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Décisions | Chambre civile

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C/5880/2023

ACJC/1721/2023 du 14.12.2023 ( IUS ) , RETIRE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5880/2023 ACJC/1721/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 14 DÉCEMBRE 2023


Entre

1) A______/1______ SA, sise ______ [FR],

2) A______/2______ SA, sise ______ [FR],

3) A______/3______ B.V., sise ______, Pays-Bas,

requérantes, représentées toutes trois par Me Frédéric SERRA, avocat, HOUSE ATTORNEYS SA, route de Frontenex 46, case postale 6111, 1211 Genève 6,

et

1) B______/4______ AG, sise ______ [BE],

2) B______/5______ AG, sise ______ [TG],

citées, toutes deux représentées par Me Anne-Virginie LA SPADA-GAIDE, avocate, BMG AVOCATS, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. a. Le 24 mars 2023, A______/1______ SA, A______/3______ B.V et A______/2______ SA (ci-après : les requérantes) ont saisi la Cour de justice d'une requête de preuve à futur à l'encontre de B______/4______ AG et B______/5______ AG (ci-après : les citées).

Les requérantes font en substance valoir que les citées, en leur qualité de revendeurs, offrent à la vente des montres C______, en particulier le modèle 6______, qui sont des copies serviles de montres [de marque] D______, en particulier de celles [du modèle] 7______. La requête vise à obtenir les documents permettant de "déterminer le montant du gain" à restituer, en lien avec la violation de la Loi sur la concurrence déloyale.

La veille, soit le 23 mars 2023, les requérantes avaient mis les citées en demeure de retirer de leur offre de vente les montres litigieuses et de leur fournir tous le bons de commande et factures de tout fournisseur des montres C______/6______, permettant de déterminer le chiffre d'affaires et le bénéfice en relation avec la vente des montres précitées. Le lendemain les citées avaient retiré de leur site les montres litigieuses et informé les requérantes à cet égard. Elles n'avaient en revanche pas fourni les documents demandés, pour des raisons de confidentialité et de protection des données.

b. Par ordonnance du 4 mai 2023, la Cour a imparti un délai de dix jours aux citées pour se déterminer sur la demande.

c. Le 5 juin 2023, B______/5______ AG, agissant en personne, a produit des pièces, et indiqué avoir retiré de son offre les montres C______/6______, immédiatement après avoir été interpellée par les requérantes le 22 mars 2023. Elle n'avait pas transmis les coordonnées de ses clients, des personnes privées, pour des raisons de confidentialité et de protection des données.

D______, agissant en personne, a répondu le 26 mai 2023 qu'elle n'avait ni acheté ni vendu les modèles litigieux.

d. Le 23 juin 2023, les requérantes ont informé la Cour de ce que les citées avaient fourni l'intégralité des pièces requises, que leur réponse s'apparentait donc à un acquiescement. Elles ont conclu à ce que cela soit constaté, les frais devant être mis à la charge des citées, en application de l'art. 106 al. 1 CPC.

e. Par déterminations du 24 juillet 2023, les citées, sous la plume de leur mandataire, ont conclu à ce que les frais soient mis à la charge des requérantes, faisant valoir qu'avant même l'issue de la procédure de preuve à futur, celles-ci avaient déposé, le 17 mai 2023, devant la Cour, une action en cessation de l'atteinte et fourniture de renseignements avec action en remise de gain échelonnée à leur encontre (C/8______/2023. Il était ainsi manifeste qu'elles ne voulaient pas clarifier les chances de succès d'un éventuel procès mais obtenir de manière anticipée la fourniture de renseignements. De plus, dans la procédure de preuve à futur, il n'y avait pas de décision de droit matériel et, partant, pas de partie succombante; l'art. 106 CPC n'était donc pas applicable. En équité, les frais devaient être mis à la charge des requérantes à qui profitait la procédure de preuve à futur (art. 107 al. 1 let. f CPC) et des dépens devaient leur être alloués.

f. Par réplique du 21 août 2023, les requérantes ont persisté dans leurs conclusions visant à ce que les frais soient mis à la charge des citées. Subsidiairement, elles ont conclu à ce que la décision sur le sort des frais et dépens soit renvoyée à la décision finale à rendre sur le fond (C/8______/2023), en application de l'art. 104 al. 3 CPC. Elles ont enfin relevé que les citées n'avaient été assistées d'un conseil que pour la question de la répartition des frais et dépens.

g. Les citées ont dupliqué le 4 septembre 2023, persistant dans leurs conclusions. Subsidiairement, elles ont conclu à ce que la décision sur le sort des frais et dépens soit renvoyée à la décision à rendre sur le fond. Plus subsidiairement encore, à ce que la part excédentaire de l'avance de frais soit restituée aux requérantes. Elles ont exposé qu'elles avaient contesté, dans le cadre de l'action au fond, la compétence de la Cour, ratione materiae, au motif de l'absence de valeur litigieuse suffisante, et qu'ainsi il importait que la question des frais soit réglée dans la présente procédure.

h. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 17 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 Le tribunal administre les preuves en tout temps, lorsque la loi confère le droit d’en faire la demande (let. a), ou lorsque la mise en danger des preuves ou un intérêt digne de protection est rendu vraisemblable par le requérant (let. b) (art. 158 al. 1 CPC).

La preuve à futur prévue à l'art. 158 CPC est une procédure probatoire spéciale de procédure civile, qui peut avoir lieu avant l'ouverture de l'action. Elle est régie par les dispositions sur les mesures provisionnelles des art. 261 ss CPC (art. 158 al. 2 CPC). (…) La procédure de preuve à futur n'a pas pour objet d'obtenir qu'il soit statué matériellement sur les droits ou obligations des parties, mais seulement de faire constater ou apprécier un certain état de fait. Une fois les opérations d'administration de la preuve terminées, le juge clôt la procédure et statue sur les frais et dépens (ATF 142 III 40 consid. 3.1.3 p. 44; arrêt 4A_606/2018 du 4 mars 2020, consid. 3.1).

Sur ce dernier point, le Tribunal fédéral a jugé que la partie requérante doit en principe prendre en charge l'émolument judiciaire en cas d'admission de sa requête de preuve à futur, même si la partie intimée a conclu au rejet de la requête. Faute de décision sur une prétention de droit matériel à l'issue de la procédure de preuve à futur, il n'y a en effet ni partie qui obtient gain de cause ni partie qui succombe, de sorte que la règle générale de répartition de l'art. 106 al. 1 CPC ne saurait s'appliquer (ATF 140 III 30 consid. 3.4). La répartition des frais en équité (cf. art. 107 al. 1 let. f CPC) commande de les faire supporter par la partie qui a intérêt à la preuve à futur, soit au requérant. Grâce à l'administration de la preuve requise, celui-ci a en effet la possibilité de sauvegarder un moyen de preuve en péril ou de clarifier ses chances dans un éventuel procès au fond; s'il choisit d'introduire un tel procès et qu'il obtient finalement gain de cause, il pourra en outre reporter sur la partie succombante les coûts de la procédure de preuve à futur (ATF 140 III 30 consid. 3.5 p. 34 s.; arrêts du Tribunal fédéral 4A_606/2018, précité, consid. 3.2 et 4D_57/2020 du 24 février 2021, consid. 3).

Les dépens de la partie intimée doivent en principe être pris en charge par le requérant, sous réserve d'un éventuel remboursement à l'issue du procès principal. En effet, l'intimé est attrait contre son gré à la procédure de preuve à futur et doit dans tous les cas participer à l'administration de la preuve, ce qui, s'il est représenté par un avocat, lui occasionne des coûts (ATF 140 III 30 consid. 3.6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_606/2018, précité, consid. 3.2 et 4D_57/2020, précité, consid. 3.3).

1.1.2 Une transaction, un acquiescement ou un désistement d'action a les effets d'une décision entrée en force (art. 241 al. 2 CPC). Dans un tel cas, l'autorité saisie raye l'affaire du rôle et statue sur les frais (art. 241 al. 3 et 104 al. 1 CPC).

Si la procédure prend fin pour d’autres raisons sans avoir fait l’objet d’une décision, elle est rayée du rôle (art. 242 CPC).

1.1.3 Le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).

Lorsque le procès ne se termine pas par une décision au fond mais en particulier par un retrait du recours, un désistement, une transaction ou une décision d'irrecevabilité, le défraiement (du représentant professionnel) peut être réduit en conséquence (art. 23 al. 2 LaCC).

1.2 En l'espèce, les requérantes ont introduit une action au fond à l'encontre des citées avant même que celles-ci ne se soient déterminées sur la requête de preuve à futur "visant à évaluer le montant du gain tiré" de leur activité prétendument illicite, déposée quelques semaines auparavant.

Les citées ont immédiatement donné suite à la requête, sans se prononcer sur la question de savoir si celle-ci remplissait les conditions de l'art. 158 CPC.

Il est vrai qu'avant cela, elles n'avaient pas immédiatement obtempéré à la demande des requérantes de leur fournir des renseignements, arguant de la protection de la sphère privée de leurs clients. Elles avaient cependant immédiatement retiré de leur offre de vente les montres litigieuses.

L'empressement des requérantes à saisir la Cour d'une action au fond, avant même la détermination des citées sur la requête de preuve à futur, fait douter de l'utilité de celle-ci. Cela étant, les citées y ont donné suite, ce qui sera constaté, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si elles ont ainsi acquiescé au sens de l'art. 241 CPC.

Au vu de ce qui précède, conformément aux principes susmentionnés et ainsi que l'équité le commande, les frais de la procédure, arrêtés à 1'000 fr. (art. 7, 17 et 24 RTFMC), compte tenu de l'activité déployée par la Cour, seront mis à la charge des requérantes, qui avaient intérêt à la procédure selon leurs allégations. Le solde de l'avance, en 4'000 fr., leur sera restitué.

Par identité de motifs, il sera alloué des dépens aux citées, fixés à 1'000 fr. (art. 84, 86, 87 RTFMC; art. 23 LaCC), leur conseil n'étant intervenu que sur la question des frais.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Constate que B______/4______ AG et B______/5______ AG ont donné suite à la requête de preuve à futur déposée à leur encontre le 24 mars 2023 par A______/1______ SA, A______/3______ B.V et A______/2______ SA.

Arrête les frais de la procédure à 1'000 fr., les met à la charge conjointe et solidaire de A______/1______ SA, A______/3______ B.V et A______/2______ SA et dit qu'ils sont compensés à due concurrence avec l'avance fournie par celles-ci.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______/1______ SA, A______/3______ B.V et A______/2______ SA, solidairement entre elles, le solde de leur avance en 4'000 fr.

Condamne A______/1______ SA, A______/3______ B.V et A______/2______ SA, conjointement et solidairement, à verser à B______/4______ AG et B______/5______ AG, conjointement et solidairement, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens.

Cela fait, raye la cause du rôle.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.