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Décisions | Chambre civile

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C/18576/2019

ACJC/1573/2023 du 23.11.2023 sur JTPI/1117/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18576/2019 ACJC/1573/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 23 NOVEMBRE 2023

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 mars 2023, représentée par Me Laurent ISENEGGER, avocat, MEYER LEGAL, rue Général-Dufour 22, 1204 Genève,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Blaise GROSJEAN, avocat, DE BOCCARD ASSOCIES, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/1117/2023 du 23 janvier 2023, notifié aux parties le 31 janvier 2023, le Tribunal de première instance a condamné A______ SARL à payer à B______ SA un montant de 60'134 fr. 21 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 janvier 2018 (ch. 1 du dispositif), ainsi qu'un montant de 12'441 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 14 janvier 2018 (ch. 2), prononcé à due concurrence la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SARL au commandement de payer dans la poursuite n. 1______ (ch. 3), mis les frais judiciaires – arrêtés à 5'600 fr. – à la charge de A______ SARL, compensé ces frais avec les avances fournies par les parties (ch. 4), condamné A______ SARL à payer à B______ SA la somme de 5'300 fr. à titre de remboursement de son avance (ch. 5), condamné A______ SARL à payer à B______ SA la somme de 8'000 fr. à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 2 mars 2023, A______ SARL appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut au déboutement de B______ SA de toutes ses prétentions à son encontre et à ce qu'il soit dit que la poursuite n. 1______ n'ira pas sa voie, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 6 septembre 2023.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ SA est une société anonyme sise à C______ (GE), dont le but social consiste notamment en l'exploitation d'un atelier de ______, ainsi qu'en en la conception, création et commercialisation de pièces et produits pour différents domaines tels que ______ et ______.

Elle a pour administrateur unique D______.

b. A______ SARL est une société à responsabilité limitée sise à Genève, dont le but social consiste en la création et fabrication de tout objet de joaillerie.

Ses associés gérants sont E______ et F______.

c. Au début du mois d'octobre 2017, B______ SA et A______ SARL sont entrées en négociation par le biais d'une connaissance commune de D______ et de E______.

d. Par courriel du 10 octobre 2017, faisant suite à une réunion tenue le même jour dans les bureaux de A______ SARL, celle-ci a prié B______ SA de se procurer la matière nécessaire à la fabrication des éléments devant constituer sept bracelets de montre "______"[descriptif], destinés à la maison G______.

Les plans de fabrication des éléments devaient être transmis ultérieurement à B______ SA.

e. B______ SA a commandé à son fournisseur de matières précieuses de l'or fin pour 114'640 fr., du palladium fin pour 9'299 fr. et de l'argent fin pour 69 fr.

f. Par courriels de son associé F______ du 16 octobre 2017, A______ SARL a demandé à B______ SA de lui livrer, le plus rapidement possible, les quantités de pièces nécessaires à l'assemblage de deux bracelets et demi, soit :

- "Bride Plan n° 1" - 700 pièces

- "Bride Plan n° 1 Fraisé" - 112 pièces

- "Bride Plan n° 2" - 300 pièces

- "Bride Plan n° 2 Fraisé" - 150 pièces

- "Bride Plan n° 3" - 205 pièces

- "Bride Plan n° 3 Fraisé" - 145 pièces

- "Douille ronde plan n° 4" - 738 pièces

- "Bâte ronde plan n° 5" - 750 pièces

- "Bâte carré plan n° 8" - 425 pièces

- "Douille carré plan n° 6A" - 70 pièces

- "Douille carré plan n° 6B" - 82 pièces

- "Douille carré plan n° 6C" - 37 pièces

- "Douille carré plan n° 7A" - 82 pièces

- "Douille carré plan n° 7B" - 100 pièces

- "Douille carré plan n° 7C" - 37 pièces.

g. Dans le courant du mois de novembre 2017, B______ SA a livré à A______ SARL les diverses pièces commandées en plusieurs livraisons, faisant l'objet de onze bulletins de livraison distincts.

Chacun de ces bulletins de livraison contenait l'indication suivante : "toutes les réclamations doivent être faites dans les 8 jours après réception".

h. Parmi les pièces livrées par B______ SA figuraient 665 exemplaires de l'élément "Bride Plan n° 1", soit 35 exemplaires de moins que demandé par A______ SARL, et 198 exemplaires de l'élément "Bride Plan n° 3", soit 7 exemplaires de moins que demandé par A______ SARL.

Tous les autres éléments étaient livrés en quantités excédentaires par rapport à la demande de A______ SARL du 16 octobre 2017 (mais ne dépassant pas deux fois les quantités demandées).

i. B______ SA a émis plusieurs factures relatives aux pièces livrées, stipulées payables dans les 30 jours nets.

Le 17 novembre 2017, elle a ainsi émis trois factures n. FC17-2______,
FC17-3______ et FC17-4______, pour un montant total de 26'388 fr. 96.

Le 29 novembre suivant, elle a émis deux factures supplémentaires
FC17-5______ et FC17-6______, pour un montant total de 33'745 fr. 25.

Chacune des factures précitées contenait l'indication : "toute réclamation doit nous parvenir dans les 8 jours à réception facture".

j. Le 1er décembre 2017, A______ SARL s'est enquise auprès de B______ SA de la livraison du solde des pièces commandées le 16 octobre 2017.

Par courriel du 1er décembre 2017, la secrétaire de B______ SA a notamment indiqué à E______ : "Si tout va bien, mardi ou mercredi tu auras les pièces. [D______] est à fond dessus, je te tiens au courant dès que j'ai les premières pièces".

k. A réception du courriel susvisé, A______ SARL a passé commande à B______ SA de deux cercles en laiton, deux carrures en or gris et deux fonds en or gris avec gravure et poinçonnage, relatifs à la tête de montre des deux premiers bracelets-montres promis à la maison G______.

l. Les deux cercles en laiton et deux carrures commandés ont été usinés et livrés à A______ SARL au début du mois de décembre 2017.

Ils ont fait l'objet d'une facture n. FC17-7______ du 17 décembre 2017 et d'une facture n. FC17-8______ du 8 décembre 2017, portant sur un total de 7'387 fr. 20.

m. A______ SARL a refusé de prendre livraison des deux fonds avec gravure et poinçonnage, également usinés par B______ SA dans la première moitié du mois de décembre 2017.

Pour ces derniers éléments, B______ SA a adressé à A______ SARL une facture n. FC17-9______ en date du 14 décembre 2017, pour un montant de 5'054 fr. 40.

n. Par courrier de son conseil du 22 décembre 2017, B______ SA a averti A______ SARL de ce qu'elle n'effectuerait plus aucune livraison avant règlement de ses factures FC17-2______, FC17-3______ et FC-4______ du 17 novembre 2017, désormais échues.

o. Le 16 janvier 2018, B______ SA a sommé A______ SARL de s'acquitter de la totalité des factures qu'elle lui avait adressées, soit d'une somme totale de 72'575 fr. 81, dans un délai de trois jours.

p. B______ SA a réitéré ses sommations à plusieurs reprises indiquant notamment que faute de paiement au 9 février 2018, elle renoncerait "à l'exécution du solde de la commande" et réclamerait des dommages et intérêts positifs.

q. Par courrier de son conseil du 1er février 2018, A______ SARL a contesté le bien-fondé des factures de B______ SA, indiquant que certaines des pièces livrées n'avaient pas été commandées et que certaines pièces commandées avaient été livrées avec retard "au regard des délais discutés et attendus".

Elle a notamment invoqué une livraison du produit fini pour le Salon International de la Haute Horlogerie (ci-après : le SIHH).

r. Le 13 août 2019, B______ SA a fait notifier à A______ SARL un commandement de payer, poursuite n. 1______, portant sur les montants de (1) 5'027 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 7 juin 2018, (2) 60'134 fr. 21 avec intérêts à 5% dès le 29 janvier 2018 et (3) 12'441 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2018.

Le premier montant réclamé avait trait à diverses factures établies pour la mise en alliage, les frais de fonte et les frais d'affinage.

Le deuxième montant réclamé représentait le total des factures FC17-2______, FC17-3______, FC17-4______, FC17-5______ et FC17-6______ relatives aux éléments de bracelets livrés.

Le troisième montant réclamé correspondait au total des factures FC17-7______, FC17-8______ et FC17-9______ relatives au deux cercles en laiton, au deux carrures en or gris et aux deux fonds en or gris.

s. A______ SARL a formé opposition au commandement de payer susvisé.

t. Par demande déposée en vue de conciliation le 2 août 2019, déclarée non conciliée le 28 octobre 2019 et introduite devant le Tribunal le 27 janvier 2020, B______ SA a conclu à ce que A______ SARL soit condamnée à lui payer les sommes de 53'276 fr. 37 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 janvier 2018 au titre des éléments livrés pour la confection de deux bracelets de montre et demi, de 6'857 fr. 84 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 janvier 2018 au titre des pièces supplémentaires produites et livrées par anticipation de commande, de
12'441 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 14 janvier 2018 au titre des cercles en laiton, des carrures en or gris et des fonds en or gris, ainsi que de 5'153 fr. 84 avec intérêts à 5% l'an dès le 7 juin 2018 pour la mise en alliage, les frais de fonte et les frais d'affinage.

Simultanément, B______ SA a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la poursuite n. 1______.

A l'appui de ses conclusions, B______ SA a notamment exposé avoir produit et livré des pièces supplémentaires par anticipation de commande, A______ SARL n'ayant vu aucun inconvénient à ce que ces pièces soient usinées et en ayant accepté la livraison sans restriction aucune. La fabrication des différentes pièces usinées nécessitait en effet de longs et délicats réglages des machines avant une mise en série, et dès lors que la commande devait porter sur un ensemble de pièces destinées à assembler au total sept bracelets, elle avait profité de fabriquer plus de pièces en laissant se consumer la matière introduite dans les machines.

u. Dans sa réponse, A______ SARL a conclu au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions.

Elle a notamment fait valoir que lors de la réunion entre les parties du 10 octobre 2017, elle avait clairement indiqué que tous les composants requis pour la fabrication de deux bracelets-montres et demi devaient impérativement lui être livrés "entre fin novembre et début décembre au plus tard", afin qu'elle-même dispose du temps nécessaire pour finir ces bijoux et puisse ainsi tenir ses engagements envers la maison G______, c'est-à-dire lui livrer deux bracelets-montres avant le 20 décembre 2017 au plus tard. Or, malgré les indications données le 1er décembre 2017, B______ SA n'avait pas livré la totalité des composants nécessaires.

A______ SARL a indiqué n'avoir eu d'autre choix que de se tourner vers un autre fournisseur, afin de dédoubler la fabrication des deux montres. Malgré cela, elle s'était retrouvée dans l'incapacité de réaliser les deux montres pour la maison G______ en temps voulu, ne parvenant qu'à livrer une des deux pièces au mois de janvier 2018, au prix de très nombreuses heures supplémentaires durant les fêtes de fin d'année. Elle estimait avoir subi un dommage d'au moins 200'000 fr., qu'elle invoquait en compensation en tant que de besoin, étant précisé que B______ SA ne pouvait en tout état prétendre au paiement de ses factures, compte tenu des manquements qui lui étaient imputables.

v. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

v.a Pour le compte de B______ SA, D______ a réitéré que A______ SARL n'avait jamais critiqué sa manière de procéder par rapport à la fabrication de plus de pièces que nécessaire pour la confection de deux bracelets et demi, ajoutant que cela était convenu entre les parties.

v.b Pour le compte de A______ SARL, F______ a notamment mentionné l'existence d'un délai à "fin novembre - début décembre" 2017 pour recevoir de B______ SA les composants relatifs aux deux bracelets-montres destinés à être exposés au SIHH. B______ SA n'avait cependant pas fourni assez de pièces pour confectionner deux bracelets et n'avait pas voulu se prononcer sur un délai de livraison. Après le 4 décembre 2017, B______ SA n'avait plus tenu A______ SARL au courant de ce qui se passait.

Son associé E______ a notamment expliqué que les parties s'étaient entendues sur un délai à fin décembre 2017 pour la confection de deux bracelets et demi, de deux boîtes et de deux fonds. Les livraisons avaient été aléatoires et il manquait des composants, ce qui ne permettait pas de livrer deux bracelets à la maison G______. Il manquait un nombre "énorme" de composants pour les bracelets. Lui-même n'avait pas contesté les éléments livrés dans le délai indiqué sur les bulletins de livraison. Il était certain que F______ l'avait fait, en tout cas par téléphone, car tel était leur mode de communication. Lui-même ne connaissait pas le détail de la contestation, qu'il fallait demander à son associé.

w. Le Tribunal a ensuite procédé à l'audition de témoins.

w.a H______, secrétaire de B______ SA chargée des tâches administratives telles que l'établissement des bulletins de livraison et des factures, a déclaré que B______ SA avait fabriqué plus de pièces que cela n'était nécessaire pour deux bracelets et demi, car elle avait laissé tourner les machines. A______ SARL avait commandé deux bracelets et demi, mais B______ SA avait fabriqué plus de pièces, car une commande de sept bracelets était prévue et la matière avait été commandée en conséquence. A______ SARL ne s'était pas opposée à ce mode de procéder. Les livraisons étaient effectuées au fur et à mesures que les pièces sortaient de la machine. Les bulletins de livraison et les factures n'avaient pas donné lieu à une contestation, ni à une réclamation de la part de A______ SARL. Elle n'avait pas entendu de discussion entre les parties concernant une livraison incomplète des pièces, au sujet des deux bracelets et demi. Le délai convenu entre les parties était de faire les pièces au plus vite, par rapport à la commande de départ.

w.b I______ et J______, employés de A______ SARL en qualité de joaillers, ont déclaré avoir dû effectuer, avec F______, de nombreuses heures supplémentaires durant les vacances de Noël 2017 pour réaliser une montre de haute-joaillerie destinée à la maison G______. I______ a précisé qu'il y avait eu des problèmes de livraisons de pièces, celles-ci arrivant au compte-goutte. Seule une montre avait pu être livrée à la maison G______ en janvier 2018. La confection d'autres montres n'était pas possible en raison d'éléments manquants.

x. Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives au terme de leurs plaidoiries finales écrites du 12 septembre 2022, à réception desquelles le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que A______ SARL n'avait initialement commandé que les éléments nécessaires à la confection de deux bracelets et demi, mais ne s'était pas opposée à la livraison d'éléments supplémentaires par B______ SA. Elle avait donc accepté une modification de la commande, soit une augmentation du nombre de pièces livrées, et ce aux mêmes prix et conditions que pour les pièces initialement commandées. Les parties étant convenues de procéder à des livraisons partielles, B______ SA était fondée à exiger le paiement des pièces dès leur livraison.

A______ SARL devait donc être condamnée à payer les sommes de 53'276 fr. 37 et de 6'857 fr. 84 en relation avec les éléments de bracelets livrés, ainsi que 12'441 fr. 60 en relation avec les têtes de montres usinées pour son compte, et ce avec intérêts dès l'échéance des factures concernées. B______ SA ne pouvait en revanche prétendre au paiement de 5'153 fr. 84 pour la mise en alliage, les frais de fonte et d'affinage de l'or, dès lors qu'elle ne démontrait pas avoir convenu que de tels frais seraient facturés en sus. Les factures qu'elle produisait à ce propos étaient d'ailleurs libellées au nom de tiers.

Pour sa part, A______ SARL ne pouvait pas invoquer une créance en dommages-intérêts pour s'opposer aux prétentions de B______ SA. Elle s'était en effet vu livrer, à fin novembre déjà, les composants des bracelets en nombre suffisant pour réaliser deux pièces et les têtes de montres avaient été mises à sa disposition dans la première moitié du mois de décembre 2017, étant observé qu'un de ses représentants avait admis qu'un délai à fin décembre 2017 avait été convenu pour livrer les éléments nécessaires à la réalisation de deux montres. B______ SA était quant à elle fondée à refuser de livrer de nouveaux éléments tant que ses factures relatives aux premières livraisons n'étaient pas réglées. Les allégations de A______ SARL selon lesquelles elle avait subi un dommage n'étaient au surplus ni vérifiables, ni vérifiées.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à plus de 77'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ) l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'intimée était fondée à réclamer le paiement des factures relatives aux éléments de bracelets et aux têtes de montres réalisés pour son compte, alors que l'intimée n'avait pas livré certains des éléments de bracelets convenus, qu'elle avait livré des éléments qu'elle-même n'avait pas commandés et que son refus de livrer les éléments commandés rendait la production d'autres pièces, telles que les têtes de montres, inutile.

Il convient d'examiner ces différents griefs successivement, en distinguant le sort des éléments de bracelets faisant l'objet de la commande initiale, le sort des autres éléments de bracelets livrés par l'intimée et celui des têtes de montres réalisées par la suite.

3.             S'agissant tout d'abord des éléments de bracelets commandés le 16 octobre 2017, l'appelante soutient que ceux-ci ne lui ont pas été entièrement livrés dans le délai convenu, de sorte que l'intimée ne pourrait en exiger le prix.

3.1 Il n'est pas contesté que les relations des parties relèvent du contrat d'entreprise, soit un contrat par lequel une des parties (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer (art. 363 CO).

3.1.1 Le terme de la livraison est le moment à partir duquel la livraison de l'ouvrage achevé devient exigible (cf. art. 75 CO). La loi parle à cet égard de "terme prévu pour la livraison" (cf. art. 366 al. 1 CO; Gauch, Der Werkvertrag, 6. Aufl., 2019, n. 646).

Les parties au contrat sont libres de fixer le terme de la livraison de façon directe, par exemple en s'accordant sur une date du calendrier, ou en convenant d'un délai à l'échéance duquel la livraison deviendra exigible (p. ex. cinq mois à compter de la signature du contrat). Si le terme de la livraison convenu se réfère à une date du calendrier ou peut être calculé de façon certaine, il s'agit d'un "jour de l'exécution déterminé d'un commun accord" au sens de l'art. 102 al. 2 CO, pour autant que la convention oblige l'entrepreneur à livrer spontanément l'ouvrage au plus tard le jour dit. Le "jour de l'exécution déterminé d'un commun accord" est également un terme fixe au sens de l'art. 108 ch. 3 CO et le contrat d'entreprise est un contrat à terme fatal ("Fixgeschäft") lorsque les parties ont en outre convenu qu'à l'échéance du terme de livraison, l'exécution de l'obligation de livrer ne pourra plus intervenir (Gauch, op. cit., n. 647). Savoir si les parties se sont entendues sur un "jour de l'exécution déterminé d'un commun accord", au sens de l'art. 102
al. 2 CO est fonction du contenu du contrat d'entreprise concret (Gauch, op. cit., n. 647).

3.1.2 Lorsqu'il doit interpréter un contrat, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indice. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_502/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées).

3.1.3 Si l'entrepreneur est en demeure de livrer l'ouvrage promis, la situation juridique se détermine sur la base des règles générales des art. 103 à 109 CO. Ce cas de demeure suppose qu'en violation de ses obligations, l'entrepreneur nonobstant l'échéance du terme de livraison, n'a pas encore achevé l'ouvrage ou n'a pas encore livré l'ouvrage achevé. Le maître doit en outre avoir interpellé l'entrepreneur à moins que l'interpellation ne soit pas nécessaire, parce que le terme de livraison est un terme comminatoire déterminé d'un commun accord ou que l'interpellation s'avère d'entrée de cause inutile (cf. art. 102 al. 2 et
art. 108 CO). Le non-achèvement de l'ouvrage doit être distingué de son caractère défectueux, qui est régi par les règles sur la responsabilité pour les défauts (cf. art. 367 ss CO) et non par celles relatives à la demeure (Gauch, op. cit., n. 659).

La conséquence la plus importante de la demeure réside dans le droit du maître de renoncer à la prestation en souffrance et, soit de réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution (intérêt positif), soit de se départir du contrat d'entreprise et, si l'entrepreneur est en faute, demander la réparation du dommage résultant de la caducité du contrat (intérêt négatif; cf. art. 107/109 CO). La fixation d'un délai de grâce n'est pas nécessaire lorsqu'aux termes du contrat, l'exécution doit avoir lieu exactement à un terme fixe ou dans un délai déterminé (art. 108 CO; Gauch, op. cit., n. 662).

3.1.4 A teneur de l'art. 372 al. 1 CO, le prix de l'ouvrage est payable au moment de la livraison. La livraison au sens de cette norme consiste dans la remise par l'entrepreneur au maître d'un ouvrage achevé et réalisé conformément au contrat dans chacune de ses parties. Peu importe que l'ouvrage soit ou non entaché de défauts (ATF 129 III 738 consid. 7.2).

L'art. 372 al. 2 CO prévoit que si des livraisons et des paiements partiels ont été convenus, le prix afférent à chaque partie de l'ouvrage est payable au moment de la livraison de cette partie. L'exception prévue par cette disposition suppose que l'entrepreneur soit tenu, d'après le contenu du contrat, d'effectuer des livraisons partielles et que le prix soit déterminé en fonction des parties à livrer. Si des livraisons partielles ont été convenues mais que le prix n'est pas déterminé en fonction des parties à livrer, le prix ne devient exigible, dans sa totalité, qu'au moment de la livraison de la dernière partie (Gauch, op. cit., n. 1158). Une dérogation à ce principe peut intervenir par convention expresse des parties ou en raison de l'usage, par exemple lors de livraisons successives à prix unitaires avec facturation périodique (Chaix in Commentaire romand, Code des obligations vol. I., 3ème éd., 2021, n. 10 ad art. 372 CO).

En cas de livraisons partielles au sens de l'art. 372 al. 2 CO, le rapport d'échange prévu par l'art. 82 CO concerne, d'un côté, toutes les livraisons et, de l'autre côté, le paiement intégral de l'ouvrage. Par conséquent, le maître peut opposer l'exception d'inexécution du contrat pour le prix afférent à une partie de l'ouvrage régulièrement livré si d'autres ne le sont pas. A l'inverse, l'entrepreneur est en droit de refuser de livrer les autres parties tant qu'il n'est pas payé pour une partie livrée (Chaix, op. cit., n. 17 ad art. 372 CO).

3.2.1 En l'espèce, les parties ne sont pas expressément convenues d'un terme de livraison pour les éléments de bracelets commandés par l'appelante le 16 octobre 2017. Comme l'a constaté le Tribunal, les allégations de l'appelante et de son représentant F______ selon lesquelles les parties auraient convenu d'un délai à "fin novembre - début décembre" 2017 pour recevoir les éléments nécessaires à la réalisation de deux bracelets ne sont pas vérifiées. Elles ont au contraire été contredites par l'autre gérant de l'appelante, E______, qui a déclaré que les parties s'étaient entendues sur un délai à fin décembre 2017 pour la confection des différents éléments devant être livrés par l'intimée. Aucun engagement ferme de l'intimée de livrer le solde des éléments initialement commandés à une date précise ne peut par ailleurs être déduit du courriel de celle-ci du 1er décembre 2017, indiquant une possible livraison de pièces le mardi ou le mercredi suivant. Cette indication était en effet expressément précédée de la réserve "si tout va bien", ce qui laissait clairement entendre que les échéances données n'étaient qu'hypothétiques et pourraient sans autre être dépassées.

Dans ces conditions, il faut admettre que les parties avaient seulement convenu que les éléments initialement commandés devaient être livrés le plus vite possible, sans plus de précision, étant observé qu'il n'est pas établi que l'intimée fût alors informée que ces éléments étaient destinés à la confection de bracelets-montres devant être exposés lors d'un événement se tenant au mois de janvier 2018, comme l'appelante le soutient aujourd'hui. Seule l'identité du client final de l'appelante figure dans le courriel que celle-ci a adressé à l'intimée le 10 octobre 2017 et aucun témoin n'a confirmé que l'échéance ou la finalité susvisée aurait été simultanément communiquée à l'intimée, étant observé que ni la connaissance commune ayant mis en relation les parties, ni le client final de l'appelante n'ont été entendus. L'appelante ne s'est d'ailleurs elle-même référée à l'événement en question, pour la première fois, que dans un courrier de son conseil du 1er février 2018, soit après la tenue de l'événement allégué.

Il s'ensuit que l'intimée n'a pas failli à son obligation de respecter le terme de livraison applicable et qu'elle n'était pas en demeure de livrer le solde des éléments initialement commandés lorsqu'elle a déclaré à l'appelante, le 22 décembre 2017, qu'elle ne lui livrerait pas d'autres éléments tant que le montant de ses factures exigibles n'était pas réglé. L'appelante ne peut dès lors pas s'être valablement départie du contrat, ce qu'elle ne soutient d'ailleurs pas avoir fait, pour se libérer de l'obligation de s'acquitter du prix des éléments initialement commandés et livrés par l'intimée. L'appelante reconnaît au contraire avoir fait usage des composants usinés par l'intimée pour livrer au moins une montre à son propre client.

3.2.2 Comme l'a retenu le Tribunal, il faut par ailleurs admettre que les parties étaient en l'espèce convenues de livraisons partielles, au sens des dispositions et principes rappelés ci-dessus. Les pièces commandées ont en effet été livrées à l'appelante en plusieurs fois, à mesure de leur production, et ont fait l'objet de onze bulletins de livraisons distincts, sans que celle-ci ne s'y oppose. Ces livraisons ont ensuite fait l'objet de factures correspondantes de la part de l'intimée, indiquant les prix unitaires des éléments livrés, là encore sans que l'appelante n'émette la moindre objection. Le prix afférent à chaque livraison était donc exigible immédiatement et l'appelante était tenue de s'en acquitter avant l'échéance des factures susvisées, qui étaient en l'espèce stipulées payables à trente jours. A ce propos, il faut admettre que cette indication valait avertissement régulier au sens de l'art. 102 al. 2 CO. C'est donc bien l'appelante, et non l'intimée, qui était en demeure de s'exécuter, c'est-à-dire de payer le prix des pièces effectivement commandées et livrées, dès le 18 décembre 2017, soit trente jours après l'établissement des factures de l'intimée du 17 novembre 2017. Pour sa part, l'intimée était en principe fondée à refuser, le 22 décembre suivant, de poursuivre l'exécution de sa propre prestation tant que les éléments déjà livrés ne seraient pas payés, conformément aux principes rappelés ci-dessus (consid. 3.1.4 in fine).

En l'occurrence, l'appelante soutient toutefois que les factures litigieuses portaient sur un certain nombre d'éléments ne figurant pas dans la commande du 16 octobre 2017, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue de s'en acquitter. Il convient donc d'examiner ce grief, qui est susceptible de remettre en cause, en partie au moins, le bien-fondé des prétentions de l'intimée.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis que sa commande initiale du 16 octobre 2017 avait été modifiée pour inclure des pièces supplémentaires, en vue de confectionner un nombre de bracelets-montres plus important. Elle conteste être tenue de s'acquitter des factures de l'intimée pour ce motif.

4.1 L'entrepreneur doit au maître l'exécution et la livraison de l'ouvrage qu'il s'est chargé de réaliser en concluant le contrat d'entreprise (cf. art. 363 CO).

Il se peut que le contenu du contrat d'entreprise soit modifié par acte juridique. Cette modification du contenu du contrat par acte juridique est qualifiée de modification de commande ("Bestellungsänderung"). Celle-ci modifie l'obligation d'exécuter qui a été convenue en ce sens que l'entrepreneur doit p. ex. effectuer des travaux supplémentaires ou des travaux en partie différents, ne pas exécuter certains travaux ou les exécuter d'une manière autre que celle prévue (Gauch, op. cit., n. 768).

La modification de commande contractuelle repose sur un contrat de modification ("Abänderungsvertrag"), en vertu duquel les parties s'entendent pour modifier dans un sens ou dans un autre l'obligation d'exécuter de l'entrepreneur et, par conséquent, le contrat d'entreprise. L'offre peut émaner de l'entrepreneur ou du maître. Sous réserve d'éventuelles prescriptions de forme, la modification de commande peut notamment être conclue tacitement (cf. art. 1 al. 2 CO), par exemple lorsque le maître, au fait de la situation, laisse l'entrepreneur effectuer une (nouvelle) prestation. Il n'est pas nécessaire que le maître ait commandé les travaux supplémentaires pour qu'ils soient mis à sa charge; il suffit qu'il les ait acceptés (arrêt du Tribunal fédéral 4C.189/1999 du 19 avril 2000 consid. 2b; Gauch, op. cit., n. 771).

Pour les frais engendrés par la modification de commande, l'entrepreneur a droit à une rémunération supplémentaire qui, à défaut de convention contraire, se calcule conformément à l'art. 374 CO, c'est-à-dire d'après la valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_433/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.1.2). Comme la modification de commande n'affecte que le contenu de la prestation promise par l'entrepreneur, le droit à une rémunération supplémentaire découle déjà du caractère onéreux de la prestation d'entrepreneur convenue. C'est pourquoi ce droit ne nécessite ni convention particulière, ni reconnaissance par le maître, ni notification d'augmentation par l'entrepreneur (Gauch, op. cit., n. 785).

4.2 En l'espèce, il est constant que l'intimée a livré à l'appelante davantage d'unités de la plupart des éléments que celle-ci en avait commandé le 16 octobre 2017, étant rappelé que la commande en question portait sur les éléments nécessaires à la confection de deux bracelets et demi. Les livraisons supplémentaires n'excédaient cependant pas le double des éléments prévus, de sorte que les pièces livrées ne pouvaient pas servir à réaliser plus de quatre ou cinq bracelets. Or, il est établi qu'avant sa commande du 16 octobre 2017, l'appelante avait prié l'intimée de se procurer les matériaux nécessaires à la fabrication de sept bracelets, laissant entendre à celle-ci que des commandes de pièces correspondantes lui seraient adressées.

En livrant à l'appelante davantage d'éléments qu'initialement commandés, l'intimée a manifesté l'intention de modifier la commande, pour l'étendre à la réalisation d'éléments entrant dans la confection de plus de deux bracelets et demi. Pour sa part, l'appelante n'a pas manifesté d'objection à réception des éléments supplémentaires en question, ni lors de la facturation de ceux-ci, alors que tant les bulletins de livraison que les factures qui lui étaient adressés la priaient de communiquer ses éventuelles réclamations à l'intimée dans un délai de huit jours. Les déclarations au Tribunal de son associé E______, selon lesquelles son co-associé F______ aurait oralement contesté la composition des éléments livrés, n'ont pas été confirmées par celui-ci lors de sa propre déposition, ni par un quelconque témoin. En dépit des éléments supplémentaires livrés, E______ a également affirmé qu'un nombre "énorme" de composants manquait pour réaliser les bracelets souhaités, ce qui laisse à penser que les éléments supplémentaires livrés étaient nécessaires à l'appelante et ont été acceptés par celle-ci, sachant que les éléments non livrés ne portaient réellement que sur trente-cinq pièces sur un total de sept cents pour un type d'élément, et sur sept pièces sur un total de deux cents cinq pour l'autre. Après réception des éléments livrés, l'appelante a d'ailleurs commandé de nouvelles pièces à l'intimée, telles que des cercles et des carrures de montres, manifestant là encore son approbation et la volonté de poursuivre ses relations commerciales avec l'intimée. Comme le Tribunal, il faut dans ces conditions admettre que par son comportement, l'appelante a tacitement accepté la modification de commande proposée par l'intimée en relation avec les éléments de bracelets supplémentaires, et ainsi convenu d'adapter les termes du contrat en conséquence.

S'agissant de la rémunération due à l'intimée, la Cour estime que l'absence de réaction de l'appelante aux factures de celle-là indique que celle-ci a également accepté que les éléments supplémentaires soient soumis aux mêmes prix unitaires et aux même conditions que les éléments initialement commandés. Au vu des circonstances du cas d'espèce, dans lesquelles l'intimée a notamment dû se procurer les matériaux nécessaires à la confection de sept bracelets, il n'y a notamment pas lieu de retenir que celle-ci ne pourrait prétendre, pour les éléments réalisés en sus de ceux initialement commandés, mais néanmoins susceptibles d'entrer dans la confection desdits sept bracelets, qu'à l'indemnisation de la seule valeur de son travail et de ses dépenses effectives, soit à un prix correspondant au prix coûtant. L'appelante ne soutient par ailleurs pas que les éléments de bracelets livrés par l'intimée auraient été affectés de quelconques défauts.

Par conséquent, le jugement entrepris a retenu à bon droit que l'appelante était tenue de s'acquitter de factures relatives à l'ensemble des éléments de bracelets livrés par l'intimée, soit d'une somme de 60'134 fr. 21 plus intérêts.

5.             L'appelante conteste également devoir payer à l'intimée le prix des éléments commandés le 1er décembre 2017, soit celui des cercles, carrures et fonds poinçonnés destinés à former les deux premières têtes de montres, facturés pour un montant total de 12'441 fr. 60 par l'intimée. Elle soutient que cette commande additionnelle était subordonnée à la condition que l'intimée lui livre le solde des éléments de bracelets initialement commandés dans les délais indiqués par celle-ci ce même 1er décembre 2017, soit dans les quelques jours suivants.

5.1.1 Aux termes de l'art. 151 al. 1 CO, le contrat est conditionnel, lorsque l'existence de l'obligation qui en forme l'objet est subordonnée à l'arrivée d'un événement incertain.

La condition est un événement futur incertain dont les parties font dépendre un effet juridique (Pichonnaz, Commentaire romand, Code des Obligations I, 3ème éd., 2021, n. 11 ad art. 151 CO). La condition est dite suspensive lorsque l'existence de l'effet juridique est subordonnée à la réalisation de la condition (cf. art. 151 al. 2 CO). On parle de condition résolutoire, au sens de l'art. 154
al. 1 CO, si l'acte juridique affecté d'une condition produit tous ses effets jusqu'à l'avènement de la condition qui met fin à son efficacité (Pichonnaz, op. cit., n. 31 ad art. 151 CO).

La condition n'est soumise à aucune forme. Elle peut donc être expresse (p. ex. "à la condition que", "sous réserve de") ou tacite (résultant de l'interprétation du contrat, des circonstances ou du contexte). Elle peut même être conclue subséquemment à la conclusion du contrat principal (Pichonnaz, op. cit., n. 2 ad art. 151 CO).

5.1.2 Conformément à l'art. 82 CO, celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du contrat.

Si l'ouvrage doit être livré par transfert matériel, l'entrepreneur n'a par conséquent besoin d'exécuter son obligation de livrer que "trait pour trait", contre paiement du prix de l'ouvrage (Gauch, op. cit., n. 1153).

Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

5.2 En l'espèce, rien dans la commande de l'appelante du 1er décembre 2017 n'indiquait que celle-ci serait subordonnée à la condition que les quelques éléments de bracelets manquants sur sa précédente commande lui soient effectivement livrés. Le seul fait que cette nouvelle commande ait été passée le jour où l'intimée a tenté de rassurer l'appelante sur une prochaine livraison des éléments concernés ne permet pas de remettre en doute le caractère ferme de ladite nouvelle commande. Il est ici rappelé que les parties n'étaient pas convenues d'un terme de livraison particulier pour les éléments de bracelets initialement commandés (cf. consid. 3.2.1 ci-dessus) et rien ne permet de retenir que les quelques éléments alors manquants n'auraient pas été livrés, ou pas pu être livrés, par l'intimée dans un délai approprié, notamment avant la fin de mois de décembre 2017, si l'appelante s'était pour sa part régulièrement acquittée du prix des éléments déjà livrés et facturés.

L'intimée n'avait dès lors pas de raison de surseoir à la réalisation des pièces additionnelles commandées le 1er décembre 2017 et l'appelante a elle-même réceptionné les premières d'entre elles au début du même mois, sans formuler d'observations particulières, avant de refuser la livraison des pièces restantes, régulièrement offerte par l'intimée, dans les jours suivants, là encore sans donner d'explication à teneur du présent procès. L'appelante ne soutient notamment pas que ces dernières pièces, soit deux fonds poinçonnés, étaient entachées de défauts.

Il s'ensuit que l'intimée est là aussi fondée à obtenir de l'appelante le paiement du prix des pièces concernées, qui s'élève à 12'441 fr. 60 selon les factures correspondantes et qui n'est pas contesté en tant que tel par l'appelante.

6.             Au surplus, l'appelante ne soutient plus en appel qu'elle disposerait d'une créance en dommages-intérêts susceptible d'être opposée en compensation aux prétentions de l'intimée relative au prix des ouvrages livrés. On a vu ci-dessus que l'intimée ne s'est pas trouvée en demeure de livrer les ouvrages convenus (cf. consid. 3.2.1 in fine), de sorte que l'appelante ne saurait réclamer de quelconques dommages-intérêts pour cause d'inexécution (intérêt positif), ni invoquer un dommage résultant de la caducité du contrat, dont elle n'a pu valablement se départir (intérêt négatif).

L'appelante ne conteste pas davantage le principe, ni le dies a quo, des intérêts moratoires mis à sa charge par le Tribunal, compte tenu de sa propre demeure (cf. art. 104 al. 1 CO).

Le jugement entrepris, qui a condamné l'appelante à payer à l'intimée les sommes de 60'134 fr. 21 et de 12'441 fr. 60 plus intérêts, puis prononcé à due concurrence la mainlevée de l'opposition formée par l'appelante à la poursuite intentée par l'intimée, sera par conséquent intégralement confirmé.

7.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 4'500 fr. (art. 96 CPC, art. 17 et
35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à payer à l'intimée la somme de 4'500 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 mars 2023 par A______ SARL contre le jugement JTPI/1117/2023 rendu le 23 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18576/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute A______ SARL de toutes ses conclusions.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'500 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à payer à B______ SA la somme de 4'500 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.