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Décisions | Chambre civile

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C/87/2024

ACJC/25/2024 du 09.01.2024 ( IUS ) , REJETE

Normes : CPC.265; LCD.9
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/87/2024 ACJC/25/2024

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 JANVIER 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], requérante, représentée par Me Christophe GAL, avocat, CG Partners, rue du Rhône 100, 1204 Genève,

et

B______ S.A.M., sise ______, Monaco, citée.

 


Attendu, EN FAIT, que, par acte déposé à la Cour de Justice le 8 janvier 2024, A______ SA a formé à l'encontre de B______ S.A.M. une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles;

Que, sur mesures superprovisionnelles, elle a conclu à ce que la Cour, statuant sans audition des parties, ordonne à B______ S.A.M., respectivement à tous ses revendeurs, franchisés et détaillants proposant ses produits à la vente et/ou à la location de cesser, dans les trois jours, la commercialisation et/ou la mise en location de 26 bijoux désignés par leurs modèles et références ainsi que de tous autres produits présentant les mêmes caractéristique que ceux-ci ou qu'un produit de sa collection "C______" ou de ses dérivés, ordonne aux précités ainsi qu'à toute personne mandatée pour la promotion des produits de B______ S.A.M. de cesser, dans les trois jours, toute communication promotionnelle concernant les bijoux susmentionnés, prononce ces injonctions sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, communique les décisions rendues à toutes les boutiques et revendeurs de B______ S.A.M. en Suisse, notamment à celles sises à Genève, Lausanne et Zurich, dise que, faute d'exécution dans le délai de trois jours, B______ S.A.M. sera condamnée à une amende de 1'000 fr. par jour d'inexécution et la dispense de fournir des sûretés, le tout avec suite de frais et dépens;

Qu'elle a pris des conclusions identiques sur mesures provisionnelles;

Qu'il ressort du dossier que la requérante a notamment pour but la commercialisation de bijoux;

Qu'elle allègue disposer d'un point de vente à Genève ainsi que d'un magasin à D______ [BE], distribuer ses produits à des revendeurs sis à l'étranger et s'être construit une réputation sur le marché mondial de la joaillerie par ses collections au design innovant, notamment la collection "C______" et ses déclinaisons;

Que cette collection, imaginée par E______, et concrétisée par des dessins techniques réalisés par un tiers aux frais de la requérante, avait été lancée en 2021 et que les bijoux concernés, en or et pierres précieuses, étaient vendus par la requérante au prix de plusieurs milliers, voire dizaine de milliers de francs;

Que lesdits bijoux avaient été imités par la citée, qui les mettait en vente sous la forme de collections appelées "F______" et "G______", commercialisées depuis février 2023, étant précisé que ces bijoux, qui n'étaient pas en matériaux précieux, étaient vendus au prix de quelques centaines de francs;

Que la citée avait entrepris des campagnes de publicités importantes pour faire connaître les collections précitées, notamment sur les réseaux sociaux, et prétendait à tort les avoir dessinées et développées, alors qu'elle les avait copiées sur celle de la requérante;

Qu'elle fait valoir que les actes précités contreviennent aux articles 2 LCD, 3 al. 1 let. d LCD (risque de confusion entre ses produits et ceux de la citée), 3 al. 1 let. e LCD (exploitation parasitaire de son renom et de ses prestation) et 5 let. c LCD (exploitation par la citée d'une prestation indûment acquise) et qu'elle subit de ce fait une atteinte illicite à sa personnalité de nature à lui causer un dommage difficilement réparable en termes de perte de clientèle et d'impact sur sa réputation;

Qu'il y a selon elle urgence à statuer car le dommage qu'elle subit s'accroit de jour en jour, ce d'autant plus que la citée déploie des moyens de communication importants qui augmentent le risque de confusion entre les produits des deux parties;

Considérant, EN DROIT, que la Cour de céans est compétente à raison de la matière (art. 5 al. 1 lit. d et al. 2 CPC; art. 120 al. 1 lit. a LOJ) et, vraisemblablement, de la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 lit. d CPC) pour connaître des conclusions formulées à titre superprovisionnel par la requérante;

Que sa compétence à raison du lieu peut à ce stade être retenue, en application de l'art. 129 LDIP, puisque la requérante est sise à Genève, de sorte que le dommage qu'elle allègue subir est vraisemblablement localisé dans cette ville;

Que le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Que l'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite;

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre les parties (art. 265 al. 1 CPC);

Qu'il incombe à la partie requérante de rendre vraisemblables les faits qu'elle allègue, ainsi que le bien-fondé, sous l'angle d'un examen sommaire, de la prétention qu'elle invoque (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n° 1773 à 1776 et 1779);

Que le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, op. cit., n° 1780);

Que la mesure ordonnée doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge (a) de l'interdire si elle est imminente ou (b) de la faire cesser si elle dure encore (art. 9 al. 1 LCD);

Qu'en l'espèce, il n'est pas nécessaire à ce stade de trancher la question de savoir si la requérante subit vraisemblablement une atteinte au sens de la LCD du fait de la commercialisation par la citée des produits incriminés et si elle a rendu vraisemblable l'existence d'un dommage;

Qu'en effet, la requérante ne rend pas vraisemblable qu'il existe une urgence particulière justifiant le prononcé des mesures qu'elle requiert avant audition de la partie citée;

Que cela est d'autant plus vrai que les produits de la citée incriminés sont, selon les allégations de la requérante, commercialisé depuis presque un an;

Qu'à cela s'ajoute que les interdictions requises ont une portée très large et aboutiraient à restreindre de manière significative l'activité de la requérante;

Que le principe de proportionnalité commande dès lors le rejet de la requête de mesures superprovisionnelles déposée par la requérante;

Que la suite de la procédure sera réservée;

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Rejette la requête de mesures superprovisionnelles déposée par A______ SA le 8 janvier 2024 à l'encontre de B______ S.A.M.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).