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Décisions | Chambre civile

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C/20526/2021

ACJC/1703/2023 du 12.12.2023 sur OTPI/834/2022 ( SDF ) , RENVOYE

Normes : CPC.158; CPC.261
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20526/2021 ACJC/1703/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 DÉCEMBRE 2023

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______, Etats-Unis,

2) Monsieur B______, domicilié ______, France,

tous deux appelants d'une ordonnance rendue par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 décembre 2022, représentés par Me Julie VAISY, avocate, HARARI AVOCATS, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3,

et

1) Monsieur C______, domicilié ______, France,

2) Monsieur D______, domicilié ______, France,

3) Monsieur E______, domicilié ______, France,

4) Madame F______, domiciliée ______, France,

5) Monsieur G______, domicilié ______, France,

6) Madame H______, domiciliée ______, France,

7) Madame I______, domiciliée ______, France,

8) Madame J______, domiciliée ______, France,

9) Madame K______, domiciliée ______, France,

10) Monsieur L______, domicilié ______, Etats-Unis,

11) Monsieur M______, domicilié ______, France,

12) Madame N______, domiciliée ______, France,

13) Madame O______, domiciliée ______, France,

intimés, tous représentés par Me Arnaud MARTIN, avocat, MLL MEYERLUSTENBERGER LACHENAL FRORIEP SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

14) Madame P______, autre intimée, sans domicile connu, non représentée.

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du ______ 2023, ainsi qu' à Mme P______ par publication du dispositif dans la Feuille d'Avis Officielle, et au Tribunal de première instance par pli interne le même jour.

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/834/2022 du 9 décembre 2022, reçue le 15 décembre 2022 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a débouté A______ et B______ des fins de leur requête (chiffre 1 du dispositif), renvoyé le sort des frais à la décision finale (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B.            a. Par acte déposé le 23 décembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ appellent de cette ordonnance, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent à ce que la Cour fasse interdiction à [la banque] Q______ de détruire, jusqu'à droit jugé sur les mesures d'instruction sollicitées dans la requête du 20 avril 2022, tout document relatif aux relations bancaires suivantes ainsi que tout autre document utile à la détermination des actifs et passifs de la succession de feu R______ :

-          relation n° 1______ au nom de feu R______ et feu S______;

-          relation n° 2______ au nom de T______ SA;

-          relation n° 3______ au nom de U______ SA;

-          relation n° 4______ au nom de V______ SA;

-          relation n° 5______ au nom de N______;

-          relation n° 6______ au nom de E______;

-          relation n° 7______ au nom de J______;

-          relation n° 8______ au nom de O______;

-          relation n° 9______ au nom de M______;

-          relation n° 10_____ au nom de I______;

-          relation n° 11_____ au nom de F______;

-          relation n° 12_____ au nom de L______;

-          relation n° 13_____ au nom de D______;

-          relation n° 14_____ au nom de la société "W______";

-          relation n° 15_____ au nom de feu R______ et de feu S______;

-          relation n° 16_____ au nom de feu R______;

-          relation n° 17_____ au nom de feu R______;

-          relation n° 18_____ au nom de feu S______;

-          relations autres que celles mentionnées ci-dessus, dont feu R______ et/ou feu S______ ont été titulaires, ayants droit économiques ou "procurataires".

Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans leur réponse du 6 février 2023, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______ concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais et dépens.

Ils produisent une pièce nouvelle, soit un arrêt ACJC/78/2023 rendu le 17 janvier 2023 par la Cour dans la cause C/7494/2021 (pièce 3).

c. P______ ne s'est pas déterminée dans le délai qui lui a été imparti par voie édictale.

d. Par avis du 24 février 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ et B______ sont les petits-fils de feu R______ (ci-après : feu R______), décédé le ______ 2020.

Leur père, X______ a œuvré en qualité de curateur de portée générale au bénéfice de feu R______ depuis décembre 2017.

b. Ensuite de la répudiation par X______ de la succession de son père en qualité de fils unique, A______ et B______ en sont devenus les héritiers.

c. Ceux-ci exposent que, dans l'exercice de son mandat de curateur, leur père aurait découvert que feu R______ aurait procédé à d'importantes libéralités en faveur des descendants et proches de sa troisième épouse, feu S______ décédée le ______ 2012, qui nécessitaient d'être régularisées au niveau fiscal.

Les bénéficiaires de ces libéralités seraient les personnes suivantes :

-          les enfants de feu S______, à savoir C______, G______ et H______;

-          les petits-enfants de feu S______, à savoir N______, E______, J______, née [J______], I______, F______, D______, L______, M______ et O______;

-          les proches de feu S______, à savoir K______ et P______.

d. Le défunt, son épouse et/ou les personnes susmentionnées étaient ou sont (co)titulaires ou ayants droit économiques des relations bancaires suivantes auprès de Q______ :

-          relation n° 15_____, ouverte le 10 avril 2012 et clôturée le 16 janvier 2013, ayant pour co-titulaires feu R______ et feu S______;

-          relation n° 16_____, ouverte le 19 juin 2007 et clôturée le 26 juin 2009, ayant pour titulaire feu R______;

-          relation n° 17_____, ouverte le 2 juillet 2008 et clôturée le 26 août 2008, ayant pour titulaire feu R______;

-          relation n° 18_____, ouverte le 15 mars 2011 et clôturée le 17 avril 2013, ayant pour titulaire, jusqu'à son décès, feu S______;

-          relation n° 1______, ouverte à une date inconnue et clôturée à une date inconnue entre le mois d'octobre 2007 et le mois d'avril 2008, ayant pour co-titulaires les deux époux;

-          relation n° 4______, ouverte au nom de V______ SA et clôturée le 8 février 2019, ayant pour ayant droit économique H______;

-          relation n° 3______, ouverte au nom de U______ SA et clôturée le 28 janvier 2019, ayant pour ayant droit économique G______;

-          relation n° 2______, ouverte au nom de T______ SA et clôturée le 8 février 2019, ayant pour ayant droit économique C______;

-          relation n° 5______, ayant pour titulaire N______ et toujours active en date du 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 6______, ayant pour titulaire E______ et toujours active en date du 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 7______, ayant pour titulaire J______ et toujours active en date du 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 8______, ayant pour titulaire O______ et clôturée le 20 mars 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 9______, ayant pour titulaire M______ et clôturée le 9 avril 2018, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 10_____, ayant pour titulaire I______ et toujours active en date du 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 11_____, ayant pour titulaire F______ et toujours active en date du 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 12_____, ayant pour titulaire L______ et clôturée le 11 février 2016, sur laquelle feu R______ détenait une procuration;

-          relation n° 13_____, ouverte au nom de D______ et toujours active le 28 mai 2020, sur laquelle feu R______ détenait une procuration.

e. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2021 dans la cause n° C/7494/2021, A______ et B______ ont formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de Q______, C______, G______, H______, N______, E______, J______, I______, F______, D______, L______, M______, O______, K______ et P______.

Ils ont notamment conclu, tant sur mesures superprovisionnelles que sur mesures provisionnelles, à ce que le Tribunal fasse interdiction à [la banque] Q______ de détruire de quelque manière que ce soit tout document relatif aux relations bancaires dont feu R______, feu S______ ainsi que les autres défendeurs à la procédure étaient ou avaient été titulaires, ayants droit économiques ou sur lesquelles ils disposaient ou avaient disposé d'une procuration.

Ils ont notamment fait valoir que, faute d'avoir pu obtenir les documents bancaires relatifs aux comptes ouverts par feu leur grand-père, et notamment les noms des bénéficiaires des virements bancaires effectués dans le but d'éluder les règles successorales concernant la réserve, ils n'étaient pas en mesure de chiffrer la lésion de leur réserve. Ils entendaient former une action en reddition de compte à l'encontre de Q______ et une action fondée sur le droit aux renseignements à l'encontre des héritiers, préalable à une action en réduction et en restitution des libéralités. Il était urgent d'assurer la conservation des documents par la banque.

f. Admise sur mesures superprovisionnelles le 22 avril 2021, la requête de A______ et B______ a été rejetée sur mesures provisionnelles par ordonnance OTPI/757/2021 du 12 octobre 2021, le Tribunal ayant alors également révoqué l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles.

Le Tribunal a considéré que A______ et B______ n'avaient pas rendu vraisemblable le bien-fondé de leurs prétentions, respectivement la réalisation de la condition de l'urgence.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt ACJC/78/2023 rendu le 17 janvier 2023 par la Cour de justice. Un recours a été formé contre cet arrêt et la cause est actuellement pendante auprès du Tribunal fédéral (fait notoirement connu du juge et des parties).

D.           a. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2021 en vue de conciliation, non concilié le 14 janvier 2022 et introduit le 20 avril 2022, A______ et B______ ont formé une action en réduction et en restitution à l'encontre de C______, G______, H______, F______, D______, L______, N______, E______, J______, I______, M______, O______, K______ et P______ pour une valeur litigieuse de 25'426'662 fr.

"Préalablement, à titre de mesures d'instruction", ils ont notamment conclu à ce que le Tribunal ordonne à Q______ de produire tout document utile à la détermination des actifs et passifs de la succession de feu R______, en particulier l'intégralité de la documentation relative à la relation bancaire dont étaient titulaires feu R______ et feu S______ ainsi que celle relative aux relations bancaires dont les défendeurs étaient ou avaient été titulaires, ayants droit économiques ou sur lesquelles ils disposaient ou avaient disposé d'une procuration, auprès de Q______.

Ils ont notamment exposé que feu R______ s'était marié en troisièmes noces en 1980 avec feu S______ en adoptant le régime de la séparation de biens. La précitée n'avait au moment de son mariage aucune activité lucrative et aucune fortune personnelle. En 1997, les époux avaient adopté le régime de la participation aux acquêts, puis, le 19 juillet 2007, le régime de la communauté de biens. A la suite de la mise sous tutelle de feu R______, X______ avait aidé la fiduciaire en charge de représenter feu R______, dans le cadre d'un contrôle fiscal mené par l'Administration fiscale cantonale genevoise en lien avec l'utilisation des fonds obtenus de la vente d'une résidence secondaire à Y______ [France]. Dans ce cadre, il avait découvert qu'une grande partie des avoirs et revenus de feu R______ ne figurait pas dans ses déclarations d'impôts et que ce dernier avait procédé à de nombreuses libéralités non déclarées. S'agissant de la vente du bien immobilier à Y______, feu R______ avait ainsi fait don d'un montant total de 1'718'849 fr. aux défendeurs. Ces derniers avaient par ailleurs bénéficié d'autres libéralités depuis 1996, que ce soit directement de feu R______ ou par le biais de feu S______, pour un total calculé à 38'248'421 fr. ou 35'256'287 euros. Ceux-ci auraient en particulier bénéficié de donations par le biais de transferts d'argent, de titres ou de lingots d'or sur des comptes bancaires ouverts en les livres de Q______ à leurs noms ou au nom de sociétés dont ils étaient ou avaient été bénéficiaires économiques. Ainsi c'était un montant total de 14'860'902 euros qui se trouvait sur ces comptes en date du 22 mars 2015. Il n'était pas plausible que les titulaires de ces comptes aient constitué d'eux-mêmes une telle fortune.

b. Le 20 juin 2022, A______ et B______ ont requis le prononcé de mesures provisionnelles, concluant à ce que le Tribunal fasse interdiction à Q______ de détruire, jusqu'à droit jugé sur les mesures d'instruction sollicitées dans la demande du 20 avril 2022, tout document relatif aux relations bancaires suivantes ainsi que tout autre document utile à la détermination des actifs et passifs de la succession de feu R______ :

-          relation n° 1______ au nom de feu R______ et feu S______;

-          relation n° 2______ au nom de T______ SA;

-          relation n° 3______ au nom de U______ SA;

-          relation n° 4______ au nom de V______ SA;

-          relation n° 5______ au nom de N______;

-          relation n° 6______ au nom de E______;

-          relation n° 7______ au nom de J______;

-          relation n° 8______ au nom de O______;

-          relation n° 9______ au nom de M______;

-          relation n° 10_____ au nom de I______;

-          relation n° 11_____ au nom de F______;

-          relation n° 12_____ au nom de L______;

-          relation n° 13_____ au nom de D______;

-          relation n° 14_____ au nom de la société "W______";

-          relation n° 15_____ au nom de feu R______ et feu S______;

-          relation n° 16_____ au nom de feu R______;

-          relation n° 17_____ au nom de feu R______;

-          relation n° 18_____ au nom de feu S______;

-          relations autres que celles mentionnées ci-dessus, dont feu R______ et/ou feu S______ ont été titulaires ou ayants droit économiques ou "procurataires".

Ils ont fait valoir qu'au "vu [d]es éléments exposés dans leur mémoire d'action en réduction et en restitution du 20 avril 2022 [et d]es pièces produites à son appui, il ne [faisait] aucun doute que [leur] réserve [avait] été lésée et que, selon toute vraisemblance, des donations supplémentaires – et donc des prétentions supplémentaires en réduction et en restitution – [seraient] découvertes". Ainsi, "si la documentation bancaire était détruite par la banque, une partie de [leurs] prétentions en réduction et en restitution, tout comme leur droit à l'administration des preuves (art. 152 CPC) se verraient annihilés". Le prononcé des mesures provisionnelles requises se révélait ainsi être le seul moyen de s'assurer que les moyens de preuves invoqués à l'appui de leur requête soient conservés par la banque.

c. J______, O______, F______, K______, N______, G______, C______, E______, D______, L______, H______, M______ et I______ se sont déterminés par écriture du 31 août 2022. Ils ont conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles au motif notamment que les conditions de l'art. 262 CPC n'étaient pas réalisées, puisque A______ et B______ n'étaient pas titulaires des droits invoqués, qu'ils ne démontraient pas l'urgence dont ils se prévalaient et que les mesures n'étaient pas proportionnées.

d. Lors de l'audience du 27 septembre 2022, P______, citée à comparaître par voie édictale, n'était ni présente ni représentée. Les autres parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles à l'issue de l'audience.

E.            Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a notamment retenu que les prétentions invoquées par A______ et B______ à l'appui de leur requête de mesures provisionnelles étaient d'ordre procédural, puisqu'elles visaient à garantir leur droit à la preuve au sens de l'art. 152 CPC. Or, les prétentions dont les mesures prévues aux art. 261 CPC visaient à garantir la protection étaient des prétentions matérielles et non procédurales.

Le CPC n'avait par ailleurs pas prévu de mesures de conservation de la preuve si celle-ci ne devait pas être administrée immédiatement conformément à l'art. 158 CPC. La conservation de la preuve était en effet possible grâce à la preuve à futur, selon le message du CPC, la doctrine et la jurisprudence. Or, même en interprétant extensivement leurs conclusions, A______ et B______ avaient uniquement sollicité la conservation de la documentation bancaire en mains de la banque et non la production de cette documentation à titre de mesure probatoire anticipée. Partant, leur requête ne satisfaisait pas aux conditions des art. 261ss CPC et devait de ce fait être rejetée.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la conservation des documents bancaires est requise par les appelants en vue d'accroître éventuellement leurs prétentions successorales vis-à-vis des intimés. Au vu du montant des avoirs sur lesquels portent ces documents, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. Les parties ne soutiennent du reste pas le contraire. Partant, la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 3, 143 al. 1, 248 let. d et 314 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), dans le cadre de laquelle, sauf exceptions (cf. art. 255 CPC), la maxime des débats s'applique (art. 55 CPC; Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 16 ad art. 55 CPC). La maxime de disposition est par ailleurs applicable (art. 58 al. 1 CPC).

La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC).

2.             Les intimés produisent une pièce nouvelle en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, la pièce 3 des intimés, soit un arrêt de la Cour de justice du 17 janvier 2023, est postérieure à la clôture des débats de première instance. Produite sans retard à l'appui de la réponse, cette pièce est recevable, de même que les faits qui s'y rapportent.

3.             Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir fait une application erronée des art. 158 et 261 CPC.

3.1.1 Selon l'art. 158 al. 1 let. b CPC, le tribunal administre les preuves en tout temps lorsque la mise en danger des preuves ou un intérêt digne de protection est rendu vraisemblable par le requérant. Les dispositions sur les mesures provisionnelles sont applicables (art. 158 al. 2 CPC).

Les preuves sont en principe administrées à un stade précis du procès qui suit celui de l'échange des allégations. Il est toutefois possible d'y procéder antérieurement, voire avant la litispendance, lorsque certaines conditions sont réalisées. La preuve à futur assure généralement la conservation de la preuve (par exemple : l'audition d'un témoin dont les jours sont comptés, l'inspection d'une construction présentant des risques d'effondrement) (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 p. 6924s).

L'administration d'une preuve hors procès est une forme atypique d'administration de la preuve qui ne peut intervenir que de manière restrictive aux conditions fixées par l'art. 158 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_832/2012 consid. 4.2.1 et les références citées).

Dès lors que l'intérêt à l'administration d'une preuve dépend de l'intérêt à la reconnaissance de la prétention que la preuve est destinée à établir, une preuve à futur ne peut être requise qu'eu égard à une prétention concrète de droit matériel. Celui qui invoque l'art. 158 al. 1 let. b CPC doit dès lors rendre vraisemblable un état de fait sur lequel il fonde une prétention de droit matériel envers le défendeur et dont la preuve peut être rapportée par le moyen de preuve requis (ATF 142 III 40 consid. 3.1.1; 140 III 16 consid. 2.2.2; 138 III 76 consid. 2.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2020 du 24 février 2021 consid. 3.1).

3.1.2 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

En particulier, il peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment prononcer une interdiction (art. 262 let. a CPC).

Les mesures provisionnelles ont globalement trois fonctions : assurer le succès d'une exécution forcée ultérieure, régler provisoirement une situation juridique et assurer l'administration de preuve. La conservation des preuves est réglementée à l'art. 158 CPC (Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 2 et 3 ad art. 262 CPC). Certaines mesures énumérées à l’art. 262 peuvent avoir plusieurs fonctions et consister, suivant les cas, en des mesures conservatoires, des mesures de réglementation ou d’exécution anticipée (Bohnet, op. cit., n. 4 ad art. 262 CPC).

Une mesure provisionnelle ne peut exister isolément. Elle trouve sa justification dans l'existence d'un litige au fond. Elle naît et meurt avec la procédure dont elle dépend. Il faut donc, en premier lieu, que la partie requérante possède une prétention au fond à l'encontre de la partie visée (Stucki/Pahud, Le régime des décisions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles du Code de procédure civile, in SJ 2015 II 1, p. 2). Le requérant doit ainsi avant tout rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, faute de quoi la requête doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire de passer à l'examen des conditions inscrites à l'art. 261 al. 1 let. a et b CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5D_2019/2017 du 24 août 2018 consid. 4.2.2; 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3).

L'octroi des mesures provisionnelles suppose ensuite la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant. La simple possibilité d'une atteinte exclut le prononcé d'une mesure, quand bien même le préjudice en résultant serait difficilement réparable. Il en va de même de la probabilité élevée qu'un acte préjudiciable soit commis si ses conséquences apparaissent aisément réparables. En définitive, le juge doit avoir l'impression que, sans la mesure requise, l'atteinte se produira et causera un préjudice difficilement réparable (Stucki/Pahud, op. cit., p. 4).

Le requérant doit enfin rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

Tout préjudice entre en ligne de compte. Il doit toutefois revêtir une certaine gravité. Il peut s'agir notamment du risque de disparition de moyens de preuve ou d'autres difficultés de preuve (Sprecher, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 28 et 28b ad art. 261 CPC).

La mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, en ce sens qu'elle doit être apte à atteindre le but visé, nécessaire pour l'atteindre - à savoir indispensable, toute autre mesure ou action judiciaire se révélant inapte à sauvegarder les intérêts du requérant - et proportionnée à ce but (arrêt du Tribunal fédéral 5A_45/2023 du 1er septembre 2023 consid. 3.2 et la référence citée).

3.2.1 En l'espèce, les appelants reprochent tout d'abord au premier juge d'avoir interprété de manière erronée leurs conclusions, celles-ci s'étendant non seulement à la conservation des documents bancaires mais également à leur production anticipée conformément aux conclusions prises dans leur demande du 20 avril 2022, et d'avoir ainsi fait une application erronée de l'art. 158 CPC.

En l'occurrence, si les appelants ont certes conclu à la production des documents bancaires dans le cadre de leur action en réduction et en restitution, ils l'ont fait "préalablement, à titre de mesures d'instruction", et non dans l'optique d'une remise anticipée. La formulation des conclusions sur mesures provisionnelles, lesquelles sont requises "jusqu'à droit jugé sur les mesures d'instruction sollicitées dans la demande du 20 avril 2022", confirme que la production des documents n'est pas sollicitée à titre anticipé, mais bien de manière différée à un stade ultérieur de la procédure.

L'absence de conclusions tendant à l'administration immédiate des preuves portant sur les documents bancaires litigieux ne porte toutefois pas à conséquence en l'espèce. Il ne peut en effet être reproché aux appelants de ne pas avoir pris de conclusions propres à la preuve à futur, dans la mesure où ce n'est pas l'objet de leur requête, ceux-ci ayant sollicité le prononcé de mesures provisionnelles tendant uniquement à la conservation de documents. A cet égard et contrairement à ce que considère le Tribunal, l'on ne saurait retenir qu'en matière de conservation de preuve, le CPC permettrait uniquement de faire administrer les preuves de manière anticipée conformément à l'art. 158 CPC. Une telle conclusion ne ressort ni de la loi, ni du Message du Conseil fédéral y relatif. Elle ne se déduit pas davantage de la jurisprudence, ni de la doctrine. Le fait que le CPC ne comporte pas de disposition sur la simple conservation de preuves, sans administration immédiate, n'est pas déterminant, dès lors que des mesures conservatoires peuvent précisément être requises par le biais de mesures provisionnelles au sens des art. 261ss CPC. Bohnet et Sprecher exposent justement que les mesures provisionnelles peuvent avoir pour fonction d'assurer l'administration d'une preuve. L'on ne saurait déduire de la mention, par cet auteur, de l'art. 158 CPC en lien avec la conservation de la preuve qu'il s'agirait du seul moyen d'obtenir dite conservation. Dans ces conditions, le Tribunal n'avait pas à examiner les conditions de la preuve à futur, non requise en l'espèce, mais uniquement les conditions de l'art. 261 CPC, à commencer par l'existence vraisemblable d'une prétention de droit matériel.

3.2.2 A cet égard, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir considéré que les mesures requises avaient uniquement pour but la préservation d'un droit procédural, soit leur droit à la preuve, alors qu'elles visaient également la préservation de leurs prétentions liées à la lésion de leurs réserves légales.

Leur grief est fondé. En effet, et comme l'a pourtant relevé le Tribunal, les appelants ont fait valoir que "si la documentation bancaire était détruite par la banque, une partie de [leurs] prétentions en réduction et en restitution, tout comme leur droit à l'administration des preuves (art. 152 CPC), se verraient annihilés". Ils n'ont ainsi pas uniquement fondé leur requête sur la protection de droits procéduraux, mais également sur des prétentions de droit matériel en lien avec leurs prétentions successorales, soit notamment la protection de leurs réserves légales.

Le premier juge n'a toutefois pas examiné si ces prétentions étaient rendues vraisemblables ni, le cas échéant, les autres conditions de l'art. 261 CPC. Le fait que le Tribunal et la Cour aient rejeté les mesures provisionnelles sollicitées dans le cadre de la procédure C/7494/2021 notamment au motif que les appelants ne rendaient pas vraisemblable le bien-fondé de leurs prétentions n'est pas déterminant, dans la mesure où cette procédure porte sur un autre objet (la reddition de compte par la banque), est encore pendante auprès du Tribunal fédéral et où les appelants ont depuis lors déposé une requête en réduction et en restitution dans laquelle ils exposent de manière détaillée leurs prétentions et dans laquelle s'inscrivent les nouvelles mesures provisionnelles sollicitées.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent annulée et la cause renvoyée en première instance afin que le Tribunal procède à l'examen des conditions de l'art. 261 CPC, conformément à l'art. 318 al. 1 let. c ch. 1 CPC et au principe du double degré de juridiction (art. 75 al. 2 LTF; Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad introduction aux art. 308-334 CPC), l'état de fait devant également être complété sur des éléments essentiels permettant de déterminer si les prétentions des appelants apparaissent vraisemblables (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC).

4.             Les frais judiciaires, arrêtés à 3'180 fr. (art. 31, 37 et 83 RTFMC) seront mis à la charge des intimés qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance fournie par les appelants, lesquels seront remboursés par les intimés (art. 111 al. 2 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens aux appelants qui n'y concluent pas.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 décembre 2022 par A______ et B______ contre l'ordonnance OTPI/834/2022 rendue le 9 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20526/2021.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'180 fr., les met à la charge des intimés et les compense avec l'avance de même montant versée par A______ et B______.

Condamne en conséquence C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______ et P______, pris solidairement entre eux, à rembourser 3'180 fr. à A______ et B______, pris solidairement.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel à A______ et B______.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.