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Décisions | Chambre civile

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C/7361/2023

ACJC/1701/2023 du 21.12.2023 sur JTPI/7220/2023 ( SDF )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7361/2023 ACJC/1701/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 21 DECEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 juin 2023 et intimé, représenté par Me Nicolas MOSSAZ, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée et appelante, représentée par Me Sébastien DESFAYES, avocat, De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

 

 

 

 


Vu le jugement JTPI/7220/2023 du 19 juin 2023, notifié à B______ le 21 juin suivant, respectivement à A______ le 22 juin 2023, par lequel le Tribunal de première, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a, notamment, attribué à l'épouse la jouissance exclusive du domicile conjugal sis no. ______, route 1______ à C______ [GE], ainsi que du mobilier le garnissant (ch. 2 du dispositif), imparti à A______ un délai au 15 août 2023 pour quitter le domicile conjugal (ch. 3), attribué la garde de l'enfant D______ à la mère (ch. 4), réservé au père un droit de visite sur D______, devant s'exercer, sauf accord contraire entre les parties, une journée par semaine le samedi ou le dimanche, ainsi que la moitié des vacances scolaires puis, dès que A______ disposera d'un logement adéquat pour accueillir D______, une nuit par semaine, un week-end sur deux, du vendredi à la sortie de la crèche/de l'école au dimanche à 18h, ainsi que la moitié des vacances scolaires (ch. 5), et instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, ainsi qu'une curatelle d'assistance éducative en faveur de l'enfant D______ (ch. 6 et 7);

Vu les appels formés le 30 juin 2023, respectivement le 3 juillet 2023, par B______ et A______ contre le jugement précité;

Vu les conclusions de A______ tendant, notamment, à ce que lui soient attribuées la jouissance exclusive du domicile conjugal et la garde exclusive de D______, subsidiairement à ce qu'une garde alternée sur l'enfant soit instaurée;

Vu l'arrêt ACJC/945/2023 rendu le 11 juillet 2023 par la Cour, dans lequel elle a rejeté la requête formée par ce dernier tendant, notamment, à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 2 et 3 dudit dispositif;

Attendu, EN FAIT, que B______, née le ______ 1992, de nationalité suisse, et A______, né le ______ 1991, de nationalité russe, se sont mariés le ______ 2016 à Genève;

Que de leur union est issu D______, né le ______ 2019;

Que A______ a saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
(ci-après : le TPAE) par courriel du 15 janvier 2023, afin de porter à sa connaissance que son épouse serait alcoolique, qu'il travaillerait deux jours par semaine à E______ [BE], qu'en son absence, l'enfant serait mal nourri et l'appartement serait en désordre et que, depuis récemment, son épouse serait devenue agressive envers lui et crierait sur D______;

Que B______ souffre d'un cancer du sein diagnostiqué en janvier 2022, ayant nécessité un lourd traitement médical;

Que, par acte du 13 avril 2023, l'épouse a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, tendant, notamment, à ce que la garde exclusive de D______ lui soit attribuée, à ce que soit réservé au père un droit de visite, devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux du samedi à 9h au dimanche à 17h et la moitié des vacances scolaires dès que son époux pourra justifier d'un appartement lui permettant d'accueillir son fils, avec transfert de l'enfant au Point Rencontre F______ en mode "passages",;

Qu'à l'appui de sa requête, elle a allégué que, peu après la naissance de D______, son époux avait commencé à la harceler, la miner et la dénigrer, tentant de la pousser à bout et de la manipuler, qu'il était agressif, irritable et agressif, que son comportement dénigrant avait empiré depuis le conflit russo-ukrainien et que son époux avait cessé toute consommation d'alcool dans le courant de l'année 2022, ce qui l'avait rendu plus agressif;

Que, par acte déposé le 28 avril 2023, B______ a sollicité le prononcé de mesures superprovisionnelles tendant, notamment, à l'expulsion immédiate de A______ du domicile conjugal, à l'interdiction à son époux d'approcher le domicile conjugal dans un rayon de 200 mètres et de prendre contact de quelque manière que ce soit avec elle et à l'attribution en sa faveur de la jouissance du domicile conjugal, requête qui a été rejetée par le Tribunal par ordonnance du 28 avril 2023;

Qu'à la demande du TPAE du 17 janvier 2023, le Service de protection des mineurs
(ci-après : le SPMi) a rendu un rapport le 3 mai 2023, dont il ressort qu'il avait recueilli des positions des parents diamétralement opposées sur la situation familiale, qui ne lui avaient pas permis de "se faire une idée claire du problème" rencontré par les parents;

Que, dans ce cadre, A______ avait confirmé les propos contenus dans son courriel du 15 janvier 2023 et qu'il avait exposé qu'il avait dû appeler plusieurs fois la police lors de crises de son épouse, qu'il en était arrivé à prolonger ses séjours à E______ [BE] dans les moments de grandes tensions, mais que, depuis l'envoi de son courriel, le comportement de son épouse s'était apaisé;

Que, de son côté, B______ accusait son époux de mentir, d'avoir un comportement contrôlant (ce dernier évitant les relations avec des personnes extérieures et vivant dans la peur en conservant des sprays à gaz et des couteaux) et de l'agresser verbalement;

Que le SPMi s'était rendu au domicile familial le 23 février 2023 – logement qui était apparu propre avec des espaces tout à fait adaptés pour D______, qui avait une chambre avec des jouets – et qu'à cette occasion, il avait été constaté que, pour un enfant de son âge, D______ était difficile à comprendre quand il parlait;

Que, renseignements pris auprès de la crèche que l'enfant fréquentait, celui-ci se conformait peu aux règles, avait des difficultés pour écouter l'adulte, que son français n'était pas très bon pour son âge, qu'il avait besoin d'être rassuré par sa mère, dont il cherchait la présence par moment, comme s'il se sentait parfois désécurisé, qu'il paraissait parfois suspicieux, que le père était moins présent à la crèche que la mère, que, lorsqu'il accompagnait son fils, il semblait être assez strict avec lui, le quittant en lui serrant la main, sans lui faire de bisou, que la mère se montrait cohérente face aux remarques des professionnels, qu'elle allait dans le sens des conseils donnés et qu'elle en demandait lors qu'elle ne savait pas comment faire;

Que le SPMi a constaté que le système familial était très confus, instable et peu sécurisant, que les craintes que le père semblait manifester face à l'extérieur questionnaient et ne contribuaient pas à assurer une atmosphère rassurante, que B______ tenait un discours très inquiétant concernant son époux sans que son départ de l'appartement ne lui paraisse indispensable, que, bien que les deux parents affirmaient que leur fils était protégé de leurs désaccords et qu'il se développait très bien, il apparaissait douteux qu'il ne soit pas impacté par la dynamique familiale pour le moins peu rassurante;

Que, lors d'entretiens intervenus le 3 mai 2023, le SPMi avait appris que la situation s'était dégradée, la mère ayant quitté le domicile conjugal pour aller vivre chez sa mère;

Que le SPMi a, en conséquence, préconisé l'instauration de curatelles et d'un droit de visite en faveur du père à raison de chaque samedi en journée, avec passage par le Point Rencontre en fonction des disponibilités de celui-ci;

Que, lors de l'audience tenue le 5 juin 2023 par le Tribunal, B______ a persisté dans ses conclusions, sous réserve de l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative et d'un droit de visite en faveur du père à raison d'un week-end sur deux du vendredi à la sortie de la crèche au dimanche à 17h ou 18h, le passage de D______ devant se faire par le biais de la grand-mère maternelle;

Que le père a, pour sa part, conclu à l'attribution en sa faveur de la jouissance exclusive du domicile conjugal, ainsi que de la garde exclusive de D______, à l'instauration d'un droit de visite en faveur de la mère à fixer d'entente entre les parties ou, à défaut, à raison d'un week-end sur deux et d'une nuit par semaine et, subsidiairement, à l'instauration d'une garde alternée;

Qu'à cette occasion, A______ a indiqué qu'il n'avait besoin de passer qu'une nuit toutes les deux semaines hors de Genève, que, s'il en avait passé plus à E______ [BE] auparavant, c'était en raison de la situation qui était difficile à la maison et du fait qu'il pensait que c'était préférable pour son fils, qu'interrogé à ce sujet, il a reconnu qu'à ce moment-là, il n'était alors pas inquiet de laisser D______ deux ou trois jours avec sa mère, qu'il a nié être contrôlant et ne pas souhaiter que son épouse ait des liens sociaux avec l'extérieur, expliquant toutefois qu'il avait décidé de renoncer aux célébrations familiales (de type baptêmes ou anniversaires), car son épouse buvait beaucoup lors de ces occasions et qu'il devait tout nettoyer;

Qu'aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a, notamment, attribué la garde exclusive de D______ à la mère aux motifs que, depuis sa naissance, l'enfant avait passé plus de temps avec sa mère, que les allégations de ce dernier, selon lesquelles son épouse serait alcoolique, n'avaient pas pu être objectivées, qu'il avait, en tout état, indiqué que, depuis qu'il avait alerté le TPAE en début d'année, le comportement de la mère s'était nettement amélioré, que rien n'indiquait que les capacités parentales de cette dernière soient défaillantes, que le SPMi avait, au contraire, constaté que l'espace dans lequel évoluait D______ était tout à fait adéquat, que, selon la directrice de la crèche qu'il fréquentait, la mère se montrait cohérente face aux remarques des professionnels, que le comportement contrôlant et suspicieux du père apparaissant inquiétant, que l'explication de ce dernier, selon laquelle il avait préféré ne plus organiser de fêtes de famille en raison de l'alcoolisation de son épouse lors desdites fêtes, laissait songeur, que la mère, actuellement en arrêt maladie, disposait de plus de temps pour s'occuper de D______, étant précisé qu'elle envisageait une reprise du travail à 80%, qu'en revanche, le père, qui travaillait à 100%, devait se rendre à E______ [BE] selon une fréquence incertaine (à raison de deux nuits par semaine selon son courriel au TPAE, respectivement d'une nuit toutes les deux semaines selon ses déclarations du 5 juin 2023), qu'il était surprenant que, malgré les accusations proférées par le père, celui-ci ait décidé de passer plus de nuits hors du domicile conjugal pour éviter des tensions, acceptant, ainsi de laisser D______ de longs moments seul avec sa mère;

Qu'il ressort d'un certificat médical établi le 26 janvier 2023 par le Dr G______, le spécialiste en oncologie suivant B______, que la chimiothérapie de sa patiente avait dû être interrompue de manière précoce en raison de problèmes hépatiques (cytolyse hépatique avec augmentation des valeurs ASAT-ALAT), que les investigations sur ce point avaient mis en évidence une stéatose pour laquelle l'étiologie médicamenteuse avait été retenue et que des tests hépatiques tous les 15 jours les deux premiers mois, puis tous les deux mois en cas de résultats stables, devaient être effectués;

Qu'il ressort également d'une attestation établie le 26 avril 2023 par le Dr G______ que sa patiente présentait des toxicités hépatiques avec une nette aggravation les dix derniers jours, associée à une perte pondérale et une diminution des plaquettes, et que ceci était en cours d'investigations;

Que la mère n'a pas renseigné sur le résultat desdites investigations;

Qu'il ressort en outre des pièces produites en première instance et en appel que la police a dû intervenir à plusieurs reprises au domicile conjugal à la demande de A______ (une fois en 2018 et en 2020, trois fois en 2022 et deux fois jusqu'au 14 avril 2023), que depuis 2020, le père invoquait chaque fois une violente dispute avec son épouse qui aurait été ivre, et que les tests d'alcoolémie effectués sur cette dernière les 26 juin 2020 et 13 avril 2022 s'étaient avérés positifs (1,65 mg/L = 3,3‰; 1,59mg/L = 3,18‰);

Que le 14 avril 2023, B______ a déposé plainte contre son époux pour voie de fait dans le cadre de violences domestiques lors d'un épisode le 7 avril 2023;

Qu'elle allègue, en appel, qu'elle n'a jamais eu de problème avec l'alcool, que son époux, qui est lui-même un ancien alcoolique (ce que celui-ci admet), ne supporte pas qu'elle boive ne serait-ce qu'un verre d'alcool, qu'il appelait systématiquement la police quand cela arrivait, alors qu'elle ne buvait qu'à de très rares occasions depuis le diagnostic de son cancer, la prise d'alcool n'étant pas recommandée avec ses traitements médicamenteux, et qu'il proférait à son encontre des accusations fausses et malveillantes dans le but de lui nuire;

Que, pour sa part, le père met en avant l'absence de prise de conscience de son épouse s'agissant de son prétendu problème d'alcool, qui avait conduit à l'éclatement de la famille;

Qu'à la connaissance de la Cour, l'époux n'a pas quitté le domicile conjugal et que l'épouse demeure chez sa propre mère avec D______, dans un appartement qui ne dispose que d'une chambre;

Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie de deux appels au sens de l'art. 308 CPC;

Que le père sera ci-après désigné en qualité d'appelant et la mère d'intimée;

Qu'en vertu de l'art. 310 CPC, la Cour dispose d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit;

Qu'à teneur de l'art. 316 al. 3 CPC, elle peut librement décider d'administrer des preuves (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_851/2015 du 23 mars 2016 consid. 3.1);

Que l'administration des preuves peut être déléguée à un ou plusieurs membres du tribunal (art. 155 al. 1 CPC);

Que tant les accusations du père à l'encontre de la mère en lien avec un problème d'alcoolisme que les accusations de la mère à l'encontre du père en lien avec un comportement contrôlant interpellent et qu'il convient d'investiguer ces questions pour s'assurer de la prise en charge adéquate de l'enfant par ses parents;

Que le père a notamment produit en appel des relevés de taux d'alcoolémie concernant la mère, dont le premier juge n'avait pas connaissance;

Que la mère n'a également pas renseigné sur les résultats des investigations menées suite aux toxicités hépatiques ressortant des examens effectués;

Que l'on ignore, par ailleurs, les conditions d'hébergement de la mère et de l'enfant au domicile grand-maternel, lequel apparaît exigu, de même que les intentions de la mère en relation avec le logement familial;

Que des investigations complémentaires doivent également être menées concernant le père, notamment sur le maintien de son abstinence, son futur lieu de logement et ses compétences parentales;

Que la cause n'est pas en état d'être jugée au vu des éléments qui précèdent;

Qu'il convient, par conséquent, d'instruire davantage ces éléments de fait afin de pouvoir statuer sur l'attribution de la garde et, le cas échéant, la réglementation du droit de visite;

Qu'il convient, dès lors, de charger le SEASP de procéder à une évaluation sociale afin d'analyser la situation des parents et du mineur dans ce contexte.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant préparatoirement

Invite le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale à établir un rapport d'évaluation sociale dans le sens des considérants.

Lui fixe un délai au 15 février 2024 pour remettre son rapport d'évaluation.

Lui transmet, à cette fin, une copie des deux appels et des pièces produites en annexes de ceux-ci.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente ordonnance avec la décision finale.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente ordonnance peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.