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Décisions | Chambre civile

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C/19405/2021

ACJC/1506/2023 du 13.11.2023 sur JTPI/10356/2022 ( SDF )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19405/2021 ACJC/1506/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 septembre 2022, représenté par Me Virginie JORDAN, avocate, JordanLex, rue de la Rôtisserie 4, 1204 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Cédric DURUZ, avocat, RIVARA WENGER CORDONIER & AMOS, rue Robert-Céard 13, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPI/10356/2022 du 7 septembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l’union conjugale, a donné acte à B______ et A______ de ce qu’ils ont décidé de mettre un terme à leur vie conjugale commune (chiffre 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive de l’appartement conjugal sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève, à charge pour lui d’en payer le loyer (ch. 2), condamné B______ à libérer ledit appartement de sa personne et de ses effets personnels et d’en remettre les clés à A______ au plus tard dans un délai d’un mois à compter du prononcé du jugement (ch. 3), ordonné pour les mineurs C______, née le ______ 2006 et D______, né le ______ 2010, une garde alternée par moitié et par semaine entre les parents pendant les périodes scolaires, le passage des enfants devant s’effectuer le vendredi soir, et de la moitié des vacances scolaires à répartir d’entente entre les parents (ch. 4), condamné A______ à prendre à sa charge la totalité des frais et charges courants et récurrents des mineurs C______ et D______, en particulier leurs frais médicaux non remboursés, d’école et de tuteurs privés, de repas scolaires, de transports publics et de téléphonie (ch. 5) et condamné A______ à verser en mains de B______, par mois, d’avance et avec effet dans un délai d’un mois à compter du prononcé du jugement : une contribution de 600 fr. à l’entretien de la mineure C______, une contribution de 600 fr. à l’entretien du mineur D______ et une contribution de 3'185 fr. à l’entretien de B______ (ch. 6) ; le Tribunal a par ailleurs arrêté et réparti les frais judiciaires et condamné A______ à verser des dépens à B______ (ch. 7 et 8).

Les parties sont les parents de deux enfants, âgés respectivement de 17 ans pour C______ et de 13 ans pour D______, lequel souffre d’un trouble du spectre autistique. Les deux mineurs sont scolarisés à [l'école privée] E______ à F______ [GE].

b. Le 22 septembre 2022, A______ a formé appel contre ce jugement auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour), concluant à l’annulation des chiffres 4, 5, 6, 7, 8 et 9 de son dispositif et cela fait, à ce que la garde exclusive des mineurs lui soit octroyée, leur domicile légal devant être fixé auprès de lui, un droit de visite devant s’exercer une semaine sur deux, du vendredi après l’école jusqu’au lundi matin retour à l’école, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, sauf accord contraire des parties, devant être accordé à la mère ; A______ a également conclu à ce que B______ soit condamnée à lui verser, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, 500 fr. à titre de contribution à l’entretien de C______ et 500 fr. à titre de contribution à l’entretien de D______, jusqu’à l’âge de 18 ans, voire au-delà en cas de formation suivie et régulière, les frais extraordinaires des enfants (frais d’orthodontie, lunettes, camps de vacances) devant être pris en charge par moitié par les parties ; A______ a enfin conclu à être autorisé à recourir à la force publique en cas d’inexécution du chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’une garde alternée sur les enfants soit octroyée aux parties, du lundi matin au lundi matin, le domicile légal des mineurs devant être fixé chez lui, à ce qu’il soit dit qu’il prendra en charge tous les frais courants des deux mineurs, les allocations familiales devant lui revenir et les frais extraordinaires pris en charge par moitié par les parties ; préalablement, l’appelant a conclu à l’octroi de l’effet suspensif.

c. Par arrêt du 21 octobre 2022, la Cour a suspendu le caractère exécutoire du jugement attaqué s’agissant des chiffres 4 de son dispositif et 6 pour ce qui est des contributions dues à l’entretien des enfants C______ et D______, la requête étant rejetée pour le surplus.

d. Dans sa réponse du 21 octobre 2022, B______ a pris des conclusions reconventionnelles qu’il n’apparaît pas nécessaire de reprendre dans le présent arrêt.

e. La Cour a sollicité un rapport complémentaire auprès du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale, lequel a été rendu le 2 mai 2023.

Il en ressort notamment que B______ avait quitté son travail de secrétaire médicale le 31 mars 2022 et était désormais sans emploi. Elle avait quitté le domicile conjugal, mais n’était pas parvenue à obtenir un logement à Genève, en dépit de ses recherches. Elle vivait, depuis fin octobre 2022, chez son compagnon, domicilié à G______ (Valais).

A______ travaillait pour [l'organisation] H______. Il était resté dans l’ancien domicile conjugal avec les deux enfants, que la mère voyait durant la semaine, ainsi que parfois le week-end, voire tous les week-ends s’agissant de C______.

Le mineur D______ était suivi par une conseillère psychologique au sein de son école. Il avait beaucoup de difficultés d’apprentissage et demeurait sous le niveau moyen de sa classe d’âge, en dépit du fait qu’il avait fait des progrès. En classe, D______ bénéficiait du soutien d’une assistante enseignante spécialisée (tutrice), laquelle était avec lui la plupart du temps ; dès qu’elle constatait qu’il était en difficulté, elle le prenait individuellement pour lui expliquer ce qu’il n’avait pas compris. Il semblait moins stressé depuis que sa mère avait quitté le domicile conjugal. En revanche, il revenait fatigué des week-ends passés dans le Valais, car pour commencer l’école à 8h20, il devait quitter très tôt le domicile de sa mère. Lorsqu’il se trouvait avec cette dernière, les devoirs n’étaient pas bien faits. Le père gérait toute la scolarité de son fils. L’enfant semblait bien intégré en classe et également pendant la récréation et avait des amis.

C______ pour sa part avait besoin d’aide en mathématiques mais ne rencontrait pas d’autres difficultés.

Au terme de ce rapport, le SEASP a préconisé l’attribution de la garde des enfants au père, la mère devant se voir réserver un droit de visite à organiser d’entente avec C______ ; s’agissant de D______, il devait s’exercer, sauf accord contraire des parties, à raison d’un week-end sur deux, ainsi que les mardis et durant la moitié des vacances scolaires.

f. Les parties se sont, chacune, exprimées sur ce rapport complémentaire et par avis du greffe de la Cour du 27 juin 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. a. Le 27 septembre 2023, B______ a formé devant la Cour une requête de mesures superprovisionnelles urgentes, concluant à ce qu’il soit fait interdiction à A______ d’emmener le mineur D______ avec lui au Maroc, à ce qu’elle soit autorisée, pendant la durée de la mission de A______ au Maroc à réintégrer l’ancien domicile conjugal sis no. ______, rue 1______ à Genève afin qu’elle puisse s’occuper de D______ et de sa sœur C______, à ce que la garde principale des deux mineurs lui soit confiée le temps que durerait la mission de A______ au Maroc et à ce que le chiffre 6 du dispositif du jugement du 7 septembre 2022 soit « réactivé » durant cette période, A______ devant être condamné à lui verser la pension de 600 fr. par enfant, en sus de la prise en charge des frais prévus au chiffre 5 dispositif du jugement et en sus de la contribution versée pour son propre entretien à hauteur de 3'185 fr. par mois.

B______ a confirmé que A______ résidait, avec les deux mineurs, dans l’appartement sis no. ______, rue 1______ à Genève (ancien logement conjugal), elle-même s’étant installée à G______, chez son compagnon. Elle voyait les enfants régulièrement et avait passé avec eux une partie de l’été.

Elle venait d’apprendre, par C______, que A______ avait l’intention de partir en mission pour au moins deux mois au Maroc et avait décidé que le mineur D______ l’accompagnerait, C______ devant demeurer seule à Genève, le départ étant prévu pour le 1er octobre 2023. A______ n’avait pas sollicité son accord pour emmener D______ au Maroc. Selon elle, un tel séjour n’était pas dans l’intérêt de l’enfant, qui risquait de se retrouver souvent seul. Il n’était pas non plus conforme à l’intérêt de C______ de rester seule à Genève.

b. Par arrêt ACJC/1258/2023 du 28 septembre 2023 rendu sur mesures superprovisionnelles, la Cour a fait interdiction à A______ d’emmener ou de faire emmener son fils D______ au Maroc et a autorisé B______, dans l’hypothèse où A______ partirait seul au Maroc en laissant ses deux enfants à Genève, à réintégrer provisoirement le domicile conjugal, afin de s’occuper des deux mineurs.

A______ a été invité à se déterminer sur la requête formée par B______ le 27 septembre 2023.

c. La Cour a par ailleurs invité le SEASP à établir un rapport complémentaire.

d. Le 2 octobre 2023, A______ s’est, d’une part, prononcé sur la requête de B______ et a, à son tour, formé une requête de mesures superprovisionnelles, tendant à obtenir l’autorisation de se rendre au Maroc avec son fils D______ pour une durée de deux mois ; il s’est également opposé à ce que B______ réintègre provisoirement l’ancien domicile conjugal.

A l’appui de sa requête, A______ a allégué, en substance, que depuis le départ de B______ du domicile conjugal, il assumait seul le suivi de la scolarité des deux mineurs et tout particulièrement de D______ ; il était par conséquent essentiel qu’il puisse continuer à le faire durant son séjour au Maroc, limité à deux mois, mission qu’il ne pouvait refuser, au risque de perdre son emploi. Il s’était assuré, en accord avec l’école E______ fréquentée par D______, que celui-ci puisse suivre des leçons quotidiennement, par visioconférence, qu’il bénéficie sur place d’un tuteur professionnel, en la personne de I______, recommandé par le H______ et qu’il puisse garder le contact avec ses camarades d’école à Genève et avec sa conseillère scolaire. Lui-même serait disponible pour superviser ses devoirs, comme il l’était à Genève. C______ pour sa part était autonome et serait sous la surveillance de deux employées de H______, J______ et K______, lesquelles « utiliseraient » l’appartement sis no. ______, rue 1______, ce qui serait incompatible avec la présence de B______. D______ pourrait passer les vacances scolaires d’octobre avec sa mère.

e. Par arrêt ACJC/1296/2023 du 3 octobre 2023 rendu à titre superprovisionnel, la Cour a rejeté la requête de A______.

f. Le 4 octobre 2023, A______ a formé une nouvelle requête de mesures superprovisionnelles, similaire à celle du 2 octobre 2023, rejetée par arrêt ACJC/1305/2023 du même jour.

g. A______ est finalement parti seul pour le Maroc, les deux enfants l’ayant rejoint durant les vacances d’octobre, avant de revenir à Genève.

h. Le SEASP a rendu son rapport complémentaire le 30 octobre 2023.

Il en ressort notamment que B______ entendait s’occuper personnellement des enfants durant le séjour de leur père au Maroc. Elle aurait souhaité qu’ils s’installent avec elle à G______. Compte tenu de la distance entre G______ et l’école fréquentée par les enfants à F______, elle s’était toutefois engagée à rester à Genève avec les mineurs le lundi, mardi et jeudi soir, dans l’ancien domicile conjugal, qu’elle trouvait sale et négligé. Elle conduirait en revanche les mineurs à G______ le mercredi et le vendredi après l’école, pour les ramener respectivement le jeudi matin et le lundi matin pour 8h20 (en partant entre 6h45 et 7h00). Elle considérait être en mesure de se charger des devoirs de D______ et d’assurer son suivi scolaire pendant l’absence du père.

A______, contacté par visioconférence, a confirmé vouloir que D______ le rejoigne au Maroc. Il a répété que l’enfant serait encadré par un éducateur anglophone de 8h00 à 18h00, lequel serait quotidiennement en lien avec la tutrice du mineur au sein de E______. Lui-même serait disponible le soir et le week-end. Les résultats scolaires de son fils étaient médiocres et sans un appui intensif, il risquait de ne pas réussir son année. Or, lorsque D______ était avec sa mère, les devoirs n’étaient pas faits.

Selon la tutrice de D______ au sein de E______, celui-ci semblait un peu distrait et inquiet et se disait fâché par la situation familiale. L’école avait donné son autorisation pour le départ de l’enfant au Maroc, où il pourrait suivre les cours à distance. Une telle manière de procéder n’avait encore jamais été expérimentée, de sorte qu’il n’était pas certain qu’elle fonctionne. Si D______ devait se retrouver seul durant la journée, il aurait de la peine à suivre les cours. En revanche, s’il était accompagné, il y parviendrait. Les enseignants et elle-même souhaitaient, si D______ devait se rendre au Maroc, qu’il réalise « un projet » autour des organisations internationales ainsi que du séisme qui avait touché ce pays, travail qu’il présenterait en classe à son retour, afin de pratiquer son anglais et d’enrichir sa culture, ce qui serait un bon exercice pour lui. L’enfant avait pu exprimer le fait qu’il craignait un peu de se rendre au Maroc. Selon la tutrice, quatre semaines ne seraient pas déterminantes dans sa scolarité.

Le SEASP a relevé que le conflit parental était encore très marqué, les parties s’adressant des reproches réciproques et échangeant peu au sujet de leurs enfants. La majorité des informations étaient échangées par l’entremise de C______ et des avocats, ce qui impactait les mineurs. C______ se sentait délaissée et D______ semblait prendre parti pour l’un ou l’autre. Selon le SEASP, il était préférable que les deux enfants demeurent à Genève, sous la responsabilité de leur mère, pour autant que celle-ci accepte de ne pas faire deux trajets G______-Genève par semaine, mais un seul. En demeurant en Suisse, D______ resterait scolarisé dans des conditions de stabilité et de continuité. Il était préférable qu’il puisse suivre les cours en présentiel et bénéficier de l’appui de sa tutrice. Frère et sœur demeureraient par ailleurs ensemble. La fratrie expliquait apprécier de vivre provisoirement avec la mère.

Le SEASP a par conséquent préconisé d’autoriser B______ à prendre en charge les enfants du 24 octobre au 4 décembre 2023 de la manière suivante : à G______ du vendredi soir au lundi matin et à Genève du lundi soir au vendredi matin. B______ s’était engagée, auprès du SEASP, à rester toute la semaine à Genève.

Les deux mineurs ont été entendus par le SEASP.

D______ a déclaré que tout se passait bien avec sa mère, qui prenait soin de lui. Il avait passé le dernier week-end à G______ et s’était bien amusé. Les trajets entre G______ et son école à F______ ne lui paraissaient pas longs ; il les effectuait soit en voiture, soit en train. Il s’était rendu au Maroc durant l’été et il avait apprécié son séjour, car il avait pu faire du chameau et du quad. Il avait fréquenté l’école et avait appris beaucoup de choses. Durant la dernière semaine, il avait toutefois été harcelé par d’autres enfants qui vivaient dans la même résidence que lui et n’apprécierait pas d’y retourner. Il n’appréciait pas vraiment de suivre les cours en visioconférence, car il parvenait moins à parler aux enseignants.

C______ pour sa part a indiqué se sentir adulte et ne pas avoir besoin que sa mère vienne s’occuper d’elle durant l’absence de son père. Elle pouvait rester seule dans l’appartement et se rendre de temps à autre à G______ ou sa mère pouvait passer la voir deux ou trois fois par semaine. Elle a déclaré être proche de sa mère, laquelle l’écoutait et lui donnait de l’affection. Elle se sentait également proche du compagnon de sa mère, qu’elle trouvait « ouvert ». Les trajets ne la dérangeaient pas. Elle obtiendrait son diplôme en juin 2024 et souhaitait ensuite s’inscrire à G______ dans une école hôtelière et résider chez sa mère. Selon elle, D______ n’avait pas le courage de dire à leur père qu’il souhaitait passer plus de temps avec leur mère.

i. Les parties ont été invitées à se déterminer sur ce rapport.

Selon A______, D______ était manipulé par sa mère. Le SEASP n’avait par ailleurs pas procédé à l’audition du tuteur marocain de D______, qui s’était déjà occupé de lui. Pour le surplus, A______ a fait part de ses inquiétudes s’agissant de la prise en charge de D______ par sa mère et notamment des trajets entre G______ et l’école de F______ aux heures de pointe. Il n’était enfin pas crédible que B______ renonce à se rendre à G______ avec les enfants durant la semaine. A______ a sollicité un complément de rapport du SEASP et a persisté dans ses conclusions portant sur la prise en charge de D______ par lui-même, au Maroc, du 11 novembre au 4 décembre 2023.

j. B______ pour sa part n’a pas déposé de nouvelles observations.

k. B______ sera désignée ci-après comme la requérante et A______ comme le cité.

 

EN DROIT

1.             1.1 Des mesures provisionnelles peuvent valablement être prononcées dans le cadre d’une procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, notamment lorsque cette procédure risque de se prolonger (ACJC/141572022 du 21 octobre 2022 consid. 1.3). De telles mesures ne peuvent toutefois être ordonnées que pour autant que les conditions posées par l’art. 261 CPC soient réunies (ACJC/154/2014 du 7 février 2014 consid. 4).

Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).

1.2 En l’espèce, il s’agit de déterminer si le mineur D______ doit être autorisé, contre l’avis de sa mère, à rejoindre son père au Maroc. Plus largement, il s’agit, compte tenu du départ momentané du cité, qui assurait, de fait, la garde des deux mineurs, de régler la question de leur prise en charge durant son absence. La question du préjudice doit par conséquent s’examiner en prenant en considération non pas l’intérêt des deux parents, mais celui des mineurs, étant rappelé que les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant les enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

2.             Le cité a sollicité un complément d’instruction.

La Cour ne donnera pas suite à cette requête. Le cité lui-même a en effet allégué que son séjour au Maroc s’achèverait le 4 décembre 2023 ; il est ainsi prévu qu’il revienne à Genève au début du mois de décembre. Une instruction complémentaire aurait dès lors pour effet de prolonger la procédure de mesures provisionnelles, au point que celle-ci deviendrait sans objet compte tenu de la date de retour à Genève du cité.

3.             3.1 Le bien de l'enfant constitue la règle fondamentale en matière d'attribution des droits parentaux (ATF 143 I 21 consid. 5.5.3; 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_174/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

Pour ce qui est des critères d'attribution des droits parentaux, entrent en ligne de compte les relations entre les parents et l'enfant, les capacités éducatives respectives des parents, l'aptitude des parents à prendre soin de l'enfant personnellement et à s'en occuper, ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent; il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaire à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (ATF 117 II 353 consid. 3; 115 II 206 consid. 4a).

3.2 Les critères pour l’attribution de la garde d’un mineur, mis en évidence ci-dessus, ne sont que partiellement applicables dans le cas d’espèce, puisqu’il s’agit de statuer provisionnellement, pour une période de quelques semaines seulement. Il est à cet égard regrettable que les parents, tous deux détenteurs de l’autorité parentale, ne soient pas parvenus à collaborer afin d’organiser d’un commun accord la prise en charge de leurs enfants pendant la période d’absence du cité, ce qui aurait évité de placer les mineurs dans un conflit de loyauté.

Deux solutions sont envisageables durant l’absence du cité :

La première consiste à attribuer provisoirement la garde du mineur D______ à son père et à l’autoriser à le rejoindre au Maroc, C______ devant pour sa part rester à Genève. Il ressort de la procédure que l’école de D______ a donné son accord et a mis en place un programme que l’enfant devrait être en mesure de suivre à distance, à condition qu’il soit suivi par un tuteur, accompagnement que le cité a déclaré avoir mis en place. D______ s’est déjà rendu au Maroc durant l’été dernier, ainsi que pendant la semaine de vacances d’octobre, de sorte que ce nouvel environnement ne lui serait pas totalement étranger. Il en a apprécié certains aspects, mais ne garde pas que des bons souvenirs de ses séjours. Il a par ailleurs déclaré avoir plus de peine à travailler par visioconférence qu’en présentiel. Au Maroc, il pourrait bénéficier, le soir et le week-end, de la présence de son père, lequel suit habituellement sa scolarité. Il devra toutefois modifier ses habitudes pour quelques semaines seulement, alors qu’il souffre d’un trouble autistique.

La seconde solution consiste à attribuer provisoirement la garde du mineur D______ à la requérante et à autoriser cette dernière à réintégrer l’ancien domicile conjugal pendant la durée de l’absence du cité, conformément à ce qui a été fait sur mesures superprovisionnelles. De cette manière, D______ pourra demeurer dans son environnement habituel et continuera de suivre les cours en présentiel, assisté de sa tutrice habituelle ; il ne sera pas non plus séparé de ses camarades et de sa sœur. Sa mère est certes moins impliquée dans son suivi scolaire, de sorte que les devoirs risquent d’être moins bien préparés. Par ailleurs, la requérante, bien qu’elle se soit opposée au départ de D______ au Maroc, a toutefois de la peine à se mobiliser pour s’occuper de ses deux enfants à Genève pendant la semaine, considérant qu’elle peut leur imposer, outre les déplacements durant le week-end, également un aller-retour à G______ entre le mercredi et le jeudi, ce qui est susceptible d’induire une fatigue inutile chez les enfants et fait craindre une arrivée tardive à l’école le jeudi matin.

Les options décrites ci-dessus présentent par conséquent toutes deux des avantages et des inconvénients et aucune ne se détache de manière évidente.

Il convient toutefois, pour statuer, d’inclure la situation de C______ dans le raisonnement. Cette dernière est certes âgée de 17 ans. Il n’en demeure pas moins qu’elle est encore mineure. Quand bien même elle considère pouvoir demeurer seule à Genève, il serait préférable qu’elle soit, malgré tout. sous la surveillance d’un adulte. Le cité a certes mentionné deux employées des L______ qui « utiliseraient » l’appartement familial et pourraient ainsi veiller sur C______. Une telle organisation, qui ne semble avoir été envisagée qu’après le dépôt de la première requête de mesures superprovisionnelles, paraît toutefois peu cadrée, dans la mesure où rien n’indique que l’une ou l’autre de ces personnes s’installera réellement à demeure avec C______, laquelle pourrait également rejeter cette solution. Il est également douteux que la requérante, qui peine manifestement à s’installer à Genève durant la semaine, le fasse en l’absence de D______ et pour s’occuper de la seule C______. Elle sera en revanche plus encline à le faire si elle a la charge des deux mineurs.

Au vu de ce qui précède et pour la durée de l’absence du cité exclusivement, la garde des deux enfants sera attribuée à leur mère, qui devra l’exercer à Genève du lundi matin au vendredi matin et pourra l’exercer à G______ du vendredi à la sortie de l’école jusqu’au lundi matin retour en classe. Elle sera, pour ce faire, autorisée à réintégrer l’ancien appartement conjugal. En tant que de besoin, il sera fait interdiction au cité d’emmener ou de faire emmener son fils D______ au Maroc sans l’accord de la requérante.

3.3 La requérante devant prendre en charge les deux mineurs pendant l’absence de leur père, il se justifie de condamner A______ à verser en ses mains une contribution de 150 fr. par semaine et par enfant, à compter du 24 octobre 2023, date du retour des enfants de leur semaine de vacances au Maroc et ce jusqu’au retour à Genève de leur père.

4.             Il sera statué sur les frais de la présente procédure dans l’arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant à titre provisionnel :

Attribue à B______, pendant la durée de l’absence de A______ au Maroc, la garde des mineurs D______, né le ______ 2010 et C______, née le ______ 2006.

Dit que ladite garde devra s’exercer à Genève du lundi matin au vendredi à la sortie de l’école et pourra s’exercer à G______ (Valais) du vendredi à la sortie de l’école jusqu’au lundi matin retour en classe.

Fait interdiction, en tant que de besoin, à A______ d’emmener ou de faire emmener son fils D______ au Maroc sans l’accord de B______.

Autorise B______ à réintégrer provisoirement l’appartement situé no. ______, rue 1______ à Genève, afin de s’occuper des deux mineurs, jusqu’au retour de A______ du Maroc. 

Condamne A______ à verser à B______ un montant de 150 fr. par semaine et par enfant à titre de contribution à leur entretien, à compter du 24 octobre 2023 et jusqu’à son retour à Genève.

Dit qu’il sera statué sur les frais de la présente procédure dans l’arrêt au fond.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président ; Madame Pauline ERARD et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges ; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.