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Décisions | Chambre civile

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C/23752/2020

ACJC/1584/2023 du 28.11.2023 sur JTPI/14801/2022 ( OO ) , MODIFIE

Normes : CC.641; CC.730; CC.940
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23752/2020 ACJC/1584/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 28 novembre 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 décembre 2022,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me F______, avocat,


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14801/2022 du 12 décembre 2022, reçu le 14 décembre 2022 par les parties, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevables l’écrit de A______ du 30 septembre 2022 (chiffre 1 du dispositif) et la conclusion n. 8 de son mémoire du 14 juin 2021 (ch. 2), condamné celle-ci à restituer à B______ le local sis au rez-de-chaussée de la rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE], objet de la servitude d’usage actée le 16 septembre 2011 sous Pj 2______/2011, RS 3______, ID.2012/4______, tracée par le symbole F2, lettre b sur le plan de servitude et aujourd’hui radiée, ainsi que les clefs dudit local (ch. 3), ordonné à A______ d’évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de tout tiers ou objet dont elle était responsable, ledit local (ch. 4), autorisé B______ à requérir l’assistance de la force publique aux fins d’exécution forcée de cette évacuation, dès l'entrée en force du jugement (ch. 5) et dit que cette évacuation était prononcée sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP (ch. 6). Par ailleurs, le Tribunal a condamné A______ à verser à B______ la somme de 7'958 fr. 70 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2021 à titre d’indemnité pour occupation illicite pour la période antérieure au jugement (ch. 7) et, dès le 1er janvier 2023, la somme de 240 fr. par mois avec intérêts à 5% l'an dès cette date, et ce jusqu’à la restitution du local, à titre d’indemnité pour occupation illicite pour la période postérieure au jugement (ch. 8). Enfin, le Tribunal a arrêté les frais de la procédure à 12'000 fr., compensés à concurrence de 7'200 fr. par les avances de B______ (ch. 9) et mis à la charge de celui-ci à raison de 1/3 et de A______ à raison des 2/3 (ch. 10), condamné celle-ci à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 4'800 fr. à titre de solde des frais judiciaires (ch. 11) et à B______ les sommes de 3'200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires (ch. 12) et 8’000 fr. à titre de dépens (ch. 13) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 14).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 30 janvier 2023, A______ a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Sous suite de frais, elle a conclu à ce que la Cour déboute B______ des fins de son action en revendication, subsidiairement suspende la procédure jusqu'à droit jugé sur l'"action en constatation de l'existence d'une servitude", plus subsidiairement renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, et plus subsidiairement encore "accorde" à B______ le local précité et, "suite à la radiation de la RS 3______", condamne celui-ci à construire un "mur de séparation entre la parcelle 5______ et la servitude RS 6______" (conclusion n. 13).

Elle a produit une pièce nouvelle.

b. Aux termes de sa réponse du 1er mai 2023, B______ a conclu, sous suite de frais, à ce que la Cour déclare irrecevable la conclusion n. 13 de l'appel, déboute A______ de toutes ses conclusions et condamne celle-ci à payer une amende de 1'500 fr. pour procédé téméraire et dilatoire.

Il a formé un appel joint, concluant, sous suite de frais, à ce que la Cour annule les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement et condamne A______ à lui payer mensuellement, à compter du 21 novembre 2019 et "jusqu'à la libération du local", 755 fr. 55 avec intérêts à 5% l'an "dès le premier jour du mois suivant celui de la mensualité à laquelle elle est condamnée" et à payer une amende de 1'500 fr. pour procédé téméraire et dilatoire.

Il a produit une note de frais et honoraires de son conseil de 7'300 fr. TTC portant sur la période du 6 février au 1er mai 2023 et couvrant une activité d'avocate-stagiaire d'une heure au tarif horaire de 220 fr. (213 fr. TTC) et une activité d'associé de 16h30 au tarif horaire de 400 fr. (7'087 fr. TTC).

c. Dans sa réplique et réponse à l'appel joint du 30 juin 2023, A______ a persisté dans les conclusions de son appel et conclu à ce que la Cour déboute B______ de ses conclusions sur appel joint.

d. Dans sa duplique sur appel principal et réplique sur appel joint du 2 août 2023, B______ a persisté dans ses précédentes conclusions.

e. A______ en a fait de même dans sa duplique sur appel joint du 14 septembre 2023.

f. Les parties ont été informées le 6 octobre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Parcelle avec anciens droits cantonaux spéciaux

a. Avant 1978, D______, défunt père de A______, était copropriétaire avec des tiers de la parcelle 7______ feuille 8______ de la commune de C______. Cette parcelle comprenait un bâtiment regroupant des logements et dépendances donnant sur la rue 1______, la rue 9______ et la ruelle 10______. Les copropriétaires étaient titulaires de droits spéciaux prévus par l’ancien droit cantonal. D______ était titulaire notamment des droits spéciaux "b" (12m2 au rez-de-chaussée) et "c" (47m2 au rez-de-chaussée).


 

Division de la parcelle, suppression des anciens droits et constitution de servitudes

b. Par acte notarié des 21 et 23 février 1978, les copropriétaires ont procédé à un remaniement parcellaire destiné à supprimer les droits spéciaux précités tout en leur permettant de continuer à utiliser leurs habitations respectives de la même manière.

Cet acte impliquait la division de la parcelle 7______ en trois parcelles, à savoir les parcelles 7______/A, 7______/B et 7______/C.

Il stipulait également la suppression des droits spéciaux appartenant à D______ et leur regroupement dans les parcelles 7______/A et 7______/B dont il devenait seul propriétaire, ainsi que la suppression de ceux appartenant aux autres copropriétaires, regroupés sous la parcelle 7______/C, dont ils devenaient seuls propriétaires.

Enfin, il prévoyait la constitution de servitudes d’usage, dont l'une inscrite sous RS 6______ sur le rez-de-chaussée grevant la parcelle 7______/A au profit de la parcelle 7______/B.

c. A une date indéterminée, les parcelles 7______/A, 7______/B et 7______/C ont été renumérotées respectivement 5______, 11______ et 12______.

Vente de la parcelle 5______, modification de la servitude RS 6______ et nouvelle servitude RS 3______

d. Par acte notarié du 16 septembre 2011, D______ a modifié l'assiette de la servitude RS 6______, qui s’exercerait conformément au tracé figuré par le symbole "F2a" selon le plan annexé à l'acte.

Il a également constitué une nouvelle servitude d’usage "à titre temporaire" d'un local au rez-de-chaussée grevant la parcelle 5______ au profit de la parcelle 11______, devant s'exercer conformément au tracé figuré par le symbole "F2b", selon le plan annexé à l'acte. Aux termes de celui-ci, cette servitude serait radiée à son décès ou celui de son épouse, si elle lui survivait, ainsi qu'en cas de vente ou de location de la parcelle 11______. Il s'agit de la servitude litigieuse, laquelle a été enregistrée sous RS 3______ (cf. infra).

e. Par acte notarié des 16 et 19 septembre 2011, B______ est devenu copropriétaire avec un tiers de la parcelle 5______. Le 8 octobre 2018, il en est devenu seul propriétaire.

Aux termes de l'acte des 16 et 19 septembre 2011, parmi les servitudes à la charge de la parcelle 5______ figuraient la servitude RS 6______ et une servitude d’usage au profit de la parcelle 11______.

Dans cet acte, il était exposé que la surface de la parcelle vendue était celle "de l’état descriptif de la direction cantonale de la mensuration officielle, de sorte qu’elle n’[était] pas garantie par le vendeur. Toute différence de mesure, en plus ou en moins, sera[it] par conséquent au profit ou à la perte des acquéreurs ".

f. Le 19 septembre 2011, en conformité de l’acte qu'il venait d'instrumenter, le notaire mandaté a requis du registre foncier la modification de l’assiette de la servitude RS 6______ et la constitution d'une nouvelle servitude d’usage temporaire au rez-de-chaussée grevant la parcelle 5______ au profit de la parcelle 11______. Cette servitude a été inscrite sous la référence RS 3______.

Décès du père de A______

g. D______ est décédé le ______ 2013 et A______ est devenue seule propriétaire de la parcelle 11______, selon acte de partage de 2015.

Expertise

h. En novembre 2013, E______, géomètre officiel, a informé l'exécuteur testamentaire de feu D______ du fait que la servitude "F2a" portait sur 15m2 et la servitude "F2b" sur 12m2. Après analyse de l’état des contenances de la parcelle 7______ selon les anciens droits spéciaux et l’acte de constitution de la servitude RS 6______, il apparaissait que la servitude d’usage temporaire RS 3______ correspondait à l’assiette de l’ancien droit spécial "b". Il ignorait pourquoi cette assiette de droit "b" n’avait pas été prise en considération lors de la constitution de la servitude d’usage RS 6______.

i. En 2014, E______ a établi un rapport d'expertise. Il en ressort que la servitude RS 6______ concernait "une partie de l’entrée du rez-de-chaussée, les WC, la salle de bains et une partie du local (couloir)". La servitude RS 3______ portait sur "l’autre partie du local (partie côté rue 1______)". La séparation entre les deux servitudes correspondait au mur existant, si bien que "lors de la radiation de la servitude temporaire n° RS 3______, la partie du local concernée reviendra[ait] à l’usage de la parcelle 5______ et le mur de séparation devra[it] donc être construit dans la continuité du mur existant".

Devant le Tribunal, A______ a contesté ces conclusions. Selon elle, la servitude RS 6______ ne se limitait pas aux pièces situées en arrière du local litigieux et au couloir menant à celui-ci. Elle formerait un tout et s’étendrait également audit local. La servitude RS 3______, qui était personnelle et n’aurait pas dû être radiée (cf. infra), ne concernait que le local côté ruelle 10______. Enfin, la séparation des deux servitudes ne correspondait pas au mur existant.


 

Décès de l'épouse de D______

j. L'épouse de D______ est décédée le ______ 2015.

Demande de radiation de la servitude RS 3______

k. En juin 2015, A______ a demandé aux copropriétaires de la parcelle 5______, soit notamment à B______, de faire radier la servitude d’usage temporaire, dès lors que sa belle-mère était décédée, et d'"édifier un mur séparatif (mitoyen) entre [leurs] deux maisons, selon les inscriptions au registre foncier".

Requête de modification de la servitude RS 6______ adressée au registre foncier

l. Par décision du 8 décembre 2017, le registre foncier a rejeté une requête de A______ visant à modifier l'assiette de la servitude RS 6______.

Aux termes de cette décision, l’assiette de la servitude avait été modifiée par acte notarié en 2011 et s'exerçait selon le plan annexé audit acte et non plus selon le plan établi en 1978. D______ avait constitué en 2011 une nouvelle servitude d'usage, soit une servitude d'usage temporaire, avec une assiette distincte de la servitude d'usage de 1978, de sorte que l'argument selon lequel le plan établi en 1978 serait faux n'était pas pertinent.

Le recours formé par A______ à l'encontre de cette décision a été rejeté par la Cour.

Revendication

m. Par courrier du 18 avril 2019, B______ a sollicité de A______ la restitution de la "chambre adjacente" sise sur la parcelle 5______ dont feu D______ s’était réservé l’usage, car il entendait la restaurer et la louer.

A______ a répondu que de nombreuses questions restaient à élucider, en particulier la nature et la régularité de la servitude RS 3______.

Radiation de la servitude RS 3______

n. Par réquisition au registre foncier du 26 août 2019, le notaire ayant instrumenté les actes du 16 septembre 2011 visés plus haut a requis la radiation de la servitude RS 3______, laquelle est intervenue le 21 novembre 2019.

Mise en demeure de restitution

o. Le 11 décembre 2019, B______ a mis en demeure A______ de restituer le local litigieux dans un délai échéant le 13 décembre 2019.

Le 12 décembre 2019, se référant à un appel téléphonique reçu la veille de A______, il a fait savoir à celle-ci qu'il était d'accord avec sa proposition de consulter un notaire "pour obtenir les explications nécessaires au sujet des contrats concernant [leurs] biens immobiliers à C______ pour enfin clarifier réciproquement la situation de droit au sujet des servitudes". Il s'est déclaré prêt à accepter l'arbitrage d'un notaire qui aurait examiné la situation "pour enfin savoir si l'occupation de cette petite chambre au rez vous revient ou si c'est la mienne", étant précisé que "si l'un de nous deux occupe cette chambre illégalement il sera obligé de dédommager le lésé".

A______ n'a pas donné suite à ce courrier et, malgré des demandes subséquentes, n’a pas restitué le local.

Requête en cas clair tendant à l'évacuation

p. Le 26 mars 2020, B______ a adressé une requête en cas clair au Tribunal, concluant à ce que celui-ci ordonne à A______ de libérer immédiatement le local d'environ 11 m2 objet de la servitude radiée RS 3______.

Par jugement JTPI/7354/2020 du 11 juin 2020, le Tribunal a admis la requête.

Statuant sur appel de A______, la Cour a, par arrêt ACJC/1399/2020 du 2 octobre 2020, annulé ce jugement et déclaré la requête irrecevable, faute de clarté de la situation.

Action en constatation de l'existence d'une servitude

q. Parallèlement, le 25 juin 2020, A______ a saisi le Tribunal d'une action à l'encontre de B______ tendant à la constatation de l’existence de la servitude grevant la parcelle 5______ au profit de la parcelle 11______ et "correspondant à l’ancienne servitude RS 3______" ainsi qu'à son inscription au registre foncier.

Dans la procédure en cas clair visée plus haut, à l'appui de son acte d'appel du 26 juin 2020, A______ s'est prévalue de cette action déposée la veille.

Après avoir obtenu une autorisation de procéder le 17 septembre 2020, elle n'a pas introduit son action.

Présente procédure

r. Par acte déposé en conciliation le 20 novembre 2020 et introduit le 17 mars 2021, B______ a conclu à ce que le Tribunal condamne A______ à restituer le local objet de la servitude RS 3______ et à l'évacuer immédiatement, sous la menace des peines de droit de l’art. 292 CP. Il a conclu également à ce que le Tribunal la condamne à lui verser mensuellement 480 fr. 75 de mars 2015 jusqu’à la libération du local, subsidiairement 755 fr. 55 dès le 21 novembre 2019.

Il a notamment allégué que A______ louait sa parcelle avec la pièce litigieuse, soit 4,5 pièces, moyennant un loyer mensuel de 3'400 fr., soit 755 fr. 55 par mois et pièce (3'400 fr. / 4,5 pièces).

s. Dans sa réponse du 14 juin 2021, A______ a conclu à ce que le Tribunal "rejette l'action en revendication de B______ en constatant l'existence et en interprétant la servitude grevant la parcelle 5______ en faveur de la parcelle 11______, correspondant à l'ancienne servitude RS 3______ portant sur la parcelle 5______", subsidiairement, au cas où le Tribunal la condamnerait à restituer le local, à ce que le précité soit condamné à payer "tous les frais d’habilitation et de mise aux normes pour la construction du mur mitoyen de séparation entre les parcelles 5______ (…) et 11______ (…) suite à la radiation de la servitude RS 3______" (conclusion n. 8).

Elle a fait valoir que, lors de la constitution de la servitude RS 6______ en 1978, l'assiette de celle-ci n’avait par erreur pas intégré la surface revendiquée. Par la suite, en 2011, cette assiette s'était vue à tort amputée de cette surface. Enfin, la servitude RS 3______ avait été radiée sans droit car son père n'avait pas voulu supprimer dans le futur le bénéfice pour la parcelle 11______ de l’usage du local litigieux. Cet usage avait depuis toujours été compris dans les anciens droits cantonaux puis dans la servitude. Les servitudes RS 6______ et RS 3______ formaient un tout indissociable. En tant que propriétaire de la parcelle 11______, elle bénéficiait ainsi toujours de la servitude d’usage portant sur le local revendiqué en dépit de sa radiation.

En lien avec le montant de l'indemnité réclamée, A______ a exposé, ce qui a été admis, que B______ avait offert en juin 2021 à la location un "local commercial" de 27 m2 sur sa parcelle 5______ moyennant un loyer mensuel de 850 fr., ce qui correspondait à un loyer de 377 fr. par mois pour la surface litigieuse (850 fr. / 27 m2 x 12 m2). La précitée a relevé que cette dernière ne bénéficiait en outre ni d'électricité, ni de chauffage et ne pourrait rapporter plus de 20 fr. le m2.

t. Lors de l’audience du 29 septembre 2022 devant la Tribunal, A______ a contesté que la location de 4,5 pièces sur sa parcelle comprenne le local litigieux. Elle a déclaré que cette location, qui avait débuté en 2015, portait sur la cuisine ouverte sur le séjour au rez-de-chaussée, ce qui comptait pour 1,5 pièces, un salon au 1er étage et deux chambres au 2ème étage. Le local litigieux serait isolé des deux côtés afin d’éviter les nuisances. Une paroi aurait été apposée du côté locataire, qui empêcherait celui-ci d'y accéder. Cette séparation aurait été construite dans le prolongement du mur et ne comprendrait pas de porte.

B______ a limité ses conclusions en paiement à 755 fr. 55 par mois du 21 novembre 2019 jusqu’à la libération du local, avec intérêts à 5% l'an.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

Seconde action en constatation de l'existence d'une servitude

u. Dans son acte d'appel du 30 janvier 2023, A______ allègue avoir adressé le même jour par porteur au Tribunal en vue de conciliation une "action en constatation de l'existence d'une servitude" formée à l'encontre de B______. L'acte en question, produit à l'appui de cette allégation, ne contient pas le "timbre" du Tribunal attestant de sa remise à celui-ci.

Aux termes de cet acte, A______ a conclu notamment à ce que le Tribunal "constate l'existence d'une servitude correspondant à l'ancienne servitude RC 3______" et ordonne au registre foncier de procéder à l'inscription de cette servitude. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à construire un mur entre la servitude RS 6______ et la parcelle 5______, à la suite de la radiation de la servitude RS 3______.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

En l'occurrence, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte en tenant compte uniquement de la conclusion tendant au paiement de 755 fr. 55 par mois et d'une période litigieuse courant du 21 novembre 2019 à ce jour (36'266 fr. [755 fr. 55 x 12 mois x 4 ans]). Partant, la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est recevable (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. c et 311 CPC).

L'appel joint a été formé simultanément à la réponse sur appel principal. Il est donc également recevable (art. 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC).

A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte « écrit et motivé ». Selon la jurisprudence, la motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4)

1.4 A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimé.

2. L'appelante a produit une pièce nouvelle, à savoir son action en constatation de l'existence d'une servitude du 30 janvier 2023. Il en est de même de l'intimé qui a produit la note de frais et honoraires de son conseil portant sur la période du 6 février au 1er mai 2023.

Par ailleurs, l'appelante a conclu nouvellement à la suspension de la procédure et à ce que la Cour condamne l'intimé à construire un mur.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En vertu de l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b). L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles sont recevables, car postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

La conclusion tendant à la suspension de la procédure est recevable dans la mesure où elle est fondée sur un fait nouveau recevable, à savoir l'action en constatation du 30 janvier 2023. En revanche, la conclusion portant sur la construction d'un mur n'est motivée par aucun fait ni moyen de preuve nouveau, de sorte qu'elle est irrecevable.

3. Les parties reprochent au Tribunal une constatation inexacte de certains faits. L'état de fait retenu par le premier juge a été modifié dans la mesure utile à la solution du litige pour tenir compte de leurs griefs.

4. L'appelante sollicite la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur l'action qu'elle aurait déposée le 30 janvier 2023. Selon elle, l'issue de la présente procédure dépend du sort donné à cette action. L'existence de la servitude dont elle réclame la constatation dans son action du 30 janvier 2023 était "indépendante" de la radiation de la servitude RS 3______. Il s'agirait d'une servitude foncière existant "par l'utilisation historique des lieux ainsi que leur configuration. Un nouveau contrat de servitude [devrait] être établi pour que le local litigieux soit intégré dans la RS 6______". Les actes de 2011 n'avaient rien prévu en termes "d'aménagement et d'exécution", de sorte que le jugement entrepris serait impossible à exécuter. En particulier, il n'y avait "aucune clef à remettre".

4.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3.1; Frei, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n. 1 ad art. 126 CPC).

La suspension devra être admise en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité, ce qui permettrait de trancher une question décisive ou de nature préjudicielle (ATF 119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3).

La suspension de la procédure dans l'attente du sort d'une autre procédure suppose que la seconde se trouve dans un lien de connexité avec la première, même s'il n'est pas nécessaire que l'objet du litige ou les parties soient les mêmes: il s'agit d'éviter des décisions contradictoires ou incohérentes (Gschwend/Bornatico, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 11 ad art. 126 CPC; Frei, op. cit., n. 3 ad art. 126 CPC).

Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_146/2023 du 23 mai 2023 consid. 6.2.2.1.3).

4.2 En l'occurrence, l'appelante n'a pas démontré avoir effectivement déposé en vue de conciliation l'action dont elle se prévaut et, si tel a été le cas, il n'est pas certain qu'elle l'ait introduite. Cette procédure est donc hypothétique et se trouve, si elle existe, dans sa phase initiale.

Compte tenu de ce qui précède, une suspension de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la cause précitée contreviendrait au principe de célérité et ne saurait être ordonnée.

A cela s'ajoute que l'appelante n'a pas établi que la procédure en question revêtait une portée préjudicielle par rapport à la présente cause. Le présent litige tend à l'évacuation de l'appelante, qui s'y oppose, alléguant être au bénéfice d'un droit l'autorisant à occuper le local litigieux. Or, comme cela sera exposé ci-après, le Tribunal a constaté à bon droit qu'au moment du dépôt de l'action de l'intimé l'appelante ne pouvait pas invoquer un tel droit. La question de savoir si un droit d'usage du local litigieux serait éventuellement susceptible de naître à l'avenir n'est dès lors pas pertinente pour l'issue du présent litige.

Il n'y a par conséquent pas lieu de suspendre la présente cause.

5. Le Tribunal a retenu que la conclusion de l'appelante tendant à la condamnation de l'intimé à payer les frais découlant de la construction d'un mur était irrecevable, faute d'être chiffrée. Les conditions de l’action en paiement non chiffrée n'étaient pas réalisées. L'appelante n’avait pas démontré, ni même allégué qu’elle n’était pas en mesure de chiffrer d’emblée sa conclusion. Elle n’avait pas articulé de valeur litigieuse minimale provisoire, ni chiffré sa conclusion dès que possible.

L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir statué sur "la demande des parties" tendant à déterminer laquelle d'entre elles devait prendre en charge les coûts de construction du mur. Le Tribunal avait mal constaté les faits en retenant qu'elle avait allégué des travaux de construction de ce mur envisagés en 1972. Sa conclusion en cause tendait également à la condamnation de l'intimé à construire le mur, ce sur quoi devait statuer le Tribunal. N'étant pas assistée par un avocat, celui-ci aurait dû l'interpeller afin qu'elle clarifie sa conclusion, faute de quoi il avait fait preuve de formalisme excessif.

5.1 A teneur de l'art. 84 CPC, le demandeur intente une action condamnatoire pour obtenir que le défendeur fasse, s’abstienne de faire ou tolère quelque chose (al. 1) et l’action tendant au paiement d’une somme d’argent doit être chiffrée (al. 2).

Aux termes de l'art. 85 CPC, si le demandeur est dans l’impossibilité d’articuler d’entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d’emblée, il peut intenter une action non chiffrée; il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire (al. 1). Une fois les preuves administrées ou les informations requises fournies par le défendeur, le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu’il est en état de le faire (al. 2).

Selon l'art. 132 CPC, le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme telle l’absence de signature ou de procuration. A défaut, l’acte n’est pas pris en considération (al. 1). L’al. 1 s’applique également aux actes illisibles, inconvenants, incompréhensibles ou prolixes (al. 2).

Dans les procès soumis à la maxime de disposition, les parties sont tenues de prendre des conclusions claires, nettes et suffisamment déterminées (ATF 116 II 215 consid. 4a, JdT 1991 I 34). Les conclusions doivent être formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le dispositif de la décision. Les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées, sous peine d'irrecevabilité (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.1; 4A_274/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4).

Lorsque les conclusions d’un mémoire d’appel sont insuffisantes, il ne s’agit pas d’un vice réparable. Il doit en aller de même des conclusions d’un mémoire de demande. A la différence de l’absence de signature ou de procuration, le fait que l'action ne soit pas chiffrée ne constitue pas un vice au sens de l'art. 132 al. 2 CPC, pour lequel le tribunal devrait fixer un délai de réparation. En cas d'introduction d'une action en paiement non chiffrée, il incombe au contraire au demandeur de chiffrer ses conclusions autant que possible et lorsque ce n'est pas possible, de démontrer que les conditions d'une action en paiement non chiffrée sont réunies (ATF 140 III 409 consid. 4.3.2, SJ 2015 I 19; arrêt du Tribunal fédéral 4A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 7.2 n.p. in ATF 142 III 102). 

Si nécessaire, les conclusions doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi, à la lumière de la motivation qui leur est donnée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 105 II 149 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_779-787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1; 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4). Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2; 134 III 235 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_164/2019 du 20 mai 2020 consid. 4.3).

5.2 En l'espèce, l'appelante n'a pas conclu devant le Tribunal à ce que sa partie adverse soit condamnée à construire un mur et rien dans la motivation de ses écritures ne permettait de penser qu'elle entendait prendre une telle conclusion.

Le Tribunal n'avait dès lors aucune raison de l'interpeller sur ce point, ni de procéder à une interprétation de ses conclusions.

L'appelante ne critique par ailleurs pas de manière motivée le raisonnement du Tribunal concernant l'irrecevabilité de ses conclusions non chiffrées.

Le fait de savoir si des travaux tendant à la fermeture du passage entre les deux parcelles avaient été envisagés dès 1972 est dénué de pertinence dans ce cadre, contrairement à ce que soutient l'appelante.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevable la conclusion de l'appelante tendant à la condamnation de l'intimé à payer les frais découlant de la construction d'un mur, de sorte que le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

6. Le Tribunal a retenu que le droit de propriété de l'intimé sur le local qu'il revendiquait n'était pas contesté. L'appelante faisait valoir un droit d’usage de nature réelle au profit de sa parcelle. Elle n’avait toutefois pris aucune conclusion reconventionnelle tendant à l’inscription au registre foncier d’une servitude ou à la modification d’une servitude inscrite. Ne pouvant renverser la présomption d’exactitude dudit registre qu’en concluant à la modification de celui-ci, elle ne pouvait qu’être déboutée de son objection. L’action en revendication devait donc être admise pour ce seul motif déjà.

En tout état, même si l'appelante avait pris une telle conclusion, l'issue du litige ne s'en trouverait pas modifiée. Sur la base d'un examen approfondi de l'historique et du sens des droits sur les deux parcelles concernées et en se référant à la volonté présumée du père de l'appelante, le Tribunal a conclu que la constitution en 1978 et la modification en 2011 de la servitude RS 6______, dont l'assiette n'avait jamais compris l'usage de la surface litigieuse, n’étaient entachées d’aucune erreur et étaient conformes à la loi. La servitude RS 3______ était une servitude personnelle irrégulière improprement dite, dont le titulaire était D______ sa vie durant, puis son épouse, jusqu’à sa mort. L'appelante n'avait ainsi pas hérité du droit d'utiliser le local revendiqué. En outre, selon le Tribunal, l'inscription et la radiation de la servitude RS 3______ étaient conformes à la loi. En effet, celle-ci était soumise à deux conditions résolutoires admissibles selon la jurisprudence et avait été radiée après l’avènement de l’une de celles-ci.

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'intimé était propriétaire du local litigieux. Selon elle, il était démontré "dans les échanges d'écritures" que les actes de vente et de modification des servitudes intervenus en 2011 étaient incomplets. La contenance de la parcelle 5______ serait peu claire et l'acte de vente précité préciserait d'ailleurs qu'aucune garantie n'était fournie à cet égard. La surface revendiquée aurait toujours fait partie de la parcelle 11______, que ce soit par des anciens droits spéciaux ou une servitude. Malgré la radiation de la servitude RS 3______, elle avait gardé la possession du local, car l'ouverture dans le mur qui existait entre celui-ci et la parcelle 5______ avait été construite puis condamnée par son père lors de la vente en 2011. En cas d'attribution du local à cette parcelle, un mur devrait être érigé afin de séparer ledit local de la parcelle 11______, ces deux derniers étant indissociables.

6.1.1 L'art. 641 al. 2 CC prescrit que le propriétaire d'une chose a le droit de la revendiquer contre quiconque la détient sans droit. La restitution suppose que le défendeur ne dispose pas d'un droit à la possession de la chose, en vertu d'un droit réel limité ou d'un droit personnel (Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n° 1407 p. 404).

6.1.2 Les servitudes foncières asservissent le fonds servant au fonds dominant (art. 730 à 743 CC). Les servitudes personnelles existent au profit d'une personne déterminée en faveur de laquelle est asservi un fonds servant (art. 745 à 781a CC) (Steinauer, Les droits réels, Tome II, 5ème éd., 2020, n. 3284 et suivants).

Les servitudes personnelles proprement dites sont indissolublement liées à une personne déterminée. Les servitudes personnelles irrégulières - réglées à l'art. 781 CC - ne sont en principe ni cessibles, ni transmissibles, mais le contraire peut être prévu. Les servitudes personnelles irrégulières peuvent avoir le même contenu que des servitudes foncières (Ibid., n. 3287 et suivants; Piotet, CR CC II, 2016, n. 2 ad art. 781 CC).

6.1.3 L'inscription au registre foncier est nécessaire pour la constitution des servitudes (art. 731 al. 1 CC).

Cette constitution exige un titre d’acquisition et une opération d’acquisition (laquelle se compose d’un acte de disposition, soit la réquisition d’inscription, et d’un acte matériel, soit l’inscription constitutive au registre foncier). Ce n’est que lorsque le conservateur du registre foncier a procédé à l’inscription que la servitude prend naissance matériellement et formellement. Encore faut-il que l’inscription soit valable, c’est-à-dire que le titre d’acquisition et la réquisition d’inscription le soient. Si le contrat est nul pour cause d’un vice de forme, la servitude n’existe pas matériellement, malgré son inscription, et sa radiation doit être demandée (art. 975 CC) pour éviter qu’elle ne prenne effectivement naissance lors de l’acquisition du fonds dominant par un tiers de bonne foi ou par prescription acquisitive ordinaire (Argul, CR CC II, n. 2, 8 et 9 ad art. 731 CC).

6.1.4 Selon l'art. 738 CC, l'inscription fait règle, en tant qu'elle désigne clairement les droits et les obligations dérivant de la servitude (al. 1). L'étendue de celle-ci peut être précisée, dans les limites de l'inscription, soit par son origine, soit par la manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi (al. 2).

6.1.5 Selon l'art. 9 al. 1 CC, les registres publics font foi des faits qu'ils constatent et dont l'inexactitude n'est pas prouvée (présomption d'exactitude des registres publics). De cela découle, à teneur de l'art. 937 al. 1 CC, s'il s'agit d'immeubles immatriculés au registre foncier, que la présomption du droit et les actions possessoires n'appartiennent qu'à la personne inscrite.

Il s'agit d'une présomption réfragable, qui renverse le fardeau de la preuve (Pichonnaz, CR CC II, 2016, n. 8 ad art.937 CC).

Il appartient dès lors à celui qui conteste le droit de la personne inscrite d'établir l'invalidité du titre d'acquisition (ATF 138 III 150 consid. 5.1.2; Hausheer/Aebi-Müller, Basler Kommentar - ZGB I, 7ème éd. 2022, n. 15a ad art. 200 CC).

L'inscription indue ne produit pas d'effets, sous réserve de la protection de l'acquéreur de bonne foi prévue à l'art. 973 al. 1 CC. Cela signifie que tout intéressé peut tenir en échec la présomption de l'art. 937 al. 1 CC en apportant la preuve que l'inscription est indue. Ces principes valent également, par analogie, pour les radiations d'inscription (Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n. 1256, 1257 et 1259, p. 360).

Celui qui conteste le droit de la personne inscrite peut faire valoir l’exception de son droit préférable, en invoquant une inscription irrégulière. S’il s’agit d’une inscription irrégulière initiale, il peut ouvrir action en rectification du registre foncier au sens de l’art. 975 CC. Il peut aussi invoquer un droit préférable acquis hors du registre foncier, par exemple suite à une succession, ce qui revient à invoquer une inscription irrégulière subséquente (art. 665 al. 2 CC) (Pichonnaz, CR CC II, n. 17 et 23 ad art. 937 CC).

6.1.6 Celui dont les droits réels ont été lésés par une inscription faite ou par des inscriptions modifiées ou radiées sans cause légitime, peut en exiger la radiation ou la modification (art. 975 al. 1 CC).

L'action en rectification est une action en constatation de droit; le jugement se borne à constater le véritable état des droits sur l'immeuble. Le demandeur qui a obtenu gain de cause peut requérir lui-même la rectification du registre, dans la mesure où la rectification n'est pas requise par le juge (Mooser, CR CC II, 2016, n. 33 ad art. 975 CC).

6.1.7 Si une décision comporte une double motivation (i.e. deux motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, suffisant chacune à sceller le sort de la cause), il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (art. 42 LTF, cf. ATF 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2; art. 311 CPC, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2018 du 8 octobre 2019 consid. 3.2).

6.2 En l'espèce, le Tribunal s'est fondé sur une double motivation. Dans la première, il a retenu que la présomption d’exactitude du registre foncier ne pouvait être renversée sans prendre de conclusion tendant à la modification de celui-ci, ce que l'appelante n'avait pas fait, de sorte que l'action de l'intimé devait être admise pour ce seul motif. Le Tribunal a exposé qu'en tout état, même si l'appelante avait pris une telle conclusion, l'issue du litige ne s'en trouverait pas modifiée, ce qu'il a développé dans sa seconde motivation.

L'appelante ne critique pas la première motivation du Tribunal, qui, selon celui-ci, suffit à sceller le sort du litige. Partant, l'appel est irrecevable à cet égard, de sorte que les chiffres 3 à 6 du dispositif du jugement entrepris seront confirmés.

Même si l'appelante avait avec succès remis en cause la première motivation du Tribunal, il n'en résulterait aucune incidence sur cette issue du litige.

En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la pièce objet du litige appartiendrait à l'appelante ni que la servitude litigieuse aurait été radiée à tort. L'argumentation confuse présentée devant la Cour par l'appelante ne suffit pas à remettre en cause le raisonnement étayé du Tribunal, qui est parvenu à la conclusion que l'intimé était propriétaire du local concerné et que la radiation de la servitude litigieuse était parfaitement valable.

L'on relèvera par ailleurs le comportement contradictoire de l'appelante qui, que ce soit dans la présente procédure en première instance (cf. supra, En fait, let. C.s) ou dans le cadre des procédures passées, n'a jamais soutenu que la surface litigieuse serait comprise dans sa parcelle 11______, de sorte qu'elle en serait propriétaire. Dans son acte d'appel, elle admet d'ailleurs que le local litigieux avait toujours "fait partie de la parcelle 11______, que ce soit par des anciens droits spéciaux ou une servitude". L'on relèvera également qu'elle a elle-même demandé en 2015 aux propriétaires de la parcelle 5______ de radier la servitude litigieuse.

Aucun grief motivé conformément aux exigences légales n'est pour le surplus formulé par l'appelante à l'encontre des ch. 1 et 3 à 6 du dispositif du jugement querellé de sorte que ceux-ci seront confirmés.

7. En ce qui concerne l'indemnité due à l'intimé, le Tribunal a retenu que les conditions de l'art. 41 al. 1 CO, à savoir le dommage, l'acte illicite (occupation sans droit), la causalité naturelle et adéquate ainsi que la faute, étaient remplies.

Le Tribunal a constaté que la pièce litigieuse n'était pas louée par l'appelante. Compte tenu du fait que l'intimé n'avait pas fait la démonstration de la valeur locative de celle-ci, il se justifiait de refuser tant son estimation haute (755 fr. 55 par mois) que son estimation basse (480 fr. 75 par mois) et de s’en tenir à la valeur admise par l'appelante, soit 20 fr. le m2 fondée sur les statistiques avancées par l'intimé et admises par l'appelante, ce qui conduisait à une indemnité de 240 fr. par mois (20 fr. x 12 m2). Le dies a quo de l’indemnité devait être fixé le 26 mars 2020 (introduction de la requête en cas clair), les demandes de restitution antérieures ayant été tempérées par la proposition d’arbitrage subséquente de l'intimé, si bien qu’elles ne valaient pas mise en demeure. L'indemnité due au jour du jugement se montait ainsi à 7'958 fr. 70 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2021, date moyenne pour la période courant du 26 mars 2020 au 31 décembre 2022 (5/31 de 240 fr. pour mars 2020 + 240 fr. x 33 mois). S'agissant de la période postérieure au prononcé du jugement, il y avait lieu de condamner l'appelante à payer, dès le 1er janvier 2023, la somme de 240 fr. par mois, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès cette date, et ce jusqu’à restitution du local litigieux.

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les conditions de l'acte illicite et de la faute de l'art. 41 CO étaient réalisées. Elle n'avait commis "aucun comportement actif pour s'approprier illégalement" le local litigieux ni eu l'intention de se comporter de la sorte et n'avait pas eu connaissance de la radiation de la servitude RS 3______. Le droit de propriété sur le local litigieux était peu clair, comme l'établissait le rejet de la requête en cas clair tendant à son évacuation. Elle pensait être le "bénéficiaire légitime" de ce local.

Dans son appel joint, l'intimé fait grief au Tribunal d'avoir retenu une indemnité de 240 fr. par mois. Il avait démontré que le bien loué par l'appelante comprenait le local litigieux. Preuve en était que, selon l'offre de location, celui-ci incluait un dressing. Or, devant le Tribunal, l'appelante n'avait pas fait état d'un dressing au titre des 4,5 pièces louées de sorte que celui-ci ne pouvait être que le local litigieux. L'appelante avait en tout état admis une indemnité à hauteur de 31 fr. 48 par m2. Pour s'opposer à son estimation haute (755 fr. 55 par mois), celle-ci avait en effet invoqué son offre de location de 2021 portant sur un "local commercial" situé sur sa parcelle (31 fr. 48 [850 fr. par mois pour 27m2]). Il avait fourni toutes les informations disponibles en matière de loyer comparable, à savoir le loyer perçu par l'appelante, celui de 31 fr. 48 par m2 qu'elle aurait admis et le loyer plancher de la statistique. En retenant ce dernier au motif qu'il était admis, alors qu'il disposait d'éléments suffisants pour évaluer le dommage en équité, le premier juge avait violé l'art. 42 al. 2 CO. Le dies a quo du versement de l'indemnité devrait être fixé au jour où l'occupant ne pouvait plus faire valoir de droit préférable, soit en l'occurrence dès la radiation de la servitude.

7.1 Selon l'art. 940 al. 1 CC, le possesseur de mauvaise foi doit restituer la chose et indemniser l'ayant-droit de tout le dommage résultant de l'indue détention, ainsi que des fruits qu'il a perçus ou négligés de percevoir.

Cette disposition régit la responsabilité du possesseur de mauvaise foi qui n'a pas, ou plus, de titre à posséder et qui doit restituer l'objet au véritable ayant droit; il s'agit d'une lex specialis par rapport aux règles des art. 41 ss CO, 62 ss CO et 419 ss CO. L'art. 940 CO s'applique en particulier lorsque la restitution est ordonnée à l'occasion d'une action en revendication (art. 641 al. 2 CC) (Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n. 658 et ss, p. 211).

7.1.1 La responsabilité de l'art. 940 CC est fondée sur la possession indue de la chose. Il y a possession indue dès que le possesseur est de mauvaise foi et non seulement dès le moment où la restitution de l'objet lui est demandée (Pichonnaz, CR CC II, 2016, n. 22 ad art. 940 CC; Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n. 693, p. 219).

Il ne faut pas confondre l'occupation illicite, laquelle présuppose la violation d'une norme de comportement (une usurpation au sens de l'art. 927 CC), de l'occupation illégitime qui découle du fait que le titre à posséder n'existe pas ou plus (nullité du contrat, fin du contrat et demeure de restituer les locaux). A titre d'illustration, après l'expiration du bail, l'occupation des locaux par le sous-occupant est illégitime, de sorte qu'il doit indemniser le propriétaire conformément à l'art. 940 CC. Le fondement de l'indemnité pour occupation illégitime ne repose ainsi pas sur l'art. 41 CO, mais sur l'art. 940 CC (arrêt du Tribunal fédéral du 4A_524/2018 du 8 avril 2019 consid. 5.3).

7.1.2 Est de mauvaise foi le possesseur (et gérant) qui sait ou devrait savoir qu'il possède (et gère) sans droit (ATF 126 III 69 consid. 2a).

La bonne foi est présumée (art. 3 al. 1 CC). Nul ne peut se prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une inscription portée au registre foncier (art. 970 al. 4 CC). La bonne foi de celui qui prétendrait ignorer le contenu du registre ne peut être retenue, car elle est incompatible avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui (art. 3 al. 2 CC) (Mooser, CR CC II, 2016, n. 35 ad art. 970 CC).

7.1.3 Le possesseur de mauvaise foi répond même sans faute (Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n. 66 et 689, p. 212 et 218).

7.1.4 La personne de mauvaise foi doit indemniser l'ayant droit de tout dommage résultant de l'indue détention. Le dommage peut résulter de ce que l'ayant droit n'a pas eu l'usage et la jouissance de l'objet (Steinauer, Les droit réels, Tome I, 6ème éd., 2019, n. 690 et 692, p. 218 et 219).

La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO; art. 8 CC). Toutefois, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO).

La preuve facilitée prévue par l'art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de la charge de fournir au juge, dans la mesure où cela est possible et où on peut l'attendre de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent ou facilitent son estimation; elle n'accorde pas au lésé la faculté de formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à ce devoir, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n'est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l'art. 8 CC, le juge doit refuser la réparation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.1.3).

7.1.5 Selon les "Informations statistiques n. 22 de novembre 2019" du
7 novembre 2019 de l'OCSTAT, le loyer mensuel moyen par m2 des logements à loyer libre de 3 à 5 pièces situés en zone périurbaine sur la rive gauche (C______), se montent à 20 fr. par m2 (https://statistique.ge.ch/tel/publications/ 2019/informations statistiques/autres_themes/is_loyers_22_2019.pdf).

7.2 En l'espèce, le statut de l'appelante, qui détenait la surface litigieuse, alors que sa belle-mère était décédée et que la servitude y relative avait été radiée, est soumis aux règles de la possession et donc au régime de responsabilité du possesseur de mauvaise foi de l'art. 940 CC.

Or, les conditions de cette responsabilité, soit une détention indue et de mauvaise foi, sont acquises, ceci à tout le moins à compter de la date de radiation au registre foncier de la servitude portant sur la surface revendiquée.

L'appelante invoque en vain que l'on ne pourrait pas lui reprocher d'avoir commis un acte illicite, tel qu'une usurpation, ni une faute. Il ne s'agit pas de conditions de la responsabilité au sens de l'art. 940 CC.

Elle soutient sans succès également avoir ignoré la radiation de la servitude RS 3______. Nul ne peut se prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une inscription portée au registre foncier. C'est donc à compter du 21 novembre 2019, date dès laquelle elle devait savoir qu'elle possédait le bien de façon indue, que l'on pouvait lui reprocher sa mauvaise foi. L'intimé fait ainsi valoir avec raison que l'indemnité est due dès cette date.

Quant au montant de cette indemnité pour occupation illégitime, le Tribunal l'a fixée à juste titre à 20 fr. le m2 selon les statistiques cantonales (240 fr. par mois).

L'intimé échoue à démontrer que le bien loué par l'appelante comprendrait la surface revendiquée, son argumentation en lien avec un dressing n'étant pas convaincante. Même s'il fallait admettre la thèse de l'intimé, son estimation haute (755 fr. 55 [3'400 fr. / 4,5 pièces]) ne saurait être admise. La surface litigieuse, un dressing selon lui, ne constituerait pas une pièce à proprement parler, mais un espace offert à la location en sus des 4,5 pièces reconnues comme telles. Ainsi, la contre-valeur de la détention de cette surface ne pourrait pas être fixée au même montant que celle desdites pièces. L'intimé invoque encore sans succès que l'appelante aurait admis une indemnité de 31 fr. 48 par m2, en se référant à son offre de location d'un "local commercial" en 2021. Elle a au contraire relevé que la surface revendiquée ne bénéficiait ni de l'électricité, ni du chauffage, ce qui n'est pas contesté. Il convient d'en déduire qu'elle a nié toute comparaison possible. Ne pouvant se fonder sur les montants de 755 fr. 55 et 377 fr. 75 (31 fr. 48 x 12 m2) par mois, tous deux trop élevés et non admis par l'appelante, c'est de façon non critiquable que le Tribunal a estimé le dommage en se basant sur les statistiques cantonales, ce d'autant plus qu'elles ont été avancées par l'intimé et admises par l'appelante.

En conclusion, les griefs des parties ne sont pas fondés, sous réserve de celui de l'intimé quant au dies a quo, dont le bien-fondé implique de calculer à nouveau l'indemnité.

Conformément à la méthode adoptée par le Tribunal, qui ne fait l'objet d'aucune critique, l'indemnité due se monte, au 30 novembre 2023, à 11'592 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2021, date moyenne pour la période courant du 21 novembre 2019 au 30 novembre 2023 (72 fr. [9/30 de 240 fr. pour novembre 2019] + 11'520 fr. [240 fr. x 48 mois]). Pour ce qui est de la période postérieure au 30 novembre 2023, l'appelante sera condamnée à payer 240 fr. par mois jusqu’à la restitution du local.

Partant, les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement entrepris seront annulés et il sera statué dans le sens qui précède.

8. L'intimé sollicite la condamnation de l'appelante au paiement d'une amende pour procédé téméraire et dilatoire. Selon lui, en 2020, après avoir invoqué, dans la procédure en cas clair, le dépôt en vue de conciliation d'une action en constatation de l'existence d'une servitude, ce qui lui aurait permis de faire échec à la requête en cas clair, l'appelante n'avait pas introduit ladite action. Dans la présente procédure, elle aurait pris la même conclusion en constatation de l'existence d'une servitude et s'en serait vue déboutée par le Tribunal. Ainsi, le dépôt d'une action identique en janvier 2023 serait "incompatible" avec le résultat de la présente procédure, consacrerait un cas de litispendance et serait par voie de conséquence dépourvu de toute chance de succès. Dans ces circonstances, solliciter la suspension de la présente procédure au motif du dépôt de ladite action serait purement dilatoire.

8.1 La partie qui use de mauvaise foi ou de procédés téméraires est punie d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus (art. 128 al. 3 CPC).

Agit notamment de façon téméraire celui qui bloque une procédure en multipliant des recours abusifs ou celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi. La sanction disciplinaire a un caractère exceptionnel et postule un comportement qualifié. Les mesures disciplinaires doivent être précédées d'un avertissement, sauf en cas d'actes particulièrement graves (ATF 120 III 107 consid. 4b; 111 Ia 148 consid. 4, JdT 1985 I 584; Haldy, CR CPC, 2019, n. 5 et 9 ad art. 128 CPC; Hofmann/Lüscher, Le Code de procédure civile, 2015, p. 33).

8.2 En l'espèce, l'on ne discerne pas quel comportement de l'appelante constituerait un manquement grave justifiant une mesure disciplinaire sans avertissement préalable. La requête en cas clair de l'intimé ayant été déclarée irrecevable, l'appelante a renoncé, faute de nécessité immédiate, à introduire son action en 2020, ce qui semble compréhensible. S'il est vrai que l'appelante a varié dans ses explications, donnant des justifications souvent confuses, ce comportement n'atteint pas un degré de gravité suffisant pour justifier le prononcer d'une amende.

L'intimé sera dès lors débouté de sa conclusion en ce sens.

9. Devant le Tribunal, l'intimé a succombé à hauteur de deux tiers environ s'agissant de ses conclusions accessoires en paiement, mais a obtenu entièrement gain de cause sur le principe, à savoir sur son action en revendication, de sorte que le Tribunal a mis les frais judiciaires à sa charge à raison d'un tiers et lui a alloué des dépens, contrairement à l'appelante. En seconde instance, celle-ci a entièrement succombé dans son appel. L'intimé a, pour sa part, obtenu gain de cause dans son appel joint uniquement en ce qui concerne le dies a quo de l'indemnité et dans une mesure limitée (cinq mois à 240 fr.).

9.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC). Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a) et le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) ou, lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

9.2.1 En l'espèce, ni la quotité ni la répartition des frais de première instance n'ont été remises en cause en appel et ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 2 CPC; art. 15, 17, 24, 26, 84 et 85 RTFMC; art. 23 LaCC). La modification mineure du jugement attaqué ne commande pas de revoir ces frais ni leur répartition, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

9.2.2 Les frais judiciaires de seconde instance seront arrêtés à 3'800 fr. pour ce qui est de l'appel et 1'800 fr. pour ce qui est de l'appel joint (art. 17 et 35 RTFMC; art. 92 al. 2 CPC [240 fr. x 12 mois x 20 ans]). Ils seront compensés avec les avances de même montant fournies par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Au vu de l'issue du litige devant la Cour, chacune des parties supportera les frais judiciaires liés à son appel.

L'appelante sera par ailleurs condamnée à verser 6'000 fr. à l'intimé à titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus. Ce montant, qui est conforme au tarif réglementaire fondé sur la valeur litigieuse, représente 15 heures d'activité au tarif horaire usuel de 400 fr. pour un chef d'étude (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 al. 1 LaCC). Au vu notamment des écritures du conseil de l'intimé en lien avec l'appel principal et des procédures qui ont déjà opposé les parties sur le même objet, ce montant apparaît adéquat, au contraire de celui de 7'300 fr. dont fait état la note de frais et honoraires produite. Il prend en outre en compte le fait que l'intimé n'a pas entièrement obtenu gain de cause en appel.

L'appelante n'est pas représentée par un professionnel et ne justifie pas avoir le droit à une indemnité équitable, de sorte qu'elle ne se verra allouer ni dépens d'appel ni une telle indemnité.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 30 janvier 2023 par A______ et l'appel joint interjeté le 1er mai 2023 par B______ contre le jugement JTPI/14801/2022 rendu le 12 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23752/2020.

Au fond :

Annule les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 11'592 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2021 à titre d’indemnité pour occupation illégitime pour la période du 21 novembre 2019 au 30 novembre 2023.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 240 fr. par mois dès le 1er décembre 2023 jusqu’à la restitution du local visé au chiffre 3 du jugement, à titre d’indemnité pour occupation illégitime.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'800 fr. et ceux d'appel joint à 1'800 fr. et les compense avec les avances de même montant fournies par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de A______ à hauteur de 3'800 fr. et de B______ à raison de 1'800 fr.

Condamne A______ à verser 6'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.