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Décisions | Chambre civile

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C/4352/2023

ACJC/147/2024 du 06.02.2024 sur JTPI/11349/2023 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4352/2023 ACJC/147/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 FEVRIER 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______,

Le mineur B______, représenté par sa mère, Madame A______, domicilié ______,

Tous deux appelants d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 octobre 2023, représentés par
Me Nicolas AMADIO, avocat, Aubert Spinedi Street & Associés, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11349/2023 rendu le 4 octobre 2023, le Tribunal de première instance a, notamment, attribué la garde exclusive de l'enfant B______ à sa mère A______ (ch. 1 du dispositif) et condamné son père C______ à verser une contribution à son entretien de 475 fr. par mois à compter du 1er janvier 2024 jusqu'à ses 10 ans révolus, de 675 fr. de 10 à 15 ans révolus puis de 775 fr. de 15 ans jusqu'à la majorité, voire au-delà si l'enfant poursuit des études sérieuses et régulières (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 3 novembre 2023, le mineur B______ et sa mère A______ ont appelé de ce jugement, qu'ils ont reçu le 12 octobre 2023. Ils demandent à la Chambre civile d'annuler le chiffre 4 du dispositif de ce jugement en ce qu'il n'a accordé aucun effet rétroactif à la contribution d'entretien allouée à l'enfant, et de condamner C______ à verser la contribution d'entretien fixée par le Tribunal à compter du 1er mars 2022.

b. Par pli recommandé du 6 novembre 2023, le greffe de la Cour a transmis l'acte d'appel à C______ en lui impartissant un délai de 30 jours pour répondre. Ce pli a été retourné au greffe avec la mention "non réclamé" à l'échéance du délai de garde auprès de la Poste et renvoyé à son destinataire par pli simple le 17 novembre 2023.

c. C______ n'a pas répondu à l'appel.

d. La cause a été gardée à juger le 21 décembre 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née le ______ 2000, de nationalité suisse, et C______, né le ______ 1997, de nationalité érythréenne au bénéfice d'un titre de séjour en Suisse, sont les parents non mariés de B______, né le ______ 2021. La mère est seule titulaire de l'autorité parentale sur l'enfant.

b. Par demande déposée au Tribunal de première instance le 3 mai 2023 après échec de la tentative de conciliation requise le 9 mars 2023, A______ et le mineur B______ ont conclu à l'attribution de la garde de l'enfant à la mère, à la réserve d'un droit de visite en faveur du père et au versement d'une contribution de 700 fr. par mois à l'entretien de l'enfant à compter du mois de mars 2022.

c. Le 19 mai 2023, le Tribunal a imparti à C______ un délai pour répondre à la demande et cité les parties à comparaître à l'audience fixée le 5 septembre 2023. Le courrier recommandé adressé à C______ a été retourné au greffe à l'issue du délai de garde à la Poste avec la mention "non réclamé". Il a été renvoyé à C______ par pli simple du 7 juin 2023.

d. Le défendeur n'a pas répondu à la demande et ne s'est pas présenté à l'audience tenue le 5 septembre 2023.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

e. S'agissant de la situation financière des parties, le Tribunal a retenu ce qui suit :

C______ n'exerce pas d'activité lucrative et émarge à l'aide sociale. Il a obtenu un diplôme de coach sportif, mais n'a jamais travaillé en cette qualité. Ses charges incompressibles s'élèvent à 2'895 fr. comprenant son loyer (1'325 fr.), sa cotisation d'assurance-maladie (300 fr.), les frais de transport public (70 fr.) et le montant de base OP (1'200 fr.).

A______, en formation, bénéficie d'une rente de l'assurance invalidité dérivée de celle de ses parents, ainsi que de prestations complémentaires.

Le mineur B______ bénéficie de prestations de l'Hospice général. Ses charges s'élèvent à 785 fr. 60 comprenant sa participation au loyer (211 fr. 40), sa cotisation d'assurance maladie, subside déduit (42 fr. 20), ses frais de crèche (132 fr.) et le montant de base selon les normes d'insaisissabilité OP (400 fr.). Après déduction des allocations familiales versées en faveur de l'enfant à raison de 311 fr., l'entretien convenable de l'enfant à la charge des parents est de 474 fr. 60.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que l'entretien financier de l'enfant incombait au père dès lors que la mère en assumait la prise en charge au quotidien. Compte tenu de la situation financière des parents, les besoins de l'enfant devaient être déterminés en fonction du minimum vital du droit des poursuites. Le père était en mesure d'exercer une activité lucrative compte tenu de son âge, de l'absence de problèmes de santé et du diplôme de coach sportif qu'il a été en mesure d'obtenir. En raison de son manque d'expérience, il ne pouvait toutefois être attendu de lui qu'il perçoive un revenu net supérieur à 3'500 fr., qu'il devrait être en mesure de réaliser dès le début de l'année 2024 s'il déployait les efforts que l'on pouvait attendre de lui. Le Tribunal a en conséquence condamné le père à contribuer à l'entretien de l'enfant à compter du 1er janvier 2024.

EN DROIT

1. Interjeté selon les forme et délai prescrits contre une décision finale statuant notamment sur la contribution due à l'entretien d'un enfant mineur, seul point encore litigieux, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions formulées à ce titre en première instance, supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable (art. 92, 130, 308 al. 1 let. a et al. 2, 311 al. 1 CPC).

2. Le litige est soumis aux maximes inquisitoire illimitée et d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC).

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir omis de faire rétroagir la condamnation de l'intimé à contribuer à l'entretien du mineur au mois de mars 2022.

3.1.1 L'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 CC).

La contribution d'entretien due à l'enfant doit correspondre aux besoins de celui-ci, ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

L'enfant peut réclamer l'entretien pour l'avenir et pour l'année qui précède l'ouverture de l'action (art. 279 al. 1 CC).

3.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille (ATF 147 III 265, SJ 2021 I 3016; 147 III 293147 III 301). Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites puis, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie (ATF 147 III 265 consid. 7.1).

3.1.3 Le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1). S'agissant de l'obligation d'entretien d'un enfant mineur, les exigences à l'égard des père et mère sont plus élevées, en particulier lorsque la situation financière est modeste, en sorte que les parents doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela a une influence sur leur capacité à subvenir aux besoins de l'enfant
(ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_254/2019 du 18 juillet 2019 consid. 3.1; 5A_946/2018 du 6 mars 2019 consid. 3.1).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Il doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées et du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 précité consid. 5.2.1).

3.1.4 S'agissant spécifiquement de la prise, de la reprise ou de l'extension d'une activité lucrative, celle-ci ne doit en principe être admise que pour le futur, étant précisé que l'on accorde généralement à la partie à qui on veut imputer un revenu hypothétique un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_694/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.5.2; 5A_549/2017 du 11 septembre 2017 consid. 4). Toutefois, une décision qui s'écarte de ces principes n'est pas nécessairement contraire au droit fédéral, le juge pouvant tenir compte de circonstances particulières, telles que la prévisibilité pour la personne concernée de l'exigence de reprise ou d'extension de l'activité lucrative (arrêts du Tribunal fédéral 5A_694/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.5.2; 5A_549/2017 du 11 septembre 2017 consid. 4).

3.2 En l'espèce, les appelants ne remettent pas en cause la quotité de la contribution de l'intimé à l'entretien de l'enfant, qui apparaît conforme au regard de ses besoins, de sa prise en charge assumée au quotidien par sa mère et de la situation financière de ses parents.

S'agissant en particulier de la capacité contributive de l'intimé, le Tribunal a retenu qu'il était en mesure de réaliser un revenu de 3'500 fr. par mois au regard de son âge, de sa formation ainsi que de son manque d'expérience et lui a octroyé un délai d'un peu moins de trois mois pour trouver un emploi.

Il est vrai que l'intimé devait connaître ses responsabilités financières découlant de sa paternité dès la naissance de son fils et se rendre compte que son train de vie actuel sans aucune activité professionnelle ne lui permettait pas de subvenir à ses obligations alimentaires, qu'il s'est désintéressé de la présente procédure et n'a justifié d'aucune recherche d'emploi. Ces éléments, dont le premier juge a à raison tenu compte pour retenir que l'intimé était en mesure d'exercer une activité professionnelle afin d'assumer ses obligations alimentaires, ne justifient en revanche pas de déroger au principe selon lequel un délai est en général accordé à la partie à laquelle un revenu hypothétique est imputé afin de lui permettre de s'adapter à sa nouvelle situation. Aucun élément au dossier ne permet en l'occurrence de retenir que l'intimé devait, à compter du mois de mars 2022 déjà, soit une année avant le dépôt de l'action alimentaire, prévoir que son obligation d'entretien à l'égard de son fils serait déterminée en fonction d'un revenu hypothétiquement déterminé. La prévisibilité exigée par la jurisprudence pour renoncer à l'octroi d'un délai approprié d'adaptation n'est en conséquence pas donnée dans le cas d'espèce.

Le Tribunal a ainsi correctement apprécié les circonstances du cas d'espèce en octroyant à l'intimé un délai d'un peu plus de deux mois pour rechercher un emploi afin d'être en mesure de s'acquitter de sa contribution à l'entretien de son fils à compter du 1er janvier 2024.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

4. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 500 fr. (art. 17 RTFMC) et mis à la charge des appelants, qui succombent (art. 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC). Ceux-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 CPC), qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 al. 1 CPC).

Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens (art. 106 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 novembre 2023 par B______ et A______ contre le jugement JTPI/11349/2023 rendu le 4 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4352/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les met à la charge de B______ et de A______ et dit qu'ils sont provisoirement pris en charge par l'Etat de Genève.

Dit qu'il ne sera pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.