile, M. K.-K. a adressé une réclamation au président du conseil d'administration de l'Hospice général en soulevant l'inconstitutionnalité de l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté précité. Il concluait préalablement à la restitution de l'effet suspensif et au fond à l'annulation de la décision entreprise, ainsi qu'à la reprise du versement des prestations et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
8. Par lettre du 25 juin 2001, le président du conseil d'administration de l'Hospice général a restitué l'effet suspensif à la réclamation et par décision du 9 juillet 2001 expédiée le 17 juillet 2001, il a rejeté ladite réclamation.
9. Par acte posté le 2 août 2001, M. K.-K. a recouru contre cette dernière décision auprès du Tribunal administratif en concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, à l'annulation de la décision du 9 juillet 2001 ainsi qu'au renvoi de dossier à l'Hospice général pour qu'il poursuive le versement des prestations et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
10. Invité à se déterminer sur la demande de restitution de l'effet suspensif, l'Hospice général a répondu le 9 août 2001 que celui-ci avait été restitué à la réclamation par courrier du 25 juin 2001, de sorte que M. K.-K. avait reçu des prestations depuis le début juillet 2001. Il n'y avait donc pas lieu de restituer l'effet suspensif au recours, les versements continuant à être opérés jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise.
La demande de restitution d'effet suspensif a ainsi été formellement retirée par le recourant le 15 août 2001.
11. Sur le fond du recours, l'Hospice général a déclaré s'en rapporter à justice.
12. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 20 septembre 2001. A cette occasion, M. K.-K. a déclaré qu'il avait toujours le projet d'épouser son amie, Mlle P. S.. Cependant, le tuteur de cette dernière s'était opposé à ce projet de mariage, de sorte qu'une procédure était pendante devant le Tribunal tutélaire. Suivant l'issue de celle-ci, M. K.-K. pourrait ou non rester en Suisse. Il ne vivait présentement pas avec son amie car celle-ci se trouvait dans le Jura. Quant à la cause pendante devant la commission cantonale de recours de police des étrangers, elle n'était pas jugée.
Le conseil de M. K.-K. a soutenu que le nouvel arrêté violait, au même titre que le précédent, le droit à des conditions minimales d'existence car le délai de 45 jours avait été introduit en parallèle avec le délai fixé dans le règlement d'exécution de la loi d'application de la LFSEE, au motif que dans ces 45 jours, la commission cantonale de recours de police des étrangers devait avoir statué alors que son retard était notoire.
13. Ainsi qu'il en avait été convenu avec les parties, le juge délégué a pris contact avec le tribunal tutélaire, d'une part, et avec la commission cantonale de recours de police des étrangers d'autre part, afin de connaître l'état d'avancement de ces deux dossiers.
14. La commission cantonale de recours de police des étrangers a fait parvenir au juge délégué copie de sa décision du 18 septembre 2001 expédiée le 24 octobre 2001. Il ressort de l'exposé en fait de cette décision que la commission avait entendu le 18 septembre 2001 Mlle S., laquelle avait affirmé qu'elle ne souhaitait plus épouser le recourant, ayant fait l'objet de sa part d'insultes et de mépris.
Ce faisant, la commission a indiqué que le recours interjeté par M. K.-K. était devenu sans objet en cours de procédure, raison pour laquelle la cause était rayée du rôle.
15. Le juge délégué a transmis copie de la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers au Tribunal tutélaire; cette dernière autorité a imparti un délai - qui n'est pas échu - à Mme S. pour maintenir ou retirer son recours.
16. Par courrier du 13 novembre 2001, le conseil du recourant a indiqué au juge délégué qu'aucune décision de renvoi n'avait été prise par l'OCP, que le Tribunal tutélaire n'avait pas encore statué mais que "la solution au recours déposé par M. K.-K. devant votre autorité est (était) indépendante des autres procédures actuellement en cours".
EN DROIT
1. a) Selon l'article 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - (LOJ - E 2 05) le Tribunal administratif est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative.
b) Sont susceptibles de recours devant le Tribunal administratif les décisions finales (art. 57 a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) contre lesquelles il est fait recours dans un délai de 30 jours (art. 63 al. 1 lettre a LPA).
c) La décision par laquelle le président du conseil d'administration de l'Hospice général retire l'aide accordée au recourant est une décision finale. Ladite décision ayant été expédiée le 17 juillet 2001, le recours posté le 2 août 2001 l'a été en temps utile.
d) L'article 12 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, entré en vigueur le 1er janvier 2000 (CF - RS 101) prévoit un droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse. Ce droit à des prestations positives de l'Etat peut être invoqué en justice (ATF 122 II 193; ATF 122 I 101; ATA B. du 7 novembre 2000; A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, tome 2, Berne 2000, page 689).
Dès lors que la Constitution fédérale confère un droit à des prestations pécuniaires, le Tribunal administratif est compétent (art. 56 B alinéa 3 lettre a de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05).
En conséquence, le recours est recevable.
2. Le tribunal de céans est habilité à revoir à titre préjudiciel et à l'occasion de l'examen d'un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral.
Le tribunal de céans a constaté la nullité de l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 31 mars 2000 (ATA B. et B. du 7 novembre 2000),relatif à l'aide financière aux étrangers non titulaires d'une autorisation de séjour régulière, car il violait le droit à des conditions minimales d'existence, droit de rang constitutionnel tel que défini par le Tribunal fédéral (ATF 122 II 193; 121 I 367).
3. Il convient donc en l'espèce d'examiner si l'article 2 alinéa 6 du nouvel arrêté du Conseil d'Etat du 2 mai 2001 doit être déclaré nul pour les mêmes raisons ou si au contraire, il est dorénavant conforme au droit fédéral.
Cette nouvelle disposition est ainsi libellée :
"Lorsque l'intéressé a recouru contre la décision négative de l'OCP auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers et que celle-ci l'a autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit jugé sur le recours, l'Hospice général peut poursuivre l'aide jusqu'à décision exécutoire de cette commission, mais au plus durant 45 jours en application de l'article 17 A du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers (F 2 10.03)".
En l'espèce, cette disposition diffère de l'ancien article 2 alinéa 6 en ce sens que ce dernier prévoyait qu'à dater du dépôt d'un recours à la commission cantonale de recours de police des étrangers, l'aide était interrompue.
Le nouvel arrêté prolonge donc le droit de l'intéressé à recevoir une aide financière pendant la procédure de recours mais au plus tard durant 45 jours, jusqu'à l'obtention d'une décision exécutoire.
En l'espèce, cependant, le recourant bénéficie de fait des prestations d'assistance depuis le 1er mai 2001, de sorte que ce délai est largement dépassé.
4. Ce délai de 45 jours correspond comme le soutient le recourant, au délai de traitement du recours fixé à la commission cantonale de recours de police des étrangers, par l'article 17 A du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers du 8 février 1989 (RASEE - F 2 10.03). Selon son alinéa 2, "pour les recours tendant à l'obtention initiale d'une autorisation de séjour en faveur de personnes à la charge de l'assistance publique, l'autorité cantonale de police des étrangers doit produire ses observations dans les 15 jours à compter du dépôt du recours. La commission cantonale de recours de police des étrangers a ensuite 30 jours pour statuer".
Cette disposition est entrée en vigueur le 3 mai 2001.
Il faut donc inférer de la comparaison de l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 2 mai 2001 et de l'article 17 A alinéa 2 RASEE que l'autorité politique a souhaité que l'assistance publique soit accordée jusqu'à l'issue de la procédure de recours, au terme de laquelle la situation de l'intéressé doit être connue.
5. Il n'en demeure pas moins que cette restriction à 45 jours de la durée des prestations ne repose sur aucune base légale et que la décision attaquée, prise en application de l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 2 mai 2001 est ainsi inconstitutionnelle et partant, nulle.
6. Le recours sera admis. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant.
PAR CES MOTIFS
le Tribunal administratif
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 2 août 2001 par Monsieur J. K.-K. contre la décision du président du Conseil d'administration de l'Hospice général du 9 juillet 2001;
au fond :
l'admet;
constate la nullité de l'article 2 alinéa 6 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 2 mai 2001;
annule la décision de l'Hospice général du 11 juin 2001 ainsi que celle du président du Conseil d'administration de l'Hospice général du 9 juillet 2001;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;
alloue au recourant une indemnité de CHF 1'000.- à charge de l'Etat de Genève;
communique le présent arrêt à Me Catherine Gavin, avocate du recourant, ainsi qu'au Conseil d'administration de l'Hospice général et, pour information, au Tribunal tutélaire et à la commission cantonale de recours de police des étrangers.
Siégeants : M. Paychère président, MM. Thélin et Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges.
Au nom du Tribunal administratif :
la secrétaire-juriste : le vice-président :
C. Goette F. Paychère
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le la greffière :
M. Oranci