Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/18121/2020

ACJC/1415/2023 du 17.10.2023 sur JTPI/11428/2022 ( OO ) , JUGE

Normes : CPC.81.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18121/2020 ACJC/1415/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [ZH], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 septembre 2022, représentée par Me Yero DIAGNE, avocat, Nordmann Diagne Avocats, rue de l'Ale 25, 1002 Lausanne,

et

1) Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Pierre-André BEGUIN, avocat, BRH Partners LLC, avenue de Miremont 12,
1206 Genève,

2) Monsieur C______, domicilié ______ (France), autre intimé,

3) Monsieur D______, domicilié ______ (France), autre intimé,

4) Madame E______, domiciliée ______ (France), autre intimée,

5) Monsieur F______, domicilié ______ (France), autre intimé,

Monsieur G______, domicilié ______ (France), autre intimé, représentés par Me Pierre-Damien EGGLY et Me François ROD, avocats, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8,

6) Monsieur H______, domicilié ______ (VD), autre intimé,

7) Monsieur I______, domicilié ______ [VD], autre intimé, représentés par Me François ROUX, avocat, rue de la Paix 4, case postale 7268, 1002 Lausanne,

8) Monsieur J______, domicilié ______ (GE), autre intimé, représenté par Me Serge FASEL, avocat, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 2 novembre 2023

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11428/2022 rendu le 30 septembre 2022 et reçu le 3 octobre 2022 par A______ SA, le Tribunal de première instance, statuant sur admissibilité d'appel en cause, a admis la demande d'appel en cause de A______ SA formée par B______ en tant qu'elle concernait ses prétentions en lien avec ses honoraires d'avocat pour la présente procédure et les frais et dépens y relatifs (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevable ladite demande d'appel en cause en tant qu'elle concernait les prétentions reconventionnelles formées par C______, D______, E______, F______ et G______ à l'encontre de B______ et les frais et dépens y relatifs (ch. 2), réservé le sort des frais judiciaires (ch. 3) et réservé la suite de la procédure (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 11 octobre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a recouru contre le jugement susmentionné, sollicitant son annulation, à l'exception du chiffre 2 de son dispositif, avec suite de frais.

Elle a conclu à ce que le chiffre 1 du dispositif dudit jugement soit reformulé comme suit : "Déclare irrecevable la demande d'appel en cause de A______ SA formée par B______ en tant qu'elle concerne ses prétentions en lien avec ses honoraires d'avocat pour la présente procédure et les frais et dépens y relatifs". Elle a également conclu à la condamnation de B______ aux frais et dépens de la procédure d'appel en cause de première instance.

b. B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

c. C______, D______, E______, F______ et G______ ont conclu à l'admission du recours et à la condamnation de B______ aux frais et dépens.

d. H______, I______ et J______ s'en sont remis à justice.

e. A______ SA a répliqué et persisté dans ses conclusions.

f. B______ d'une part, ainsi que C______, D______, E______, F______ et G______ d'autre part, ont dupliqué et persisté dans leurs conclusions.

g. Par pli du 17 janvier 2023, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______ est avocate, inscrite au barreau de Genève; elle est domiciliée à K______, dans le canton de Genève.

b. C______, D______, E______, F______ et G______, sont les enfants de L______.

En 2008, L______ a constitué la Fondation M______ (ci-après : La Fondation) pour le rayonnement de l'esprit de N______ [VD], en y affectant l'usufruit sur le Château de N______, ses annexes et son parc, lui-même et ses descendants conservant un droit d'usage gratuit sur les appartements privés du château.

c. Le 15 février 2012, L______ a signé une procuration en faveur de B______. Il y est précisé que le décès, la déclaration d'absence, l'incapacité ou la faillite du client ne mettront pas fin à ladite procuration.

d. Le 1er mars 2012, L______ a signé, par devant Me H______, notaire à O______ (VD), une "procuration générale" en faveur de B______. Il y est précisé que "les pouvoirs résultant de la procuration générale ne s'éteindront pas par la mort ou l'incapacité de mandant mais subsisteront en application des art. 35 al. 1 in fine et 405 al. 1 in fine CO".

e. Le 5 septembre 2012, L______ a signé un "mandat pour cause d'inaptitude" par devant Me H______. Il y est indiqué que pour le cas où il deviendrait incapable de discernement, temporairement ou définitivement, il désignait en qualité de mandataire B______, et que "le mandataire disposera[it] des pouvoirs les plus étendus par la loi", sans limitation.

f. Par testament du 27 septembre 2012, L______ a institué héritiers son épouse et ses cinq enfants. Il a en outre désigné H______, I______, avocat à P______ (VD) et J______, notaire honoraire à Genève, en qualité d'exécuteurs testamentaires.

g. L______ est décédé le ______ 2014 à O______. Seuls ses cinq enfants ont accepté la succession.

h. Par ordonnance du 16 octobre 2014, le juge de paix du district de Q______ (VD) a nommé H______, J______ et I______ aux fins d'établir l'inventaire de sa succession.

Dans ce cadre, B______ a produit une note d'honoraires du 11 novembre 2014 de 89'964 fr. pour l'activité déployée entre le 24 décembre 2013 et le 6 avril 2014, créance admise par les exécuteurs testamentaires.

Elle a également produit une note d'honoraires de 84'672 fr. datée du 24 octobre 2016 pour l'activité déployée après le décès de L______, créance refusée par les exécuteurs testamentaires "à défaut de mandat à elle conféré par l'exécution testamentaire".

Le rapport final de la succession fait état, dans le tableau des actifs, de plusieurs parcelles à N______, dont celle sur laquelle est situé le Château.

i. La mission des exécuteurs testamentaires a pris fin courant 2018.

j. Le 5 avril 2019, B______ a déposé auprès de la Justice de paix du district de Q______ une requête de séquestre ayant pour objet la parcelle sur laquelle est érigé le Château de N______ et appartenant à la communauté héréditaire formée par les enfants C___/D___/E___/F___/G______. Elle s'est prévalue de sa facture du 24 octobre 2016 d'un montant de 84'672 fr. avec intérêts. Cette requête a été admise par ordonnance de séquestre du 5 avril 2019 et les oppositions formées contre ce séquestre ont été rejetées définitivement le 12 novembre 2019.

k. En validation de ce séquestre et en date du 25 août 2020, B______ a fait notifier au représentant de la communauté héréditaire de feu L______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, lequel a été frappé d'opposition.

l. B______ est assurée auprès de A______ SA pour ses activités professionnelles depuis 2018.

A teneur des conditions générales d'assurance (ci-après : CGA), A______ SA s'engage à couvrir la responsabilité civile légale découlant des activités professionnelles mentionnées dans la police et résultant d'un manquement à la diligence professionnelle de l'avocat. Ses prestations comprennent la prise en charge des indemnités dues lors de prétentions justifiées et la défense contre les prétentions injustifiées. Elles incluent les frais d'avocats, de justice et les dépens alloués à la partie adverse, dans la limite de la somme d'assurance convenue par événement. Ne sont en revanche pas assurées "les prétentions pour enrichissement illégitime et en restitution" (art. 7.25 CGA).

D. a. Par demande expédiée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2020, B______ a conclu à la condamnation de C______, D______, E______, F______ et G______ (ci-après : les hoirs), solidairement entre eux, à lui payer 84'672 fr. avec intérêts à 5% dès le 24 octobre 2016 (montant correspondant à sa note d'honoraires du 24 octobre 2016) et au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais.

b. Les hoirs ont conclu à l'irrecevabilité de la demande pour cause d'incompétence ratione loci du Tribunal, à l'admission de l'appel en cause des trois exécuteurs testamentaires H______, I______ et J______, et au déboutement de leur partie adverse, avec suite de frais.

Ils ont en outre conclu, sur demande reconventionnelle, à la condamnation de B______ à leur verser la somme de 532'264 fr. avec intérêts, correspondant aux montants perçus par la précitée à titre d'honoraires pour les activités exercées avant le décès de feu L______ (362'964 fr.), aux sommes payées à des tiers (160'000 fr. à la Fondation, 300 fr. au Tribunal cantonal vaudois et 7'500 fr. au professeur R______ pour la rédaction d'un avis de droit) et à une amende des autorités fiscales (1'500 fr.).

c. Le 30 août 2021, B______ a annoncé à A______ SA le sinistre résultant des prétentions reconventionnelles dont elle faisait l'objet dans le cadre de la présente procédure.

d. Après divers échanges, A______ SA a informé B______ que le sinistre n'était pas pris en charge, au motif que l'art. 7.25 CGA excluait toute couverture, notamment des frais de défense, lorsque l'assurée était visée par une requête en restitution d'honoraires.

e. Par jugement du 15 novembre 2021 le Tribunal a admis la demande d'appel en cause de H______, I______ et J______.

f. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle et réplique du 1er février 2022, B______ a persisté dans ses conclusions et conclu au déboutement des hoirs. Elle a en outre appelé en cause A______ SA (conclusion n° 9) et conclu notamment à ce que le Tribunal :

-            condamne A______ SA à lui verser 32'303 fr. 10 (40'378 fr. 90 sous imputation de la franchise contractuelle de 20%) avec intérêts à 5% l'an dès le 28 janvier 2022 au titre de ses honoraires d'avocat pour la procédure de première instance jusqu'au 28 janvier 2022 (conclusion n° 10);

-            lui donne acte de ce qu'elle ferait valoir ses prétentions pour les honoraires de ses avocats pour leur activité postérieure au 28 janvier 2022 en introduisant des faits nouveaux dans la procédure ou en engageant une action séparée contre A______ SA (conclusion n° 11);

-            condamne A______ SA à la relever et garantir de toute condamnation au titre de dommages-intérêts, de frais et dépens judiciaires à la demande des défendeurs principaux (conclusion n° 12);

-            lui donne acte de ce qu'elle se réservait le droit d'agir séparément contre A______ SA pour recouvrer le montant qu'elle serait astreinte à payer aux défendeurs principaux (conclusion n° 13);

-            condamne A______ SA à lui verser l'ensemble des frais judicaires au sens de l'article 95 al. 1 CPC (conclusion n° 14);

-            déboute tout opposant de toutes conclusions contraires (conclusion n° 15);

-            condamne A______ SA et tout opposant aux frais et dépens (conclusion n° 16).

Elle a fait valoir que ses prétentions contre A______ SA se fondaient sur les prétentions alléguées des hoirs et dépendaient dès lors de l'issue de la procédure principale. Ces prétentions étaient dès lors connexes à celles des hoirs, de sorte que l'appel en cause de A______ SA était recevable.

S'agissant du bien-fondé de ses prétentions contre A______ SA, elle a exposé que les conclusions reconventionnelles formées par les hoirs à son encontre étaient fondées sur sa prétendue responsabilité contractuelle et civile, et non sur les règles de l'enrichissement illégitime, étant souligné qu'une telle prétention était en tout état de cause prescrite. Partant, le refus de A______ SA de couvrir le sinistre était infondé.

g. A______ SA a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête d'appel en cause formée par B______. Elle a fait valoir que les conclusions n° 11, 12 et 13 n'étaient pas chiffrées et que les conclusions n° 10 et 11 - portant sur la prise en charge des frais de défense de B______ - ne dépendaient pas du sort des prétentions principales reconventionnelles. Le lien de connexité et de dépendance nécessaire à l'admissibilité de l'appel en cause faisait dès lors défaut. En outre, ni les prétentions en restitution, y compris les honoraires, ni les frais de défense n'étaient assurés.

h. Les hoirs ont également conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête d'appel en cause déposée par B______, pour les mêmes motifs que ceux énoncés par A______ SA.

i. J______ s'en est rapporté à justice sur l'admissibilité de la requête d'appel en cause.

j. B______ a déposé des déterminations complémentaires le 13 septembre 2022. Elle a notamment renuméroté ses conclusions relatives à l'appel en cause (conclusions n° 9 à 16 renumérotées n° 6 à 13).

k. Les hoirs et A______ SA ont encore déposé des déterminations complémentaires les 22 et 26 septembre 2022, en persistant dans leurs conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 La décision admettant l'appel en cause (cf. art. 82 al. 4 CPC), de même que celle le refusant, sont susceptibles de faire l'objet d'un recours limité au droit selon l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.1 et les références).

La loi prévoit que le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 321 al. 1 CPC). Le délai est de 10 jours pour les décisions prises en procédure sommaire et les ordonnances d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (al. 2).

1.2 En l'espèce, le recours a été interjeté selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 CPC), dans un délai de dix jours suivant la notification du jugement entrepris. Il est dès lors recevable, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner plus avant la question de savoir si la décision querellée doit être considérée comme une ordonnance d'instruction soumise à un délai de recours de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), ou plutôt comme une "autre décision" au sens de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC, soumise au délai de 30 jours (ACJC/848/2022 du 21 juin 2022 consid. 1.2; ACJC/715/2021 du 21 décembre 2021 consid. 1.1 et les références).

1.3 Sont également recevables les réponses des intimés, déposées dans le délai légal (art. 322 al. 2 CPC), ainsi que les réplique et dupliques respectives (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).

1.4 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

La présente procédure est régie par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC).

2. La recourante conteste la décision du Tribunal d'admettre partiellement la demande d'appel en cause formée par B______ (ci-après désignée comme l'intimée).

2.1 Chaque partie au procès principal peut appeler en cause un tiers contre lequel elle a des prétentions pour le cas où elle succomberait sur la demande principale (art. 81 al. 1 CPC).

Il résulte du texte même de cet article que la prétention revendiquée dans l'appel en cause doit présenter un lien de connexité matérielle avec la demande principale. Ainsi, seules les prétentions qui dépendent de l'existence de la demande principale peuvent être exercées dans l'appel en cause. Il s'agit notamment des prétentions en garantie contre un tiers, des prétentions récursoires ou en dommages-intérêts, ainsi que des droits de recours contractuels ou légaux (ATF 147 III 166 consid. 3.1; 142 III 102 consid. 3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3).

En d'autres termes, pour qu'il y ait connexité matérielle, il suffit que, selon l'exposé du dénonçant, la prétention dépende de l'issue de la procédure portant sur l'action principale et qu'ainsi, un potentiel intérêt récursoire soit démontré. Il faut en distinguer les prétentions connexes, qui sont certes en connexité matérielle avec le procès principal, mais dont l'existence ne dépend pas de l'issue de celui-ci, et qui constituent des prétentions indépendantes contre le tiers ne justifiant pas l'appel en cause (arrêts du Tribunal fédéral 5A_753/2021 du 27 janvier 2022 consid. 2.1; 4A_341/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.3 et la référence, résumé in CPC Online, ad art. 84 CPC; Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n° 6 ad art. 81 CPC; Demierre, in Petit commentaire CPC, 2020, n° 11 ad art. 81 CPC).

La prétention faisant l'objet de l'appel en cause apparaît donc comme l'accessoire de celle qui fait l'objet de l'action principale (Schwander, in Kommentar ZPO, 2ème éd. 2016, n° 12 et 22 ad art. 81 CPC). Tel est par exemple le cas lorsqu'un maître de l'ouvrage s'en prend à un entrepreneur général qui veut se retourner le cas échéant contre un sous-traitant (Haldy, op. cit, n° 3 ad art. 81 CPC).

Certains auteurs admettent que l'appel en cause couvre également l'hypothèse dans laquelle l'appelant entend simplement pouvoir opposer le jugement rendu à l'appelé (Haldy, op. cit., n°4 ad art. 81 CPC; Schwander, op. cit., n° 19 ad art. 81 CPC). Il s'agit d'une interprétation extensive de la norme. Il n'y a toutefois aucune controverse en ce qui concerne la possibilité donnée au dénonçant de faire valoir contre l'appelé des prétentions non récursoires, mais simplement connexes à celles qui sont en cause. Cette possibilité est bannie du texte légal et ne ressort pas de la volonté du législateur (Frei, in BSK ZPO, n° 13 et 14 ad art. 81 CPC; Hahn, in Handkommentar ZPO, n° 6 et 7 ad art. 81 CPC).

2.2 Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré - s'agissant de la question litigieuse devant la Cour - que l'intimée avait signé un contrat d'assurance avec la recourante et qu'elle faisait valoir des prétentions contre cet assureur en lien avec ce contrat. Ses conclusions relatives à ses honoraires d'avocat dans la présente procédure (conclusions n° 7 et 8, anciennement n° 10 et 11) dépendaient du sort qui serait réservé aux prétentions reconventionnelles dont elle faisait l'objet de la part des hoirs. Il existait dès lors un lien de connexité matérielle entre ces prétentions et la demande principale (soit la demande reconventionnelle en l'occurrence). En outre, la conclusion n° 7 était chiffrée et la conclusion n° 8 ne pouvait l'être à la date du dépôt de la demande d'appel en cause. Partant, l'appel en cause concernant ces deux conclusions était recevable. Il l'était également "s'agissant des conclusions n° 11 à 13 (anciennement n° 14 à 16) en lien avec les frais et dépens avec les conclusions n° 7 et 8".

2.3 La recourante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les conclusions n° 10 et 11 formulées par l'intimée (renumérotées n° 7 et 8 selon l'écriture du 13 septembre 2022) présentaient un lien de dépendance avec les conclusions reconventionnelles dont celle-ci faisait l'objet. L'intimée n'avait en effet ni allégué ni démontré que les frais de défense qu'elle réclamait à son assurance RC dépendaient du sort des conclusions reconventionnelles prises contre elle par les hoirs. Le Tribunal avait en outre manifestement omis de constater ce que couvrait le contrat d'assurance RC professionnelle d'avocat s'agissant des frais de défense. Or, il découlait des CGA que la recourante prenait à sa charge les frais de défense de l'assurée si le cas était couvert et cela indépendamment de l'issue du procès dont l'assurée faisait l'objet. Les prétentions de l'intimée tendant à la prise en charge de ses frais de défense constituaient dès lors des prétentions indépendantes contre un tiers au sens de la jurisprudence. Celles-ci n'étaient en revanche pas récursoires et ne pouvaient pas justifier l'appel en cause. Le Tribunal aurait dès lors dû déclarer la requête d'appel en cause irrecevable, subsidiairement la rejeter.

L'intimée fait quant à elle valoir que les prétentions des hoirs à son encontre étaient fondées sur sa responsabilité contractuelle au sens de l'art. 398 CO. La recourante refusait toutefois de couvrir ses frais de défense au motif que lesdites prétentions constituaient des "prétentions pour enrichissement illégitime et en restitution" qui étaient exclues de la couverture d'assurance au sens de l'art. 7.25 CGA. Sa prétention tendant à la prise en charge de ses frais d'avocat dépendait dès lors de la qualification juridique des créances des hoirs. Si celles-ci étaient admises à titre de responsabilité contractuelle, le sinistre, et donc ses frais de défense, étaient assurés; si elles étaient admises à titre d'enrichissement illégitime, le sinistre ne l'était pas. En cas de déboutement des hoirs, le Tribunal devrait également statuer sur cette qualification juridique dès lors que celle-ci était déterminante pour la couverture d'assurance. La condition du lien de connexité était ainsi remplie.

2.4 En l'espèce, et comme le relèvent à juste titre les hoirs, le Tribunal s'est borné à affirmer de façon générale que les conclusions n° 10 et 11 de l'intimée (renumérotées n° 7 et 8) dépendaient du sort de la demande reconventionnelle, sans expliquer plus avant en quoi elles étaient concrètement liées à celle-ci. Or, à y regarder de plus près, le lien de connexité devant relier ces conclusions à la demande fait précisément défaut.

In casu, la question à trancher pour juger de l'admissibilité de l'appel en cause de la recourante est celle de savoir si l'issue de l'action reconventionnelle formée par les hoirs à l'encontre de l'intimée est susceptible d'avoir un effet sur la prétention de cette dernière tendant à la prise en charge de ses frais de défense par la recourante. Or, conformément aux CGA applicables - lesquelles ont été dûment alléguées en première instance et dont la portée n'a pas été contestée, de sorte que l'état de fait a été complété sur ce point (voir supra, En fait, let. C.l) -, lesdits frais sont couverts indépendamment de l'issue du procès dont fait l'objet l'assurée. L'obligation de la recourante de prendre à sa charge les frais en question ne dépend dès lors pas de l'admission ou du rejet des prétentions reconventionnelles des hoirs, mais de la question de savoir si le sinistre est couvert ou non en vertu desdites CGA. Il s'ensuit qu'il n'existe pas, sous cet angle, un intérêt récursoire potentiel de l'intimée envers la recourante justifiant l'appel en cause de cette dernière.

Le fait que le procès principal soit susceptible de déterminer le fondement juridique des prétentions reconventionnelles dont l'intimée fait l'objet, et puisse dès lors être pertinent pour décider si la couverture d'assurance est donnée ou non, ne suffit pas non plus pour admettre l'appel en cause. Il demeure en effet que, même si cette question devait être tranchée à titre incident dans le cadre du litige opposant l'intimée aux hoirs (étant précisé qu'elle ne le sera pas nécessairement, le Tribunal pouvant décider de laisser ladite question ouverte au motif qu'elle est sans pertinence pour statuer sur les prétentions des hoirs), l'issue même du litige, à savoir l'éventuelle condamnation de l'intimée à devoir indemniser les hoirs, restera sans portée pour les prétentions que l'intimée entend élever à l'encontre de la recourante, lesquelles sont dues que l'intéressée succombe ou non. En ce sens, le lien de connexité matérielle devant exister entre les conclusions reconventionnelles des hoirs et la créance objet de l'appel en cause fait défaut.

Le souhait de l'intimée de pouvoir opposer à son assurance RC l'autorité de chose jugée que le jugement du Tribunal pourrait - par hypothèse - revêtir s'agissant de la qualification juridique des prétentions des hoirs à son encontre (enrichissement illégitime ou responsabilité contractuelle) n'est pour le surplus pas suffisant pour ordonner l'appel en cause de la recourante. Cette hypothèse n'est pas admise par la jurisprudence relative à l'art. 81 al. 1 CPC.

La condition de connexité matérielle entre la demande principale (reconventionnelle en l'espèce) et les créances de l'intimée tendant à la prise en charge de ses frais de défense n'étant par conséquent pas réalisée, la demande d'appel en cause de la recourante aurait dû être rejetée en tant qu'elle concernait les prétentions de l'intimée en lien avec ses honoraires d'avocat pour la procédure l'opposant aux hoirs et les frais et dépens y relatifs.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Au vu de ce qui précède, la question de savoir si l'appel en cause formé par l'intimée aurait dû être déclaré irrecevable au motif que celle-ci n'avait pas - comme le soutiennent la recourante et les hoirs - suffisamment motivé en quoi les prétentions élevées à l'encontre de son assurance RC dépendaient concrètement de l'issue de la procédure portant sur l'action principale, peut souffrir de rester indécise.

3. 3.1 Le Tribunal statue sur les frais dans la décision finale (art. 104 al. 1 CPC).

Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC applicable par analogie à l'instance de recours lorsque celle-ci réforme la décision précédente; cf. Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n°9 ad art. 327 CPC).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a renvoyé la fixation des frais judiciaires liés à la décision sur l'appel en cause à la décision finale. La demande d'appel en cause étant cependant rejetée aux termes du présent arrêt, les frais en question seront fixés à 1'000 fr. (art. 96, 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; 20 al. 1 RTFMC) et mis à la charge de l'intimée, qui succombe. Ils seront compensés avec l'avance du même montant effectuée par la précitée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimée sera également condamnée à verser 1'800 fr. à titre de dépens de première instance à la recourante d'une part et aux hoirs, pris solidairement, d'autre part (art. 95 al. 3, 96 et 105 al. 2 CPC; 84, 85 et 87 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC), compte tenu du travail estimé pour les deux écritures déposées par les conseils de chacune de ces parties.

Le chiffre 3 du dispositif entrepris sera réformé en ce sens.

3.3 Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 95 al. 1 et 2, 96, 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; 41 RTFMC) et compensés avec l'avance de frais de même montant effectuée par la recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Compte tenu de l'issue du présent litige, ces frais seront mis à la charge de l'intimée (art. 106 al. 1 CPC). Celle-ci sera par conséquent condamnée à verser 1'200 fr. à la recourante à titre de remboursement de l'avance fournie par celle-ci.

L'intimée sera également condamnée à verser 1'500 fr. à titre de dépens de recours à la recourante d'une part et aux hoirs, pris solidairement, d'autre part (art. 95 al. 3, 96 et 105 al. 2 CPC; 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC), compte tenu de l'activité déployée par leurs conseils devant la Cour.

Les exécuteurs testamentaires s'en étant remis à justice, il n'y a pas lieu de leur allouer de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA le 11 octobre 2022 contre le jugement JTPI/11428/2022 rendu le 30 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18121/2020-5.

Au fond :

Annule les chiffres 1 et 3 du dispositif du jugement entrepris et statuant à nouveau sur ces points :

Rejette la demande d'appel en cause de A______ SA formée par B______ en tant qu'elle concerne ses prétentions en lien avec ses honoraires d'avocat pour la procédure l'opposant à C______, D______, E______, F______ et G______, et les frais et dépens y relatifs.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'000 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie par la précitée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 1'800 fr. à A______ SA à titre de dépens de première instance.

Condamne B______ à verser 1'800 fr. à C______, D______, E______, F______ et G______, pris solidairement, à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais du recours :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'200 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance versée par A______ SA, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à rembourser à A______ SA 1'200 fr. à titre de frais judiciaires.


 

Condamne B______ à verser 1'500 fr. à A______ SA à titre de dépens de recours.

Condamne B______ à verser 1'500 fr. à C______, D______, E______, F______ et G______, pris solidairement, à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur Ivo BUETTI, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.